En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/6875

TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE TENUE PAR LE SECRETAIRE GENERAL DE L'ONU, M. KOFI ANNAN, A L'OFFICE DES NATIONS UNIES A GENEVE

28 janvier 1999


Communiqué de Presse
SG/SM/6875


TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE TENUE PAR LE SECRETAIRE GENERAL DE L'ONU, M. KOFI ANNAN, A L'OFFICE DES NATIONS UNIES A GENEVE

19990128 On trouvera ci-après la transcription de la conférence de presse que le Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, a tenue le 27 janvier à l'office des Nations Unies à Genève :

Mme Thérèse GASTAUT, Directrice du Service de l'information des Nations Unies à Genève : J'ai l'honneur d'ouvrir cette conférence de presse du Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan. Monsieur le Secrétaire général, avec votre permission, je vais d'abord donner la parole au Président de l'Association des correspondants accrédités auprès de l'Organisation des Nations Unies à Genève, M. Alexander Higgins.

M. Alexander HIGGINS, Président de l'Association des correspondants accrédités auprès de l'Organisation des Nations Unies à Genève : Bienvenue à Genève, Monsieur le Secrétaire général, et merci d'être ici et d'avoir pris l'initiative de donner cette conférence de presse. Les problèmes de l'ONU continuent, notamment en ce qui concerne l'Iraq et la controverse au sujet de l'UNSCOM, les divisions au sein du Conseil de sécurité et le dernier affrontement entre les États-Unis et l'Iraq qui semble avoir fait des victimes parmi les civils. Comment revenir au sein de l'ONU à une démarche commune au sujet de l'Iraq et rétablir, à long terme, le respect pour le drapeau bleu après les revers subis récemment, notamment en Angola ?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Tout d'abord, je voudrais dire combien je suis heureux d'être de retour à Genève et d'être à nouveau parmi vous. Pour ce qui est de la question qui vient d'être posée, vous savez probablement que le Conseil de sécurité oeuvre d'arrache_pied pour trouver un moyen d'aller de l'avant. L'Ambassadeur de France a transmis les propositions faites par son pays pour essayer de sortir de l'impasse et faire avancer les choses.

Depuis lors, l'Ambassadeur de Russie et le représentant du Canada au Conseil ont présenté à leur tour d'autres idées et M. Mohamed El Baradei (Agence internationale de l'énergie atomique) a, de son côté, soumis un document de réflexion extrêmement utile. Mme Gastaut tient à votre disposition des exemplaires de ce document. En outre, le Conseil a reçu hier un important document de M. Butler, qui dresse le bilan de ce qui a été fait et indique ce qui reste à faire. La recherche d'un terrain d'entente est en cours;

elle prendra un certain temps. Compte tenu des efforts déployés, j'ai bon espoir que l'unité du Conseil sera restaurée et que nous trouverons un moyen d'aller de l'avant. Comme vous l'avez à juste titre fait observer, en Iraq, la situation sur le terrain est très difficile et la tension est montée dans la région. Bien évidemment, avec un Conseil de sécurité aussi divisé et en quête d'une solution, les choses ne sont pas au mieux. Mais j'ai bon espoir que nous pourrons trouver un moyen d'avancer; nous y travaillons d'arrache_pied. Ce que vous avez dit à propos de l'Iraq et d'autres foyers de tension à travers le monde est également vrai. Durant ma dernière conférence de presse de l'année que j'ai tenue le 14 décembre, j'avais moi_même indiqué que vu la manière dont se présentaient certains problèmes, en particulier ceux de l'Iraq et du Kosovo, cette année allait être très dure. Je croyais pourtant que nous allions avoir un peu de temps. Je ne pensais pas que tout allait nous tomber dessus dès le début de l'année. La situation angolaise est tragique parce que les parties au conflit sont en guerre. Le Protocole de Lusaka n'a pas tenu. L'Organisation des Nations Unies et la communauté internationale s'efforcent depuis de nombreuses années d'amener les protagonistes à régler leurs différends par des moyens pacifiques. En ce moment, je ne peux pas dire que les résultats sont brillants; en fait, je pense qu'il n'y a pas de véritable dialogue entre les deux parties, et nous autres, en tant qu'agents du maintien de la paix et médiateurs, ne sommes pas en mesure de jouer notre rôle, ce qui explique la recommandation que j'ai faite au Conseil de sécurité. Les membres du Conseil et les gouvernements africains concernés ont promis de convaincre les parties à coopérer et à collaborer avec l'ONU. Je ne sais pas si, à court terme, cette initiative sera couronnée de succès. Mais nous poursuivrons nos efforts. Ce qui est important d'après moi dans tout ça, et vous me pardonnerez d'être si long, c'est de modérer le comportement des protagonistes. Pourquoi de pareils efforts réussissent_ils dans certaines régions et échouent_ils lamentablement dans d'autres ? Lorsque les parties au conflit coopèrent et que la volonté de trouver une solution existe, la contribution des médiateurs peut être considérable. Et je pense qu'il faut que nous exercions collectivement des pressions sur les protagonistes. Nous leur rendons service parfois en déclarant que l'ONU a échoué, que la communauté internationale a échoué, au lieu de dire que ce sont les dirigeants des différentes parties et ceux qui combattent et ne sont pas disposés à coopérer qui ont échoué. Pourquoi avons- nous réussi au Mozambique et échoué en Angola ? Il y a là des leçons à tirer et des questions auxquelles il faut répondre; ces questions, nous sommes en train de nous les poser et je suis sûr que vous en ferez autant. Nous vivons dans un monde compliqué, mais nous ne devons pas perdre l'espoir et nous continuerons de faire de notre mieux.

