CS/1024

LE CONSEIL DE SECURITE AMORCE UNE REFLEXION SUR LES MOYENS D'ASSURER UNE MEILLEURE PROTECTION DES POPULATIONS CIVILES DANS LES CONFLITS ARMES

12 février 1999


Communiqué de Presse
CS/1024


LE CONSEIL DE SECURITE AMORCE UNE REFLEXION SUR LES MOYENS D'ASSURER UNE MEILLEURE PROTECTION DES POPULATIONS CIVILES DANS LES CONFLITS ARMES

19990212 Le Conseil de sécurité a tenu ce matin, à l'initiative du Canada et sous la présidence de son Ministre des affaires étrangères, M. Loyd Axworthy, un débat consacré à la protection des civils touchés par les conflits armés. Les participants ont tous constaté une détérioration alarmante du respect du droit humanitaire et des instruments juridiques existants tels que les Conventions de Genève et de La Haye et la tendance croissante qui veut que les populations civiles soient prises pour cible directe. Ils ont dans ce contexte reconnu la nécessité d'imposer une réflexion sur les instruments à mettre en oeuvre pour améliorer le sort des populations civiles en temps de guerre. Au titre des priorités, les représentants ont évoqué la protection du personnel humanitaire, leur accès aux populations touchées par les conflits et la nécessité de garantir le caractère neutre de leur action. La prévention des causes profondes des conflits, la nécessité de mettre fin à la culture de l'impunité des responsables d'atrocités, la mise en place d'accords entre pays pour mettre un terme aux activités transfrontières comme le trafic d'armes, en particulier les armes de petit calibre aisément disponibles, sont apparues comme essentielles.

M. Cornelio Sommaruga, Président du Comité international de la Croix- Rouge (CICR), a évoqué la responsabilité du Conseil de sécurité notamment pour ce qui est de l'application du régime des sanctions qui peut avoir parfois des conséquences humanitaires désastreuses pour les populations civiles. Il s'est réjouit que le Conseil de sécurité ait invité ses Comités des sanctions à évaluer l'impact humanitaire des sanctions sur les groupes les plus vulnérables.

La situation particulière des enfants a été abordée par Mme Carol Bellamy, Directrice générale du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et M. Olara Otunnu, Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, qui ont plaidé en particulier en faveur du relèvement de l'âge d'enrôlement des enfants. Mais pour le Représentant spécial du Secrétaire général, cette mesure doit également s'accompagner d'autres initiatives visant l'élimination de facteurs économiques et sociaux qui facilitent un tel recrutement et la prise en compte dans les accords de paix des besoins des enfants.

Les représentants des pays suivants ont pris la parole : Slovénie, Royaume-Uni, Fédération de Russie, Brésil, France, Pays-Bas, Argentine, Namibie, Malaisie, Bahreïn, Gabon, Etats-Unis, Gambie, Chine et Canada.

PROTECTION DES CIVILS TOUCHES PAR LES CONFLITS ARMES

Déclaration du Président du Comité international de la Croix-Rouge

M. CORNELIO SOMMARUGA, Président du Comité international de la Croix Rouge (CICR), a rappelé qu'aujourd'hui le CICR est confronté à vingt conflits ouverts. La plupart de ces crimes ont pour cible initiale et principale la population civile en tant que telle. Il s'agit d'enfants, de femmes, de personnes âgées, de malades, de réfugiés ou de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Il a évoqué la politisation et l'instrumentalisation de l'humanitaire. Nous avons été témoins de cette dangereuse dérive dans la région des Grands Lacs, en Afrique de l'Ouest, dans les Balkans, le Caucase ou dans certains pays d'Asie, a-t-il souligné. De plus, à l'instar du Caucase, il y a des situations de "ni guerre, ni paix" qui empêchent tout retour à une vie normale pour des millions de personnes qui sont contraintes de vivre d'une assistance humanitaire devenue improbable et qui attendent depuis des années une solution négociée. Les conséquences politiques, économiques mais également psychologiques de ces conflits sont porteuses de nouveaux cycles de violence dont les populations civiles seront principalement les victimes, a ajouté le Président du Comité. Si la dynamique de la paix n'est pas constamment soutenue, la dérive vers ces nouvelles hostilités est inéluctable. M. Sommaruga s'est élevé contre les agressions commises à l'encontre du personnel humanitaire. Il a rappelé que l'action humanitaire repose sur les principes d'impartialité.

Ces constats, a ajouté M. Sommaruga, doivent susciter notre réflexion sur ce qui peut et doit être fait pour améliorer le sort de la population civile en période de conflit armé. L'article 1 commun aux Conventions de Genève doit être l'articulation première du respect des personnes qui ne participent pas ou qui ne participent plus aux hostilités. Le Président du Comité a évoqué une certaine confusion au début des années 1990 résultant d'interventions à composantes politique, militaire et humanitaire. Ces interventions ont également mis en lumière l'impérieuse nécessité de faire connaître à ces forces de maintien de la paix les normes pertinentes des droits de l'homme et du droit humanitaire international. Ceci est une responsabilité morale autant que juridique. Juridique de part l'engagement pris par les Etats parties aux Convention de Genève. Morale car les troupes intervenant au nom des Nations Unies se doivent de donner l'exemple en respectant scrupuleusement le droit international. Il faut donc rappeler inlassablement à tous les Etats et à toutes les parties leur obligation de protéger les populations civiles des effets de la guerre. A ce titre, la responsabilité du Conseil de sécurité est grande. Les sanctions, a signalé le Président du Comité, peuvent avoir parfois des conséquences humanitaires désastreuses pour les populations civiles. Nous nous réjouissons dans ce contexte, que le Conseil ait invité les Comités des sanctions à évaluer l'impact humanitaire des sanctions sur les groupes les plus vulnérables.

