CS/1022

LE CONSEIL DE SECURITE CONDAMNE LE RECOURS A LA FORCE PAR L'ETHIOPIE ET L'ERYTHREE

10 février 1999


Communiqué de Presse
CS/1022


LE CONSEIL DE SECURITE CONDAMNE LE RECOURS A LA FORCE PAR L'ETHIOPIE ET L'ERYTHREE

19990210 Il exige qu'il soit immédiatement mis un terme aux hostilités, en particulier aux recours aux frappes aériennes

Le Conseil de sécurité a adopté à l'unanimité cet après-midi la résolution 1227 (1999) par laquelle il condamne le recours à la force par l'Ethiopie et l'Erythrée. Il exige qu'il soit immédiatement mis un terme aux hostilités, en particulier au recours aux frappes aériennes. Il exige également de l'Ethiopie et de l'Erythrée qu'elles reprennent les efforts diplomatiques visant à parvenir à un règlement pacifique du conflit. A cet égard, il souligne que l'Accord-cadre approuvé par l'Organe central du Mécanisme de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) le 17 décembre 1998 demeure une base viable et judicieuse pour un règlement pacifique du conflit. Le Conseil demande très instamment à tous les Etats de mettre fin immédiatement aux ventes d'armes et de munitions à l'Ethiopie et à l'Erythrée.

Face au conflit frontalier qui oppose l'Erythrée à l'Ethiopie, la proposition de l'Accord-cadre de l'OUA réaffirme le respect des frontières existant au moment de l'indépendance tel que stipulé dans la résolution de l'OUA adoptée en 1964. A cet égard, la détermination des frontières se fait sur la base des traités coloniaux pertinents et du droit international applicable en la matière. L'Accord-cadre prévoit le redéploiement des forces armées érythréennes aux positions qu'elles occupaient avant le 6 mai 1998, étant entendu que ce redéploiement ne saurait préjuger du statut final de la zone en question qui sera déterminé à l'issue de processus de délimitation et de démarcation de la frontière. L'Accord prévoit également que le redéploiement sera supervisé par un groupe d'observateurs militaires qui sera déployé par l'OUA avec le soutien de l'ONU.

Avant l'adoption de la résolution, le représentant de l'Ethiopie a souligné que son gouvernement avait adhéré à l'Accord-cadre. Toutefois, face aux agressions érythréennes, l'Ethiopie n'a d'autre choix que d'exercer son droit de légitime défense. Pour sa part, le représentant de l'Erythrée a déclaré qu'en dépit de son attachement aux efforts de paix, son pays a été contraint d'assurer sa légitime défense à la suite de l'offensive lancée par le régime éthiopien. Soulignant que l'Ethiopie est pleinement responsable des très graves conséquences de cette guerre, il a appelé le Conseil de sécurité à en prendre note et à agir de manière appropriée.

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En début de séance, le Conseil de sécurité a observé une minute de silence en hommage au Roi Hussein Ibn Talal de Jordanie, décédé le 7 février à la suite d'une longue maladie. Le Président du Conseil de sécurité, M. Robert F. Fowler (Canada), a exprimé la tristesse et le chagrin qu'inspire au Conseil le décès de Sa Majesté le Roi Hussein. Le Roi Hussein, a-t-il dit, a consacré toute sa vie à servir son pays et à rechercher infatigablement la paix, la stabilité et l'entente au Moyen-Orient. Sa disparition sera profondément ressentie. Au nom du Conseil, le Président a adressé ses sincères condoléances à sa Majesté le Roi Abdallah, à la famille du défunt et au peuple jordanien.

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Projet de résolution (S-1999/133)

Le Conseil de sécurité,

Réaffirmant ses résolutions 1177 (1998) du 26 juin 1998 et 1226 (1999) du 29 janvier 1999,

Se déclarant vivement préoccupé par le conflit frontalier entre l'Éthiopie et l'Érythrée, ainsi que par la reprise des hostilités entre les parties,

Rappelant que l'Éthiopie et l'Érythrée ont pris l'engagement de se conformer au moratoire sur l'emploi et la menace de frappes aériennes,

Soulignant que la situation entre l'Éthiopie et l'Érythrée constitue une menace pour la paix et la sécurité,

1. Condamne le recours à la force par l'Éthiopie et l'Érythrée;

2. Exige qu'il soit immédiatement mis un terme aux hostilités, en particulier au recours aux frappes aériennes;

3. Exige de l'Éthiopie et de l'Érythrée qu'elles reprennent les efforts diplomatiques visant à parvenir à un règlement pacifique du conflit;

4. Souligne que l'Accord-cadre approuvé par l'Organe central du Mécanisme de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits lors du sommet tenu le 17 décembre 1998 (S/1998/1223, annexe) demeure une base viable et judicieuse pour un règlement pacifique du conflit;

5. Exprime son plein appui aux efforts que l'Organisation de l'unité africaine, le Secrétaire général et son Envoyé spécial pour l'Afrique et les États Membres concernés accomplissent en vue de parvenir à un règlement pacifique des hostilités actuelles;