QUESTION : Monsieur le Secrétaire général, vous avez prononcé un discours devant le "Council for Foreign Relations" à New York le 19 janvier. Je vous cite. Vous dites que certes il est parfois tentant d'exprimer l'indignation que l'on ressent face à certaines transgressions surtout lorsqu'on sait pouvoir ainsi gagner des points sur le plan politique, mais céder à cette tentation irait à l'encontre d'une obligation plus large : celle de prévenir les agressions et de maintenir la paix. Fin de citation.

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Ma question, Monsieur le Secrétaire général, lorsque les instruments qu'on a mis en place pour maintenir la paix et prévenir l'agression dévient de leur mission initiale dictée par la Charte des Nations Unies et deviennent un alibi pour l'agression et le déclenchement des hostilités, est_ce qu'il n'est pas du devoir moral et politique du Secrétaire général en tant que garant de la Charte des Nations Unies de dénoncer les abus ? En clair, Monsieur le Secrétaire général, pensez_vous que l'UNSCOM sous la direction de M. Butler a encore une crédibilité pour continuer son travail ?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Certes, le Secrétaire général doit parfois condamner et parler clairement et honnêtement et je l'ai fait souvent. Je l'ai fait souvent et même j'irai plus loin que cela, il y a des moments où on peut utiliser la force et où l'utilisation de la force est légitime, donc ce que je disais au "Council for Foreign Relations" n'empêche pas que le Secrétaire général parle clairement mais le Secrétaire général ne peut pas adopter la même attitude et le même comportement qu'un ministre des affaires étrangères ou bien un chef d'État particulier. Je dois être conscient de l'intérêt général et poussé dans les réactions que le Conseil a tracées. En ce qui concerne M. Butler, j'ai eu l'occasion de dire que l'UNSCOM et lui ont eu un travail très difficile et compliqué à faire avec un régime qui ne coopérait pas, un régime qu'on est en train de pousser tout le temps à appliquer les décisions du Conseil de sécurité. Évidemment vous lisez tous les journaux, les membres du Conseil de sécurité sont divisés en ce qui concerne M. Butler. Le Conseil, comme je viens de le dire, est en train de chercher une solution pour aller de l'avant et nous sommes en train de revoir tous les mécanismes que l'on a aujourd'hui pour mettre en application notre résolution concernant l'Iraq. Donc on verra à la fin ce que le Conseil mettra en place pour poursuivre le travail.

QUESTION : Monsieur le Secrétaire général, dans le rapport du Conseil de sécurité sur la mission de maintien de la paix, on constate l'échec de la stratégie adoptée jusqu'à présent par le Conseil de sécurité dans les conflits, en Iraq, au Kosovo, dans la région des Grands Lacs, en Afghanistan, en Angola, etc. Quelle serait à votre avis, Monsieur le Secrétaire général, si on prend l'exemple du Kosovo, la meilleure façon d'intervenir pour stopper la violence et le génocide serbe contre les Albanais ethniques du Kosovo après le massacre de Racak ?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Vous noterez qu'après ce massacre, les efforts internationaux ont été ravivés, si je peux m'exprimer ainsi. L'OTAN s'est réuni, de même que le Groupe de contact et l'OSCE, et ils exercent actuellement des pressions collectives sur les protagonistes pour les amener à la table des négociations. En dernière analyse, une solution politique et pacifique constitue le meilleur moyen de sortir de l'impasse. Je pense que la situation n'est pas désespérée et que nous pourrons trouver une issue politique. La communauté internationale doit rester ferme et vigilante et je crois que le bon message est parvenu au Président Milosevic et aux parties.

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QUESTION : Monsieur le Secrétaire général, un des chefs de l'OTAN a déclaré aujourd'hui à la télévision allemande que l'Alliance était prête pour une action militaire et que cette possibilité n'était pas à écarter. Avez_vous un commentaire à faire à ce sujet ?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Je serai à Bruxelles à la fin de la journée et je me rendrai bien entendu à l'OTAN non seulement pour évoquer le cas du Kosovo mais aussi pour examiner d'autres sujets. La question du recours à la force est à l'ordre du jour depuis déjà un certain temps. Chacun espère que la situation pourra être réglée pacifiquement sans recours à des moyens militaires, mais si, comme l'OTAN l'a indiqué, le problème subsistait, il n'y aurait peut_être pas d'autre possibilité. Et on s'est, naturellement, posé la question de savoir quelle serait l'attitude du Conseil de sécurité et si son approbation ou autorisation serait nécessaire. Dans le passé, pour utiliser la force dans des opérations de ce type il a fallu, en général, obtenir l'accord du Conseil. Le Conseil n'a pas procédé à un examen complet de la question. On s'attend à ce que des difficultés surgissent au sein de cet organe car un ou deux de ses membres pourraient être opposés à l'utilisation de la force. Mais jusqu'à présent ils n'ont pas indiqué s'ils useraient ou non de leur droit de veto. Ce qu'il faut noter ici c'est que si la situation sur le terrain venait à se détériorer rapidement, le Conseil devra réagir. Nous avons en mémoire d'autres situations où des circonstances impérieuses sur le terrain ont amené la communauté internationale à intervenir. Mais je ne veux pas préjuger de ce que fera le Conseil. Nous devons unir nos rangs. Car, comme nous l'avons vu en Bosnie, dans de pareilles situations, c'est en général lorsque la communauté internationale parle d'une même voix et agit à l'unisson que des progrès sont accomplis.

