En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/6703

LES CRISES ET LES CONFLITS PROVOQUES PAR LA SOTTISE ET LA MECHANCETE PEUVENT ETRE DENOUES A FORCE DE SAGESSE ET DE TENACITE, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL

19 février 1999


Communiqué de Presse
SG/SM/6703


LES CRISES ET LES CONFLITS PROVOQUES PAR LA SOTTISE ET LA MECHANCETE PEUVENT ETRE DENOUES A FORCE DE SAGESSE ET DE TENACITE, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL

19990219 On trouvera ci-après le texte d'une allocution prononcée, le 17 septembre 1998, à l'Université Harvard par le Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan.

J'aimerais partager avec vous quelques idées sur les aspects politiques de la mondialisation, qui, je l'espère, stimuleront votre réflexion et vous inciteront peut-être même à agir.

Harvard est l'une des rares institutions au monde qui contribuent vraiment à défendre les valeurs que sont la connaissance, la tolérance et le progrès universel, valeurs qui inspirent toute l'action de l'ONU pour promouvoir la paix et éliminer la pauvreté. Permettez-moi dès lors de rendre aujourd'hui un hommage particulier à deux des huit fonctionnaires que l'Organisation a perdus dans l'accident du vol 111 de Swissair. Jonathan Mann et Pierce Gerety, diplômés respectivement du Harvard College et de la Harvard Law School, étaient au service de l'Organisation depuis plusieurs dizaines d'années; Jonathan Mann a été l'un des précurseurs dans la lutte contre le SIDA et Pierce Gerety a dirigé courageusement des opérations de secours aux réfugiés, le plus récemment, en Afrique centrale. Dans leur carrière et dans leur existence, ils ont incarné les idéaux des Nations Unies, et, me semble-t- il, ceux de Harvard également.

À l'heure où je vous parle, le monde est plongé dans la tourmente économique, les difficultés politiques et les conflits. Le spectacle que notre monde présente est assurément inquiétant mais il doit aussi nous rappeler à l'humilité. Il est inquiétant à cause de l'intensification, ces derniers mois, des conflits internes qui couvaient depuis longtemps et auxquels sont venus s'ajouter des tensions entre Etats, notamment en Afrique et en Asie.

Il nous incite à l'humilité parce que nous avons tous été frappés par la vitesse à laquelle ces crises se sont multipliées en l'espace de 12 mois et qu'il faut donc bien reconnaître que ceux qui prédisaient que la fin de la lutte idéologique entre les superpuissances et l'avènement de la mondialisation annonçaient la fin des conflits, se berçaient d'illusions.

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Pourtant, comme ces crises et ces conflits sont le fruit de la sottise et de la méchanceté des hommes, je suis convaincu que la sagesse et la ténacité peuvent en venir à bout. Nous ne pourrons, toutefois, y mettre fin que si nous nous attaquons aux facteurs politiques et économiques qui sont la cause profonde des problèmes dont est aujourd'hui victime la plupart des pays du monde. C'est pourquoi j'ai choisi de vous parler aujourd'hui des aspects politiques de la mondialisation.

Pour beaucoup, c'est le phénomène de la mondialisation qui distingue notre époque de toutes les autres. La mondialisation, nous dit-on, nous conduit à envisager le monde d'une manière différente et bouleverse nos modes de communication. Les aspects économiques de la mondialisation, ses promesses et ses dangers, occupent une grande place dans le discours quotidien.

En revanche, il est rare que les bases politiques de la mondialisation soient évoquées d'une manière qui nous permettrait de mieux comprendre les conséquences politiques de cette évolution, dans les moments de prospérité comme dans les périodes de crise. Que ce soit chez les partisans ou chez les détracteurs de la mondialisation, il est rare, en effet, que l'on envisage ses aspects politiques.

Aujourd'hui, la mondialisation perd déjà rapidement de son attrait dans certaines régions du monde. Ce qui n'était au départ, il y a 14 mois, qu'une crise monétaire en Thaïlande, a dégénéré en une épidémie d'insolvabilité qui provoque la paralysie politique de plus d'un Etat. De plus en plus souvent, la mondialisation est considérée non pas comme un allié de la prospérité, mais comme son ennemi, non pas comme un moteur du développement, mais comme un étau de plus en plus serré qui impose aux Etats d'établir des filets de sécurité, alors qu'il restreint leur capacité de le faire.

