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SG/SM/7005

LE SECRETAIRE GENERAL AFFIRME QU'IL EST TEMPS DE TRANSFORMER NON SEULEMENT L'IMAGE MAIS AUSSI LA REALITE DE L'AFRIQUE

26 mai 1999


Communiqué de Presse
SG/SM/7005
AFR/144


LE SECRETAIRE GENERAL AFFIRME QU'IL EST TEMPS DE TRANSFORMER NON SEULEMENT L'IMAGE MAIS AUSSI LA REALITE DE L'AFRIQUE

19990526 On trouvera, ci-après, le message du Secrétaire général, M. Kofi Annan, adressé à l'occasion de la Conférence de l'OUA "Journée de l'Afrique", et prononcé en son nom par M. Kieran Prendergast, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques le 26 mai 1999 à Londres :

C'est pour moi une grande joie de vous adresser mes meilleurs voeux, à vous tous, réunis à Londres à l'occasion de cet événement important, dont le but est d'insuffler à la cause de la paix et du développement de l'Afrique une énergie nouvelle et un espoir nouveau.

Ce n'est pas d'hier que l'Organisation des Nations Unies et l'Organisation de l'unité africaine conjuguent avec succès leurs efforts : elles l'ont fait en tant que champions des droits et de l'autonomie de l'Afrique; en tant que partenaires dans la lutte pour la décolonisation et contre l'apartheid et en tant que partisans des efforts déployés par l'Afrique pour améliorer ses perspectives économiques et son avenir politique.

Aujourd'hui, nous poursuivons notre tâche dans un contexte qui est à la fois nouveau et ancien.

Il est nouveau en raison de l'évolution rapide des techniques et de la mondialisation des échanges, des investissements et des marchés financiers. Nous ne prétendons certes pas que l'expérience de la mondialisation ait été partout positive : il nous suffit de voir les conséquences de la crise en Asie pour savoir avec quelle rapidité une chance peut tourner au désastre. Il n'en reste pas moins que la mondialisation est source de progrès spectaculaires et que l'Afrique peut et doit jouer un rôle encore plus important dans ce phénomène.

Le contexte est par ailleurs nouveau en raison de l'Afrique elle-même.

Tout au long des années 90, dans toutes les régions du monde, les régimes politiques sont devenus plus ouverts. Les groupes de la société civile sont de plus en plus nombreux et de plus en plus forts et, grâce à eux, les gens peuvent participer de plus près aux décisions qui touchent leur vie. Démocratie, bonne conduite des affaires publiques, transparence, responsabilisation et primauté du droit sont, de l'avis de tous, les bases du fonctionnement de nos sociétés — et, ce qui n'est pas le moins important, un moyen d'attirer des investissements, intérieurs et étrangers.

Les économies africaines connaissent une transformation similaire et, pour la plupart, elles commencent à aller de l'avant, après des années de stagnation et de déclin. De nombreux pays privatisent des secteurs étatiques moribonds. Ils renforcent les marchés financiers, réforment les cadres institutionnels, étoffent les infrastructures de communication et développent le secteur des affaires. Cette transformation, il importe ici de le souligner, a signifié beaucoup de souffrances et de sacrifices, au moins dans le court terme, pour l'Africain moyen.

Ce sont là les défis nouveaux et sans précédent de notre époque. Mais il est également vrai qu'en cette fin du XXe siècle, l'Afrique continue d'être ravagée par de vieux problèmes, que l'on ne connaît que trop.

La pauvreté et le sous-développement continuent de sévir en un cercle vicieux et la pauvreté absolue est le lot de près de 5 Africains sur 10. La croissance économique de ces dernières années, bien qu'ayant dépassé le rythme de la progression démographique et bien qu'étant intervenue en période de ralentissement de la croissance mondiale, n'a pas été assez forte pour avoir une incidence importante sur la pauvreté. L'épidémie VIH/sida tue plus de 5 000 personnes par jour. Et des besoins fondamentaux en nourriture, éducation et santé ne sont pas couverts en raison des remboursements de la dette ou de dépenses militaires que rien ne justifie.

Les conflits n'ont fait qu'exacerber ces problèmes et ils ont compromis de nombreux gains de l'Afrique. Il est désespérant de voir que l'Afrique est présentée, à tort, comme un continent en conflit permanent et en instabilité perpétuelle. Mais il est encore plus désespérant de voir que les conflits et l'instabilité sont aujourd'hui une réalité en République démocratique du Congo, en Angola, en Somalie et au Soudan, en République centrafricaine, Guinée-Bissau et Sierra Leone; entre l'Ethiopie et l'Erythrée; de son côté, le Congo-Brazzaville est le théâtre d'un conflit qui est passé presque inaperçu.

Cette énumération est pénible. L'Afrique a besoin de paix; et, plus que quiconque, ce sont les pauvres de l'Afrique qui ont besoin de paix. Dans le rapport que j'ai présenté au Conseil de sécurité l'année dernière sur les causes des conflits et la promotion d'une paix durable et d'un développement viable en Afrique, j'ai souligné qu'il était impératif que les efforts visant à garantir la paix aillent de pair avec des mesures visant à mettre fin à la pauvreté en Afrique.

