FEM/1056

LA PAUVRETE, LA VIOLENCE, UNE CONDITION SOCIALE DEFAVORISEE SONT AUTANT DE FACTEURS D'UNE SANTE PRECAIRE CHEZ LES FEMMES

3 mars 1999


Communiqué de Presse
FEM/1056


LA PAUVRETE, LA VIOLENCE, UNE CONDITION SOCIALE DEFAVORISEE SONT AUTANT DE FACTEURS D'UNE SANTE PRECAIRE CHEZ LES FEMMES

19990303 Selon les experts, les politiques de santé reflètent souvent l'image déformée que la société a de la femme

La Commission de la condition de la femme a entendu ce matin la présentation d'exposés de plusieurs experts sur les réalisations des objectifs stratégiques et mesures à prendre dans le domaine critiques des femmes et de la santé. Ceux-ci ont reconnu l'inadéquation des soins de santé dispensés aux femmes jusqu'à présent, et ont insisté sur les liens entre les problèmes de santé et la pauvreté, les stéréotypes, une condition sociale défavorisée. Les structures sociales, économiques et religieuses ont contribué à un "aveuglement" face aux besoins des femmes, à "l'invisibilité" de la violence et de la vulnérabilité des femmes face au sida et aux drogues qui ont mené à la masculinisation de la nature des soins. Pour combler les lacunes des systèmes de santé, les experts ont recommandé une approche sexospécifique et multidisciplinaire systématique, "modèle de pouvoir et de partage des responsabilités", qui doit associer les professionnels de la santé, des services judiciaires et les décideurs politiques. Ils se sont également prononcés en faveur d'un partenariat plus large entre les gouvernements et les représentants de la société civile, les communautés locales et les médias.

Mme Sandra Dean-Patterson, Coordinatrice des services sociaux et de santé au Centre de réhabilitation de Sandilands au sein du Ministère du développement social et du logement des Bahamas, M. Mahmoud Fathalla, Professeur d'obstétrique et de gynécologie à l'Université Assiout en Egypte, M. Stephen Matlin, Directeur de la Division pour le développement des ressources humaines du Secrétariat du Commonwealth à Londres et anciennement membre de l'Equipe spéciale sur la régulation de la fertilité masculine à l'Organisation mondiale de la santé, ainsi que M. Peter Piot, Directeur général du Programme conjoint des Nations Unies sur le HIV/sida, ont présenté leurs exposés et ont apporté des précisions à la suite des questions des délégations.

(à suivre - 1a)

- 1a - FEM/1056 3 mars 1999

La prochaine réunion de la Commission aura lieu cet après-midi à partir de 15 heures. Elle entendra une déclaration de Mme Gro Harlem Brundtland, Directrice générale de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ainsi que de Mme Nafis Sadik, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et continuera son débat avec les experts sur le thème des femmes et de la santé. La Commission achèvera le débat général qu'elle avait entamé le premier mars dernier.

Suivi de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes : réalisation des objectifs critiques et mesures à prendre dans les domaines critiques: les femmes et la santé

Exposé des experts

Mme SANDRA DEAN-PATTERSON, Coordinatrice des services sociaux et de santé au Centre de réhabilitation de Sandilands au Ministère du développement social et du logement des Bahamas, a attribué l'inadéquation des politiques de santé à l'image déformée que la société a de la femme qui est considérée comme inférieure à l'homme. La société n'a pas réussi à répondre aux problèmes dont souffrent les filles et les femmes. Au cours des dix dernières années, il y a eu une prise de conscience accrue de la violence domestique et des sévices sexuels dont sont victimes les petites filles mais il reste encore beaucoup à faire pour que les professionnels de la santé mesurent l'ampleur de ce problème. Dans le passé, l'approche consistait à traiter des symptômes sans se préoccuper des causes. Ce manque de perspective sexospécifique, la prédominance d'idéologies fondées sur la prédominance de l'homme, les structures sociales, religieuses et culturelles ont contribué au silence et à l'invisibilité des sévices sexuels perpétrés à l'encontre des femmes. Les lacunes que connaît le système de santé doivent être comblées par une mise en réseau plus importante avec le système judiciaire, une approche multidisciplinaire et sexospécifique. Les sévices sexuels à l'encontre des filles doivent également être pris en compte dans les campagnes d'information de lutte contre le sida.

