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LE COMITE RELEVE DES FAIBLESSES DANS LA PROCEDURE DE RECOURS EN CAS DE VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME ET DANS L'APPLICATION DU DROIT A L'AUTODETERMINATION AU CANADA

26 mars 1999


Communiqué de Presse
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LE COMITE RELEVE DES FAIBLESSES DANS LA PROCEDURE DE RECOURS EN CAS DE VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME ET DANS L'APPLICATION DU DROIT A L'AUTODETERMINATION AU CANADA

19990326 Le Comité des droits de l'homme commence l'examen du quatrième rapport périodique du Canada

Les dix-huit experts du Comité des droits de l'homme ont entamé ce matin l'examen du quatrième rapport périodique du Canada sur la mise en oeuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Présentant ce rapport, le Secrétaire d'Etat canadien à la condition de la femme, a d'abord rappelé que son pays abrite une société multiculturelle qui comprend plus de 100 groupes ethniques différents, une population autochtone importante et des immigrants venant de toutes les parties du monde. En tant que Fédération, dotée de dix provinces et deux territoires, le Canada connaît une division constitutionnelle des pouvoirs et chaque juridiction possède des chartes ou des codes des droits de la personne. Le travail qui consiste à assurer la jouissance égale des droits de la personne et des libertés fondamentales s'effectue par le biais d'accords fédéraux et provinciaux. Ainsi, la Charte des droits et des libertés et la Loi canadienne sur les droits de la personne constituent avec d'autres textes un cadre de travail législatif, qui doit être complété par des programmes de partenariat avec la société civile, le secteur privé et les institutions concernées.

Dans leurs interventions, les experts ont relevé avec regret le fait qu'au Canada, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne soit qu'un instrument d'interprétation de la Charte canadienne des droits et libertés. Ils ont également émis des critiques sur les dispositions relatives au recours judiciaire en cas de violation des droits de la personne qui ne prévoient pas de saisie directe des tribunaux mais la saisie de la Commission canadienne des droits de l'homme dont les procédures sont longues. Les experts se sont également arrêtés sur les dispositions prévues en ce qui concerne le droit à l'autodétermination. Ils se sont inquiétés du fait que cette notion soit interprétée d'une manière "spéciale" au Canada puisque ce droit reconnu par la Constitution ne s'accompagne pas automatiquement de droits sur les ressources naturelles. Les experts ont aussi axé leurs observations sur les droits des étrangers, en particulier sur les procédures d'expulsion et d'extradition.

La délégation canadienne est composé de Mme Hedy Fry, Secrétaire d'Etat à la condition de la femme; M. Ross Hynes, Ministre conseiller à la Mission permanente du Canada auprès des Nations Unies; Mme Sue Barnes, Membre du Parlement; Mme Clare Beckton, Département de la justice; Mme Kerri Buck, Département des affaires étrangères et du commerce international; M. Christian Deslauriers, Gouvernement du Québec; Mme Zeynet Karman, Département de la condition de la femme; Mme Lucie McClung, Services correctionnels; M. Daniel Thérien, Service de la citoyenneté et de l'immigration; M. Georges Tsai, Service de la citoyenneté et de l'immigration; M. Bob Watts, Département des affaires indiennes; Mme Irit Weiser, Département de la justice; Mme Marilyn Whitacker, Département des affaires indiennes; Mme Debra Young, Service de l'héritage canadien; et M. Ivan Zinger, Services correctionnels.

Le Comité des droits de l'homme tiendra une réunion cet après-midi à 15 heures au cours de laquelle la délégation canadienne répondra aux questions des experts.

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QUATRIEME RAPPORT PERIODIQUE DU CANADA

Rapport (CCPR/C/103/Add.5)

Le rapport qui couvre la période janvier 1990 à décembre 1994, donne donc le détail des mesures prises par le Gouvernement du Canada, les gouvernements des dix provinces - Terre-Neuve, Ile-du-Prince-Edouard, Nouvelle-Ecosse, Nouveau-Brunswick, Québec, Ontario, Manitoba, Saskatchewan, Alberta, Colombie-Britannique - et les gouvernements des deux territoires - Yukon, Territoires du Nord-Ouest -. Le rapport indique que durant la période considérée, le Pacte relatif aux droits civils et politiques a été invoqué maintes fois devant les tribunaux pour interpréter la Charte canadienne des droits de l'homme. Il s'agissait tant de déterminer la portée des droits et libertés garanties par la Charte que de voir si les restrictions qui leur sont imposées étaient acceptables au regard de l'Article premier de la Charte relatif aux limites raisonnables. La Charte canadienne des droits et libertés, qui fait partie de la Constitution et s'applique à tous les gouvernements du Canada, ne constitue pas une intégration directe du Pacte dans le droit interne. Il existe des différences, tant de forme que de fond, entre les deux instruments. Toutefois, les droits reconnus par le Pacte sont protégés par un ensemble de mesures constitutionnelles, législatives et autres. Du fait que certains aspects des droits relèvent de différents paliers de gouvernement (fédéral, provincial et territorial), il peut y avoir certaines différences dans les mesures législatives et autres pour ce qui est de l'application des droits de la personne.

