SOC/4475

UNE ONG PRECONISE LA LEVEE D'UNE TAXE SUR LES TRANSACTIONS FINANCIERES INTERNATIONALES AFIN DE FINANCER LES SERVICES SOCIAUX

10 février 1999


Communiqué de Presse
SOC/4475


UNE ONG PRECONISE LA LEVEE D'UNE TAXE SUR LES TRANSACTIONS FINANCIERES INTERNATIONALES AFIN DE FINANCER LES SERVICES SOCIAUX

19990210 Les sanctions économiques dénoncées pour cause de conséquences néfastes pour les populations

La Commission du développement social a poursuivi, cet après-midi, son débat général sur le thème des services sociaux, dans le cadre du suivi du Sommet mondial pour le développement social. Plusieurs délégations ont lancé un appel à un partage plus équitable des fruits de la croissance économique issue de la mondialisation et pour un transfert sans condition de ressources des pays les plus nantis vers les pays en développement. Ainsi, la représentante d'une ONG italienne, reprenant la proposition de l'économiste américain James Tobin, a plaidé en faveur de la levée d'une taxe sur les transactions financières internationales. La mise en place de cette mesure renforcerait à son avis le contrôle des gouvernements sur les marchés financiers et permettrait de dégager les ressources nécessaires en vue de la promotion des services sociaux. Les représentants de Cuba et de l'Iraq ont dénoncé les conséquences sociales négatives des embargos qui sont imposés à leur pays. S'étonnant des contradictions dans les efforts déployés par l'ONU, le représentant de l'Iraq a demandé à la Commission d'examiner l'impact des sanctions sur les populations en tant que contribution à la réalisation de l'objectif des services sociaux pour tous.

Les représentants des pays suivants ont fait une déclaration au cours du débat : Turquie, Cuba, Algérie, Népal et Iraq. Les représentants de la Commission économique et sociale pour l'Asie et le Pacifique et des organisations non gouvernementales "PRODEFA" et "Mani Tese" sont également intervenus.

La Commission poursuivra ses travaux le jeudi 11 février à partir de 10 heures. Elle terminera son débat général sur les services sociaux pour tous et consacrera un débat au dialogue avec les organisations non gouvernementales.

SUIVI DU SOMMET MONDIAL POUR LE DEVELOPPEMENT SOCIAL

Services sociaux pour tous

Suite du débat général

M. YUSUF ISIK (Turquie) a déclaré que les besoins en services sociaux incluent aujourd'hui les prestations liées à l'information et aux techniques de la communication, qui comprennent l'alphabétisation, l'éducation continue des individus, la dissémination de techniques agricoles modernes et les soins de santé. Des efforts sont nécessaires afin de combler l'écart qui existe dans ces domaines entre pays riches et pays en développement. En matière de fourniture des services sociaux, la responsabilité des gouvernements doit être renforcée, qu'ils gèrent directement ces services ou qu'ils en déléguent la gestion à des organes non gouvernementaux. A cet égard, la réforme de la gestion des services publics, basée sur des critères de bonne gouvernance et comprenant des mécanismes efficaces d'interaction avec les bénéficiaires des prestations, est essentielle. Davantage d'investissement direct en provenance de l'étranger, et une participation accrue des grandes entreprises à la création des infrastructures, fourniraient de manière mutuellement bénéfique, des opportunités d'améliorer, de façon directe ou indirecte, le cadre des prestations sociales. Le renforcement de l'architecture du système financier international et l'assurance de financements disponibles de manière soutenue, sont nécessaires pour assurer des services sociaux pour tous. En Turquie, nous mettons en ce moment l'accent sur l'égalité entre les sexes, le transport gratuit des enfants vers les écoles, et le traitement gratuit des patients les plus démunis dans les hôpitaux, bien que cette dernière mesure pèse d'un poids significatif sur notre budget national.