De la même manière, le traitement des femmes victimes de l'abus des drogues constitue un des exemples les plus frappants de l'aveuglement sur les questions sexospécifiques du secteur de la santé. Les femmes qui souffrent de l'abus des drogues ont toujours été traitées avec des programmes qui reposent sur la psychologie masculine. Trop de femmes, en particulier dans le domaine de la santé mentale, souffrent des fissures institutionnelles. Bien qu'il soit indispensable d'évoquer l'intégration des sexospécificités dans le secteur de la santé, il est également indispensable que la société opère des changements idéologiques. Il est crucial que les traitements intègrent de nouveaux éléments de recherche sur la psychologie des femmes et porte une attention particulière aux systèmes sociaux, culturels, et religieux qui ont une influence sur les femmes.

Les gouvernements doivent condamner la violence à l'encontre des femmes et des petites filles. La lutte contre ce phénomène doit être inclue dans les politiques économiques et sociales nationales. Il faut redéfinir les codes sexuels ancrés dans notre subconscient et mettre en place un système judiciaire qui ne criminalise pas les victimes. L'abandon des toxicomanes, des femmes âgées, des femmes malades est un phénomène accru qui nécessite la mise en place de politiques appropriées répondant à ces douleurs privées.

- 3 - FEM/1056 3 mars 1999

Des campagnes de prévention sont nécessaires en particulier en direction des adolescentes. Les familles qui connaissent la violence en leur sein doivent pouvoir trouver une aide. Il faut que les gouvernements mettent en place des mesures de prévention précoce pour éviter des effondrements psychiatriques ultérieurs. Il faut l'aide de l'ensemble de la société, des ONG, du gouvernement, des instances sanitaires et policières et de l'éducation. L'approche pluridisciplinaire oppose une force à l'isolement et constitue un nouveau modèle de pouvoir et de partage des responsabilités.

M. MAHMOUD F. FATHALLA, Professeur d'obstétrique et de gynécologie à l'Université d'Assiout en Egypte, a indiqué que les besoins des femmes en matière de santé peuvent être classés en quatre catégories. Une première catégorie concerne les besoins relatifs aux fonctions sexuelles et reproductives de la femme. La seconde touche le système reproductif élaboré dont les femmes sont dotées et qui nécessite des soins. La troisième catégorie englobe toutes les maladies auxquelles les hommes sont aussi confrontés. Les maladies sociales qui ont un impact sur la santé sociale, physique et mentale des femmes forment la quatrième catégorie.

Le professeur a observé que les femmes souffrent souvent en raison du devoir physiologique de préservation de l'espèce que la nature leur a assigné, et des tâches qui y sont liées. Les femmes en bonne santé ont besoin de soins pour assumer cette fonction avec succès et en toute sécurité. Or, dans les services de santé prodigués, les femmes sont souvent considérées comme des moyens du processus de reproduction et non comme des bénéficiaires en elles-mêmes. De plus, le professeur a regretté que les programmes de planning familial aient souvent été utilisés par les gouvernements comme des moyens de contrôler les femmes plus que comme des moyens de les autonomiser. De nombreux besoins de soins liés au processus de reproduction n'ont pas été pris en compte, tel que le problème de stérilité. Le professeur a ajouté que les besoins de santé relatifs à la reproduction ne sont pas limités à la période reproductive de la femme, mais concernent aussi les fillettes, les adolescentes et les femmes âgées.

Par ailleurs, les systèmes de santé sont souvent inadéquats de trois manières différentes. Soit la couverture des services de santé est insuffisante comme c'est le cas dans le domaine des besoins de régulation de la fertilité, soit le système de santé est sous-utilisé parce qu'il est culturellement inapproprié aux populations auxquelles il s'adresse. Dans le troisième cas, le système de santé est surmédicalisé, ce qui crée entre autres un fossé émotionnel entre le médecin, qui a perdu sa fonction humaine, et sa patiente.

- 4 - FEM/1056 3 mars 1999

Le professeur a également tenu à dénoncer la tragédie de la mortalité maternelle, déplorant qu'actuellement une femme meure chaque minute des suites à une grossesse ou à un accouchement. Il a souligné la nécessité d'assurer la disponibilité des soins obstétriques d'urgence à toutes les mères qui en ont besoin. Pour ce faire, il faudrait que la société investisse davantage pour ses femmes, et qu'un nombre plus important de femmes soit placé aux postes décisionnels, afin que les ressources nécessaires soient allouées, en particulier dans les pays où ces ressources sont rares. En conséquence, le professeur a conclu en indiquant que la mortalité maternelle n'est pas seulement un problème de santé, mais aussi une question de droits de l'homme. La grossesse n'est pas une maladie, les ressources qui lui sont allouées doivent être différentes de celles qui sont consacrées aux soins curatifs.