Le Comité permanent des fonctionnaires chargés des droits de la personne, qui est un Comité fédéral-provincial-territorial chargé de la collaboration entre les gouvernements en ce qui concerne la mise en oeuvre des pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme, cherche à garantir un suivi adéquat des observations de clôture des comités des Nations Unies sur les droits de l'homme. Répondant à une question du Comité des droits de l'homme relative à l'article sur l'égalité, le rapport indique que les peuples autochtones du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest ont le même accès à la Commission canadienne des droits de la personne que les Canadiens autochtones d'autres parties du Canada. Le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest ont tous deux une législation sur les droits de la personne appelée "Loi sur les Indiens". Les autres Canadiens autochtones ne peuvent pas saisir la Commission en invoquant la Loi sur les Indiens qui ne s'applique qu'aux territoires. Ils peuvent néanmoins intenter une action en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. En ce qui concerne l'article 13 sur l'expulsion des étrangers, le rapport indique que cette matière est régie par la Loi sur l'immigration et le Règlement de l'immigration dont les applications sont assujetties à la Charte des droits et libertés. Le Règlement a fait l'objet de changements de fond concernant notamment les définitions des catégories de personnes non admissibles en raison d'activités criminelles, la simplification du processus d'octroi du statut de réfugié,

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la modification du processus de demande du droit d'établissement pour des raisons humanitaires, la création d'une catégorie de personnes qui peuvent demander le statut d'immigrant de l'intérieur même du pays, donc déjà détenteur d'un droit d'établissement, et la création de la catégorie de personnes ne pouvant avoir le statut de réfugié mais qui sont néanmoins exposées à un risque de préjudice grave si elles sont renvoyées du Canada. Le Règlement prévoit aussi que des personnes qualifiées admises pour un séjour temporaire peuvent demander la résidence permanente au bout de deux ans de travail chez le même employeur. Le Règlement permet enfin la régularisation de personnes dont la demande de statut de réfugié a été rejetée mais qui, compte tenu de la situation dans le pays d'origine, n'ont pas été renvoyées à temps par le Gouvernement canadien.

En ce qui concerne l'article 27 relatif aux droits des minorités, le rapport souligne que l'article 27 de la Charte des droits et libertés exige qu'elle soit interprétée d'une façon conforme à la préservation du patrimoine multiculturel des Canadiens. La Cour suprême du Canada s'est appuyée sur l'article 27 dans les affaires portant sur la liberté religieuse, la liberté d'expression et les droits à l'égalité et à l'éducation dans la langue de la minorité. En vertu de la Loi sur le multiculturalisme, le Gouvernement du Canada a opté pour la promotion de la pleine participation des minorités à la société canadienne au lieu de les marginaliser et a donc renoncé à l'idée du "creuset". Les peuples autochtones ont un statut particulier qui est reconnu par la Constitution. En 1991, le Gouvernement a créé la Commission royale sur les peuples autochtones qui examine des questions telles que les liens historiques et sociaux et les questions économiques et sociales. En ce qui concerne les revendications territoriales, depuis 1990, sept grandes ententes globales ont été conclues dans tout le nord canadien. Elles sont fondées sur le titre autochtone permanent sur les terres et les ressources naturelles. Ces ententes traitent de la gestion, des redevances sur les ressources, de l'évaluation des répercussions sur l'environnement et de la réglementation des terres et des eaux. Les ententes ont ainsi donné lieu depuis 1973, au transfert aux premières Nations du droit de propriété de 181 035 hectares de terres. En 1991, le Gouvernement a créé la Commission sur les revendications particulières des Indiens pour enquêter sur les litiges entre les Premières Nations Unies et le Gouvernement Cana. En 1992, le Gouvernement du Canada, la province de la Saskatchewan et 26 Premières Nations de cette province, ont signé une entente cadre sur les droits fonciers issus des traités qui permettra le versement de 450 millions de dollars aux Premières Nations sur une période de douze ans pour s'acheter quelque 607 500 d'hectares de terres pour les ajouter à leurs réserves indiennes.