M. DANSA CESPEDES (Cuba) a estimé que le monde de la mondialisation néolibérale est également le monde de la mondialisation de l'exploitation et de la disparité sociale. C'est pourquoi, il faut oeuvrer pour une mondialisation de la fraternité et de la coopération entre les peuples, du développement durable, de la distribution juste et équitable et de l'utilisation rationnelle des richesses. Rappelant les chiffres de la faim, de l'analphabétisme, de la mortalité infantile et de la pauvreté, il a déclaré que la pauvreté n'est rien d'autre que le résumé de la détérioration et de la difficulté d'accès à tous les services sociaux de base. L'accès universel aux services sociaux de base ne pourra être réalisé que sur la base d'une stratégie fondée sur une économie solide et le partage mondial équitable des ressources. L'accroissement réel d'une assistance sans condition en faveur du développement, la mobilisation de ressources, ainsi que certains changements structurels dans les économies en développement et la modification de l'ordre économique international actuel doivent être les composantes de toute stratégie visant la création d'un développement social mondial capable d'assurer des services sociaux pour tous.

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A Cuba, en dépit des difficultés aggravées par l'embargo injuste imposé par le Gouvernement américain, le gouvernement continue d'allouer aux services sociaux une part croissante et importante du budget. Ainsi, le gouvernement consacre 39% de ses dépenses aux secteurs de l'éducation et de la santé, soit une hausse de 3,6% depuis 1998. Il n'y a pas d'analphabétisme à Cuba qui est le pays comptant le plus grand nombre de professeurs par habitant. Les fonds alloués au secteur de la santé ont permis à Cuba d'être à la tête des pays du tiers monde, avec des indicateurs statistiques plus élevés que ceux de nombreux pays mieux développés et plus riches. Le représentant a notamment évoqué les résultats en matière de mortalité maternelle et infantile et de vaccination. Au cours des dix dernières années, le gouvernement a augmenté de 57% les fonds destinés à l'amélioration et l'élargissement des services aux communautés. Au cours de cette même période, les allocations sociales ont augmenté de 60%. A Cuba, tout citoyen dans le besoin reçoit la protection de l'Etat, a-t-il affirmé. Malgré l'impact des changements mondiaux et de l'agression permanente des Etats-Unis, le pain, l'eau, l'électricité, le logement, les soins de santé et l'éducation sont partagés équitablement entre tous. Le représentant a indiqué que son pays était prêt à contribuer à l'objectif de services sociaux pour tous en envoyant quelque 20 000 médecins cubains dans les régions les plus nécessiteuses d'Amérique latine.

Mme DALILA SAMAH (Algérie) a déclaré que les questions sociales sont au coeur des préoccupations de toutes les sociétés, indépendamment de leur niveau de développement, de leur système politique, économique ou culturel. Si des améliorations sont enregistrés ici et là depuis le Sommet de Copenhague, elles ne sauraient cependant occulter le fait que l'aire de la pauvreté ne cesse de s'étendre, touchant de plus en plus des populations dans les pays nantis et aggravant les conditions de vie de celles des pays en développement. Le contexte économique international actuel, difficile, accentue encore les disparités entre pays riches et pays en développement. L'économie mondialisée, présentée comme un remède aux maux qui affectent la scène économique internationale, se révèle en réalité être aujourd'hui un facteur de paupérisation et de marginalisation de nombreux pays en développement. Dans ces conditions, le rôle des institutions financières internationales est primordial en matière de concertation et de coordination, d'une part, et d'autre part, de mise en place d'un système de prévention par la création d'un système d'alerte rapide fiable permettant de juguler les crises qui peuvent se produire. L'Algérie, dès le recouvrement de sa souveraineté nationale, a placé la dimension sociale au coeur de sa politique de développement et s'est engagée dans la mise en place des infrastructures nécessaires à la satisfaction des besoins de base de sa population en matière d'éducation, de santé, de nutrition, de logement et d'emploi. Des résultats appréciables ont pu être atteints à travers les investissements substantiels consentis par les pouvoirs publics, notamment dans les secteurs garantis par la Constitution. Aujourd'hui, l'Algérie met tout en oeuvre pour tenir les engagements pris à Copenhague, auxquels elle réaffirme de nouveau son ferme attachement.