QUESTION : Monsieur le Secrétaire général, vous parlez de certains conflits. Bon nombre de ces conflits sont essentiellement dus à la pauvreté; ma question est celle de savoir si vous envisagez, parallèlement aux efforts visant à résoudre ces conflits, aux opérations de maintien de la paix, etc., de renforcer le rôle du PNUD dans le domaine du développement. Je voudrais vous poser brièvement une autre question. Où en est la situation en ce qui concerne le paiement des contributions des États_Unis à l'ONU ?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Votre première question est très importante. Elle a d'ailleurs été examinée par le Conseil de direction, qui se réunit une fois par semaine et rassemble tous les chefs de département, y compris ceux de Genève, Vienne et Nairobi grâce à la téléconférence, avec la participation du PNUD, de l'UNICEF, du Programme alimentaire mondial et du FNUAP. Effectivement, quand nous parlons des conflits ou de leurs causes, nous avons tendance à mettre l'accent sur leurs aspects politiques et militaires. Mais il faut bien voir qu'il y a aussi des facteurs économiques. L'économie mondiale connaît aujourd'hui des difficultés et au cas où la situation se détériorerait rapidement, l'instabilité et les dissensions sociales pourraient dégénérer et nous poser des problèmes. Nous devons donc collaborer très activement avec

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les gouvernements pour renforcer leurs institutions et les aider sur le front économique. Certes, nous sommes tous convaincus que la mondialisation est source de nombreux bienfaits, mais toute médaille a son revers et elle est parfois préjudiciable à l'homme, provoquant ce que mon ami Jim Wolfenson appelle l'"autre crise _ la crise sociale". Il faut trouver les moyens d'y remédier. De toute évidence, nous ne pouvons pas mettre en place des filets de protection pour tout le monde, mais nous devons être vigilants et encourager les gouvernements à agir, tout en étant nous_mêmes très attentifs à ces facteurs qui influent en effet sur les situations auxquelles vous faites allusion.

En ce qui concerne les sommes dues par les États_Unis à l'Organisation, nous sommes toujours en pourparlers. Nous n'avons pas encore reçu de chèque. J'espère que le nouveau Congrès réglera la question. Les États_Unis ont un rôle de premier plan à jouer à l'ONU : ils ont besoin de l'Organisation tout comme celle_ci a besoin d'eux. Ils gagneraient certainement en influence s'ils s'acquittaient de leur dette.

QUESTION : Monsieur le Secrétaire général, pourriez_vous nous dire ce que vous pensez de la position de l'Iraq qui ne reconnaît pas les résolutions du Conseil de sécurité et conteste ses frontières avec le Koweït ? Quelle serait aussi votre attitude si l'Autorité palestinienne proclamait un État au mois de mai prochain ?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Je pense que l'Iraq est obligé de se conformer à toutes les résolutions du Conseil de sécurité. Depuis un an environ, nous ne ménageons aucun effort pour amener ce pays à les respecter, en ce qui concerne non seulement le désarmement, mais encore des questions comme les Koweïtiens portés disparus et la restitution des biens koweïtiens. L'Iraq est tenu de se plier aux décisions prises sur un large éventail de sujets. Rien n'a changé. J'espère vivement qu'il le fera. J'ai été étonné à la lecture de certains articles parus récemment dans la presse. Il semble que le découragement s'installe. Mais j'ai bon espoir que nous parviendrons à relancer les choses. Je sais que les États arabes s'y emploient, nous y travaillons aussi à New York, et j'espère que les Iraquiens eux_mêmes réfléchissent aux moyens d'aller de l'avant.

En réponse à votre seconde question, j'ai vu des dépêches selon lesquelles M. Arafat pourrait reporter la proclamation d'un État au_delà du 4 mai. J'espère que d'ici là, et après les élections israéliennes, le processus de paix avancera et que certains problèmes pourront être réglés, car nous savons tous ce qu'implique la création d'un État le 4 mai. J'espère ne pas me tromper dans mes suppositions.