6. Exhorte l'Éthiopie et l'Érythrée à assurer la sécurité de la population civile et le respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire;

7. Demande très instamment à tous les États de mettre fin immédiatement aux ventes d'armes et de munitions à l'Éthiopie et à l'Érythrée;

8. Décide de demeurer activement saisi de la question.

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Déclarations

M. DURI MOHAMMED (Ethiopie) a souligné que près de neuf mois se sont écoulés depuis l'invasion de son pays par les troupes érythréennes. Face à cette agression, l'Ethiopie avait choisi d'écarter l'option militaire pour privilégier une solution diplomatique. Le Conseil de sécurité n'est pas sans savoir que l'Ethiopie a approuvé l'Accord-cadre de l'OUA, accord que l'Erythrée a virtuellement rejeté de même que toutes les autres propositions de paix. Cette dernière continue de semer la confusion en déclarant son engagement au processus de l'OUA alors que les faits parlent d'eux-mêmes. A aucune reprise, le régime érythréen ne s'est engagé de manière constructive. Au contraire, il n'a épargné aucun effort pour faire échouer les efforts de paix en ayant recours à une tactique bien connue, celle du chantage. Le régime érythréen, rejetant toutes les propositions de paix, a lancé des actions militaires de provocation afin de créer une crise généralisée et d'empêcher la communauté internationale de traiter du coeur du problème, à savoir le retrait de toutes les troupes érythréennes de l'Ethiopie. Dans ces circonstances, le Gouvernement éthiopien n'a d'autre choix que d'exercer son droit de légitime défense.

Commentant le projet de résolution soumis aujourd'hui au Conseil, le représentant s'est félicité que le Conseil réaffirme ainsi ses résolutions précédentes en demandant à l'Erythrée d'accepter l'Accord-cadre de l'OUA, qualifié "de clé de la solution du conflit". Le représentant a toutefois émis des réserves sur le paragraphe 7 de la résolution qui demande à tous les Etats de mettre fin immédiatement aux ventes d'armes et de munitions à l'Ethiopie et à l'Erythrée. Il a jugé contraire au sens de la justice de placer ainsi l'agresseur et l'agressé sur un pied d'égalité. Contrairement à l'Ethiopie, l'Erythrée détient une longue côte, a-t-il dit. Il est donc facile d'imaginer lequel des deux pays pourra continuer à importer des armes. En dernière analyse, ce paragraphe ne pourra s'appliquer qu'à l'Ethiopie. Le représentant a donc conclu en réitérant la détermination de son pays à défendre sa souveraineté.

M. HAILE MENKERIOS (Erythrée) a rappelé que l'Ethiopie a violé la trêve de facto qui existait depuis juin 1998 et a repris les hostilités contre l'Erythrée. Comme le savent les membres du Conseil de sécurité, son pays a constamment, et de manière consistante, appelé depuis le début de l'éclatement du conflit à renoncer à tout recours à la force, à s'engager de manière ferme et irréversible en faveur d'un règlement pacifique et juridique du conflit, à se conformer à l'accord de cessez-le-feu ou à cesser les hostilités afin de créer un climat propice pour la poursuite du processus de paix. Ces appels renouvelés par la communauté internationale, y compris le Conseil de sécurité, ont été catégoriquement rejetés par l'Ethiopie. Néanmoins, l'Erythrée a continué se conformer aux efforts de paix, réaffirmant qu'en dépit des menaces constantes proférées par l'Ethiopie et ses préparatifs de guerre bien affichés, elle ne tirera jamais à moins qu'elle ne soit attaquée.

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L'Erythrée a été attaquée et contrainte de se défendre contre l'offensive qui vient d'être lancée par le régime éthiopien. Conformément à la déclaration permanente de son Parlement selon laquelle, à moins que l'Erythrée ne se retire de manière inconditionnelle et unilatérale de cette partie de son propre territoire que l'Ethiopie réclame, l'Ethiopie recourra à la force, l'Ethiopie a transformé le conflit en guerre.

Le fait que l'Ethiopie a commencé son offensive et violé le moratoire établi par les Etats-Unis concernant les attaques aériennes a été reconnu par tous ceux qui ont été témoins des préparations et de la reprise des hostilités. Le problème pour les organisations internationales qui veulent tenter d'aider les deux pays à forger un traité de paix est que le différend n'est pas si simple. L'Ethiopie n'a pas dépensé environ 300 millions de dollars pour acquérir des armes depuis juin dernier tout simplement pour reprendre le contrôle sur quelques pierres isolées dans le désert. Concernant la violation du moratoire sur les attaques aériennes, un ensemble de témoins indépendants des bombardements éthiopiens de villes et de centres d'habitations érythréens ont déclaré que ces bombardements ont causé la mort de nombreux civils innocents. L'Ethiopie est pleinement responsable des très graves conséquences de cette guerre. Le représentant a donc appelé le Conseil de sécurité à prendre note de ce fait et à agir de manière appropriée.

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