Au moment où l'intérêt même de la mondialisation est mis en question, il serait souhaitable de réfléchir à nouveau à l'importance des aspects politiques et de la bonne administration des affaires publiques comme gages du succès de la mondialisation. Je tiens toutefois à souligner dès maintenant que de vastes efforts sont faits un peu partout dans le monde pour limiter ou contrer les effets pervers de la mondialisation.

Le principe selon lequel la prospérité durable repose sur la légitimité des politiques adoptées est de plus en plus souvent tempéré par l'idée qu'il faut tirer le meilleur parti des mécanismes du marché tout en minimisant les coûts sur le plan de la justice sociale et de la pauvreté. Pour ce faire, il faut améliorer les régimes de contrôle partout dans le monde et mettre en place des filets de protection solides et durables pour protéger les plus pauvres et les plus vulnérables, et il faut en outre renforcer la transparence à tous les niveaux.

Généralement, on entend par mondialisation l'ensemble des progrès faits dans le domaine des technologies et des communications, qui ont rendu possible une interdépendance et une croissance économiques et financières sans précédent. Du fait de l'intégration des marchés, les flux d'investissements circulent plus facilement, la concurrence est plus forte, les prix diminuent et, un peu partout, le niveau de vie s'améliore.

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Pendant un très long moment, les faits ont semblé confirmer la validité de cette théorie. Tout se passait même tellement bien que l'on a, souvent, ignoré les divergences politiques latentes, en pensant que la croissance matérielle qui s'annonçait effacerait les clivages politiques.

Aujourd'hui, nous nous souvenons du début des années 90 comme d'une période marquée par les conflits meurtriers et les génocides qui se sont déroulés en Yougoslavie et au Rwanda et qui ont cruellement tourné en ridicule les forfanteries politiques qui ont accompagné la chute du communisme. Or, il se pourrait bien que, d'ici peu, nous nous souvenions, cette fois, de la fin de cette même décennie comme d'une période de crise économique et de conflits politiques qui, avec une égale cruauté, ont tourné en dérision les annonciateurs de l'âge d'or du mondialisme.

Avec le temps, ces constats, si douloureux qu'ils puissent être, se révéleront peut-être salutaires, dans la mesure où ils auront au moins permis de nous rappeler qu'en tout état de cause, la paix et la prospérité reposent sur des politiques légitimes et attentives.

Ils auront imparablement montré que l'idée que les marchés sont à même de régler à eux seuls tous les différends niait la réalité des divergences de vues et d'intérêts, divergences qui peuvent assurément être conciliées par des moyens pacifiques, mais qui doivent l'être par la voie politique.

D'une certaine manière, on pourrait dire que la politique et le développement politique dans son ensemble ont été quelque peu laissés pour compte dans l'euphorie de la mondialisation. Les taux de croissance mirobolants semblaient pouvoir justifier des décisions politiques qui, dans d'autres circonstances, auraient suscité une levée de boucliers. L'autocratie, faisant fi des droits civils et politiques les plus élémentaires, a assis son autorité sur sa capacité d'aider les sociétés à sortir de siècles de misère. Mais on a perdu de vue, dans cette exubérance de richesse matérielle, la raison d'être de la politique. Et pas seulement de la politique : de la bonne gestion des affaires publiques, de l'équité et de la justice sociale.

L'organisation d'une société fondée sur l'état de droit, l'adoption d'une forme de gouvernement légitime, non corrompu et respectueux des attentes des citoyens, le respect des droits de l'homme et des droits des minorités, la liberté d'expression, le droit à un procès équitable, tous ces éléments, qui sont les fondements universels du pluralisme démocratique, ont été trop souvent négligés. Et quand, un jour, l'argent cessa d'affluer et les banques se mirent à faire faillite, il a finalement fallu payer le prix des carences politiques d'autrefois.

Dans la plupart des pays en développement, les revers de la mondialisation ont déclenché une réaction de résistance et de résignation, le sentiment que la mondialisation n'était qu'une idole, imposée par les places fortes du capitalisme occidental à des Etats sans défense. La mondialisation est considérée, dans ces pays, non pas comme un terme qui décrirait une réalité objective, mais comme une idéologie porteuse de capitalisme sauvage.