M. STEPHEN MATLIN, Directeur de la Division du développement des ressources humaines au Secrétariat du Commonwealth à Londres et ancien membre de l'Equipe spéciale sur la régulation de la fertilité masculine à l'OMS, a déclaré que l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques et programmes de santé intégrant une perspective sexospécifique exigeaient que les questions de parité entre les sexes soient comprises par toutes les personnes concernées, et non seulement par quelques experts. La formation de tous les acteurs impliqués est donc une condition essentielle. De même, il est vital de disposer de systèmes d'information sur la santé qui fournissent des données ventilées par sexe. Pour réaliser l'égalité entre les sexes dans le secteur de la santé, il faut, en premier lieu, créer un environnement propice, ce qui requiert un cadre législatif fondé sur les principes de parité entre les sexes et une véritable volonté politique. Il est tout aussi important qu'à côté de ce cadre national, chaque secteur crée et définisse ses propres instruments en vue d'intégrer plus avant la perspective sexospécifique. Dans le secteur de la santé, l'égalité entre les sexes est souvent abordée comme une question spéciale et, en dehors des programmes destinés à certains groupes cibles, on présume la plupart du temps que les services de santé bénéficient à tous. Or, cela est souvent faux, a affirmé M. Matlin. Souvent, en effet, l'un des deux sexes, la plupart du temps les femmes, est désavantagé en raison d'un manque de ressources ou d'attitudes traditionnelles (par exemple, l'obligation pour les femmes d'être accompagnées par un parent masculin ou d'être examinées uniquement par un médecin féminin). Les hommes peuvent de leur côté être désavantagés par le manque de services autres que ceux ayant des objectifs spécifiques comme la vaccination des enfants, les soins de santé maternelle, ou par la disponibilité limitée de ces services pendant les heures de travail.

Les ateliers organisés au sein du Commonwealth sur l'intégration de la perspective sexospécifique dans le secteur de la santé ont mis en lumière l'écart entre les politiques et leur mise en oeuvre, et l'écart entre le degré de sensibilisation du public et les attitudes. Une approche plus globale exigerait que tous les aspect du secteur de la santé qui ont un impact sur la santé des femmes et des hommes soient évalués, que l'on identifie

- 5 - FEM/1056 3 mars 1999

les priorités principales et que l'on cherche des ressources. Outre la nécessité de disposer de données ventilées par sexe, il faut aussi développer la recherche au-delà des problèmes qui se présentent dans les hôpitaux et les centres de soins et aller vers les communautés pour identifier les besoins réels, y compris ceux liés à la malnutrition et l'anémie, aux grossesses précoces, à la santé génésique, à l'abus de drogues, aux maladies sexuellement transmissibles et au VIF/sida. Les priorités doivent être identifiées sur le long terme. Il faut en outre veiller à ce que la mise en oeuvre des programmes fondés sur ces priorités ne contribue pas à la perpétuation, voire même l'accroissement des inégalités fondamentales. Ainsi, une approche axée sur la femme en tant que mère pourrait négliger la santé des adolescentes et les problèmes liés à la ménopause.

La réforme des secteurs de la santé en cours dans de nombreux pays doit déboucher sur de nouveaux cadres et mécanismes structurés de manière à ce que la question de la parité entre les sexes fasse partie intégrante du système de santé. Il faut s'opposer fermement à l'argument selon lequel d'autres "priorités plus importantes" passent avant l'action en faveur de l'égalité entre les sexes, a dit Matlin. Un système de santé qui ignore la dimension sexospécifique ne peut en effet répondre aux besoins prioritaires des hommes et des femmes et quoique maigres soient les ressources, il importe de les distribuer équitablement. De l'avis de M. Matlin, bien davantage peut être réalisé avec les ressources existantes en renforçant l'organisation et l'efficacité. Les ressources humaines de ce secteur devraient être pleinement utilisées pour rendre les services plus sensibles à la question de la parité entre les sexes. La parité doit être un objectif pour le personnel de la santé lui-même, qui est souvent dominé par les hommes aux postes administratifs supérieurs et dans la profession médicale, alors que les femmes sont davantage présentes aux échelons inférieurs. Un plus grand équilibre entre les hommes et les femmes doit être réalisé à tous les niveaux, ce qui contribuerait à rendre ce secteur plus sensible à la question de la parité.