QUESTION : J'aimerais revenir sur le Kosovo. Si je vous ai bien compris, le Conseil de sécurité n'a pas examiné à fond la question du recours à la force et vous pensez que l'OTAN pourrait avoir à intervenir sans même demander un débat ou un mandat. En outre, les frappes aériennes de l'OTAN sont la seule forme d'action militaire qui ait été envisagée depuis l'été dernier pour le

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Kosovo. Y a_t_il encore une chance que des pourparlers s'engagent au sujet d'une force terrestre internationale dont le mandat serait clairement défini par le Conseil de sécurité et à laquelle participerait, par exemple, la Russie ?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : À propos du Conseil, je voulais dire que celui_ci n'avait pas fait le tour de la question. De l'avis de certains, une proposition officielle risquait de se heurter à un veto. Mais le Conseil n'a pas eu la possibilité d'en débattre vraiment. Il y a eu des discussions informelles, en coulisses, mais il n'a pas eu véritablement à trancher. Nous ne savons d'ailleurs pas ce qu'il aurait décidé. S'agissant du recours à la force, il y a plusieurs possibilités. On a notamment le choix entre les frappes aériennes et les frappes terrestres. L'ONU n'a pas l'initiative dans ce domaine : c'est l'OTAN et l'OSCE qui l'ont. Je sais qu'il a déjà été question de forces terrestres aux frontières, mais on en est resté là. Je me garderai donc de faire des suppositions à ce sujet. Mais je suis sûr que toutes les options, y compris le recours à des forces terrestres, ont été envisagées. Pourquoi en a_t_on écarté certaines pour retenir le recours à la force aérienne ? Je préfère rester prudent car je ne suis pas au coeur de toutes ces discussions et plans militaires.

QUESTION : Monsieur le Secrétaire général, la situation humanitaire va se détériorant en Iraq à cause des sanctions imposées par l'ONU, sanctions qui, d'après votre ancien assistant, M. Dennis Halliday, sont la cause d'un génocide. À votre avis, ces sanctions seront_elles jamais levées, à supposer que le Gouvernement actuel demeure au pouvoir ? Ou faut_il désarmer l'Iraq, comme vous l'avez récemment écrit dans la presse internationale, sans préciser si vous pensiez aux armes de destruction massive ou à une démilitarisation totale ?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Je commencerai par répondre à votre dernière question. Les résolutions du Conseil de sécurité sont très claires. Ce sont les armes de destruction massive qui sont visées. Le Conseil de sécurité ne préconise pas le désarmement total de l'Iraq. Celui_ci est autorisé à conserver des armes défensives, mais pas aussi dangereuses que celles dont nous souhaitons la destruction. Il peut conserver des missiles d'une portée allant jusqu'à 250 km, mais pas plus. Il ne s'agit donc pas d'un désarmement total : le but est de supprimer les armes de destruction massive pour que l'Iraq ne constitue plus une menace pour les pays voisins. Quant aux autres sanctions, le fait est qu'elles ont des conséquences négatives pour la population iraquienne. Le Conseil lui_même, reconnaissant qu'il s'agissait là d'un instrument à double tranchant, a immédiatement proposé l'échange de pétrole contre des vivres dans l'espoir que cela atténuerait les souffrances du peuple. Cette solution n'est pas parfaite et des discussions sont en cours, comme vous le savez, sur certaines propositions dont certaines visent à améliorer sensiblement le programme pétrole contre nourriture et d'autres à lever les sanctions. La situation a également été aggravée par la chute du prix du pétrole qui est tombé à son niveau le plus bas depuis bien des années, sans compter que l'industrie pétrolière iraquienne est dans un piètre état et

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n'a pas pu pomper la totalité des quantités autorisées, qui correspondent à 5,2 milliards de dollars. On étudie donc les moyens d'aider la population et de soulager ses souffrances.

QUESTION : Monsieur le Secrétaire général, l'autre jour, à Dublin, vous avez mentionné une conversation avec le Gouvernement yougoslave. Avez_vous eu d'autres contacts avec lui et avez_vous reçu l'assurance que Mme Arbour pourrait diriger les travaux du Tribunal en Yougoslavie ?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Comme certains d'entre vous le savent, je me suis entretenu avec le Ministre des affaires étrangères. Par son intermédiaire, j'ai envoyé un message au Président Milosevic pour lui demander de revenir sur sa décision d'expulser M. Walker du Kosovo et pour le prier d'autoriser Mme Arbour à participer à l'enquête, en soulignant que seule une enquête effectuée par des tiers indépendants serait crédible. Je n'ai pas eu d'autres entretiens avec le Gouvernement yougoslave depuis lors, mais je suis prêt à reprendre contact avec lui si nécessaire.

QUESTION : Monsieur le Secrétaire général, j'ai deux questions, la première concernant le Timor. L'Ambassadeur Marker se dit très optimiste dans la perspective du nouveau round de négociations qui débutera dans deux jours et, sachant que le Gouvernement de Djakarta est en train d'armer des brigades civiles timoraises intégristes, quelles sont vos réactions face à ces agissements et comment envisagez_vous ce nouveau round de pourparlers ? Deuxième question, en ce qui concerne l'Angola, ne craignez_vous pas que le départ des éléments de MONUA fasse souffrir davantage la population civile ? Ne serait_il pas préférable au contraire de renforcer la MONUA ou même de former une armée d'interposition ?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : En ce qui concerne le Timor oriental, je partage l'avis de M. Marker. Celui_ci rentre du Timor où il a parlé aux autorités ainsi qu'à Xanana Gusmao. Nous pressons le Gouvernement de procéder à des changements. Celui_ci nous a déjà affirmé précédemment qu'il réduirait la présence militaire et continuerait à libérer les prisonniers politiques. Nous sommes heureux de constater que Gusmao. Lui_même a des contacts beaucoup plus nombreux avec des gens qui souhaiteraient en définitive sa libération, et nous sommes en pourparlers avec les autorités à ce sujet. Les entretiens ont quelque peu progressé. Je pense qu'à la fin de ce mois, le Portugal et l'Indonésie ouvriront des sections d'intérêt dans leurs capitales respectives _ conséquence directe de ces entretiens. J'espère aussi qu'aux prochaines négociations de nouveaux progrès seront accomplis en ce qui concerne les propositions d'autonomie.