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Questions des experts relatives au rapport périodique du Canada (CCPR/C/65/Q/CAN/1)

La liste de questions commence par une demande d'informations supplémentaires sur le respect du droit à l'autodétermination - article 1 -. Les experts souhaitent notamment des explications sur la manière dont le droit à l'autodétermination des populations autochtones est reconnu et mis en oeuvre au Canada et sur le fonctionnement de la Commission sur les revendications particulières des Indiens chargée d'enquêter sur les litiges entre les Premières Nations et le Gouvernement du Canada. En ce qui concerne le cadre constitutionnel et juridique de la mise en oeuvre du Pacte - article 2 -, les experts s'interrogent sur l'impact qu'a eu la révision de la Constitution de 1997 sur le statut du Pacte par rapport à la loi canadienne. Ils s'interrogent aussi sur les mécanismes de suivi des recommandations du Comité des droits de l'homme par les gouvernement provinciaux et les amendements apportés à la Loi canadienne sur les droits de la personne notamment en ce qui concerne les obligations juridiques, le processus et les procédures et recours de fond.

Les questions des experts portent aussi sur l'égalité entre les sexes - article 3 - et plus particulièrement sur la suite qu'a donnée le Tribunal des droits de l'homme aux plaintes déposées par 82 000 employées et leurs syndicats concernant l'inégalité des salaires entre hommes et femmes. En ce qui concerne l'égalité devant la loi - article 26 -, les experts se demandent si, dans le cadre de la révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le Gouvernement du Canada envisage l'abrogation de l'article 67 de déposer auprès de la Commission canadienne des droits de la personne des plaintes concernant une discrimination en vertu de la Loi sur les Indiens. Les experts veulent des explications sur l'impact de la loi du Québec relative à la langue sur le respect des droits civils et politiques de la population non francophone. S'agissant du droit à la vie - article 6 -, les experts souhaitent des informations sur le résultat des enquêtes concernant l'implication de soldats canadiens dans les abus commis en 1993 dans le cadre de la Mission des Nations Unies en Somalie.

Des questions portent également sur les articles 7, 9 et 10 relatifs au droit à la liberté et à la sécurité des personnes et au traitement des détenus; l'article 8 sur l'interdiction du travail forcé; l'article 13 sur les droits des étrangers; l'article 14 sur le droit à un procès équitable; l'article 17 sur le droit à la vie privée; l'article 22 sur le droit d'association; les articles 23 et 24 sur la protection de la famille et des enfants; l'article 25 sur le droit de participer aux affaires publiques; et l'article 2 sur la diffusion d'information concernant le Pacte.

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Présentation du rapport par la délégation canadienne

Mme HEDY FRY, Secrétaire d'Etat de la condition de la femme, a indiqué que les droits de l'homme sont chers à la société canadienne, et que le Canada prend très au sérieux ses devoirs au regard du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle a présenté le contexte dans lequel le rapport a été établi. En effet, le Canada est une nation multiculturelle, qui compte deux langues officielles, plus de cent groupes ethniques différents, une population autochtone importante, et des immigrants provenant de toutes les parties du monde. En tant que Fédération, avec dix provinces et deux territoires, le Canada connaît une division constitutionnelle des pouvoirs. Chaque juridiction du Canada possède des chartes ou des codes des droits de la personne visant à combattre la discrimination dans des domaines tels que l'emploi et l'accès aux biens et aux services, et qui concernent à la fois les secteurs privé et public.

La représentante a indiqué qu'il reste cependant à assurer à tous les Canadiens la jouissance des mêmes droits et libertés. Ce travail est accompli par le biais d'accords fédéraux et provinciaux afin d'établir un cadre de travail économique et social commun en vue de répondre aux besoins d'une société en rapide évolution. Ainsi, la Charte des droits et des libertés, la Loi (Act) sur la citoyenneté, la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Loi sur l'égalité dans le cadre de l'emploi, la Loi sur le multiculturalisme et la Loi sur les langues officielles, constituent un cadre de travail législatif fédéral, qui doit être complété par des programmes de partenariat avec la société civile, le secteur privé et les institutions concernées.

Mme Fry a indiqué que le Canada, en raison de sa société diverse, est particulièrement préoccupé par l'accroissement des crimes de haine, et par la montée de la haine en général. Dans ce cadre, la législation concernant l'établissement de la Fondation canadienne sur les relations raciales a été mise en place en 1996. En 1997, le Gouvernement fédéral a organisé une Table ronde réunissant plusieurs départements gouvernementaux et la société civile afin de développer une stratégie nationale de lutte contre ce problème. Dans ce contexte, l'intervenante a insisté sur le défi posé par la diffusion de la propagande de haine par le biais de l'Internet.