L'expérience montre que les hommes peuvent non seulement contribuer à une amélioration de la santé des femmes mais aussi à une amélioration de leur propre santé par l'intégration de la perspective sexospécifique, a déclaré M. Matlin, illustrant son propos par divers exemples dans les pays du Commonwealth. Il a souligné la nécessité d'avoir des systèmes de santé flexibles et susceptibles de s'adapter aux changements de la société. Chaque composante du système doit comprendre des mécanismes mettant l'accent sur les perspectives sexospécifiques et les différences entre les sexes. Cela nécessité un équilibre dans les domaines tels que la participation à l'élaboration des politiques, les consultations, la formation, la recherche, la collecte de données. Ces mécanismes doivent fonctionner à tous les niveaux et dans tous les secteurs. Ils doivent être évolutifs et être considérés non comme une fin en soi, mais comme des processus favorisant les progrès.

- 6 - FEM/1056 3 mars 1999

L'expérience acquise au sein du Commonwealth avec les Systèmes de gestion de la parité entre les sexes montre que ces systèmes peuvent contribuer à améliorer le niveau de santé des femmes et des hommes et leur garantir des opportunités égales de travail et d'influence dans le secteur de la santé pour autant que la participation des femmes soit assurée à tous les niveaux du système; que des actions délibérées soient entreprises en vue d'inclure les femmes dans les processus de décision; que l'on encourage les partenariats entre les hommes et les femmes; et que l'on considère de manière explicite les problèmes de santé et les besoins des hommes et des femmes, et étudie les moyens (séparés, combinés ou complémentaires) de les satisfaire. Les Systèmes de gestion de la parité entre les sexes dans le secteur de la santé exigent en outre une coopération étroite entre de nombreux acteurs tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de ce secteur. Les ateliers organisés au sein du Commonwealth, avec quelque 25 pays, en vue de lancer la construction de tels systèmes ont réuni des responsables politiques de haut rang des ministères de la santé, des ministères des affaires féminines et des ministères des finances ou de la planification, des professionnels de la santé, des représentants parlementaires intéressés par ces questions et des représentants d'ONG nationales et internationales. La construction de ces systèmes passe par diverses étapes : la sensibilisation des acteurs clés dans le domaine de la santé aux besoins et aux opportunités; l'élaboration d'un système qui réponde aux exigences nationales et au contexte économique et culturel local; la volonté politique et l'action politique efficace; et des efforts continus à tous les niveaux pour maintenir l'élan et assurer une réponse et la pertinence constantes du système. Les progrès réalisés dans la construction de ces systèmes ont été variables, dépendant en premier lieu du degré d'engagement politique aux plus hauts niveaux. Il est en effet peu vraisemblable que le processus aille au-delà de l'étape initiale si le Ministère de la santé n'accepte pas de devenir partie prenante.

M. PIERRE PIOT, Directeur exécutif d'ONUSIDA, a centré son exposé sur le lien entre l'épidémie du sida et la violence sexuelle, soit sur ce qu'il a appelé l'aspect "particulièrement pernicieux" de cette épidémie. La violence domestique, le viol et les autres formes de sévices sexuels, violations graves des droits de l'homme, sont étroitement liés à certaines des questions intraitables de santé, comme la propagation du virus HIV. Selon les chiffres de l'Organisation mondiale de la santé, la violence à l'égard des filles et des femmes cause plus de décès et de handicaps chez les femmes de 15 à 44 ans que le cancer, la malaria, les accidents de la circulation ou la guerre. Les études les plus récentes montrent qu'entre 16 et 52% des femmes ont été agressées physiquement au moins une fois dans leur vie par leur partenaire intime. L'abus conjugal n'est pas le seul problème. De nombreuses femmes, en effet, sont victimes d'une coercition sexuelle pratiquée par les hommes de la famille, les camarades de classe ou les voisins. Le fait que nombre de ces hommes ont peut-être des partenaires multiples ou des relations sexuelles non protégées n'apparaît pas comme un élément dissuasif. Le viol est en outre devenu une arme de guerre délibérée. Cette situation ne provoque pas

- 7 - FEM/1056 3 mars 1999

seulement douleur et humiliation mais constitue une véritable menace pour ce qui est des maladies sexuellement transmissibles. Le trafic des filles et des femmes continue d'être un autre contexte tragique de violence sexuelle. De nombreuses jeunes filles se voient ainsi contraintes d'épouser des hommes plus âgés qui ont déjà d'autres partenaires sexuelles, aggravant ainsi le risque d'infection. D'autres filles sont vouées à la prostitution et sont forcées d'avoir des rapports sexuels non protégés avec leur clients.