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M. ROLA, représentant de la Commission économique et sociale pour l'Asie et le Pacifique (CESAP), a fait état des progrès réalisés dans la région au cours des dernières années et dont témoigne l'amélioration des indicateurs sociaux. Parmi les pays de la région, les progrès n'ont pas été réalisés de façon égale, a-t-il souligné. Certaines puissances économiques mondiales se trouvent dans la région, mais il y a aussi des pays marginalisés. Si de grands progrès ont été réalisés dans certains pays, la situation stagne ou s'est détériorée dans d'autres. La crise économique a eu des conséquences néfastes pour de nombreuses personnes dans les pays touchés. Il y a toutefois des signes positifs, comme la conviction croissante que la force des économies de la région et le potentiel des gens permettront de répondre aux défis à venir.

Dans le cadre du suivi du Sommet, la CESAP a identifié des objectifs de développement social et les moyens de les réaliser. Le secrétariat de la CESAP a concentré ses efforts sur l'assistance aux programmes nationaux de développement social. Un sous-comité chargé de la mise en oeuvre de l'agenda pour le développement social a été créé. Des réunions régionales et internationales sur le développement social ont été organisées par le PNUD dans la région. Les préparatifs ont été lancés en vue de la tenue en novembre 1999 d'une réunion de hauts fonctionnaires chargés de la préparation de l'examen de suivi du Sommet mondial au niveau de la région. Parmi les autres programmes mis en place, il a notamment cité un projet d'appui aux ONG pour la mise en oeuvre du Programme d'action du Sommet, ainsi qu'un projet destiné à faire face aux conséquences de la crise financière.

M. BHOLA NATH CHALISE (Népal) a déclaré que le but premier du développement devrait être de créer un environnement permettant aux êtres humains de vivre une vie saine, longue et créative. Nous pensons aussi que l'accès de tous à des services sociaux de base ne pourra se faire que grâce à la manifestation d'une volonté politique ferme et délibérée, qui reconnaisse le droit à la participation de tous et la transparence dans la gestion. Il est aussi crucial d'intégrer les politiques économiques et sociales de telle façon que les services sociaux soient mis au service de la promotion d'objectifs à la fois économiques et sociaux. Au Népal, en matière de santé, le gouvernement s'est particulièrement préoccupé de mettre en place un programme social pour le développement, qui améliore le bien-être de la population par une promotion accélérée de la santé des enfants, des femmes, des handicapés, et des groupes sociaux les plus marginalisés. Notre plan de santé à long terme, qui va de 1997 à 2016, se base sur une vision à long terme, qui vise à fournir un accès égal à des soins de santé coordonnés caractérisés par la participation communautaire, la décentralisation, le respect des différenciations sexuelles et une gestion efficace. On s'attend à ce que ces différents facteurs nous mènent vers une meilleure situation de santé pour toutes les populations.

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M. AL-KADHE (Iraq) a déclaré que la stratégie adoptée par l'ONU vise à mobiliser des ressources nationales et internationales au profit des services sociaux de base. Toutefois, par le biais du Conseil de sécurité, l'ONU impose des sanctions économiques aux Etats sans prêter attention à leurs effets négatifs sur la population civile. Ainsi, l'embargo imposé à l'Iraq a eu des conséquences néfastes sur les services sociaux de base accordés aux femmes et aux enfants iraquiens. Ces répercussions se ressentent au niveau même de la survie. Or, il s'agit là d'un droit de l'homme fondamental. L'ONU va jusqu'à empêcher l'Iraq d'importer du papier et des crayons pour les écoles primaires et des ambulances pour les hôpitaux. Il y a donc une contradiction dans les efforts déployés par l'ONU. Dans cette salle, on appelle à l'élimination de la pauvreté et à l'accès universel aux services sociaux alors que dans d'autres salles, des résolutions qui ne tiennent pas compte des droits fondamentaux de l'homme sont adoptées. Malgré cette situation, le Gouvernement iraquien déploie d'immenses efforts pour assurer la survie en Iraq en fournissant des services médicaux et des services de santé à la population à différents niveaux. La Commission du développement social doit examiner l'impact sur les populations civiles des sanctions imposées par l'ONU et adopter des résolutions à ce sujet si elle veut contribuer à la réalisation de l'objectif des services sociaux de base pour tous, a conclu le représentant.

