TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE TENUE PAR LE SECRETAIRE GENERAL DE L'ONU, M. KOFI ANNAN, AU SIEGE DES NATIONS UNIES A NEW YORK, LE 5 AVRIL 1999
Communiqué de Presse
SG/SM/6944
TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE TENUE PAR LE SECRETAIRE GENERAL DE L'ONU, M. KOFI ANNAN, AU SIEGE DES NATIONS UNIES A NEW YORK, LE 5 AVRIL 1999
19990405 Le Secrétaire général (parle en anglais): J'ai le plaisir d'annoncer que je viens de parler à Hans Corell, qui m'informe de l'arrivée aux Pays-Bas des deux ressortissants libyens accusés de la destruction de l'avion du vol 103 de la Pan Am au-dessus de Lockerbie, en Ecosse, en 1988. Je suis soulagé et satisfait de cette nouvelle. Cet événement marque une étape déterminante dans la longue épreuve qu'ont traversée toutes les personnes concernées par cette affaire, en particulier les familles des victimes, qui ont subi des pertes irréparables.Je tiens à remercier tous ceux qui se sont employés à rendre cela possible. Je voudrais exprimer ma satisfaction personnelle aux Gouvernements de la Jamahiriya arabe libyenne, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et des Etats- Unis, ainsi qu'aux autres dirigeants et gouvernements qui ont contribué de manière décisive à régler cette affaire. Je suis tout particulièrement redevable au Président Mandela, de l'Afrique du Sud, ainsi qu'au roi Fahd et au Prince héritier Abdallah d'Arabie saoudite pour leur aide et leur soutien. Le Gouvernement italien a également apporté un soutien déterminant en aidant à organiser le transport des suspects, ce dont je lui suis extrêmement reconnaissant. Je ne doute pas que les deux suspects bénéficieront d'un procès équitable au tribunal écossais chargé de les juger aux Pays-Bas. J'attends également avec intérêt la reprise le plus tôt possible de relations normales entre la Libye et le reste de la communauté internationale.
Question (anglais): Est-ce que cela signifie que nos sanctions de l'ONU sont dès à présent suspendues contre la Libye ?
Le Secrétaire général (parle en anglais): Je vais incessamment soumettre un rapport au Président du Conseil de sécurité, avec confirmation de l'arrivée des deux hommes aux Pays-Bas et de leur présence aux mains des autorités néerlandaises, et le Conseil prendra la décision de suspendre les sanctions immédiatement.
Question (anglais) : Le Conseil doit-il ou non se prononcer officiellement, se réunir officiellement, pour suspendre ces sanctions ?
Le Secrétaire général (parle en anglais) : Je le suppose. Je suppose que le Conseil devra prendre une décision et je pense, d'après ce que j'en sais, que ce doit être plus ou moins automatique. Il se réunira pour prendre une décision.
Question (anglais): Pourriez-vous nous donner une idée des péripéties des négociations, et en particulier de la raison pour laquelle vous n'avez pas pu obtenir la sortie des deux suspects lors de votre visite de décembre en Libye ?
Le Secrétaire général (parle en anglais): Je dirais, tout d'abord, que c'est un problème qui dure depuis 10 ans et que beaucoup d'efforts y ont été consacrés. Avant d'aller en Libye, j'ai eu des contacts avec un assez grand nombre de dirigeants de la région et des entretiens très utiles et constructifs avec l'un d'entre eux, Kadhafi, dont je vous ai rendu compte, dans la presse.
Nous avons accepté de travailler ensemble et j'ai également précisé qu'après mes entretiens avec lui, il apparaissait que le Président Mandela et le Gouvernement d'Arabie saoudite pouvaient jouer un rôle ; je leur ai donc demandé de travailler avec moi à cette fin. Ils ont donc appuyé mes efforts et nous devons être conscients qu'on ne s'engage pas dans ce type d'affaires de longue haleine en comptant sur une issue rapide mais qu'on la prépare et qu'on y oeuvre progressivement. Et je suis heureux que nous en soyons arrivés là aujourd'hui.
Question (anglais): Etait-ce l'idée de Kadhafi, de faire participer l'Arabie saoudite et l'Afrique du Sud ?