Le niveau de violence est effrayant tout comme le niveau de l'épidémie du HIV ou du sida, en particulier chez les femmes. Selon les estimations, 33 millions de personnes vivent avec le HIV ou le sida dont 43% de filles et de femmes. La vulnérabilité ainsi constatée des femmes ne s'explique pas seulement par des données biologiques mais également par des données sociales. La subordination des femmes dans de nombreuses sociétés rend difficile voire impossible pour elles de se protéger contre le virus HIV. Elles peuvent rarement compter sur la fidélité de leur époux, lui demander l'utilisation du préservatif ou lui refuser des relations sexuelles même quand elles savent qu'il est séropositif. De plus, elles n'ont pas les moyens financiers de se soustraire à une relation dangereuse du point du virus HIV. Les actes de violence ont donc un lien direct avec la propagation du sida. La menace de la violence tue le dialogue sur la sexualité et la vie, et compromet la capacité des femmes à se protéger; au Zimbabwe par exemple, les études indiquent un niveau élevé de sévices lorsque les femmes demandent l'utilisation d'un préservatif. Aujourd'hui, les filles de moins de 25 ans représentent une catégorie à hauts risques. Des études au Kenya ont montré qu'une fille sur quatre âgé de 15 à 19 ans est séropositive. Les conséquences de l'abus ne se limitent pas seulement à des problèmes de santé. En effet, les enfants victimes de violence se retrouvent bien souvent blessés dans leur amour propre. Ils se sentent sales et honteux et perdent leur foi dans les autres. Cette attitude peut conduire plus tard à une attitude à haut risque comme l'abus de drogues, la prostitution et les relations sexuelles non protégées. Les filles et les femmes vivent dans des conditions de subordination et il faut s'interroger sur ce que la société juge acceptable dans le comportement masculin. La communauté internationale peut juger intolérable la violence à l'égard des femmes, elle continue bien souvent à la considérer comme une part acceptable de la vie. Comme un cas récent en Italie l'a montré, la violence sexuelle en tant que norme sociale peut être renforcée par la juridiction nationale. La violence à l'égard des femmes n'est pas seulement une cause de l'épidémie du sida. Elle peut aussi en être la conséquence. Près de 14 millions de femme sont infectées par le virus et celles dont l'état de santé est connu peuvent devenir victimes de la violence de la part de leur mari, de leur famille et de leur communauté. Elles peuvent aussi être expulsées de leurs foyer, abandonnées par leur famille et renvoyées de leur travail. La violence à l'égard des femmes n'est pas seulement physique, elle est aussi psychologique.

- 8 - FEM/1056 3 mars 1999

Les mesures à prendre s'imposent d'elles-mêmes. Il faut d'abord un engagement politique au plus haut niveau pour encourager des changements sociaux et juridiques et mieux appuyer les filles et les femmes. Pour réaliser ces changements, il faut développer une approche plus globale impliquant un partenariat élargi entre les gouvernements, les communautés locales et les médias. Il faut aussi briser la loi en ce sens qu'il n'est pas possible de gagner la bataille du sida sans éliminer les tabous sur la sexualité et le sida et identifier la violence comme force motrice de l'épidémie. Il faut en outre accroître les ressources financières pour lutter contre l'épidémie. En 1997, seuls 160 millions de dollars ont été dépensés dans des programmes de prévention en Afrique subsaharienne. Il faut enfin consacré les ressources à des interventions ayant un réel impact. En ce qui concerne la violence à l'égard des femmes, il faut encourager des approches plus efficaces et plus novatrices pour leur protection mais d'abord et avant tout, développer des politiques et des programmes qui feront vraiment la différence. C'est le défi que doivent relever les gouvernements et les communautés.

Réponses des experts aux commentaires et questions des délégations

Le professeur MATLIN, évoquant divers programmes de santé dans le monde, a précisé qu'il existe au Bangladesh une série de directives pour introduire une perspective sexospécifique et initier des actions concrètes.

Le Professeur FATHALLA a évoqué l'existence d'indicateurs mis au point par les institutions et organismes des Nations Unies. Il en existe trois types : les indicateurs pour une maternité sans risque, produit de la collaboration entre le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP). Deuxièmement, des indicateurs de santé en matière de reproduction, publiés récemment par l'OMS. Et enfin des indicateurs de santé en matière de population, actuellement évalués par le FNUAP.