( suivre)

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Signalant que le budget du Comité international de la Croix-Rouge est en baisse, il a expliqué que cette situation n'est pas due à une diminution des besoins des populations touchées mais au fait qu'il est de plus en plus difficile au CICR d'accéder aux victimes. En Sierra Leone, par exemple, notre action et nos principes sont purement et simplement rejetés. Il faut malheureusement constater qu'une attention politique insuffisante est portée à des conflits se déroulant dans certaines parties d'Asie ou d'Afrique. Il faut veiller, a-t-il souligné, à ne pas établir des catégories de "bonnes victimes" opposées à des "mauvaises victimes". Le Président a souligné la nécessité pour l'action humanitaire de disposer du consentement des parties. C'est pourquoi le CICR cherche à établir, entretenir des contacts avec tous les belligérants. Il est dangereux de diaboliser l'ennemi dans la mesure où cela rend l'action des organisations humanitaires encore plus difficile. Notre action, a-t-il répété, doit rester à l'écart des intérêts des uns et des autres et ne servir que les victimes. M. Sommaruga a souligné l'importance de prendre en compte les sources de conflits potentiels et de les prévenir. Il a rappelé que l'année 1999 marque le cinquantième anniversaire des Conventions de Genève ratifiées aujourd'hui par 188 Etats.

Déclaration de la Directrice générale du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF)

Mme CAROL BELLAMY, Directrice générale du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), a indiqué qu'en l'espace de quatre ans, l'éventail des activités humanitaires de l'UNICEF a quadruplé en raison de la multiplication des conflits qui sont passés de 15 à 55. L'UNICEF, qui est opérationnel avant, pendant et après les conflits, le dit clairement, la violation des droits de l'enfant en situation de conflits est tout simplement intolérable. Partant, la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité sur la situation des enfants dans les conflits armés a été importante en ce sens qu'elle a contribué à élever la pertinence de la question dans les questions de maintien de la paix et de sécurité internationales. La déclaration a en effet ouvert de nouvelles perspectives pour améliorer les normes de protection des enfants tout en renforçant l'assistance humanitaire. A ce jour, on estime à plus de 300 000, le nombre d'enfants qui ont combattu dans les 30 conflits les plus récents. Nombreux sont les enfants dont certains étaient âgés de 10 ans à peine, qui ont été témoins ou qui ont pris part à des actes de violence innommables et bien souvent contre leur propre famille ou leur communauté. En fixant à 18 ans, l'âge minimum d'enrôlement dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, l'ONU a établi un précédent déterminant qui, il faut l'espérer, servira d'exemple aux forces de police et militaires de par le monde. Malgré le caractère sensible de la question de l'enrôlement, l'UNICEF l'affirme clairement : "tant que l'âge minimum de 18 ans ne sera pas accepté universellement, l'exploitation des enfants soldats continuera".

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En matière d'enrôlement des enfants, la prévention est aussi importante que la démobilisation. Les deux types d'activités requièrent un engagement à long terme dans les domaines de l'éducation, de la formation ou encore des soins psychosociaux. En l'absence de tels efforts, les enfants seront en proie à la mobilisation. Les accords de paix et les opérations de maintien de la paix doivent comprendre des programmes de démobilisation, en particulier à l'intention des enfants. Mme Bellamy a évoqué les questions de la protection de l'assistance humanitaire, de l'action humanitaire dans le déminage et des conséquences des sanctions sur les enfants. Elle a, à cet égard, estimé que les sanctions ne devraient pas être imposées sans clauses d'exception humanitaire. Dans tous les pays, a-t-elle insisté, les sanctions économiques ont trop souvent donné lieu à un taux élevé de malnutrition chez les enfants et de mortalité infantile et maternelle. Mme Bellamy s'est félicitée de l'appel lancé par le Conseil de sécurité en faveur d'un contrôle plus approfondi de l'impact humanitaire des sanctions sur les enfants et de l'élaboration de mécanismes d'exception plus efficaces.

Mme Bellamy a plaidé pour que les opérations de consolidation de la paix tiennent compte de la question des enfants et pour qu'il soit mis un terme à l'impunité en matière de crimes de guerre, en particulier contre les enfants. Elle a plaidé pour la promotion d'un système d'alerte rapide et d'action préventive en soulignant que les procédures et mécanismes d'évaluation, de rapport, de surveillance, de justice et de soins demeurent inadéquates. Partant, elle a estimé que le déploiement d'observateurs des droits de l'homme dans les missions préparatoires et les opérations sur le terrain doit être considéré comme un aspect fondamental des efforts du Conseil de sécurité en matière de promotion de la paix et de règlement des conflits. Dans une phase démocratique, il faut appuyer la création d'institutions permanentes et indépendantes pour protéger les droits de l'homme et rétablir la règle de droit, a souligné Mme Bellamy.

Déclaration du Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés

M. OLARA OTUNNU, Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, a souligné que les enfants méritent une attention particulière de la part de la communauté internationale dans la mesure où leurs souffrances dans les situations de conflits sont disproportionnées. Au cours de la dernière décennie, plus de 2 millions d'enfants ont été tués et plus de 6 millions ont été blessés ou mutilés. Le Représentant a estimé que pour inverser cette tendance, l'impératif absolu est de garantir l'accès des organisations internationales aux populations en détresse. Les communautés les plus isolées sont en effet les plus vulnérables aux exactions. Il faut promouvoir également la notion de zones de paix de lieux tels que les écoles, hôpitaux et terrains de jeux. Dans des situations de guerre, il faut promouvoir l'idée d'un cessez-le-feu humanitaire pour permettre de dispenser des soins ou d'apporter une aide aux populations. Il est également important d'inciter les parties au conflit à respecter les engagements pris en faveur de l'acheminement de l'aide humanitaire.