Le Secrétaire général (parle en anglais): C'était mon idée. Après avoir eu un entretien avec lui, il est apparu clairement que leur intervention pourrait être utile et deux jours après ma visite en Libye, j'ai rencontré le Prince héritier Abdallah et le Président Mandela aux Emirats arabes unis et je leur ai officiellement demandé de travailler avec moi au règlement de ce conflit.
Question : Au cours des tractations qui ont eu lieu, est-ce que vous avez donné des assurances à Kadhafi que les sanctions seraient levées après 90 jours ?
Le Secrétaire général : Evidemment, il faudra qu'un rapport soit soumis. Si le Conseil est satisfait du rapport, il lèvera les sanctions. Je dois étudier certaines choses : il y a la question des indemnisations, il y a la question du terrorisme, un tas de choses... Mais au bout de 90 jours maximum si le rapport est soumis, le Conseil sera en mesure de lever les sanctions s'il est satisfait.
Question : Ça veut dire que le rapport doit être positif ?
Le Secrétaire général : Effectivement.
Question (anglais): Je voulais simplement savoir quel type de rôle de surveillance l'ONU aura au cours du procès. Y aura-t-il une présence de hauts fonctionnaires du Bureau des affaires juridiques, par exemple, pendant toute la durée du procès ?
Le Secrétaire général (parle en anglais): Bien, il existe des dispositions concernant les observateurs internationaux, et il nous mettre cela au point. L'on a suggéré qu'il pourrait y avoir des observateurs
internationaux fournis par différentes organisations, la Ligue arabe, l'Organisation de l'unité africaine (OUA), le Mouvement des pays non alignés etc. Mais nous allons coordonner cela et veiller à ce qu'il y ait une présence internationale effective lors du procès, pour assurer le contrôle, et ensuite évidemment qu'il y ait aussi un contrôle international sur les conditions d'emprisonnement si les accusés sont reconnus coupables.
Question (anglais): En quoi ce transfert constitue t-il un fait marquant dans le droit international?
Le Secrétaire général (parle en anglais): Je crois qu'il s'agit d'un pas en avant important compte tenu du fait que l'on essaye d'y arriver depuis plus de 10 ans. Je crois qu'on doit le placer dans le contexte de ce qui se passe dans d'autres domaines pour se rendre compte de ce qu'aura été l'évolution du droit international au cours de l'année écoulée. Je ne parle pas seulement de l'adoption du Statut de Rome, mais également de ce qui se passe au sujet d'autres affaires importantes. Nous avançons. Le droit international connaît actuellement une évolution qui aurait été inimaginable il y a seulement un an.
Question (anglais): Pourquoi le Conseil va-t-il attendre 90 jours avant de lever les sanctions? Pourquoi ne pas les lever maintenant?
Le Secrétaire général (parle en anglais): Cela fait partie de la résolution. Tout cela figure dans la résolution, et la résolution demande au Secrétaire général de présenter un rapport sur certains aspects de la question dans les 90 jours après l'arrivée des accusés aux Pays-Bas avant que les sanctions puissent être levées. Si l'on soumet ce rapport dans les 90 jours, le Conseil se prononcera. Mais cela est exigé par la résolution. La seule chose que le Conseil doit faire maintenant c'est de suspendre les sanctions, et leur levée interviendra plus tard.
Question (anglais): J'ai deux questions. Premièrement, les familles des victimes se disent préoccupées de ce que dans la lettre que vous avez adressée au Gouvernement libyen vous avez donné l'assurance que le régime libyen ne sera pas impliqué dans le procès. Il leur semble que cela ne permettra pas de rechercher ou de trouver les véritables commanditaires de l'attentat. Pourriez-vous aborder cette question.
Deuxièmement, le Président du Comité des sanctions a dit que les sanctions seraient automatiquement levées dès que vous aurez envoyé une lettre. Avez-vous compris la même chose?
Le Secrétaire général (parle en anglais): Je commencerai par votre première question. Je ne sais pas de quelles lettres parlent les familles des victimes, mais je puis vous assurer que je n'ai pas envoyé de lettre de cette teneur. Je ne peux donc rien dire là-dessus.
S'agissant de la deuxième question, comme je l'ai déjà dit, je m'attends à ce que le Conseil se prononce sur la suspension des sanctions, et je souhaite que cela se fasse de manière très directe et presque automatiquement.