En ce qui concerne la question portant sur la procréation assistée médicalement, le professeur a souligné qu'il ne faut pas sous-estimer le coût psychologique et social de ces procédures pour les femmes. De plus, des questions de déontologie entrent en ligne de compte. Enfin, ces procédures sont très coûteuses, alors que dans un très grand nombre de cas, la prévention aurait été plus efficace.

Concernant la mortalité maternelle et les mesures prises à cet égard, le professeur a rappelé l'initiative qui a été lancée à Nairobi en 1987 sur la maternité sans risque, mais deux groupes avaient "brillé" par leur absence dans les travaux : les médecins et les femmes. Mais le lancement récent d'un fonds "Save the mother Fund", qui reçoit le soutien de l'industrie pharmaceutique, a relancé le travail dans ce domaine.

- 9 - FEM/1056 3 mars 1999

Mme DEAN PATTERSON a expliqué que malheureusement les programmes de lutte contre les sévices sexuels se heurtaient au manque de ressources nécessaires.

M. PIOT a expliqué qu'aucun problème de santé ne se produit dans un vide structurel. Ainsi, les moteurs de la pandémie du sida sont la pauvreté, les écarts entre les revenus ou encore les migrations urbaines qui sont des facteurs de vulnérabilité au virus du sida. A cause de la pauvreté, les programmes de prévention n'atteignent pas les populations à risques et notamment les pays affectés par la crise financière internationale et la diminution des aides financières internationales. Pour ce qui est des mesures prises pour freiner la violence à l'égard des femmes, l'expert a expliqué que ONUSIDA travaille avec les Parlementaires européens à la mise en oeuvre d'une démarche fondée sur les droits qui inclurait la violence comme un facteur risque du sida. Nous travaillons également avec les médias, les organisations religieuses et les personnalités internationales pour que les mentalités changent. Il est également important de travailler avec les diverses communautés sociales comme les pères adolescents. Il faut par ailleurs investir dans l'éducation pour changer les attitudes et les normes. Pour ce qui est de la question portant sur ce qui pouvait être fait pour combattre le VIH, l'expert a rappelé que les solutions existent déjà et que des changements de comportements importants ont eu lieu. Il faut s'attaquer aux inégalités dans l'accès aux traitements. Il est clair que les programmes de lutte contre le sida ne peuvent pas compter exclusivement des mesures de prévention mais doivent également englober l'aspect de l'accès aux soins et la définition de ces normes de ces soins. Il faut également mettre en place des programmes actifs de lutte contre la discrimination des séropositifs. Le VIH est le premier obstacle au développement et seul un effort international plus intense permettra de freiner cette épidémie. Les mutilations génitales préparent un terrain favorable à la propagation du sida, a souligné l'expert qui a appelé à l'arrêt de ces pratiques.

Au sujet des agrégats statistiques relatifs au sida, Dr. PIOT a estimé qu'il fallait utiliser des indicateurs simples, et a regretté qu'ils n'existent pas encore. Il s'agit ici de savoir comment évaluer le respect ou non des droits de l'homme. Au sujet de la question essentielle de savoir comment sensibiliser les jeunes, les jeunes hommes en particulier, il a souligné la nécessité d'interventions ciblées, comme le font le plus grand nombre de programmes communautaires. Le système scolaire et les médias sont également impliquées. Il a insisté sur la nécessité de passer à un approche plus centrée sur les communautés.

Mme DEAN-PATTERSON a indiqué que les femmes ne sont pas plus sujettes à la dépression que les hommes, mais qu'elles sont plus prêtes à l'admettre et à y répondre en sollicitant des soins.

- 10 - FEM/1056 3 mars 1999

Le Dr. FATHALLA a regretté que des indicateurs relatifs à la qualité de la vie en matière de santé n'existent pas encore. Ils seraient essentiels dans les cas d'infécondité, ou de grossesse non-désirée qui ne sont pas des maladies, mais qui ont des conséquences énormes sur la vie d'une femme. Sur la question de la relation entre santé mentale et hormones, il a souligné que les problèmes de santé mentale chez les femmes sont surtout dûs aux problèmes sociaux qu'elles doivent assumer, et qu'ils n'ont rien à voir avec leurs hormones.