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Quelle que soit la réalité des faits, pour ces pays, l'impression d'être assiégés est indéniable. Des millions d'individus souffrent, l'épargne a fondu comme neige au soleil et des décennies de progrès obtenus au prix d'énormes sacrifices pour lutter contre la pauvreté risquent d'être anéanties. Et si les principes fondamentaux de l'équité et de la liberté ne sont pas défendus dans le débat politique et ne s'imposent pas comme des conditions essentielles de la croissance économique, ils risquent d'être tout bonnement mis à l'écart. Le désespoir économique fera place aux bouleversements politiques, et les nombreux acquis réalisés en matière de liberté au cours des 50 dernières années risquent d'être perdus.

On peut discerner trois grands types de réaction à propos de la mondialisation, et tous les trois risquent d'anéantir les espoirs qu'avait fait naître la mondialisation et sont la conséquence du manque d'attention portée aux valeurs politiques. Tous les trois appellent une action mondiale pour résoudre ce qui est, en essence, un problème mondial.

La première de ces réactions, et sans doute la plus dangereuse, est la montée des nationalismes. Un peu partout dans le monde, depuis les pays d'Asie aux économies dévastées, jusqu'aux sociétés africaines lourdement endettées, des dirigeants en quête de légitimité commencent à percevoir la mondialisation et ses échecs comme un processus qui les a affaiblis par rapport à leurs rivaux et qui les a rabaissés aux yeux de leurs alliés. La mondialisation est présentée comme une invasion étrangère qui détruira les cultures locales, les préférences régionales et les traditions nationales.

Ce qui est plus inquiétant encore, c'est que les hommes politiques cherchent de plus en plus, pour s'assurer le soutien des masses malgré les difficultés économiques, à exploiter les vieilles inimitiés historiques et à fomenter des conflits avec les pays voisins. Ils doivent pourtant bien comprendre eux-mêmes que ces tentatives ne peuvent pas, bien au contraire, améliorer le sort de leurs concitoyens. En exaltant la fierté nationale, ils espèrent tout simplement distraire leur attention des pénuries qui les attendent.

Paradoxalement, la mondialisation promettait de transformer les partenaires commerciaux en partenaires politiques, tandis que l'interdépendance économique éliminerait la possibilité de toute confrontation politique ou militaire. Cette idée ne date pas d'hier. Au début du siècle, l'expansion rapide du commerce et des échanges avait même conduit certains à prédire la disparition à jamais des conflits. Et pourtant, l'interdépendance économique de l'Allemagne et du Royaume-Uni, si forte fut-elle, n'a pas évité la Première Guerre mondiale. Mais, cette leçon a vite été oubliée.

L'hypothèse était que la nature politique des relations entre les Etats avait subi une transformation spectaculaire, comparable à celle qui a révolutionné les techniques à l'âge de l'information.

La faiblesse de cette doctrine, selon laquelle le commerce empêcherait les conflits, ne vient pas seulement de ce que les nations et les peuples agissent souvent en fonction d'un écheveau d'intérêts qui, selon les cas, favorisent ou défavorisent le progrès économique.

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De fait, la force armée, les hégémonies, la suspicion, les rivalités, l'appât du gain et la corruption tendent à exercer une influence aussi importante sur les affaires de l'État que les intérêts économiques légitimes. Cette doctrine oublie aussi que les gouvernements constatent souvent que le rythme effréné de la mondialisation menace leur capacité de protéger leurs citoyens. Si l'on n'y prête pas attention, la mondialisation est vouée à l'échec.

La deuxième réaction a été de recourir à des solutions antilibérales, de s'en remettre au sauveur providentiel, à l'homme à poigne qui, en temps de crise, peut prendre des mesures résolues dans l'intérêt de la nation. Cette formule semble surtout exercer un attrait brutal et immédiat sur les pays nouvellement libéralisés, où le système politique est faible, incapables de réagir efficacement et par les voies légitimes à la crise économique.

Alors que le pouvoir central perd pied et que la pauvreté se répand, la tentation est forte d'oublier que la démocratie est une condition du développement et qu'elle n'en est pas l'aboutissement. Trop souvent, et à tort, on considère la démocratie comme un luxe et non comme une nécessité, comme un don du ciel et non comme un droit acquis de haute lutte.