Question (anglais): Les sanctions sont en vigueur depuis plus de sept ans maintenant. Pensez-vous que ce sont les sanctions qui ont avant tout poussé les Libyens à livrer enfin les suspects?
Le Secrétaire général (parle en anglais): Je dirais que je préfère penser qu'elles ont joué un rôle. Evidemment ils ont subi les sanctions pendant sept ans, et je crois qu'outre le fait de subir des sanctions pendant sept ans, aucun pays n'aimerait être mis au ban de la société des nations et, dans une certaine mesure, lorsqu'un pays est étiqueté et que des sanctions sont imposées, il reste marqué par ce genre de choses.
Et je crois que la Libye voulait réintégrer la communauté internationale, la Libye voulait poursuivre son développement économique et social. Et la Libye voulait pouvoir traiter librement avec ses voisins et avec le reste du monde.
Je suis donc satisfait qu'on y soit parvenu, voilà pourquoi j'ai dit à la fin de ma déclaration liminaire que je pense qu'ils vont maintenant réintégrer pleinement la communauté des nations pour y jouer leur rôle.
Question (parle en anglais): A propos du rapport à présenter dans les 90 jours, pouvez-vous nous donner plus de détails sur la portée de ce rapport? Je ne suis pas certain que ce soit dans la résolution, mais je vous fais confiance. Vous parlez de terrorisme, d'indemnisation. Que va-t-il y avoir dans ce rapport? Qu'est-ce que la Libye devra faire en plus de ce qu'elle a fait aujourd'hui?
Le Secrétaire général (parle en anglais): Je crois qu'il faut dire que ce rapport devra établir si la Libye est impliquée ou non dans le terrorisme - le fait que la Libye n'est plus impliquée dans le terrorisme, et que les demandes d'indemnisation, au cas où les accusés seraient jugés coupables, seront honorées, et d'autres choses de ce genre. La préparation de ce rapport exigera un effort tout particulier. C'est pourquoi je ne peux vous dire si cela me prendra 15 jours, un mois ou les 90 jours.
Question (parle en anglais): Certains craignent que dans ce procès, seuls ceux qui ont été impliqués dans certains actes seront traduits en justice, et non ceux qui les ont commandités. Etes-vous sûr que ce procès rendra justice aux familles?
Le Secrétaire général (parle en anglais): Je laisse aux juges et au tribunal le soin de répondre à cette question. Je ne veux pas anticiper ni faire leur travail.
Question : Je crois que parmi les arrangements, il y a le fait que des observateurs de l'ONU vont, comme on dit, surveiller, observer les accusés. Combien de temps vont-ils rester? Parce que s'ils sont coupables, pendant des années, cela veut dire qu'il va y avoir des observateurs de l'ONU pendant très longtemps?
Le Secrétaire général : Malheureusement oui. En tout cas, on va être là pendant quelque temps. Franchement, je ne peux pas vous répondre si on va être là longtemps, mais en tout cas pour quelque temps. Je crois que nous devons être là suffisamment longtemps pour assurer le Gouvernement libyen et les autres que nous tenons nos promesses.
Question : Il y en aura combien? [observateurs]
Le Secrétaire général : Ce n'est pas encore décidé. Je crois qu'on est loin de là, mais ce n'est pas décidé.
Question (parle en anglais): Pouvez-vous nous donner plus de détails sur les prochaines étapes du procès. Quand, selon vous, les suspects vont-ils être traduits en justice et quand le procès va-t-il commencer?
Le Secrétaire général (parle en anglais): Je ne suis pas en mesure de vous fournir ce genre de détails. M. Corell, qui va revenir, ne sera peut-être pas non plus en mesure de le faire. Mais certaines choses devront se produire. Il vaut mieux attendre qu'il revienne. Pour l'instant, il est aux Pays-Bas et parle avec les autorités néerlandaises. L'équipe juridique écossaise s'y trouve également. Bien sûr, cela prendra un certain temps pour mettre sur pied et de préparer le procès. Il aura peut-être plus d'informations à vous donner et je préfère ne pas m'aventurer sur cette question.
Question (parle en anglais): Est-il vrai, toutefois, qu'en vertu de la loi écossaise, le procès ne pourra être télévisé?
