DSG/SM/42

LA VICE-SECRÉTAIRE GÉNÉRALE SE DÉCLARE RÉSOLUE À METTRE EN APPLICATION LES ACCORDS DE RIO ET À PARVENIR À UN DÉVELOPPEMENT VÉRITABLEMENT DURABLE

23 février 1999


Communiqué de Presse
DSG/SM/42
ENV/DEV/495


LA VICE-SECRÉTAIRE GÉNÉRALE SE DÉCLARE RÉSOLUE À METTRE EN APPLICATION LES ACCORDS DE RIO ET À PARVENIR À UN DÉVELOPPEMENT VÉRITABLEMENT DURABLE

19990223 Prenant la parole à l'American University de Washington, Mme Fréchette préconise une action tendant à donner au développement durable toute son importance

On trouvera ci-après le texte de l'allocution que Mme Louise Fréchette a prononcée au Forum sur les programmes des Nations Unies pour le développement durable le 23 février à l'American University de Washington :

Ce n'est pas tous les jours qu'un fonctionnaire de l'ONU peut venir à Washington et rencontrer tant d'amis d'horizons aussi divers. J'ai donc grand plaisir à me trouver ici aujourd'hui, afin de m'entretenir avec vous de l'action menée par l'Organisation dans un domaine de la plus haute importance pour tous, aussi bien partisans que détracteurs. Je suis très obligée à l'Alliance pour les programmes de développement durable des Nations Unies, du Centre for the Global South de l'American University, et à la Fondation Heinrich Boll d'avoir fait le nécessaire pour que cette rencontre puisse se tenir.

Il y a quelques années de cela, un haut responsable politique constatait que "de vastes possibilités s'offrent à chacun de nous, dans lesquelles nous nous entendons cependant à ne voir que d'insolubles problèmes". C'est bien ainsi qu'il en est allé en 1992, lorsque le monde entier s'est réuni à Rio de Janeiro pour promouvoir la cause du développement durable, c'est-à-dire d'un développement qui réponde aux besoins de l'heure sans compromettre les chances des générations à venir.

Lors du Sommet "Planète Terre", certains ont soutenu que le développement durable était intrinsèquement contraire à la croissance économique, en dépit du fait qu'il ne saurait y avoir de développement durable sans croissance économique! D'autres étaient d'avis que le développement durable menaçait des conditions de vie durement acquises, encore que celles-ci soient parfois difficiles à préserver du fait de pratiques malavisées, et qu'il s'en faille de beaucoup que tous en bénéficient.

Bref, les désaccords politiques, l'intransigeance dans les négociations et le trop grand souci de mettre fin au statu quo tendaient à boucher les multiples perspectives ouvertes. Le déblocage espéré a néanmoins fini par se produire : les gouvernements ont approuvé Action 21 comme stratégie de développement durable.

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Grâce à cette volonté politique, grâce notamment à la formation d'alliances entre les gouvernements, et grâce aussi à des gens comme vous tous, réunis dans cette salle aujourd'hui, le débat sur l'environnement et le développement a repris sur de nouvelles bases. Comme le Programme des Nations Unies pour l'environnement l'a constaté, l'opinion publique est de plus en plus clairement consciente du fait que la richesse des nations et le bien-être des individus ne résident pas seulement dans les biens économiques mais aussi dans les équipements sociaux et les ressources naturelles. Le développement économique, la protection de l'environnement et le progrès social ne peuvent plus être considérés comme des sujets distincts. Ce sont en fait les composantes complémentaires d'une seule et même mission pressante.

Nous comprenons aujourd'hui qu'il est contre-indiqué de s'attacher à créer des emplois et à augmenter les revenus dans le cadre d'un développement à court terme qui ne tient pas compte des coûts occasionnés par la dégradation de l'environnement. Nous nous devons cependant de reconnaître aussi que la solution à bon nombre de problèmes, en particulier dans les pays en développement, passe nécessairement par une croissance économique soutenue et l'adoption de politiques environnementale et sociale rationnelles.

Sur un plan plus général, nous sommes conscients également des liens qui existent entre le développement durable et la plupart des grands problèmes dont se préoccupe la communauté internationale. La pauvreté entretient la stagnation économique, la misère sociale, l'insalubrité et la dégradation de l'environnement. La poussée démographique grève les ressources. L'imprévision fait obstacle au bon fonctionnement de l'administration publique et à la prestation de services publics tels que l'alimentation en eau potable, l'assainissement et la mise en place d'infrastructures.

Il y a même un rapport avec le maintien de la paix et de la sécurité, puisque la concurrence de plus en plus forte dont font l'objet certaines ressources — terre, pétrole ou eau, par exemple — peut tourner à l'instabilité politique, voire au conflit ouvert.