L'Indonésie traverse actuellement une passe difficile. Elle est en proie à de graves troubles et j'espère que le Gouvernement arrivera à maîtriser la situation et permettra à la population de s'exprimer, en particulier au Timor oriental. Nous encourageons les deux parties en présence à faire entendre leur voix, à s'organiser et à échanger leurs vues. Mais elles devraient aussi faire preuve de discipline et de modération pour éviter la

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confrontation entre ceux qui souhaitent l'intégration avec l'Indonésie et ceux qui veulent l'indépendance. À cet égard, je pense que Guzman pourrait jouer un rôle et je crois qu'il est en rapport avec tous les intéressés.

À propos de l'Angola, lorsque j'ai dit que nous n'avions pu atteindre nos buts et que nous devrions reconsidérer la question de notre présence, il allait de soi que je pensais à la situation politique et aux forces de maintien de la paix. Il est bien évident que tous ceux qui font un travail humanitaire et qui s'occupent des droits de l'homme resteront sur place. Les soldats de la paix ont été transférés des zones dangereuses à Luanda ou dans des endroits plus sûrs. Selon les résultats des négociations avec le Gouvernement, ils pourraient quitter le pays. Lorsque vous parlez du renforcement de la MONUA, voire de la création d'une armée d'interposition, peut_être en application du chapitre VII, il s'agit là d'une possibilité, mais je ne crois pas que les gouvernements y songent vraiment pour l'instant. Et je ne suis pas sûr qu'une telle solution soit viable, vu la nature des combats et la situation sur le terrain.

QUESTION : Monsieur le Secrétaire général, il y a deux ans, dans cette même salle, je vous ai demandé ce que vous pensiez éventuellement des ventes d'armes et si vous étiez favorable à l'interdiction de toute subvention ou de tout crédit à l'exportation pour les armes classiques. Dans le discours que vous avez prononcé devant la Conférence du désarmement, vous avez dit que vous souhaiteriez que l'on fasse quelque chose contre le commerce illicite de ce type d'armes. Que pensez_vous des ventes officielles ?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Je pense de façon générale qu'il faudrait vraiment essayer de mettre un frein aux ventes d'armes et à la course aux armements. Nous avons tendance à nous polariser sur les armes nucléaires mais il faut bien voir que les armes classiques et les armes légères font beaucoup de dégâts partout dans le monde. Dans la plupart des conflits actuels, c'est surtout avec les armes classiques et les armes légères que l'on tue. Et si j'ai expressément parlé du commerce illicite, je pense que c'est l'accroissement de l'arsenal militaire en général qu'il faudrait fortement réduire. Par exemple, dans mon rapport sur l'Afrique et les sources de conflits et le développement économique et social, j'ai dit très clairement qu'aucun gouvernement ne devrait être encouragé à consacrer plus de 1 % de son budget aux dépenses militaires. Et si nous parvenons à réduire ces dépenses, ce qui va exactement dans le sens que vous indiquez, il n'y aura plus de fournisseurs puisqu'il n'y aura plus d'acheteurs. Ainsi, si nous pouvions inciter les gouvernements à affecter les ressources limitées dont ils disposent au développement économique et social plutôt qu'au secteur militaire, je pense que le monde s'en trouverait beaucoup mieux.

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QUESTION : Monsieur le Secrétaire général, on n'a pas beaucoup parlé de l'Afrique sauf de l'Angola. Tout à l'heure vous avez dit, en parlant des problèmes du monde, que les parties en général ne jouaient pas le jeu; une des causes de ce qui n'allait pas, c'était que les parties ne jouaient pas le jeu, que d'autres ne faisaient pas assez pression; or en Afrique, en Afrique centrale, la situation est vraiment catastrophique, alors j'aimerais savoir qui sont les parties qui peuvent jouer le jeu ou pas, et d'autre part qu'est- ce qui peut faire pression quand on voit le rôle joué par la prolifération d'armes, les intérêts pétroliers, miniers et les mercenaires qui circulent partout.

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Je pense que, dans cette affaire, les dirigeants de la région ont tous joué un rôle actif. Indépendamment de leur participation au combat, certains d'entre eux ont participé aux efforts visant à rétablir la paix. Plusieurs institutions essaient de ramener la paix dans la République centrafricaine. L'OUA s'y emploie activement et le SADEC joue également un rôle actif; quant à nous, à l'ONU, nous avons collaboré avec eux et, en fait, lorsqu'il a semblé qu'ils étaient prêts à signer un cessez_le_feu, deux de nos conseillers militaires se sont assis autour d'une table avec eux pour mettre au point un accord de cessez_le_feu. J'ai eu moi_même une série de réunions avec eux en Afrique du Sud et à Paris mais une fois la Conférence terminée, il semble que d'autres obstacles soient apparus.