Le Secrétaire général (parle en anglais): Je ne sais pas.
Question (parle en anglais): Y a-t-il eu des contretemps ces derniers jours, ou tout s'est-il passé sans heurt jusqu'à la remise des accusés aujourd'hui? Y a-t-il eu une hésitation de dernière minute de la part de la Libye?
Le Secrétaire général (parle en anglais): Non, il n'y a pas vraiment eu de contretemps. Mais, M. Corell et mon équipe avions espéré opérer discrètement. Comme vous le savez, peut-être au mécontentement de ceux qui sont ici dans cette salle, nous avons été très discrets et nous avons laissé filtrer très peu d'informations sur le jour et l'endroit où nous les transférerions de la Libye aux Pays-Bas. Mais bien sûr, 48 heures ou 72 heures avant l'opération, nous avons cru comprendre que de nombreux gouvernements étaient invités à se rendre en Libye pour surveiller et observer la remise. Tous nos efforts de discrétion ont donc été réduits à néant. Bien sûr, mon équipe se demandait quel accueil elle allait recevoir, par quoi elle allait devoir passer. Mais tout s'est bien déroulé, sans heurt. Il n'y a eu ni problème ni doute de la part de la Libye. La seule chose, c'est que nous avons trouvé une foule alors que nous pensions que ce serait très discret.
Question (parle en anglais): Pourriez-vous apporter quelques précisions sur ce que vous avez dit au sujet du rapport à présenter dans les 90 jours. Excusez-moi si c'est mon ignorance, mais quel accord y a-t-il sur l'indemnisation? Le Gouvernement libyen a-t-il -
Le Secrétaire général (parle en anglais): Il n'y a pas d'accord sur une indemnisation. Ce qu'on voudrait savoir, c'est, s'il y a un verdict de culpabilité, si le Gouvernement libyen et les autorités libyennes s'engageront à honorer, à verser l'indemnisation. Bien entendu, nous ne saurons rien de cette indemnisation tant que le procès n'est pas terminé.
Question (parle en anglais): Mais vous cherchez toujours à obtenir cet engagement?
Le Secrétaire général (parle en anglais): Je crois qu'il est plus ou moins acquis. Mais nous en réglerons les derniers détails, oui.
Question (en anglais): A un moment où l'ONU est, d'un point de vue politique assurément, mise à l'écart dans le contexte du Kosovo, cet événement est un résultat très positif pour l'ONU et vos propres efforts. Considérez- vous que vos efforts et ceux de l'ONU ont eu une grande importance dans le résultat auquel nous sommes parvenus aujourd'hui ?.
Le Secrétaire général (parle en anglais): Je pense que ces efforts ont été essentiels et, de toute évidence, il s'agit là d'une petite victoire. Mais, dans l'état actuel des choses et au vu de ce qui se passe au Kosovo et dans le reste du monde, je ne pense pas qu'il y ait lieu de se réjouir aujourd'hui.
Question (anglais) : Quand avez-vous été pour la première fois informé de la date de la remise des inculpés ? Depuis quand saviez-vous qu'elle aurait lieu ce matin ?
Le Secrétaire général (parle en anglais): Il y a environ deux semaines.
Question (en anglais): Pouvez-vous nous donner quelques détails ? M. Corell s'est apparemment rendu en Italie quand ? vendredi ? Et il est arrivé en Libye aujourd'hui, hier ?.
Le Secrétaire général (parle en anglais): Il a réussi à travailler sans divulguer l'affaire et à être suffisamment discret par rapport aux médias. Puisque vous posez cette question maintenant, en effet, il s'est rendu en Italie vendredi et est reparti pour la Libye hier. Il a ramené ces personnes aux Pays-Bas à 9 h 45 (heure de New York), ou 3 h 45 (heure locale).
Question (anglais) : L'avion a-t-il été fourni par le Gouvernement italien ou s'agissait-il d'un avion de l'ONU ?
Le Secrétaire général (parle en anglais): Le Gouvernement italien nous a apporté son assistance. Nous avons apposé le symbole de l'ONU, c'était donc un vol effectué par l'ONU. Mais c'est le Gouvernement italien qui a mis à notre disposition cet appareil et nous lui en sommes très reconnaissants.
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