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Les gouvernements peuvent exercer une influence déterminante sur le terrain, a estimé M. Otunnu. Comment traduire les initiatives prises au sein de pays en initiatives de voisinage ? Il existe en effet des activités transfrontières comme le recrutement des enfants ou le trafic des armes. Il faut identifier certaines régions et susciter des engagements de la part de pays voisins pour endiguer ces phénomènes.

M. Otunnu s'est joint à l'observation selon laquelle les accords de paix sont caractérisés par l'absence de mentions faites aux besoins des enfants. Mon bureau a amorcé des discussions préliminaires avec l'UNICEF sur la protection et les besoins des enfants au Burundi et en Colombie, a-t-il indiqué. Au sujet du recrutement des enfants soldats, il a préconisé de relever l'âge limite du recrutement, le faisant ainsi passer de 15 à 18 ans. La Communauté internationale doit lancer un appel à cet effet. Il faut en outre travailler à l'élimination de facteurs économiques et sociaux qui facilitent un tel recrutement. Le Représentant a noté l'absence de cadre visant à protéger les populations déplacées sur le plan interne. Il faut qu'un cadre apparaisse pour la protection de ces groupes qui sont les plus vulnérables. L'un des piliers sur lequel repose la protection de la population civile est l'existence des instruments internationaux comme le Statut récent de la cour pénale internationale, les Conventions de Genève, la Convention sur les droits de l'enfant. Mais dans certaines sociétés locales, a indiqué le Représentant, il existe également des valeurs et normes qui entretiennent la notion de la protection des personnes civiles. M. Otunnu a plaidé en faveur d'un dialogue accru avec les milieux d'affaires pour que ceux-ci mettent au point des codes de conduite dans le cadre de leurs propres activités. Il arrive que ces groupes participent aux violations des droits de l'homme. L'ère qui prend fin a été celle de l'élaboration d'instruments internationaux. Celle que nous amorçons doit être celle de leur application.

Déclarations

M. DANILO TURK (Slovénie) a estimé que l'objectif premier de l'action humanitaire des Nations Unies devrait être la sécurité, et ce d'un point de vue plus de protection physique que juridique. A cet égard, l'état d'esprit qui règne actuellement au sein du Conseil de sécurité devrait permettre une réelle amélioration dans ce sens. Il est nécessaire pour cela de développer de nouveaux efforts, comme par exemple l'initiative menée par le Canada et la Norvège visant à donner une signification pratique au concept de sécurité des personnes. La protection des civils dans les conflits armés a deux implications principales, a poursuivi le représentant. Tout d'abord, elle fait intervenir le Conseil de sécurité qui, selon la Charte des Nations Unies, a la responsabilité première en matière de paix et de sécurité internationales. Cette mission à la fois politique et militaire du Conseil doit être toujours présente à l'esprit, afin de ne pas substituer l'action humanitaire aux actions politiques et militaires indispensables. En deuxième lieu, la question abordée aujourd'hui par le Conseil demande que l'on comprenne pleinement l'importance que revêt la protection des civils en cas de conflits armés.

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Cela signifie que la puissance d'action du Conseil doit être utilisée à bon escient et que l'on puisse disposer d'un large éventail de coopération entre les Etats, le Conseil et les organisations humanitaires. Dans les cas où il est encore possible de prévenir le conflit, la coopération entre les Etats doit permettre de faire pression pour que l'objectif d'une solution pacifique apparaisse plus réaliste que toute option militaire. Le recours approprié et en temps voulu à tous les instruments que la Charte met à sa disposition est la contribution la plus efficace que le Conseil de sécurité puisse faire en matière de prévention et de circonscription des conflits, et par conséquent de protection des civils.

Il est par ailleurs nécessaire de se pencher sur un certain nombre de problèmes liés au droit humanitaire d'aujourd'hui, car le fossé entre les règles du droit humanitaire et leur application n'a jamais été aussi grand, a fait observer ensuite M. Türk. Les agressions délibérées contre les civils sont devenus monnaie courante dans de nombreux conflits contemporains et les principes fondamentaux du droit humanitaire sont sciemment violés. Ce problème doit être l'une des préoccupations les plus sérieuses du Conseil de sécurité, a-t-il affirmé. C'est pourquoi la Slovénie appuie la proposition de voir le Secrétaire général réaliser une étude visant à améliorer la protection physique et juridique des civils en période de conflit armé. Cette étude doit tenir compte du fait que le droit humanitaire actuel contient déjà tous les principes et règlements fondamentaux nécessaires. Toutefois, quelques règles, comme l'interdiction d'enrôler dans un conflit armé des enfants n'ayant pas l'âge minimum requis ou l'interdiction de toute action militaire contre les lieux déclarés "zones neutres" pour les civils, doivent être renforcées. Parallèlement, il faut élaborer et mettre davantage en oeuvre les mesures visant à donner effet aux principes fondamentaux du droit humanitaire. C'est par exemple ce qui permettra à la future cour pénale internationale d'être une institution efficace, et ce qui rendra possible le développement de mécanismes de coopération entre les Etats pour faire en sorte que les combattants soient financièrement responsables devant leurs victimes, a conclu le représentant.