La question de la sécurité des Canadiens étant une priorité, le Gouvernement fédéral a récemment adopté une Stratégie nationale sur la sûreté communautaire et la prévention du crime, basée sur le traitement des causes de la criminalité. Mme Fry a insisté sur la question de la violence à l'égard des femmes. Des initiatives législatives ont été prises dans ce domaine, concernant par exemple la persécution, une interdiction spécifique de la pratique de mutilation génitale dans le Code pénal, et l'élimination de l'ébriété comme circonstance atténuante dans la défense des cas d'assaut sexuel. En 1997, le Gouvernement canadien a lancé une Initiative sur

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la violence familiale nouvelle, qui a fourni des fonds à plus de 2000 projets luttant contre ce problème. Plus récemment, le Département de la Justice a fourni des fonds à l'Association des Centres contre les assauts sexuels pour améliorer la manière dont la justice s'occupe des cas de violence familiale, et pour fournir des services améliorés aux femmes et aux enfants victimes d'une telle violence. De plus, reconnaissant la nature diverse de la population canadienne, des programmes communautaires culturellement ciblés sont développés afin d'atteindre des communautés ethniques et culturelles dans lesquelles la violence est un sujet difficile à aborder.

Mme Fry a estimé que le Canada est un pays qui continue à progresser dans la réalisation des droits politiques et civils de tous ses citoyens. Il est nécessaire d'améliorer encore les capacités et les outils de mise en place de ces droits, dans le respect des différences. Nous soumettons notre rapport en sachant que nous avons fait des progrès importants, mais qu'il reste beaucoup à faire et à apprendre, a-t-elle conclu.

Répondant sur la question du cadre politique en vue de négociations sur l'application du droit à l'autodétermination, M. BOB WATTS, Département des affaires indiennes du Canada, a rappelé qu'en 1995, le Gouvernement fédéral du Canada a exprimé son intention d'assurer l'autodétermination des populations autochtones. En vertu de cette politique, des accords peuvent être signés entre les gouvernements provinciaux et les populations autochtones. Toutefois, la reconnaissance par les pouvoirs des droits à l'autodétermination ne constitue en aucun une reconnaissance de souveraineté. La juridication des autochtones se limite aux questions propres à leur groupe telles que l'établissement des structures du pouvoir, le choix des dirigeants, la langue, la culture ou encore les services sociaux. En cas de conflit entre les lois, c'est la loi fédérale qui prévaut. En ce qui concerne le fonctionnement de la Commission des réclamations indiennes, le représentant a indiqué qu'elle a été chargée des enquêtes et de faire office d'agent de médiation. S'agissant du suivi des recommandations de la Commission royale sur les populations autochtones, le représentant a affirmé qu'elles ont abouti à la prise de mesures concertées pour tout ce qui a trait aux questions autochtones. Le Gouvernement a manifesté son intention de renforcer les compétences des autochtones et d'appuyer par exemple les économies locales.

Mme CLARE BECKTON, Département de la justice, a pris la parole pour répondre à une question relative à l'interprétation de la section 35 de la Constitution qui ne prévoit pas de dérogation par rapport aux droits reconnus par les traités applicables aux populations autochtones. Elle a ainsi affirmé que la Cour de cassation a confirmé la valeur des traités des autochtones. En 1996, une affaire a été portée devant la Cour suprême qui a elle aussi confirmé ces droits. La Cour a d'ailleurs donné des directives sur l'ampleur et le contenu des titres autochtones. Elle a indiqué par exemple que si un groupe peut établir qu'au moment de l'arrivée des Européens, il occupait

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un territoire à titre exclusif alors il est reconnu à ce groupe un droit exclusif sur cette terre. Si la section 35 de la Constitution ne prévoit pas de dérogation, la Cour suprême n'a cessé de confirmer un droit chaque fois qu'une ingérence peut être justifiée.

Venant aux droits des étrangers, M. DANIER THERIEN, Service d'immigration, est revenu sur une question concernant le droit des demandeurs d'asile à se faire assister d'un avocat. Il a indiqué qu'en vertu de la Loi sur l'immigration, les demandeurs d'asile ont le droit de s'assurer à leurs propres frais les services d'un conseiller juridique. Toutefois, dans la pratique, les demandeurs d'asile ont accès à une aide juridique financée par les deniers publics bien qu'il n'y ait pas de droit absolu à une telle aide. En ce qui concerne les modalités d'exercice du droit de contrôle judiciaire d'un arrêté d'expulsion, M. Thérien a expliqué que ce contrôle s'exerce au sein des cours fédérales. La loi et les politiques d'immigration prévoient qu'une personne ne peut être expulsée avant que la cour n'est statué sur son dossier. Des procédures de recours existent également. Mme BECKTON du Département de la justice a elle répondu sur la nouvelle proposition de loi sur l'extradition qui offre une protection contre la torture et les traitements inhumains. Elle a expliqué qu'au niveau juridique un juge examine les preuves et la conduite constituant le délit sur lequel se fonde la demande d'extradition. La décision d'extradition appartient au Ministère de la justice et se fait en vertu des textes applicables.