En ce qui concerne la prolifération des armes et les moyens de lutter contre ce problème, je me suis entretenu récemment avec l'un des présidents du Comité des sanctions du Conseil de sécurité qui s'est montré très actif et, vous remarquerez à la lecture de mon rapport sur l'Angola que j'ai fait un certain nombre de suggestions concernant les mesures qui pourraient être prises pour renforcer le régime des sanctions. Le Président entend notamment non seulement se tourner vers les pays voisins mais aussi se rendre dans les pays fournisseurs et auprès des sociétés de commerce et des gouvernements pour essayer de voir ce qu'ils peuvent faire pour aider et pour donner toute leur efficacité aux sanctions. La réunion qui a eu lieu en Namibie entre les Gouvernements des cinq pays ayant des troupes sur place _ à savoir le Rwanda, l'Ouganda, l'Angola, la Namibie et un cinquième pays _ trois combattant auprès du Président Kabila et deux dans le camp adverse _ a, à mon avis, donné des résultats encourageants. Apparemment ces gouvernements ont décidé qu'ils voulaient signer un accord de cessez_le_feu. Si cela devait se confirmer et si les Gouvernements dont les troupes se battaient sur le territoire de la République démocratique du Congo décidaient d'un commun accord d'arrêter les combats, je pense que cela inciterait les parties à rechercher un règlement et à revenir à la table des négociations. J'espère que lors de leur prochaine réunion à Lusaka, celles_ci manifesteront la volonté et la détermination voulues pour signer un accord. Mais il s'agit là d'une question très complexe et très ardue et, comme vous l'avez justement fait observer, outre les armées gouvernementales, de nombreuses milices et autres groupes s'affrontent sur le terrain.

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QUESTION : À propos de l'Afrique toujours, mais en Belgique où vous allez ce soir, Monsieur le Secrétaire général, des parents de victimes du génocide rwandais demandent une enquête indépendante au sujet du rôle des Nations Unies et de votre rôle personnel pendant les événements de 1994, qu'est_ce que vous allez répondre à ces gens si vous les rencontrez à Bruxelles ?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Je n'ai rien contre cette enquête mais évidemment le Conseil doit aussi avoir son mot à dire. Ce que je peux dire, et je suis sûr d'exprimer là un sentiment largement partagé, c'est que la tragédie du Rwanda en 1994 m'a profondément affligé et bouleversé. Nous avons tous fait notre examen de conscience et je me suis moi_même beaucoup interrogé; j'ai réfléchi à cette tragédie et je pense que nous devons tous y réfléchir. Les décisions que nous avons prises là_bas, nous les avons prises animés des meilleures intentions. Dans ce genre de situation, on commet des erreurs et on en commettra encore et certaines sont tragiques. Ce qui importe à mon avis c'est que nous en tirions les leçons. Et je ne parle pas seulement du Rwanda mais aussi de la Somalie, du Rwanda et de la Bosnie. Il est important que nous en tirions les bons enseignements. Nous ne pouvons ramener ceux qui nous ont quittés et c'est tragique. Comme je l'ai dit, nous regrettons tous profondément ce qui s'est passé et j'en suis très affligé.

Mais prenons le cas de la Somalie. Je pense qu'en effet il y a bien eu une tragédie en Somalie et que les Gouvernements se sont retirés. Mais quelle leçon faut_il en tirer ? Doit_on décider après la Somalie de ne plus nous engager, de ne plus mettre nos troupes en danger ou au contraire faut_il à partir de là réfléchir aux erreurs que nous avons commises et conclure qu'il nous faut éviter de risquer la vie des soldats et des autres intervenants puis passer à l'opération suivante ?

D'une certaine manière, le Rwanda a pâti de ce qui s'est passé en Somalie. Je veux parler de l'absence de volonté de la part de la communauté internationale de s'engager au Rwanda. On a pu avoir l'impression que le Conseil n'avait pas tous les détails. Celui_ci n'a pas reçu un télégramme. Nous ne transmettons pas toujours au Conseil tous les éléments d'information que nous recevons dans le cadre de ces opérations. On leur présente une synthèse et aucun membre du Conseil ne peut prétendre qu'il ne savait pas ce qui se passait au Rwanda. À notre époque, avec les moyens d'information disponibles, je ne crois pas que l'on puisse invoquer le fait de ne pas savoir ou de manquer d'informations comme excuse pour ne pas agir. Je pense que nous devons essayer collectivement de trouver la volonté d'intervenir, d'agir aussi vite que possible pour éviter les tueries et le génocide. En ce qui concerne les enquêtes, je n'ai aucun problème. Nous avons vraiment fait de notre mieux. Certes, ce n'était pas assez et nous en sommes tous profondément affligés.