M. STEWART ELDON (Royaume-Uni) a estimé qu'en cette année du cinquantième Anniversaire des Conventions de Genève, il est opportun pour le Conseil de sécurité d'évaluer ce qui est peut être fait pour assurer le respect du droit humanitaire international. Aux yeux du représentant, la protection des populations civiles est devenue une tâche encore plus ardue dans la mesure où la ligne de démarcation entre les civils et les combattants, entre le personnel du maintien de la paix et le personnel humanitaire est souvent floue. En outre, la plupart de ceux qui commettent des agressions à l'encontre des populations civiles ne dépendent pas de gouvernements et ne font pas partie d'une chaîne de commande. Nous assistons à l'effondrement de la règle du droit. La conclusion qui s'impose est qu'il est essentiel de prévenir les conflits en travaillant au développement économique et social, à la mise en place de mesures de bonne gouvernance et au respect des droits de l'homme.

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Il est essentiel de reconnaître l'importance vitale des mesures de prévention des conflits et de reconstruction après les conflits. Nous devons également tout faire pour mettre un terme au trafic illégal d'armes et dans ce contexte soutenir la Convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel. Il faut se préoccuper de la question des armes de petit calibre. Nous devons en outre aider les Etats vulnérables à développer des forces de police et militaires bien entraînées.

Le Représentant a souligné la nécessité de veiller à l'application des instruments juridiques existants. Que peut faire la communauté internationale si le droit humanitaire international est violé, a demandé le représentant. Il n'existe en effet pas de mécanisme garantissant que ces principes sont respectés. Il faut donc redoubler d'efforts sur cette question, a souligné le représentant. Il est d'égale importance de diffuser auprès des forces de sécurité les textes de ces instruments. La communauté internationale doit par ailleurs redoubler d'efforts pour faire en sorte qu'aucun enfant ne soit recruté comme soldats. Il faut veiller à ce que les besoins des populations civiles soient pris en compte lors de la création d'une nouvelle opération de maintien de la paix. Nous devons également poursuivre notre réflexion sur la façon d'assurer une transition en douceur entre la phase de maintien de la paix et celle d'édification de la paix et d'assurer la reconstruction des capacités locales. Le représentant a également plaidé en faveur d'une réflexion sur les moyens d'accroître la sécurité du personnel humanitaire sur le terrain en particulier dans les situations qui ne bénéficient que d'un consentement limité des parties. Pour cela, il faut veiller à ce que le mécanisme des Nations Unies bénéficie de ressources suffisantes. Si ces questions ne sont pas du ressort immédiat du Conseil de sécurité, a signalé le représentant, il faut néanmoins que celui-ci fonctionne en coordination avec le reste du système des Nations Unies.

M. SERGEY LAVROV (Fédération de Russie) a déclaré que la réunion du Conseil confirme, si besoin est, combien les membres du Conseil sont convaincus de la nécessité urgente d'assurer la protection des populations civiles et du personnel humanitaire. Pour la Fédération de Russie, le Conseil se doit de prendre des mesures en ce sens. Le représentant s'est déclaré convaincu que l'appui du Conseil aux activités humanitaires et de protection de la population civile sur le terrain doit se faire conformément à la Charte des Nations Unies et se confiner au domaine politique. Ce n'est qu'en dernier recours que le Conseil doit envisager d'autres mesures de protection. Si le Conseil est amené à recourir à la force, il est important qu'il consacre du temps à réfléchir aux conséquences négatives d'une telle décision. L'expérience de la Somalie a montré clairement qu'un recours à la force insuffisamment justifié ou calculé fait de l'ingérence humanitaire un acte aux conséquences négatives sur les populations civiles. Le représentant a, par ailleurs, dénoncé la politique de certains Etats qui utilisent les préoccupations humanitaires pour justifier un recours unilatéral à la force, et ce, en contournant les prérogatives du Conseil de sécurité. Une telle démarche est inadmissible et risque de compromettre le système actuel des relations internationales qui est fondé sur la Charte des Nations Unies.

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La destruction d'un tel système serait un prix cher à payer pour effectuer des tâches humanitaires. Etant donné la nature complexe de la question de la protection des civils, les recommandations en la matière doivent être prudentes. Le Conseil doit donc tenir compte des points de vue et des suggestions des spécialistes de la question et ne pas perdre de vue que l'Assemblée générale et le Conseil économique et social ont des compétences en la matière, sans compter les organisations régionales ou encore les ONG.

M. HENRIQUE R. VALLE (Brésil) a indiqué qu'à l'heure actuelle près de 75% des victimes de conflits armés sont des civils. Aussi, a-t-il souligné l'importance de discussions sur la protection des civils dans les conflits armés. Le représentant a déclaré que les conflits ethniques ou internes ne sont pas plus fréquents à notre époque que par le passé. Actuellement, les menaces les plus sérieuses à la paix ont un caractère interétatique, a-t-il affirmé. Aujourd'hui, de nombreux conflits sont qualifiés de "catastrophes humanitaires". Cette appellation fait courir le risque de déclencher une réponse internationale de nature purement humanitaire là où c'est une réponse de nature politique qui s'impose. D'autre part, le représentant a indiqué qu'au-delà de l'assistance humanitaire, les stratégies mises en oeuvre par la communauté internationale doivent comporter des actions de nature politique, économique et sociale, seules capables d'apporter des solutions durables aux crises actuelles. Il a souligné que les interventions militaires à vocation humanitaire peuvent conduire à une militarisation des relations Nord-Sud.

Le représentant a exhorté la communauté internationale a bannir l'utilisation d'armes telles que les mines terrestres antipersonnel en raison de leur impact sur les populations civiles. Il a rappelé qu'il était indispensable de cesser d'alimenter en armes les zones de conflits récurrents en vue de réduire les atrocités auxquelles doivent faire face les civils et les travailleurs humanitaires. Le représentant a ajouté que le Conseil de sécurité ne devrait pas hésiter à imposer aux Etats, dont les actions menacent la paix régionale ou internationale, des embargos sur les armes. Il a appelé au consensus sur ces différents points au sein du système des Nations Unies.