En ce qui concerne les résultats de la recherche en matière de régulation de la fertilité masculine, il a indiqué qu'il est plus difficile de contrôler cette fertilité, tout en conservant les capacités. De plus, l'industrie pharmaceutique n'est pas intéressée à fabriquer des contraceptifs masculins par crainte qu'ils ne soient pas achetés. Cependant, les mentalités évoluent et des progrès dans ce domaine se font sentir. Le professeur a observé que la méthode de contraception d'urgence pour les femmes devrait être davantage utilisée pour éviter d'avoir recours à l'avortement.

Evoquant le contexte économique et social de la maternité, il a estimé que les femmes doivent avoir accès à un congé de maternité rémunéré. Cependant, il a remarqué que la façon dont une société évalue le prix de la mère influence directement l'investissement des gouvernements pour améliorer les soins et les avantages sociaux prodigués.

Le Professeur MATLIN a évoqué la mise en place actuellement d'un indice de santé selon le pays d'origine pour évaluer les différences de situation. Concernant la protection des agents sanitaires qui s'occupent des femmes, il a estimé que cette question entre dans le cadre des travaux contre la violence à l'égard des femmes. Pour ce qui est de la santé mentale des femmes, il a répété que l'état mental ne peut être lié à une question d'hormones, mais plutôt au contexte social. Evoquant à son tour la régulation de la fertilité des hommes, il a admis le peu de succès rencontrés dans les travaux jusqu'à présent, mais il a également noté que les attitudes changent. Dans ce cadre, il a souligné la nécessité de mettre en place des programmes dans les écoles pour promouvoir l'égalité des sexes, ainsi que l'importance de la télévision pour transmettre le message aux jeunes. Pour ce qui est de la notion d'environnement propice, il a estimé qu'il s'agit d' une donnée essentielle dans le travail d'amélioration de la situation des femmes en matière de santé.

M. MATLIN a souligné qu'il n'y pas de réponse simple à la question de l'élimination de la pauvreté. Les institutions financières internationales commencent maintenant à évoquer l'allégement de la dette des pays pauvres et ceci pourraient aider. Par ailleurs, les programmes d'ajustement structurel aggravent la prévalence de la pauvreté sur les plus défavorisés. Pour ce qui est de la question de l'analyse et de l'intégration sexospécifiques, il est important de savoir que, quelles que soient les ressources disponibles, il faut commencer la restructuration des services de santé avant qu'il ne soit trop tard.

- 11 - FEM/1056 3 mars 1999

M. FATHALLA a rappelé que les grossesses précoces comportent des risques physiques et limitent les femmes dans leur avenir professionnel. Au sujet des aides à apporter aux pays en développement, l'expert a estimé que les résultats de la Conférence du Caire sur la population et le développement étaient décevants dans la mesure où de nombreux pays n'avaient pas respecté leurs engagements. L'expert a incité les pays en développement à s'attaquer eux-mêmes au problème de la pauvreté.

Mme DEAN-PATTERSON a rappelé qu'il fallait faire de la violence à l'égard des femmes une priorité. Le Ministre de la santé des Bahamas a créé un centre de crise pour les femmes battues au sein de son hôpital central.

M. PIOT a expliqué au sujet des mesures de lutte contre la transmission du Sida de la mère à l'enfant, que ONU/SIDA a négocié une baisse de 75% du prix des médicaments. Il faut que les femmes aient également accès aux tests de dépistage, aux conseils et à une alternative à l'allaitement au sein. Des programmes existent également ciblant les hommes homosexuels, tel est le cas par exemple en Thaïlande. L'expert a rappelé par ailleurs que les sociétés qui ont réussi a réduire la pandémie du Sida ont réussi dans le même temps à réduire le phénomène de discrimination. La volonté politique est un facteur clé, de même que la collaboration avec les communautés locales qui doivent être associées aux campagnes de prévention et d'information sur le Sida. Il faut un mouvement de masse. Le phénomène du trafic des femmes est également lié à la pauvreté. Des mesures juridiques doivent être prises pour enrayer l'offre et demande.

Documentation

Rapport du Secrétaire général sur le Suivi de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes : réalisation des objectifs stratégiques et mesures à prendre dans les domaines critiques (E/CN.6/1999/4)

Ce rapport traite des thèmes dont la Commission doit débattre à cette session, conformément à son programme pluriannuel de suivi de la Conférence : "Les femmes et la santé" et "Les mécanismes institutionnels chargés de favoriser la promotion de la femme". Les rapports analytiques sur ces questions sont fondés sur les résultats de deux réunions de groupes d'experts convoquées en 1998 par la Division de la promotion de la femme du Département des affaires économiques et sociales du Secrétariat de l'ONU.