QUESTION : Récemment, nous avons été les témoins de l'action unilatérale des États_Unis et du Royaume_Uni en Iraq. Maintenant nous voyons que l'OTAN se prépare à intervenir unilatéralement au Kosovo. Cela veut_il dire, à votre avis, que nous assistons au début de la fin du système des gouvernements

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internationaux établi après la Seconde Guerre mondiale et à la fin du rôle du Conseil de sécurité en tant que conseil mondial constituant l'ultime instance en matière de sécurité globale ?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Je pense qu'il serait un peu exagéré de tirer cette conclusion ou d'émettre ce jugement. À propos de l'Iraq, je voudrais dire que, manifestement, il existe des différences au sein du Conseil et que les États_Unis et la Grande_Bretagne estiment qu'ils ont autorité sur les résolutions existantes du Conseil de sécurité. Nous connaissons aussi les vues des autres membres du Conseil, y compris des membres permanents. Donc, tout ce qu'on peut dire ici est qu'il y a une différence d'interprétation, et j'espère que le Conseil de sécurité la surmontera, trouvera son unité et pourra aller de l'avant.

Au Kosovo, il est possible, comme vous l'avez dit, que l'on ait recours à la force. Je ne sais pas si l'on en arrivera là ou pas mais c'est là un sujet de préoccupation pour un grand nombre d'entre nous. Si le Conseil devait avoir à se prononcer sur la question, je ne sais pas si certains membres exerceraient ou non leur droit de veto. Mais il faut bien voir que dans le passé récent chaque fois qu'il y a eu des situations humanitaires extrêmement graves et que la communauté internationale n'est pas intervenue collectivement, des pays voisins l'ont fait à sa place. Je rappellerai à titre d'exemple l'intervention du Viet Nam au Cambodge. Que je sache, cela n'a pas provoqué la destruction du système international et je pense que, vu la nature du régime et ce qui se passait dans ce pays, la communauté internationale a fini par accepter cette intervention. Loin de moi l'idée d'établir une analogie entre les deux situations, mais ceux qui sont mêlés au conflit du Kosovo devraient écouter les appels qui sont lancés. Il ne faut pas que nous nous trouvions dans la situation que vous avez évoquée, et que la communauté internationale soit divisée. Dans mes précédents appels, j'ai indiqué que nous devrions trouver un moyen de conjuguer nos efforts et que lorsque nous sommes unis et que nous exerçons une pression collective, nous réussissons presque toujours et j'espère qu'il en sera encore une fois ainsi.

QUESTION : Seriez_vous favorable à une intervention britannique plus importante en Sierra Leone comme on semble l'envisager à l'heure actuelle ? Et la seconde question, qui est liée à la première compte tenu des ressources naturelles de la Sierra Leone et des intérêts miniers, à l'heure où l'Organisation des Nations Unies s'efforce de renforcer ses liens avec le secteur privé, est la suivante : comment réagissez_vous à ce que le Comité international de la Croix_Rouge a qualifié hier de privatisation croissante des conflits, à savoir que dans des lieux comme l'Afrique, ce ne sont pas seulement les intérêts de mercenaires, mais également des intérêts économiques extérieurs, des entreprises, qui sont à l'origine des conflits et les financent ? Quel est votre avis aussi sur cette question de la privatisation ?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Commençons par votre première question. Nous sommes en présence d'une situation tragique et impérieuse sur le plan

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humanitaire en Sierra Leone. Les forces de l'ECOMOG font tout leur possible pour maîtriser cette situation. Elles ont reçu des encouragements et des promesses de soutien de la communauté internationale qui ne se sont pas toujours concrétisés, si bien que toute assistance qui pourrait être apportée à ces forces qui essaient de maîtriser la situation et d'en assurer le contrôle serait, j'en suis convaincu, appréciée. Sur le second point, je crois que nous sommes tout aussi préoccupés par cela et c'est en fait pourquoi j'ai parlé du régime des sanctions. J'ai dit que le Président du Comité des sanctions veut s'entretenir avec les gouvernements, qu'il veut s'entretenir avec les sociétés qui soit achètent des diamants, soit envoient des produits, afin de voir ce qu'il est possible de faire pour freiner leur action. Et c'est l'un des aspects les plus difficiles de ces conflits. Lorsqu'il y a des ressources et que des gens qui tirent profit de la guerre interviennent, le conflit devient insoluble, très difficile à maîtriser ou à arrêter, parce que certains, ayant intérêt à ce que le conflit dure et tirant des avantages matériels de ce conflit, oeuvrent parfois contre les forces de la paix. Il nous faut trouver le moyen d'agir avec les gouvernements pour maîtriser et freiner ces activités. Je n'ai donc aucun désaccord avec la Croix_Rouge, qui a raison de se préoccuper de cela.