M. ALAIN DEJAMMET (France) a remercié le Canada pour avoir pris l'initiative de réunir le Conseil de sécurité sur cette question. Il a rendu hommage au Comité international de la Croix-Rouge pour son action accomplie dans la plus grande discrétion mais avec la plus grande efficacité. La règle la plus simple du droit humanitaire international veut que l'on ne s'attaque pas aux personnes sans défense, a-t-il souligné. Chacun l'a observé, les conflits ne se limitent plus à des luttes entre des intérêts nationaux. Aujourd'hui, nous assistons à une multiplication des acteurs des conflits qui pour beaucoup ne sont pas étatiques. Ceci impose une réflexion sur les instruments à mettre en oeuvre pour assurer le respect des règles du droit humanitaire. Dans ce contexte, le représentant a fait cinq types de propositions. Il a plaidé en faveur de la diffusion des normes fondamentales du droit humanitaire notamment par le biais de l'éducation aux droits de l'homme.

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Ces principes inaliénables ne peuvent être suspendus pour des raisons de sécurité. Leur violation constitue des crimes de guerre. Il faut dénoncer l'utilisation des médias en tant qu'arme de guerre et mettre en garde contre les tentatives de diabolisation des parties ou des pays mêmes.

Le représentant a évoqué la nécessité de lutter contre le trafic d'armes, en particulier les armes légères et de petit calibre qui font d'autant plus de ravage qu'elles sont aisément accessibles, notamment aux enfants. Le Conseil de sécurité doit veiller au respect des embargos sur les armes. L'Union européenne, a-t-il indiqué, a adopté le mois dernier une action commune pour aider à lutter contre ce phénomène et il est nécessaire de renforcer la coopération internationale en la matière. Le représentant a évoqué l'usage des sanctions qui doivent être invoquées de façon appropriée et non pas pour accroître les souffrances des populations. La réflexion amorcée par les Comités des sanctions du Conseil de sécurité doit se poursuivre. M. Dejammet a insisté sur la lutte contre l'impunité et sur le rôle important que devra jouer le Conseil de sécurité lors de la mise en place de la Cour pénale internationale. Il a estimé que le recours à la force armée pourrait, dans certains, cas permettre la création d'un corridor humanitaire en vue de l'acheminement de l'aide. Il nous appartiendra de mettre en oeuvre des mandats précis pour ne pas confondre les tâches et ne pas compromettre le caractère neutre des organisations humanitaires. Abordant la questions des enfants soldats, il a souligné la nécessité de relever l'âge de leur enrôlement à 18 ans.

M. PETER VAN WALSUM (Pays-Bas) a observé que plus de 75% des victimes occasionnées par les conflits modernes étaient d'origine civile. Il a déclaré que si cette tendance devait se poursuivre, le droit de la guerre, fondé sur l'idée qu'un certain nombre de règles de conduites doivent continuer de s'appliquer même en temps de guerre, perdrait définitivement son rôle régulateur des conflits, laissant la porte ouverte au retour de la barbarie incontrôlée. Il a insisté sur le fait qu'une telle situation n'était pas due à un manque d'instruments juridiques. Aussi, a-t-il invité le Conseil de sécurité à ne pas ajouter de textes à une liste déjà importante. Il a demandé au Conseil de promouvoir par son action, une stricte application des dispositions existantes et de favoriser une entrée en vigueur de la Cour pénale internationale dans les plus brefs délais.

Le représentant a demandé au Conseil d'accorder une attention particulière à la question de la sécurité des travailleurs humanitaires, soulignant le fait que les attaques dont ils sont victimes pouvaient à terme ruiner le concept même de l'assistance humanitaire. De plus, il a invité le Conseil de sécurité à s'assurer que pour chaque intervention dans un conflit, les mandats soient clairement définis. Il a souhaité qu'un cadre stratégique soit défini pour coordonner les actions des différents corps des Nations Unies. La protection des civils devrait être un des buts prééminents de ce cadre. Le représentant a déclaré que si l'on voulait sauver le concept de "droit de la guerre" il convenait de trouver des solutions au problèmes posés par la nécessité d'être en contact avec les différentes parties au conflit, étatiques ou non étatiques.

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M. FERNANDO PETRELLA (Argentine) a estimé que la question de la protection des populations civiles en temps de conflits est le défi le plus essentiel auquel est confrontée la communauté internationale en général, et le Conseil de sécurité, en particulier. Aujourd'hui, les populations civiles se sont transformées en cibles délibérées des belligérants. De plus en plus, l'ennemi s'identifie par sa seule appartenance à un groupe ethnique. La situation des enfants est particulièrement préoccupante non seulement du fait de leur nature vulnérable mais aussi du fait que leur rééducation après- conflits demeure bien souvent difficile et complexe. Dans ce contexte, la démobilisation des enfants soldats se révèle souvent être la question la plus épineuse. La protection de la population civile, a poursuivi le représentant, est une préoccupation récente du Conseil et elle accompagne certes avec lenteur, l'évolution du droit de la guerre. Aujourd'hui, le droit international humanitaire a également fini par prendre en compte la nécessité de mettre en exergue la protection des civils. Cette évolution a doté la communauté internationale d'un ensemble de normes dont certaines ont été concrétisées dans des principes universellement reconnus. Il faut pourtant reconnaître une lacune fondamentale qui fait que la grande majorité de ces normes ne s'appliquent qu'aux conflits internationaux classiques. La nouvelle acception de la notion de la souveraineté permet cependant d'espérer que progressivement la différence de traitement des deux types de conflits s'estompera. Il faut citer, à cet égard, la compétence du Tribunal international pour le Rwanda qui a pénalisé, au titre du droit humanitaire international, des actes commis dans le cadre d'un conflit interne. La Cour pénale de Rome ne pourra que renforcer cette tendance.