Mme SIMONA MARINESCU, Secrétaire d'Etat roumaine pour la promotion sociale, a expliqué que l'engagement de la Roumanie en vue de fournir une couverture sociale généralisée à sa population s'est heurté aux restrictions budgétaires imposées au pays par les politiques d'austérité actuelles. Aussi, le gouvernement encourage-t-il les partenaires de la société civile et du privé à investir dans le secteur social. Nous offrons ainsi sur une base contractuelle un soutien financier aux ONG qui sont actives dans le domaine social, ceci au profit des personnes qui en ont le plus besoin. Au même moment, des soins particuliers sont donnés aux handicapés et à leurs familles, les handicapés pouvant bénéficier des services de travailleurs sociaux qui sont payés par l'Etat. Cette politique contribue à garder ces handicapés dans leurs foyers familiaux, au lieu de les mettre dans des hospices. En matière de prestations sociales, nous respectons les normes définies par les recommandations de l'Union européenne en ce domaine. Et pour trouver des financements supplémentaires nécessaires à la mise en oeuvre de nos politiques, nous recourons à des nouvelles mesures fiscales. Par exemple, en Roumanie, les jeux et les loteries sont désormais imposés à hauteur de 10% des gains en faveur du fonds national pour les services sociaux.

M. LUIS ALBERTO PETIT HERRERA, représentant de l'Organisation non gouvernementale "Fondation pour les droits de la famille, PRODEFA", a plaidé en faveur de l'amélioration des principes inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. La Déclaration a été fondamentale dans la concrétisation des droits individuels mais ceci en soi fait peser des doutes sur son universalité. La perspective personnelle ne peut pas être

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une priorité absolue. Le plus important dans le monde est la relation avec les autres. Il doit, en outre, y avoir priorité des devoirs par rapport aux droits. Le Comité des organisations non gouvernementales sur la famille a préparé en 1993 un document intitulé "Principes fondamentaux relatifs à la famille" qui porte sur les fonctions, les responsabilités et les droits de la famille en tant que groupe social. Ces principes s'adressent non seulement à chaque membre de la famille mais aussi à l'entité collective qu'elle forme et énoncent ses droits et ses devoirs. Ils pourraient servir de base à une déclaration universelle sur les fonctions, les responsabilités et les droits de la famille, a-t-il suggéré. En effet, les Nations Unies ne peuvent pas ignorer les droits d'un groupe social comme la famille, unité de base de la société.

Mme MARINA PONTI, représentante de l'Organisation non gouvernementale italienne "Mani Tese", a expliqué que "Mani Tese" a pour but l'élimination de la pauvreté tant dans l'hémisphère nord que dans l'hémisphère sud et l'établissement de relations équitables entre les nations. La spéculation a sapé les efforts d'élimination de la pauvreté et mis en danger extrême les conditions de vie de millions de personnes, a-t-elle déclaré. Or, des solutions n'ont pas encore été formulées pour remédier aux conséquences néfastes de la mondialisation sur des millions de personnes. On ne peut attendre plus longtemps. C'est pourquoi, en Italie, "Mani Tese", reprenant la proposition de l'économiste américain James Tobin, plaide en faveur de la levée d'une très petite taxe sur les transactions financières. L'imposition de cette taxe Tobin obligerait les gouvernements à assumer un rôle plus actif dans le système des marchés financiers de manière coordonnée avec les autres gouvernements. Cette taxe donnerait, en outre, aux gouvernements nationaux et aux organes internationaux comme l'ONU les ressources financières nécessaires à la fourniture des services sociaux de base. La pauvreté et l'exclusion ne sont pas forcément inévitables. Elles sont la conséquence de facteurs connus et spécifiques qui doivent être résolus par les gouvernements et les institutions internationales, a-t-elle affirmé, suggérant d'inscrire la question à l'ordre du jour du prochain débat de haut niveau du Conseil économique et social.

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