Nous savions tout cela, évidemment, tant par intuition que d'expérience. Ce n'est pourtant qu'après la publication de "Notre avenir à tous", en 1987, que l'idée de développement durable a fini par s'imposer.

Cinq ans plus tard, le principe a été approuvé par les pays du monde entier lors de la rencontre historique de Rio. Aujourd'hui, sept ans après Rio, plus de 150 pays ont créé des conseils nationaux du développement durable ou des organes similaires, et près de 2 000 conseils municipaux dans 49 pays appliquent Action 21 sur le plan local.

Au cours de ces années également, une série de conférences mondiales sur d'autres questions de première importance ont confirmé qu'outre l'interdépendance des nations, il existe une interdépendance des problèmes, et que l'approche du développement doit être globale, intégrée et résolument tournée vers l'avenir.

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C'est donc ainsi qu'a vu le jour le cadre d'action dont nous sommes convenus à l'échelon international, mais ne nous contentons pas de ce que nous avons accompli sur le papier : ne mesurons pas nos acquis au nombre des conférences tenues ou à l'aune des promesses faites, mais bien à ce qui a été fait sur le terrain. Demandons-nous donc quels sont les progrès réalisés depuis le Sommet "Planète Terre". Qu'il s'agisse de ses organes directeurs ou de ses antennes et programmes dans les pays, l'Organisation des Nations Unies s'est-elle montrée à la hauteur de la tâche? Sommes-nous passés de la théorie à la pratique, de l'idée à la réalité?

Comme vous le savez, il y a deux ans de cela, l'Assemblée générale a convoqué une session extraordinaire ayant expressivement pour but de dresser ce bilan. Un rapport sur les grandes tendances dont on prévoyait qu'elles influeraient de façon décisive sur le premier quart du siècle prochain a été publié à l'issue de la session, dans lequel étaient recensés aussi bien les progrès appréciables réalisés qu'un certain nombre de raisons de craindre le pire.

Comptent parmi les motifs d'optimisme le ralentissement de la croissance démographique, l'augmentation de la production alimentaire, l'allongement de l'espérance de vie et l'amélioration de la situation sur le plan de la santé, de même que celle de la qualité de l'environnement dans certaines régions. Des conventions juridiquement contraignantes sont entrées en vigueur pour ce qui a trait au changement climatique, à la biodiversité et à la désertification. Et nous avons montré qu'une intervention politique résolue peut modifier la donne face à des menaces comme celles que font peser la pollution industrielle et l'appauvrissement de la couche d'ozone.

D'un autre côté, l'eau douce se fait de plus en plus rare, les forêts et les terres agricoles productives reculent et la pauvreté et l'inégalité s'accentuent dans bien des pays en développement. La pandémie de sida a des retombées plus dévastatrices encore qu'on ne l'avait craint, notamment sur l'économie de nombreux pays d'Afrique. Les subventions de l'État continuent de masquer le coût réel des ressources naturelles, en entraînant l'épuisement et la surexploitation. Il nous reste au demeurant à mettre en place des modes de production et de consommation d'énergie durables — notre préoccupation majeure à long terme.

On pensait en 1997 que si la catastrophe mondiale n'était pas imminente, il était peu probable que le développement durable procède du statu quo. On le pense toujours aujourd'hui.

Le système multilatéral doit jouer un double rôle, à la fois mondial et local, pour faire évoluer cette situation.

À l'échelle mondiale, des problèmes tels que le changement climatique et la pollution marine sont au nombre de ceux que ne sauraient contenir les frontières et qui, comme la criminalité, le trafic de drogues et les maladies contagieuses appellent de toute évidence une action internationale.

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Il reste que l'approche internationale n'est pas la seule possible. Bien que ce soit aux menaces d'ampleur planétaire et à la dimension mondiale de la vie actuelle que l'on a prêté le plus d'attention ces dernières années, c'est au niveau local qu'il faut chercher à toucher les habitants du globe, et à ce niveau aussi que se trouvent les solutions les plus originales et concrètes.

C'est au niveau local de même que l'ONU et les institutions et programmes qui lui sont rattachés sont les plus présents dans la vie des gens, aidant les pays à répondre aux besoins de leurs populations.

En fait, pour la plupart des hommes, des femmes et des enfants, la lutte pour le développement durable ne commence pas dans les conférences des Nations Unies ou les sessions d'organes délibérants, mais au foyer, dans la misère noire, la recherche de produits de première nécessité, d'eau potable, d'un logement et de combustible pour la cuisine et le chauffage.