Force est de concentrer les efforts sur l'application de ces normes et reconnaître que le châtiment infligé aux responsables ne répond pas seulement à une obligation juridique mais revêt un caractère indispensable pour le maintien d'une paix stable. En ce sens, le statut de la Cour pénale internationale acquière une importance historique. A cet égard, l'importance de la responsabilité individuelle ne doit pas faire oublier la responsabilité qui incombe aux Etats eux-mêmes, comme le précise la Convention de Genève. La protection de la population civile exige donc la compétence du Conseil de sécurité et des autres organes de l'ONU. En tout état de cause, l'action visible et dynamique du Conseil demeure nécessaire sans quoi il serait difficile de sanctionner les auteurs de violations du droit humanitaire. Le représentant a conclu en appelant à la création de mécanismes appropriés ou au renforcement des mécanismes existants pour enrayer la livraison illicite d'armes et détruire les arsenaux existants. Il a également souhaité des mesures visant la sécurité du personnel humanitaire. Il a donc plaidé pour la ratification de la Convention pertinente et expliqué qu'étant donné que cette Convention n'est pas applicable à toutes les personnes impliquées dans les zones de conflits, l'Argentine examine en ce moment un mécanisme qui élargira le champ d'application de cet instrument.

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M. MARTIN ANDJABA (Namibie) a déclaré qu'aujourd'hui les civils, et tout spécialement les femmes, les enfants et les personnes âgées, sont délibérément pris pour cible lors des conflits armés. Les informations données plus tôt montrent que la situation des enfants est particulièrement dramatique, et c'est pourquoi il faut que la communauté internationale s'engage à interdire l'enrôlement et l'utilisation des enfants dans les hostilités. Le représentant a ensuite rappelé que par le passé, les locaux des Nations Unies étaient considérés comme des lieux de protection sûrs pour les civils. Or, aujourd'hui ce n'est plus le cas, a-t-il déploré, ajoutant qu'à moins d'agir fermement, les agressions armées contre les locaux et le personnel des Nations Unies deviendront communes. La Namibie appelle les parties aux prises à un conflit à respecter les dispositions des conventions de Genève pertinentes ainsi que la neutralité des populations civiles. Elle estime en outre que l'application de la Convention sur l'interdiction de l'usage, du stockage, de la production et du commerce des mines antipersonnel ainsi que leur destruction est impérative.

M. Andjaba a ensuite rappelé que le Programme d'action adopté lors de la Quatrième Conférence sur les femmes, à Beijing en 1995, abordait, entre autres choses, la question des femmes dans les conflits armés. A cet égard, il a estimé que ce document fournit des exemples concrets d'action à prendre par les gouvernements afin de réduire les dépenses militaires excessives et de contrôler l'offre en matière d'armement. Le Programme d'action de Beijing s'adresse en réalité au coeur du problème, à savoir la prolifération des armes et leur impact sur les conflits. Le problème du flux incontrôlé non seulement d'armes de petit calibre mais aussi d'armements sophistiqués dans les zones de conflit doit absolument être réglé. S'il faut en appeler aux belligérants pour qu'ils cessent les hostilités, il faut également prendre des mesures pour que les pays producteurs d'armes cessent de faire parvenir des mines ou des armes dans les régions où un conflit est imminent, a affirmé le représentant.

M. HADMY AGAM (Malaisie), condamnant sans équivoque les conflits actuels au cours desquels les populations civiles sont de plus en plus les cibles directes d'armes extrêmement sophistiquées, a jugé évident que la responsabilité en matière de poursuite des responsables incombe d'abord aux systèmes juridiques nationaux et selon que de besoin, aux tribunaux internationaux compétents. Le représentant a réitéré l'adhésion de son pays à l'idée de tenir les parties au conflit et leurs chefs financièrement responsables dans les cas où les populations civiles sont les cibles délibérées d'une agression armée. Un mécanisme juridique approprié doit être établi à cette fin. Il est impératif, a poursuivi le représentant, que les Etats Membres des Nations Unies et toutes les parties concernées respectent scrupuleusement leurs obligations, découlant du droit international, en matière de protection et d'assistance aux populations civiles touchées par les conflits. L'approche nécessaire au niveau de la communauté internationale doit inclure des dimensions politique, sécuritaire, économique, sociale, juridique et humanitaire.

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Evoquant également la question importante de l'accès de l'assistance humanitaire aux populations civiles, le représentant a souligné l'obligation des Etats d'assurer protection et assistance aux populations dans le besoin. Toutefois, a-t-il insisté, l'assistance humanitaire ne doit pas devenir un instrument servant la prolongation des conflits. Il a été souvent dit que l'assistance humanitaire "subventionne" directement ou indirectement les dépenses de la guerre et qu'elle peut constituer pour les belligérants une sorte de récompense. Il faut donc déployer tous les efforts pour que cette assistance ne soit pas utilisée pour renforcer la motivation et la capacité des belligérants à commettre plus de violence, en particulier contre les populations civiles.

Appelant à plus d'efforts pour régler la question de la pose des mines, de la circulation des armes légères, et de la situation des enfants dans les conflits armés, le représentant a appelé le Conseil à agir conformément à ses responsabilités définies par la Charte. Dans le même temps, il est important que les parties impliquées dans les conflits mesurent bien les conséquences de leurs actes contre les populations civiles. En dernier lieu, il faudra qu'il soit mis fin à la culture de l'impunité et que les belligérants soient tenus responsables de leurs actes. C'est ce message, et la volonté de la communauté internationale de l'appuyer, qui doit être envoyé de ce forum, a conclu le représentant.