En ce qui concerne la question critique "Les femmes et la santé", le groupe d'experts s'est penché sur la notion d'intégration d'une perspective sexospécifique dans le secteur de la santé. Le groupe a également examiné la question de la santé génésique et un certain nombre de problèmes de santé propres aux femmes, ainsi que le problèmes des maladies infectieuses.

- 12 - FEM/1056 3 mars 1999

Il a adopté certaines résolutions concernant ces questions et problèmes de santé spécifiquement féminins et a élaboré un cadre pour une politique de santé tenant compte des sexospéficités, utile à l'intégration de la problématique hommes-femmes. S'agissant du domaine critique des "Mécanismes institutionnels chargés de favoriser la promotion de la femme", le groupe a examiné le rôle des dispositifs nationaux d'intégration d'une perspective sexospécifique dans tous les rapports entre ces dispositifs nationaux et la société civile et à la responsabilité des gouvernements à l'égard de cette intégration, et a donné son aval à un projet pilote de renforcement des dispositifs nationaux, qui doit être exécuté par la Division de la promotion de la femme. Le groupe a demandé au Secrétariat de résumer les "pratiques optimales" décrites dans les documents des experts, afin d'offrir des exemples pratiques aux gouvernements et aux dispositifs nationaux.

Le présent rapport a pour objet de définir des mesures à prendre par les pouvoirs publics pour accélérer la réalisation de l'égalité entre hommes et femmes, éliminer la discrimination à l'égard des femmes et contribuer à l'émancipation des femmes dans le contexte du Programme d'action. Les progrès réalisés dans l'exécution du Programme d'action et l'élimination des derniers obstacles seront présentés dans le cadre de l'examen de haut niveau de l'exécution du Programme d'action de Beijing et de l'application des Stratégies prospectives d'action de Nairobi pour la promotion de la femme à l'horizon 2000. L'examen et l'évaluation, cinq ans après, en 1999, du Programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement permettra d'analyser les principaux succès et problèmes, ainsi que les enseignements à tirer, de l'élaboration de stratégies, d'actions, de politiques et de programmes efficaces, ainsi que de l'affectation de ressources, qui sont également valables pour l'examen et l'évaluation de l'exécution du Programme d'action. Le présent rapport propose des stratégies pour accélérer la formulation de conclusions en vue de la réalisation de deux objectifs critiques de la Commission.

Le Secrétaire général formule une série de recommandations concernant les objectifs stratégiques sur les femmes et la santé ainsi que sur les mécanismes nationaux destinés à favoriser la promotion de la femme. Son rapport comporte également une annexe relative au cadre pour la conception de politiques nationales de santé dans une perspective sexospécifique intégrée.

Lettre datée du 16 février 1999, adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent de la Hongrie auprès des Nations Unies (E/CN.6/1999/7)

Par cette lettre, adressée au Secrétaire général, le Représentant permanent de la Hongrie auprès des Nations Unies informe que le Comité des ministres du Conseil de l'Europe présidé actuellement par son pays, a décidé que son président serait chargé de faire mieux prendre conscience aux organismes des Nations Unies des réalisations et du travail en cours

- 13 - FEM/1056 3 mars 1999

du Conseil de l'Europe dans le domaine des droits de l'homme. C'est pour cette raison qu'il demande que les deux documents joints, dont l'un donne les conclusions de la Rapporteuse générale du Forum international sur les politiques nationales dans le domaine de l'égalité entre les femmes et les hommes, et l'autre renferme le rapport final sur la parité des sexes, soient soumis comme documents officiels de la quarante-troisième session de la Commission de la condition de la femme (1-19 mars 1999) au titre du "Suivi de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes".

* *** *

Rectificatif

La page 2 de notre communiqué de presse FEM/1052 daté du 1er mars 1999 doit se lire comme suit :

"Les membres du Bureau ont été élus lors de la quarante-deuxième session de la commission pour un mandat de deux ans. Le Bureau est composé de Mme Patricia Flor (Allemagne), Présidente; de Mmes Marcela Nicodemos (Brésil), Nonhlanhla Tsabedze (Swaziland), Karam Fadi Habib (Liban), Vice-Présidentes; et de Mme Zuzana Vranová (Slovaquie), Vice-Présidente-Rapporteur.

* *** *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.