Mme FRY a repris la parole sur les amendements proposés par la Commission canadienne des droits de l'homme à la Loi relative aux droits de la personne. Elle a confirmé que ces amendements visent en fait à accroître l'indépendance de la Commission qui, depuis lors, est en mesure de présenter ses rapports directement au Président de la Chambre des représentants. La Commission fonctionne désormais sans ingérence d'aucune sorte ce qui lui permet de mener des enquêtes indépendantes lorsque le gouvernement fait l'objet d'une plainte. Mme Beckton est revenue sur la place qu'accordent la Cour suprême et les juridictions ordinaires aux dispositions du Pacte. Elle a souligné que si les traités internationaux ne peuvent être invoqués devant les cours, les obligations qui découlent sont néanmoins importantes pour l'interprétation de la Charte canadienne des droits de la personne et des libertés fondamentales. Dans ce contexte, les traités relatifs aux droits de l'homme dont le Pacte, jouent un rôle de plus en plus important dans la jurisprudence canadienne.

Mme FRY a indiqué qu'en matière d'égalité entre les sexes, des mesures positives doivent encore être adoptées. La question doit être posée entre l'homme et la femme, mais aussi entre les femmes elles-même, en fonction de la couleur et de l'ethnie. Dans ce contexte, le Gouvernement fédéral développe une politique qui exige que tous les Départements procèdent à des analyses fondées sur les sexes. Il tente également de tenir compte des impacts différents de mesures dans le domaine de l'égalité entre les sexes.

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Cependant, beaucoup reste à faire. En effet, l'analyse fondée sur les sexes n'est pas encore devenue un réflexe, et les données nécessaires ne sont pas toujours disponibles.

Dans le domaine politique, et en particulier en matière de prise de décision, de grands obstacles subsistent surtout pour postes élus. La représentante a noté l'absence de fonds pour les femmes, et la difficulté pour les femmes de pénétrer les réseaux politiques majoritairement masculins. Cependant, beaucoup de partis politiques ont pris des mesures. En 1993, le nombre de femmes aux Communes a doublé. Elles sont aujourd'hui 60, sur un total de 320 sièges. Malgré ces progrès, les femmes sont encore sous- représentées dans les rangs des décideurs.

Une Loi sur l'égalité de l'emploi assure aux femmes un accès ouvert et égal au marché de l'emploi. De plus, un Programme ciblant les employeurs stipule que la fonction publique doit maintenir une égalité entre les sexes. En ce qui concerne l'égalité des salaires, Mme Fry a évoqué une affaire dans laquelle le Service du Trésor a été saisi par le Tribunal des droits de l'homme. Dans ce cadre, la représentante a indiqué qu'un milliard de dollars a déjà été versé par le Gouvernement fédéral. Ce dernier a cependant demandé un examen approfondi de la juridiction, car les conséquences de ce procès seront très importantes pour l'ensemble de la juridiction canadienne.

Mme BECKTON a expliqué que le Gouvernement canadien a pris des mesures pour renforcer l'égalité et le respect de la diversité dans la société canadienne. Un Programme de multiculturalisme a été mis en place, ainsi qu'une campagne contre le racisme, par exemple. Concernant l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, stipulant que les autochtones ne peuvent faire valoir leurs plaintes en matière de droits à l'égalité, au regard de la Loi sur les Indiens, devant la Commission, l'intervenant a indiqué que cette disposition a été introduite pour protéger le droit interne des autochtones.

Mme Beckton a indiqué que la protection des opinions politiques est une pierre angulaire de la société démocratique canadienne. L'instrument principal en la matière est la Charte canadienne des droits et des libertés, qui comprend la liberté d'opinion et d'expression, liberté de vote. L'Etat ne peut pas agir pour empêcher l'expression d'une opinion politique sans remettre en cause les bases de la démocratie canadienne. Par ailleurs, les tribunaux canadiens ont toujours défendu une interprétation très large de la Charte. Les tribunaux ont souligné qu'il faut qu'il y ait un niveau élevé de justifications s'il faut limiter la liberté d'expression au Canada. En ce qui concerne la diversité linguistique au Canada, la loi assure le respect des deux langues officielles. Elle déclare également que le Gouvernement canadien respecte les langues autochtones et leur développement. Au Québec, les lois doivent être promulguées dans les deux langues, français et anglais.