M. JASSIM MOHAMMED BUALLAY (Barheïn) a fait état d'une détérioration inacceptable du droit humanitaire ces dernières décennies. Les civils sont pris de plus en plus pour cible ce qui constitue une violation du droit international humanitaire. Il importe de mettre un terme à ces violations avec des normes précises interdisant par exemple le recrutement des enfants dans les conflits armés ou encourageant la diffusion du concept de zones de paix. Le représentant a évoqué par ailleurs la question de la prolifération des armes en particulier celles de petit calibre qui sont facilement disponibles et dont le trafic a des incidences graves sur les populations civiles. Il est essentiel de mettre en place une coopération au niveau international pour lutter contre ce phénomène. Le représentant a en outre suggéré la création de mécanismes garantissant l'application des conventions de Genève sur le terrain et la protection du personnel humanitaire. Il est en effet difficile d'envisager la protection des populations civiles sans envisager celle de ceux qui leur apportent une aide. Le représentant a en outre plaidé en faveur d'une coopération entre le Conseil de sécurité et les organisations humanitaires.

M. DANGUE REWAKA (Gabon) a jugé insupportable que les populations civiles soient aujourd'hui prises pour cible principale, et ce, au mépris des règles internationales. Dans ce contexte, le Conseil doit veiller à ce que ces règles soient scrupuleusement respectées. Il pourrait demander aux institutions spécialisées d'élaborer des programmes visant à promouvoir la connaissance du droit international humanitaire. Pour le Gabon, le Conseil doit surtout oeuvrer à la prévention des conflits. Il lui appartient maintenant de tirer parti des recommandations contenues dans le rapport du Secrétaire général sur les causes des conflits en Afrique.

( suivre)

- 13 - CS/1024 12 fvrier 1999

Le représentant a plaidé pour des mesures plus vigoureuses dans les domaines du mouvement illicite des armes et du respect du régime des embargos. Les idées ne manquent jamais pour trouver les solutions au conflit, seule manque, a souligné le représentant, la volonté politique.

M. PETER BURLEIGH (Etats-Unis) a appelé la communauté internationale à réfléchir aux moyens de renverser la tendance d'une vulnérabilité accrue des populations civiles dans les conflits armés. Pour lui, il faut renforcer la protection internationale des civils et admettre que le rôle du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales peut s'étendre à la protection des populations civiles. Au cours des derniers mois, a poursuivi le représentant, le Conseil de sécurité s'est penché sur la question de la protection des populations civiles, y compris les réfugiés, les enfants et le personnel humanitaire. Dans ce cadre, les Etats-Unis ont présidé le groupe thématique qui a élaboré le projet de résolution adopté le 19 novembre 1998. Ce texte identifie comme question urgente et importante, le maintien de la sécurité et du caractère humanitaire et civil des camps de réfugiés. Le Conseil a également adopté des textes sur le trafic illicite d'armes, la situation des enfants dans les conflits et la protection du personnel humanitaire.

Le représentant s'est félicité de la tenue de telles discussions, en particulier dans le contexte du cinquantième Anniversaire des quatre Conventions de Genève et du centième Anniversaire de la Convention de La Haye. Il a salué le Mouvement de la Croix-Rouge et dit attendre avec impatience les résultats du forum humanitaire du CICR sur la protection des populations touchées par les conflits armés. Le représentant a conclu en déclarant attendre les recommandations du Secrétaire général sur les moyens d'améliorer la protection physique et juridique des civils et la contribution que peut apporter le Conseil pour rendre plus efficace la mise en oeuvre du droit humanitaire existant.

M. BABOUCARR-BLAISE ISMAILA JAGNE (Gambie) a insisté sur l'importance de traiter les causes profondes des conflits armés, notamment la pauvreté. Il est de plus en plus clair que la pauvreté constitue la plus grave menace à la paix et à la sécurité internationales. La nécessité urgente d'agir maintenant est confirmée par le fait que les enfants sont les plus touchés par les conflits. Il est opportun d'attacher une attention particulière à l'Agenda pour la paix des enfants de l'UNICEF. La question de l'accès de l'aide humanitaire aux populations est essentielle dans la mesure où, outre l'importance de l'aide qu'elles apportent, les organisations humanitaires constituent une présence dissuasive pour les agresseurs. Lorsque l'on envisage l'application de régimes de sanctions, a ajouté le représentant, il faut mesurer leurs impacts sur les populations civils. Il a préconisé l'établissement de normes internationales et le renforcement du droit humanitaire pour traduire les responsables de violations des instruments juridiques internationaux. L'entrée en vigueur rapide du Statut de la cour pénale internationale serait un hommage rendu aux Conventions de Genève. Le représentant a plaidé en faveur de l'adoption d'un cadre approprié pour la protection des personnes déplacées intérieurement.

( suivre)

- 14 - CS/1024 12 fvrier 1999

M. QIN HUASUN (Chine) a affirmé que les gouvernements et les institutions mondiales se sont toujours préoccupés de la protection des populations civiles dans les conflits armés. Il a estimé que le meilleur moyen de protéger les populations civiles est de mettre fin aux combats par des voies politiques, économiques et sociales. Il convient également d'exercer une pression sur les belligérants pour les contraindre de respecter les normes internationales. Le représentant a mis en garde contre le recours à la force pour protéger les populations civiles. Il a émis des réserves quant au déploiement d'une force dans un pays souverain, fusse-t-il en conflit. Il a plaidé pour qu'il soit mis fin à la règle de deux poids deux mesures en ce qui concerne l'assistance humanitaire. L'Afrique, a-t-il dit, doit bénéficier de l'appui de la communauté internationale. Le représentant a conclu sur la nécessité d'une coordination entre le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale afin, a-t-il expliqué, que chaque organe puisse se concentrer sur les questions relevant de ses compétences.