Là aussi, le paradoxe est frappant : les partisans de la mondialisation ont toujours soutenu que l'intensification des échanges engendrerait naturellement une prospérité accrue qui, à son tour, ferait naître une vaste classe moyenne. La démocratie s'installerait alors de manière solide et durable, assurant le respect des droits de l'homme et des libertés individuelles. Cette vision s'est, elle aussi, révélée par trop optimiste.

Certains des partisans de la mondialisation ont cru trop fortement que le commerce et la croissance économique pouvaient favoriser l'instauration de la démocratie. D'autres ont sous-estimé le rôle des valeurs démocratiques comme la liberté d'expression et la liberté de l'information dans le maintien d'une croissance économique forte et durable. Les commerçants pratiqueront en tous temps le commerce, avec ou sans droits politiques. En revanche, leur prospérité ne peut pas, à elle seule, garantir le respect de la démocratie.

Dans tous les débats de l'après-guerre froide sur la question de savoir si la libéralisation politique devait précéder la libéralisation de l'économie, ou vice versa, une question a toujours été laissée de côté : qu'arrivera-t-il si, quelle que soit celle qui s'opère la première, l'autre ne suit pas? Qu'arrivera-t-il si la libéralisation de l'économie, aussi bénéfique qu'elle soit à court terme, n'engendre jamais une libéralisation politique qui ne soit pas déjà partie intégrante du progrès économique? Qu'arrivera-t-il si la libéralisation politique, aussi souhaitable qu'elle soit, ne constitue pas une garantie de croissance économique, tout au moins à court terme?

C'est à ces questions que les partisans de la mondialisation doivent réfléchir et trouver une réponse politique pour l'emporter sur leurs contradicteurs, partisans des solutions tyranniques. La liberté en soi est trop précieuse, elle est trop importante pour le progrès, pour pouvoir être sacrifiée à la recherche de la prospérité.

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La troisième réaction contre les forces de la mondialisation a été la plongée dans le populisme. Des politiciens en difficulté sont tentés de suggérer certaines formes de protectionnisme pour compenser les pertes censées venir d'une concurrence trop libre et d'un système de changements politiques immodérés. Pour eux, une nation malmenée n'a d'autre issue que de se détourner du monde extérieur et de se replier sur elle-même, quel que soit le prix à payer, et de ne rejoindre un jour la communauté des nations qu'en position de force.

Cette attitude attribue à la mondialisation la responsabilité de maux qui, le plus souvent, trouvent leurs causes profondes dans les carences de la politique intérieure. La mondialisation, qui a servi de prétexte politique aux réformateurs pour imposer des programmes d'austérité, finit par être considérée comme une force du mal par ceux qui proposent un retour à la vie supposée des communautés d'antan.

Malgré ses déficiences et ses hypothèses erronées, cette réaction ne doit pas être sous-estimée. Quiconque voudrait promouvoir une politique d'ouverture, de transparence et de bonne gestion des affaires publiques doit trouver le moyen de battre en brèche ces critiques à deux niveaux : celui des principes et celui des solutions pratiques qui peuvent, d'une manière ou d'une autre, apporter une garantie économique contre la démoralisation collective et l'instabilité.

Cette réaction nous enseigne que l'intégration économique dans un monde interdépendant n'est pas la panacée et qu'elle n'est pas non plus politiquement neutre. Elle s'analyse en termes strictement politiques, surtout dans les périodes de troubles, et elle doit donc être défendue en termes politiques. Faute de quoi, les populistes et les protectionnistes triompheront dans le débat qui oppose l'isolation et l'ouverture, le particulier et l'universel, le passé imaginaire et l'avenir prospère. Et il ne faut pas qu'ils triomphent.

Si la mondialisation doit réussir, ce doit être tout autant pour les pauvres que pour les riches. Elle doit apporter des droits autant que des richesses. Elle doit aller de pair avec la justice sociale et l'équité, autant qu'avec la prospérité économique et le progrès des communications. Elle doit être vouée non pas à la seule cause du capital, mais à celle du développement et de la prospérité pour les plus pauvres. Elle doit faire front aux manifestations du nationalisme, de l'intolérance et du populisme en proposant des solutions politiques formulées en termes politiques.

Il faut, une fois pour toutes, envisager la liberté politique comme une condition nécessaire de la croissance économique durable, même si elle n'en n'est pas une condition suffisante. Il faut reconnaître que la démocratie est l'accoucheuse du développement et que les droits politiques et les droits de l'homme sont le soutènement de tout progrès économique.