Le rôle que nous avons à jouer sur le plan multilatéral est clair, mais il nous reste à mettre en place un système multilatéral qui fonctionne. Le Sommet "Planète Terre" a servi de catalyseur pour les réformes apportées à l'ONU, qui nous ont rapprochés de l'objectif visé. La Commission du développement durable, créée immédiatement après Rio, est devenue un centre d'étude et de promotion de la mise en oeuvre d'Action 21 et d'autres accords, et le Fonds pour l'environnement mondial constitue un mécanisme financier novateur.

Dans l'esprit de Rio également, et dans celui de la réforme de l'Organisation, nous avons procédé à un examen approfondi du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et d'Habitat, Centre des Nations Unies pour les établissements humains. Voilà plus de 25 ans que le PNUE exerce une surveillance continue sur l'état de l'environnement et s'emploie à sensibiliser l'opinion ainsi qu'à définir les grandes orientations à suivre dans son domaine de compétence. Aujourd'hui, en tant que centre de coordination pour les questions d'environnement liées au développement durable, un PNUE efficace nous est indispensable à tous, tant au sein qu'en dehors du système des Nations Unies.

Après avoir étudié la question de près, le Secrétaire général a soumis à l'Assemblée générale une série de recommandations visant à redynamiser le PNUE et Habitat. Les recommandations se rapportant au PNUE ont pour objet d'améliorer la coordination, d'établir des liens plus étroits entre le PNUE et les conventions relatives à l'environnement et, dans une optique plus générale, d'asseoir le Programme sur des bases politiques et financières plus solides. Le PNUE doit être doté du statut, investi des pouvoirs et pourvu des ressources nécessaires s'il doit remplir efficacement son rôle d'organe chargé par la communauté internationale de s'occuper des questions d'environnement.

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Les changements opérés au PNUE et à Habitat s'inscrivent dans le cadre du processus de réforme mis en train il y a deux ans de cela par le Secrétaire général. L'effort ainsi entrepris a permis d'assurer une meilleure coordination entre les diverses composantes de l'Organisation et, ce faisant, de leur assurer la possibilité d'établir les corrélations voulues entre les questions et de collaborer plus efficacement au niveau des pays.

Le Plan-cadre des Nations Unies pour l'aide au développement est un nouvel outil important à cet égard. Pays par pays, les programmes et les fonds des Nations Unies s'attachent maintenant, en concertation avec le gouvernement concerné, à s'entendre sur les objectifs stratégiques afin que les programmes de pays se déroulent de façon intégrée et synergique. Une phase pilote est en cours dans 18 pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique centrale. Bien qu'il soit difficile de se défaire des mauvaises habitudes et que nous en soyons encore à tirer les enseignements de cette entreprise, nous jugeons ce que nous avons constaté jusqu'ici des plus encourageants.

Un autre changement intervenu depuis la Réunion de Rio a été la création du Comité interorganisations sur le développement durable, qui oriente le suivi d'Action 21 par les organismes des Nations Unies grâce à un système d'agents de coordination dans le cadre duquel la FAO, par exemple, est le chef de file pour les questions liées aux ressources foncières, et l'OMS pour les questions de santé.

En dépit des contraintes financières, qui limitent l'initiative, et bien que la nécessité de politiques plus claires en matière de développement durable se fasse sentir, la formule des agents de coordination a permis d'assurer une utilisation plus efficace des ressources et des compétences techniques, et s'avère d'ores et déjà constituer un réel progrès sur le plan de la coopération interorganisations.

Aussi importantes soient-elles, les réformes que nous nous employons à introduire ne nous permettront de faire qu'une partie du chemin. Qui plus est, le développement durable n'est pas l'affaire des seuls gouvernements.

L'une des nouveautés les plus prometteuses de ces dernières années réside dans la part très active que la société civile — organisations non gouvernementales, syndicats, autorités locales, jeunesse et associations féminines, établissements universitaires et entreprises du secteur privé — prend à la transformation des relations diplomatiques et à la création d'un système international davantage axé sur la participation.

Jamais encore les portes des Nations Unies n'avaient été si grandes ouvertes, ce grâce, pour une large part, au Sommet "Planète Terre". Sans doute les pouvoirs publics ont-ils mis le temps à prendre conscience de l'importance que revêt désormais le secteur associatif, mais ils ont fini par comprendre que les associations et les institutions de la société civile occupent une place prépondérante dans le monde d'aujourd'hui et qu'il ne saurait y avoir de succès sans leur participation.