M. LLOYD AXWORTHY, Ministre des affaires étrangères du Canada, a rappelé que les non-combattants, surtout les plus vulnérables, sont plus que jamais les principales cibles, les instruments et les grandes victimes des conflits armés de l'ère moderne. C'est une réalité de notre temps que les menaces à la sécurité humaine dépassent les risques posés par les conflits transnationaux, domaine de préoccupation plus traditionnel pour le Conseil, a-t-il ajouté. Le Conseil de sécurité a un rôle vital à jouer lorsqu'il s'agit de contrer ces menaces, car la protection des civils en situation de conflit armé n'est pas un ajout secondaire au grand mandat du Conseil; elle en est un élément central. De plus, la réticence à impliquer le Conseil, justifiée par la nécessité de maintenir la souveraineté de l'Etat, ne sert ironiquement qu'à miner le principe même de cette souveraineté, a fait remarquer le Ministre. Il s'est ensuite félicité de voir le Conseil plus sensible que jamais aux nombreuses dimensions du problème, ce qui, dans la pratique, commence à se refléter dans ses décisions.

De l'avis du Canada, quatre défis sont posés au Conseil : empêcher les conflits, garantir le respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire, appuyer la poursuite de ceux qui violent les règles et les normes humanitaires et cibler les vecteurs et les instruments de la guerre. Le trafic et l'abus des armes qui terrorisent, blessent et tuent doivent recevoir une attention immédiate, a estimé, à cet égard, M. Axworthy, avant d'ajouter que le Conseil a la capacité de réagir, à condition que ses membres aient la volonté politique d'agir. On pourrait par exemple réexaminer en profondeur la pertinence, la justification et les modalités des missions de paix et des efforts de bons offices mandatés par le Conseil. Ceci pour lui permettre d'agir rapidement lorsque des civils sont menacés et de proposer des moyens de donner aux gardiens de la paix l'autorité et les ressources dont ils ont besoin pour défendre les civils. On pourrait également explorer d'autres pratiques innovatrices comme la façon dont les missions du Conseil pourraient aider à réduire au minimum la manipulation abusive des médias de masse, a suggéré le représentant.

( suivre)

- 15 - CS/1024 12 fvrier 1999

Par conséquent, le Canada appuie solidement la déclaration que le Conseil doit adopter demandant au Secrétaire général de soumettre, plus tard dans l'année, un rapport contenant des recommandations pratiques sur de nouvelles mesures à prendre pour protéger les civils en situation de conflit armé.

Observations complémentaires

Commentant les interventions des délégations, M. SOMMARUGA, Président du Comité international de la Croix Rouge (CICR), est revenu sur la question de savoir ce que peut faire le Conseil pour assurer la protection des populations civiles en temps de conflits. Il a ainsi souligné qu'il ne faut ménager aucun effort dans la prévention de la souffrance en diffusant les dispositions du droit international humanitaire et des valeurs humaines, en particulier chez les jeunes. Il faut également, a-t-il dit, universaliser le droit international, et tout spécialement la Convention d'Ottawa ou les Protocoles existant sur les armes. M. Sommaruga a poursuivi en souhaitant l'élargissement du champ d'application du principe de la responsabilité pénale à tous les criminels de guerre, comme le soulignent d'ailleurs les Conventions de Genève. Il a aussi rappelé que la responsabilité de protection incombe, aux termes des Conventions de Genève, aux parties concernées, tout en regrettant que bien souvent c'est le CICR qui se voit obligé de jouer ce rôle sur le terrain. Un article pertinent des Conventions de Genève demandent aux Hautes parties contractantes d'agir individuellement ou conjointement en cas de violation de ces instruments. Le représentant a également évoqué la question des procédures de circulation des armes, qui selon lui, doivent rester conformes aux exigences du droit humanitaire. Il a conclu en appelant les Etats à assurer l'espace nécessaire à l'action humanitaire et en mettant en garde contre un usage abusif du concept de l'humanitaire, qui se définit, selon lui, par son impartialité et son caractère apolitique.

Pour sa part, Mme BELLAMY, Directrice générale du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), est revenue sur la nature changeante des conflits armés. Les Etats parties, les Etats non parties, le secteur privé et les victimes sont les protagonistes des conflits actuels. Une collaboration entre eux est la chose la plus souhaitable. Mme Bellamy a appelé à l'élaboration d'idées pratiques en se félicitant de la coopération du Conseil et en assurant ses membres que l'UNICEF s'efforcera d'apporter les informations nécessaires

Enfin, M. OTUNNU, Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, a donné raison à la Fédération de Russie lorsqu'elle a affirmé que certaines des idées proposées vont au-delà des prérogatives du Conseil. D'autres entités existent dont les responsabilités et les mandats doivent faire partie des efforts déployés. M. Otunnu a poursuivi en soulignant la nécessité de conformer les actes humanitaires aux dispositions de la Charte des Nations Unies. Pour ce qui est du rôle du secteur privé quant à l'élaboration d'un code de conduite, M. Otunnu a précisé qu'un tel code doit se faire sur une base volontaire. Répondant sur la question des sanctions et de leur impact sur les enfants, M. Otunnu n'a pas caché sa préoccupation en attirant aussi l'attention sur la situation également préoccupante des personnes déplacées.

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