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C'est à cette fin que j'ai lancé un appel pour la promotion de l'investissement et de la coopération économique, pour l'ouverture des marchés internationaux aux produits africains et pour un allégement de la dette, allégement qui ne se fasse pas aux dépens de l'aide publique au développement. Il faut que les choses soient bien claires à ce sujet : il est indispensable d'inverser la tendance à la diminution de l'APD. En fait, il faut considérablement augmenter l'aide publique au développement. Nous devons récompenser les pays qui sont sur le point de recueillir les fruits d'une politique douloureuse d'ajustement. Qui plus est, nous devons trouver des moyens de faire en sorte que l'APD vienne compléter les investissements privés, étrangers et intérieurs.

D'un autre côté, nous savons tous que certains investisseurs privés — non pas les entreprises multinationales les plus perspicaces, ni les Africains les plus patriotes — ne vont pas risquer leurs capitaux durement gagnés dans des terrains peu sûrs. Le problème qui se pose est donc de taille, mais on peut le résoudre avec succès si on l'aborde globalement. Cela exige, très précisément, la volonté politique de résoudre les conflits par des moyens politiques et non militaires, de s'employer sérieusement à assurer une bonne conduite des affaires publiques et de promouvoir la croissance économique, la justice sociale et les droits de la personne humaine.

L'Organisation des Nations Unies et l'OUA travaillent étroitement ensemble pour atteindre ces objectifs.

Notre coopération s'est élargie et s'est renforcée après la création, en 1993, du Mécanisme de l'OUA pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits. Il y a deux ans, le Secrétaire général de l'OUA, M. Salim Salim, et moi-même avons convenu de nous rencontrer deux fois par an, avec nos conseillers principaux, afin de discuter des questions prioritaires présentant un intérêt commun et de coordonner nos initiatives. Ces réunions se sont tenues immédiatement après les sommets de l'OUA et pendant l'Assemblée générale. Un certain nombre de mesures de suivi concrètes ont déjà été prises. En mai 1998, un bureau de liaison des Nations Unies avec l'OUA a été créé à Addis-Abeba. La nomination d'un représentant spécial conjoint ONU/OUA pour la région des Grands Lacs en 1997 a été une autre mesure novatrice. J'espère que ces dispositions, auxquelles viendront s'ajouter d'autres, permettront d'aller de l'avant.

L'OUA et l'Organisation des Nations Unies sont également partenaires sur les fronts économique et humanitaire. Le Nouvel Ordre du jour pour le développement de l'Afrique dans les années 90 et ses organes d'application, l'action menée à l'échelle du système des Nations Unies en faveur de l'Afrique, lancée il y a trois ans, sont des éléments essentiels des efforts que nous déployons pour tirer avantage des progrès économiques importants faits récemment par de nombreux pays africains.

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D'autres initiatives — comme la seconde Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique, le partenariat Afrique-Suède, la proposition de Cologne et d'autres propositions du G-7 concernant l'allégement de la dette; l'Africa Growth and Opportunity Act, dont est actuellement saisi le Congrès des Etats-Unis; et la politique de coopération en faveur du développement récemment lancée par le Royaume-Uni, sont autant de preuves de la solidarité internationale actuelle à l'égard de l'Afrique.

En Afrique, comme partout ailleurs, ce sont les peuples et leurs dirigeants qui doivent eux-mêmes faire les choix fondamentaux.

Dans trois jours exactement, un pays africain va célébrer plusieurs choix qu'il a faits — en faveur de la démocratie et de la primauté du droit — et qui ont rendu ses perspectives plus brillantes qu'elles n'ont été depuis longtemps. Je parle évidemment du Nigéria, où le Président élu, Olusegun Obasanjo, va succéder au général Abubakar. J'ai eu le privilège d'aider le Nigéria dans ce processus, et l'Organisation des Nations Unies contribuera toujours activement à sa consolidation. Ce que l'histoire récente du Nigéria montre — et ce que l'Afrique du Sud nous a montré depuis la fin de l'apartheid — c'est qu'une direction judicieuse et raisonnable peut transformer les perspectives d'une nation. C'est la preuve que l'Afrique peut tourner une nouvelle page.

À une époque où l'Afrique et le monde entier connaissent des changements fondamentaux, il est temps de saisir l'occasion qui s'offre et de faire naître l'Afrique que les Africains méritent. Il est temps de transformer non seulement l'image de l'Afrique, mais aussi sa réalité. Il est temps pour les Africains de commencer à tirer les avantages de leurs sacrifices et à passer de l'état présent de reprise fragile à une situation plus solide pour demain. L'OUA et l'Organisation des Nations Unies peuvent travailler encore plus étroitement face au double défi que présentent la paix et le développement, et j'ai hâte d'étudier toutes les possibilités qui s'ouvrent encore à nous. C'est dans cet esprit que je vous prie d'accepter mes meilleurs voeux pour le succès de cette conférence importante.

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