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L'idée principale ici est le partenariat. Les partenariats importent au plus haut point pour l'ONU; ils nous permettent en effet à la fois de partager les charges et de tirer parti des avantages comparatifs. Il n'est donc pas surprenant que le Secrétaire général ait fait de la société civile un thème majeur de sa révolution silencieuse en matière de réforme, ni qu'il ait dit et redit que les partenariats ne sont pas une option mais une nécessité.

Le Secrétaire général s'est également adressé à un autre public qui a un impact incontestable sur nos perspectives de développement durable : le milieu des affaires. Le mois dernier, au Forum économique mondial tenu à Davos, il a demandé aux chefs d'entreprise d'aborder les questions d'environnement avec circonspection, de susciter un sens plus aigu des responsabilités quant à l'environnement et d'encourager la mise au point et la diffusion de technologies douces.

Le Secrétaire général a également demandé aux chefs d'entreprise de se conformer aux normes du travail et de veiller au respect des droits de l'homme qui, avec la gestion avisée de l'environnement, constituent selon lui un ensemble de valeurs et de principes propres à donner un visage humain au marché mondial. L'instabilité économique de ces dernier mois n'a fait apparaître que trop clairement les points faibles et la fragilité de l'économie mondiale. Tandis que l'ONU s'acquittera de la tâche qui lui incombe à cet égard sur les plans humain et social, le partenariat avec le milieu des affaires, fondé sur l'intérêt commun que nous avons dans la stabilité et la prospérité, jouera un rôle fort important.

Les pratiques incompatibles avec un développement durable font si profondément partie de notre quotidien qu'il est difficile d'imaginer comment les réformes nécessaires pourront être apportées.

Nous ne parviendrons pas à assurer un développement durable tant qu'un habitant de la planète sur cinq continuera de mener une existence sordide, impuissant à venir à bout de la pauvreté absolue. Nous ne parviendrons pas à assurer un développement durable tant que de nouvelles mesures d'incitation n'auront pas été prises sur le plan économique, tant que les technologies ne seront pas plus respectueuses de l'environnement, tant que les ressources demandées à Rio n'auront pas été obtenues. Et nous ne parviendrons pas non plus à assurer un développement durable tant que n'auront pas été inversées les tendances fâcheuses que révèlent nos modes d'utilisation de l'énergie et de l'eau douce.

Je ne voudrais pourtant pas vous quitter sur une note trop pessimiste. Outre que l'on ne peut guère s'y fier, comme on l'a constaté dans le passé, les scénarios catastrophistes ont parfois un effet contre-productif sur le plan politique. Permettez-moi donc de mettre l'accent plutôt sur notre volonté résolue de poursuivre ce que nous pouvons faire, dans les domaines où nous le pouvons, afin d'appliquer Action 21 et les autres accords conclus à Rio et d'assurer un développement véritablement durable.

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L'un des défis majeurs que nous avons à relever est celui de l'éducation et de la sensibilisation. Lorsqu'il s'agit de pontifier au sujet de ce que le monde devrait être ou de ce que les gouvernements devraient faire pour leurs peuples, la communauté internationale produit généralement sans peine les résolutions et déclarations exaltées qu'appellent les circonstances, mais sommes-nous parvenus à convaincre l'homme de la rue, la mère de famille réfugiée ou les enfants des écoles de la nécessité pressante du développement durable?

Il me semble que nous avons tendu plutôt à conférer entre nous. Si nous nous y étions mieux entendus, diraient certains, la bataille du développement durable ne se poursuivrait pas aujourd'hui. Voilà précisément pourquoi nous nous devons de travailler plus dur encore à faire en sorte que le développement durable devienne une préoccupation réelle, concrète, capable d'influer sur la manière dont les gens votent, consomment, et prennent mille et une autres décisions importantes dans leur vie.

Ce défi, c'est à l'ONU comme aux ONG qu'il incombe de le relever. Nous faisons face au même problème. Car si nous ne comblons pas l'écart entre développement local et développement mondial, si nous n'établissons pas de liens entre le changement climatique au sens large et telle ou telle industrie polluante, par exemple, nous ne réussirons pas à mobiliser les communautés de base. Et sans celles-ci, sans les principaux intéressés, le développement durable demeurera une idée dont nous saisirons tout l'intérêt mais dont nous ne connaîtrons jamais l'effet libérateur.

Il nous faut donc atteindre la masse critique de nos contemporains, il nous faut faire en sorte, ce qui importe davantage encore, que le plus grand nombre prenne pleinement conscience des menaces qui pèsent sur notre planète et des possibilités qui s'offrent à nous. Dans cette optique, j'attends avec intérêt de vous entendre aujourd'hui et de travailler en liaison plus étroite encore avec vous tandis que nous poursuivrons ensemble cette cruciale entreprise.

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