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M. CHRISTIAN DESLAURIERS, représentant du Gouvernement du Québec, a indiqué que la Charte des droits et libertés de la personne protège la vie culturelle des ethnies et des minorités linguistiques. En matière de législation et de justice, les lois et règlements sont adoptés en anglais et en français sans qu'il soit fait de distinction. Un système public complet d'enseignement en anglais est maintenu. En ce qui concerne les services de santé et les services sociaux, toute personne de langue anglaise peut recevoir des soins dans sa langue. En pratique, les anglophones ont accès aux services de santé dans l'ensemble du territoire. Tout un réseau anglophone d'institutions culturelles existe, et ces institutions reçoivent aux mêmes subventions que leurs équivalents francophones.

M. ROB WATTS, représentant le Département canadien des Affaires indiennes et du Nord, a indiqué que le rapport définitif de la Commission de l'Ontario présente des recommandations qui affectent directement le système judiciaire canadien. Un groupe des enquêtes spéciales, menant des enquêtes sur les actes de la police, a reçu la proposition d'un nouveau règlement qui demande la ségrégation des policiers impliqués dans un incident, les autorise à demander un conseil, et stipule qu'ils doivent être interrogés dans les 24 heures suivant leur demande. Le budget de ce groupe a été doublé. Il permet de répondre plus rapidement en cas d'incident. Des recommandations sur la réforme de l'assistance juridique ont également été faites, qui seront examinées plus tard. En ce qui concerne la formation de la police le rapport recommande la révision du manuel de police.

Questions des experts

Mme ELIZABETH EVATT a constaté que le rapport ne porte pas sur l'article 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Comment le lien est-il établi entre l'autodétermination dans le contexte de la souveraineté de la Nation et le droit à l'autonomie, a-t-elle demandé. Elle a également demandé quelles recommandations de la Commission royale ont été réellement appliquées en la matière. En ce qui concerne les étrangers et les réfugiés, elle s'est interrogée sur la possibilité de parler de violation des droits au titre du Pacte. Elle a dans ce cadre évoqué la déportation d'étrangers ou d'immigrants. Peut-on prétendre que le déplacement de ces personnes fait que leurs droits au titre du Pacte sont violés ? Pour les réfugiés, combien de temps faut-il au Canada pour acquérir le droit de bénéficier du droit de résidence permanente comportant la réunion avec la famille ?

Mme Evatt a estimé que les rôles des gouvernements fédéral et provinciaux sont clairs, mais elle s'est demandé si les parlementaires ont un rôle à jouer dans la soumission de rapports et dans la mise en oeuvre des dispositions du Pacte. De plus, les pouvoirs législatif et exécutif ont-ils une responsabilité en ce qui concerne l'application du Pacte ?

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Y a-t-il conflit entre la Charte des droits et libertés du Canada et le Pacte ? Elle s'est également interrogée sur le rôle de la Commission des droits de l'homme dans la diffusion de l'information concernant les instruments de protection de ces droits.

En ce qui concerne la question des droits des femmes, dans quelle mesure les inégalités économiques affectent-elles l'égalité des droits pour les femmes ? Dans ce contexte, elle a demandé si des fonds sont mis à disposition pour permettre aux femmes de porter plainte en cas de discrimination. L'experte a également demandé des précisions sur les mesures pour assurer égalité des femmes autochtones et leur participation aux processus de négociations.

M. MARTIN SCHEININ a évoqué la question des autochtones et de leurs droits politiques et civils. A ce titre, il a rappelé le jugement de la Cour suprême en ce qui concerne le Québec, et a demandé s'il s'agit d'un cas exceptionnel ou s'il peut y avoir un droit de sécession. En ce qui concerne la Commission des autochtones, l'expert a soulevé la question de l'autodétermination et de l'autonomie. Il a rappelé que les terres et les ressources des populations autochtones sont essentielles à l'autodétermination. En conséquence, quelle est la politique du Gouvernement canadien en la matière ? Il a estimé que l'on doit être inquiété par le processus d'extinction éventuel d'un droit tel que la possession des terres. Le cas du lac Lubicon doit être étudié, car il y a violation de l'article 27.

Concernant l'appartenance à la communauté, l'expert a noté que la loi sur les Indiens régit la citoyenneté de nombreux peuples autochtones. Une perspective sexospécifique a-t-elle été intégrée dans cette loi ?