QUESTION : Monsieur le Secrétaire général, je voudrais vous poser une question concernant le Soudan et la manière dont l'Organisation des Nations Unies traite le problème soudanais. Il a été question dernièrement d'atrocités qui semblent avoir été commises au cours du premier trimestre de l'année dernière dans la ville de Wau et ses alentours, dans le sud. Pouvez_vous confirmer l'existence de fosses communes aux alentours de la ville de Wau où se trouveraient les restes des victimes d'exécutions apparemment commises par les forces gouvernementales ? En second lieu, pouvez_vous m'expliquer pourquoi c'est New York qui s'occupe de cette question et pas le Bureau des droits de l'homme à Genève, alors qu'il s'agit d'une question de droits de l'homme ?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Je tiens à préciser tout d'abord que je n'ai aucune information sur les fosses communes dont vous avez parlé, mais il faut à l'évidence voir ce qu'il en est s'il y a des allégations à cet effet. S'agissant de la situation au Soudan, nous avons essayé d'aider tout à la fois sur le front humanitaire et sur le plan du processus de paix, parce qu'au bout du compte, en dernière analyse, seule la paix mettra fin à la douleur, aux souffrances et à la faim au Soudan. Le mois dernier, j'ai dépêché le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Kiren Prendergast, dans la région, à Nairobi, pour s'entretenir avec les autorités kényennes, aussi bien le Président Moi que le Ministre des affaires étrangères. Ce sont eux qui mènent les efforts de médiation de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et c'est l'IGAD qui coordonne le processus de paix. Nous leur avons offert notre concours. Nous voulons faire tout notre possible pour renforcer leur action. L'IGAD et les gouvernements de la région veulent poursuivre ce processus et les protagonistes ont accepté l'IGAD, mais nous voulons tout faire pour appuyer cette action. Le Secrétaire général

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adjoint s'est ensuite rendu au Soudan pour parler aux dirigeants de ce pays, à Khartoum, pour essayer de faire avancer le processus. Nous allons poursuivre ces efforts. Quant à la question de savoir si le Haut_Commissariat aux droits de l'homme intervient ou devrait intervenir ou non, bien sûr qu'il devrait intervenir sur les aspects relatifs aux droits de l'homme. L'action menée à partir de New York porte sur l'approvisionnement en vivres, la collaboration avec le Programme alimentaire mondial et d'autres pour leur faciliter l'accès, et pour essayer d'amener les parties à permettre l'acheminement constant des produits humanitaires et à ne pas le bloquer. Tout le monde doit donc trouver sa place dans ces efforts, l'action humanitaire, les droits de l'homme, les autres institutions et les ONG.

QUESTION : Monsieur le Secrétaire général, je voudrais vous poser une question en rapport avec votre participation au Forum de Davos. On a parfois le sentiment que vous privilégiez vos contacts et vos rapports avec les milieux d'affaires. En vous rendant à Davos, n'avez_vous pas l'impression que vous apportez indirectement une caution à la mondialisation et à la libéralisation dont ce forum est justement le promoteur sinon le thuriféraire. Donc, vous avez dit fort justement tout à l'heure que de nombreux pays et une grande partie de la population de la planète souffraient au contraire de la mondialisation. Est_ce que, à Davos, vous allez aussi vous faire l'interprète de ceux qui sont en marge du bénéfice de la mondialisation et pourquoi ne saisiriez_vous pas l'occasion pour proposer l'annulation de la dette des pays du tiers monde ?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Je vous remercie de cette question. Tout d'abord, sur votre dernier point, je voudrais rappeler que j'ai déjà, dans de nombreuses enceintes, préconisé l'annulation ou la réduction de la dette et nous continuerons de le faire. C'est également l'une des principales recommandations de mon rapport sur l'Afrique et de nos discussions avec les gouvernements pendant la session du Conseil économique et social et à d'autres occasions.

Permettez_moi de m'arrêter quelques instants sur cette question pour expliquer la façon dont nous concevons nos rapports avec le secteur privé. Vous avez raison à propos de la mondialisation; nous avons dit clairement qu'elle comporte des avantages mais aussi des inconvénients et qu'il faut être conscient des deux. Je ne crois pas que l'on puisse renverser le cours de l'histoire sur cette question de la mondialisation, dans une économie de marché ouverte, mais il faut trouver le moyen de réduire autant que faire se peut les aspects négatifs et d'en maîtriser certains aspects. À Davos _ je n'y vais pas en admirateur béat du capitalisme sauvage _ je ferai aux participants quelques suggestions sur ce qu'ils peuvent faire dans trois domaines concrets, sans attendre l'action des gouvernements : sur les droits de l'homme, sur l'environnement et sur les normes du travail. Il s'agit d'une approche constructive. L'on a affaire à des forces qui détiennent un pouvoir et une influence considérables de par le monde. Des forces qui sont aujourd'hui les premiers créateurs d'emploi, le moteur qui produit le travail. Elles détiennent la technologie, elles détiennent l'argent, elles détiennent la

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gestion et elles détiennent les ressources financières. Je pense donc qu'il faut être en mesure de les amener à faire avec nous un travail constructif dans le sens d'un monde meilleur. À l'heure où ces forces deviennent si dominantes, à l'heure où l'aide publique au développement est en recul, si l'Organisation des Nations Unies ne trouve pas le moyen d'instaurer avec elles un partenariat constructif en faveur du développement, je crois qu'elle aura failli à sa mission qui est de faire évoluer les choses dans le bon sens. C'est l'une des choses que nous nous efforçons de faire. Je crois que lorsque vous lirez ce que je dis à Davos, vous conviendrez avec moi que nous nous efforçons d'avoir une influence positive et non le contraire. Mais votre question était pertinente. Merci.

Mme GASTAUT : Je vous remercie beaucoup Monsieur le Secrétaire général; il y aurait encore beaucoup de questions, donc nous vous attendrons avec beaucoup d'impatience la prochaine fois.

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