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Certes, voilà une vaste entreprise. Mais elle doit être menée à bien si l'on ne veut pas, dans quelques années, se souvenir de la mondialisation comme d'une illusion qui a fait croire que les forces du marché l'emporteraient sur la politique et que l'humanité enrichie n'aurait plus à se soucier de droits de l'homme. L'ONU, seule organisation internationale dont la légitimité et le champ d'action sont universels, a pour intérêt, et a même pour obligation, d'aider à assurer la réussite équitable et durable de la mondialisation.

Nous n'avons pas de formule magique ni de moyen facile pour atteindre cet objectif mais nous savons que les limitations, quelles qu'elles soient, de la capacité d'un État ou d'une organisation d'influer sur le cours de la mondialisation exigent une action concertée au niveau mondial.

Pour que cette action produise vraiment des résultats, il est clair qu'il faut d'abord créer des institutions politiques durables. Les mesures à cet effet doivent cependant être prises en pleine connaissance de cause et en tenant compte des causes profondes de l'effondrement brutal de si nombreuses économies. Jusqu'à un certain point, cet effondrement est dû aux déficiences et aux échecs des économies existantes, caractérisées par des politiques inadaptées, par la corruption et par le rejet du libéralisme.

Toutefois, nous ne pouvons pas ignorer que des pratiques de financement irresponsables et des politiques d'investissement agressives de la part d'agents extérieurs ont également joué un rôle. Si nous n'y portons pas remède, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les réformes politiques réussissent à créer les conditions nécessaires à une croissance économique durable. Tous les intervenants sont importants et tous ont leur part à faire.

J'ai soutenu aujourd'hui que la politique est à l'origine des difficultés entraînées par la mondialisation, mais que la politique sera aussi au coeur de toute solution. Mais où allons-nous trouver des solutions? Durant les beaux jours de la mondialisation, on pensait que toutes les nations, une fois leur prospérité assurée, se tourneraient vers les institutions multilatérales par sagesse. Aujourd'hui, me semble-t-il, c'est nécessité qu'elles se tournent vers elles.

La tâche qui incombe à l'ONU est de veiller à ce que les difficultés rencontrées par la mondialisation ne deviennent pas des obstacles à la coopération mondiale et qu'elles contribuent au contraire à raviver et renforcer cette coopération. Nous agirons sur deux fronts : dans nos activités de développement, nous mettrons en avant l'importance de la société civile et des institutions démocratiques à l'échelon national; nous tenterons, d'autre part, de renforcer l'efficacité du multilatéralisme pour assurer la durabilité des économies de marché tout en garantissant une protection véritable aux populations les plus pauvres et les plus vulnérables de notre monde.

Depuis la Deuxième Guerre mondiale, on a pris conscience qu'en définitive, les problèmes économiques sont des problèmes politiques et de sécurité; que la prospérité et la paix sont le fruit de l'action politique et ne sont pas les simples conséquences naturelles du progrès commercial ou technologique.

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Cette sagesse et ses conséquences pratiques, nous les devons à un homme en particulier, à Franklin D. Roosevelt. Dans son quatrième discours d'investiture, le Président Roosevelt, l'un des fondateurs de l'ONU et sans doute le plus célèbre des anciens étudiants de Harvard de notre siècle, avait lancé un vibrant appel en faveur du rapprochement des nations :

"Nous savons désormais que nous ne pouvons pas vivre seuls, chacun en paix; que notre bien-être dépend de celui des autres nations, même lointaines. Nous savons qu'il nous faut vivre comme des êtres humains, et non pas comme des autruches ni comme des chiens, le museau dans la gamelle. Nous savons comment être des citoyens du monde, membres de la famille humaine".

Nous aussi, nous avons tiré les leçons de l'époque où nous vivons : nous savons que la démocratie est la condition du développement véritable, durable et équitable; qu'il faut mesurer les bienfaits de la mondialisation non pas seulement au centre mais aussi à la périphérie; et nous savons que sous des systèmes politiques libres, légitimes et démocratiques, la prospérité, aussi grande soit-elle, ne peut répondre seule aux besoins de l'humanité ni garantir une paix durable, même à l'ère de la mondialisation.

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