L'expert a ensuite abordé la question des étrangers, et du comportement du Canada quand il s'agit de déporter des étrangers. Dans ce cadre, le Gouvernement canadien respecte-t-il les instruments internationaux de protection des droits, ou s'en remet-il à la justice ? Le Canada respectera-t-il les demandes de protection dans les affaires d'extradition ? Il est crucial pour le système des droits de l'homme que le Canada respecte ses obligations au titre des traités, a insisté M. Scheinin.

A son tour, M. ROMAN WIERUSZEWSKI a insisté sur les dispositions prévues par le Canada en ce qui concerne le droit à l'autodétermination. Il a souhaité connaître les principales difficultés rencontrées en la matière et le champ d'application que le Canada compte définir pour ce qui est de la mise en oeuvre de l'article pertinent. L'Expert a également souhaité savoir pourquoi les recommandations de la Commission canadienne sur les droits de la personne n'ont pas été appliquées de façon à améliorer véritablement la situation. Il a en outre souhaité des commentaires sur l'efficacité de la Commission et dans quelle mesure elle constitue un recours valable dans le cadre des violations des droits de l'homme. Quel est le pourcentage de plaintes reçues et quel est le nombre de plaintes qui ont été présentées aux tribunaux ?

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M. ECKART KLEIN est, lui, revenu sur la question des populations autochtones pour demander des informations supplémentaires. Il a repris une partie du rapport périodique du Canada qui convient que la situation des populations autochtones au Canada est la dimension des droits de l'homme la plus difficile à réaliser. L'Expert a jugé que si les normes en la matière sont satisfaisantes sur le plan théorique, des difficultés persistent sur le plan pratique. Il a donc souhaité savoir quels sont les principaux obstacles. En outre, l'Expert a posé une question sur le retrait du plan d'assistance du Canada qui a été remplacé par une loi sur le transfert. Il semble pourtant, a-t-il insisté, qu'il ne s'agit pas de dispositions équivalentes. L'abrogation du plan a eu des conséquences négatives pour nombre de groupes quant à la jouissance des droits découlant du Pacte comme le droit à la vie, la sécurité des personnes ou encore la protection de la famille et des enfants.

Poursuivant, M. Klein a relevé la question du recours judiciaire et rappelé qu'au Canada les victimes d'un acte discriminatoire qui s'est déroulé dans le secteur privé doivent s'adresser à la Commission canadienne des droits de l'homme. Il n'existe donc pas de recours réel devant les tribunaux. Quel avantage il y a à recourir à cette Commission par rapport à d'autres types de recours judiciaire ? Enfin, M. Klein a posé la question de l'extradition. Les décisions de la Cour suprême faisant qu'aucune expulsion et extradition n'est accordée en cas de risque de torture, il a demandé s'il est vrai que le gouvernement continue d'expulser ou d'extrader une personne en dépit des risques et ce, lorsque la sécurité nationale est en jeu. Le Canada a-t-il le droit de faire ainsi l'équilibre entre les risques et les intérêts de l'Etat ? L'Expert a aussi souhaité connaître la définition canadienne de la torture.

Intervenant à son tour, Lord Colville a voulu savoir quel sort a été réservé aux anciens traités qui établissaient des territoires au titre de l'autodétermination en ne prévoyant pas de droits en termes d'exploitation de ressources naturelles. Comment le gouvernement parvient-il à concilier les dispositions de ces traités et celles des nouveaux traités qui offrent une plus grande latitude en matière économique. En ce qui concerne la Commission canadienne des droits de la personne, le représentant a estimé qu'au vu de son mandat, elle ne peut être considérée comme un recours efficace en cas de violations des droits de l'homme.

Mme CHRISTINE CHANET a relevé que le rapport du Canada porte sur l'application du Pacte et pas sur le Pacte lui-même. Elle a jugé peu conforme aux directives du Comité des droits de l'homme le fait que le Pacte ne serve que d'outil d'interprétation à la Charte des droits et libertés du Canada. Elle a aussi souligné le déficit en matière de recours judiciaire qui fait qu'une victime de violations des droits de l'homme ne peut avoir recours directement aux tribunaux mais doit d'abord passer par la Commission des droits de l'homme dont la procédure est très longue. Mme Chanet est également revenue sur la mise en oeuvre relative à l'article sur l'autodétermination

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dont certaines dispositions ont un "sens négatif puisqu'elles consistent en une réduction par grignotage des droits des populations sur certains territoires et certaines des ressources de ces territoires". A son tour, Mme PILAR GAITAN DE POMBO a souhaité des renseignements supplémentaires sur les progrès réalisés face aux revendications territoriales des populations autochtones. M. NISUKE NANDO a estimé que le Canada a ajouté des nuances "peu compréhensibles" au terme d'autodétermination et a souhaité des précisions. Pour ce qui est des coutumes et des traditions des communautés autochtones, il a souhaité connaître la position du Gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux. M. Nando a également soulevé la question de la violence faite aux femmes au titre de certains rites. Abordant aussi la question des recours en cas de violations des droits de l'homme, il souhaité connaître le fonctionnement des tribunaux des droits de l'homme.

M. ABDELFATTAH AMOR a regretté le manque d'informations en ce qui concerne la notion d'autodétermination d'autant, a-t-il dit, que cette notion est très discutée sur le plan international. Il semble, a-t-il dit, qu'au Canada elle ait une définition tout à fait spéciale. Il semble en effet que pour le Canada, la notion serait dynamique et fonctionnelle et que son contenu puisse varier en fonction des données du moment et des rapports de force. Partant, l'application de cette notion peut être de portée variable. L'Expert a demandé des précisions d'autant que, dans la Constitution canadienne, la notion d'autodétermination ne s'accompagne pas d'une souveraineté sur les richesses naturelles. Cela met les groupes intéressés dans une position qui ne permet pas un pouvoir de négociation suffisant pour donner à la notion toute la portée qui est la sienne. En ce qui concerne les terres, la notion de présomption de propriété est-elle acceptable dans le droit canadien ? L'expert a souhaité, par ailleurs, d'autres explications sur le sursis à exécution des décisions d'expulsion. La jurisprudence retient-elle des critères assez précis et constants en matière d'octroi ou de refus de sursis ? S'agit-il d'une politique souple ou rigide ? L'Expert a aussi soulevé la question de la liberté de religion en demandant des informations sur les suites judiciaires de l'affaire du Temple du soleil. Il a estimé que la liberté de la presse dans cette affaire a été utilisée sans nuances pour amalgamer des mouvements fantaisistes et d'autres très respectables et crier au risque des sectes. N'y a-t-il pas un risque de persécution de groupes minoritaires religieux qui ne relèvent pas d'une grande orthodoxie en la matière ?

M. ABDALLAH ZAKHIA a demandé des précisions sur la politique d'égalité des sexes menée par le Gouvernement canadien. Dans ce cadre, il a notamment évoqué le rôle des organisations non gouvernementales. Peuvent-elles intervenir auprès des tribunaux dans les cas de violation des droits de l'homme? L'expert a par ailleurs demandé pourquoi les autorités de l'Ontario et le Gouvernement fédéral n'ont pas demandé une enquête publique sur les circonstances qui ont conduit au décès de Dudley George.

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M. HIPOLITO SOLARI YRIGOYEN a noté que le rapport indique la révision de l'application de la peine de mort dans certains cas. Il a demandé des précisions à cet égard. En ce qui concerne la mort de D. George, qui constitue un cas d'exécution extrajudiciaire, il a demandé à connaître l'opinion du Gouvernement canadien sur le fait que les activistes étaient armés ou non et si leurs intentions étaient pacifiques. Il a en outre évoqué l'information selon laquelle l'arrestation d'un témoin une heure avant sa déposition avait eu lieu. Cela est-il vrai ? Concernant le référendum sur l'indépendance du Québec. Il a demandé quelle est l'attitude du Gouvernement fédéral vis-à-vis de cette initiative. Reste-t-il neutre ou travaille-t-il activement à conserver le Québec au sein du Canada ? L'expert a enfin évoqué les résultats de l'enquête sur la torture d'un jeune somalien par des soldats canadiens pendant la mission ONUSOM II en Somalie en 1993. Il a demandé quelles sanctions ont été prises.

M. RAJSOOMER LALLAH a évoqué l'autodétermination et l'article 27 qui a une importance toute particulière pour les autochtones. Il a en outre demandé si le Canada va changer sa politique d'extradition dans les cas où la personne extradée est passible de la peine de mort, sachant que l'opinion publique canadienne y est opposée.

M. FAUSTO POCAR a insisté sur le fait que le rapport ne traite pas assez du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et qu'il ne traite pas suffisamment des questions qu'il soulève. Par exemple, la question de la torture dans la Charte canadienne n'est pas la définition que nous avons dans le Pacte. Le Pacte n'a pas toujours été pris en considération par le Gouvernement canadien, a-t-il estimé.

M. DAVID KRETZMER s'est associé aux questions soulevées par ses collègues. Il a insisté sur l'écart entre le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Charte du Canada.

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