En cours au Siège de l'ONU

CS/1016

LE CONSEIL DE SECURITE SE DECLARE ALARME PAR LA GRAVE DETERIORATION DE LA SITUATION POLITIQUE ET MILITAIRE EN ANGOLA

21 janvier 1999


Communiqué de Presse
CS/1016


LE CONSEIL DE SECURITE SE DECLARE ALARME PAR LA GRAVE DETERIORATION DE LA SITUATION POLITIQUE ET MILITAIRE EN ANGOLA

19990121 Il souligne qu'il attache une grande importance au maintien d'une présence multidisciplinaire de l'ONU, sous la direction d'un Représentant spécial

Dans le cadre de l'examen de la situation en Angola, le Président du Conseil de sécurité, M. Celso Amorim (Brésil), a fait, cet après-midi, au nom des membres du Conseil, la déclaration suivante :

"Le Conseil de sécurité se déclare alarmé par la grave détérioration de la situation politique et militaire en Angola. Il réaffirme sa conviction qu'une paix durable et la réconciliation nationale ne sauraient être assurées par des moyens militaires et demande instamment au Gouvernement angolais, et surtout à l'União Nacional para a Independência Total de Angola (UNITA), de reprendre un dialogue constructif sur la base des "Acordos de Paz" (S/22609, annexe), du Protocole de Lusaka (S/1994/1441, annexe) et de ses résolutions pertinentes afin de rechercher une solution pacifique au conflit et d'épargner au peuple angolais une recrudescence des combats et de nouvelles souffrances. Il réaffirme dans ce contexte que la crise en Angola tient essentiellement au refus de l'UNITA de se conformer aux dispositions clefs du Protocole de Lusaka, et exige à nouveau que l'UNITA s'acquitte de l'obligation qui lui est faite de démilitariser et de permettre l'extension de l'administration de l'Etat aux territoires tenus par elle.

Le Conseil partage l'analyse et les vues du Secrétaire général sur la situation politique et militaire en Angola contenues dans son rapport du 17 janvier 1999 (S/1999/49). Il souligne la contribution que l'Organisation des Nations Unies a apportée au maintien d'une paix relative en Angola ces quatre dernières années. Il constate avec un profond regret que la situation politique et l'insécurité qui règnent actuellement dans le pays, conjuguées au manque de coopération, en particulier de la part de l'UNITA, avec la Mission d'observation des Nations Unies en Angola (MONUA), ont empêché cette dernière de s'acquitter de son mandat.

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Le Conseil souligne qu'il attache une grande importance au maintien d'une présence multidisciplinaire des Nations Unies en Angola, sous la direction d'un Représentant du Secrétaire général. Il convient que le maintien d'une telle présence est subordonné à la sécurité du personnel des Nations Unies et exige l'assentiment du Gouvernement angolais et la coopération de tous les intéressés. Dans ce contexte, il demande au Gouvernement angolais de donner cet assentiment et à l'UNITA de coopérer pleinement. Le Conseil se félicite de l'intention du Secrétaire général d'engager d'urgence des consultations avec le Gouvernement angolais sur une telle présence des Nations Unies et de lui faire rapport à ce sujet.

Le Conseil demande à nouveau aux Etats Membres d'appuyer le processus de paix en Angola en mettant immédiatement et intégralement en oeuvre les mesures imposées contre l'UNITA par les résolutions 864 (1993) du 15 septembre 1993, 1127 (1997) du 28 août 1997 et 1173 (1998) du 12 juin 1998, et déclare à nouveau qu'il est disposé à prendre des dispositions pour renforcer l'application de ces mesures sur la base des recommandations formulées à la section IV du rapport du Secrétaire général en date du 17 janvier 1999.

Le Conseil se déclare profondément préoccupé par les répercussions humanitaires du conflit sur le peuple angolais. Il demande instamment à la communauté internationale d'aider le Gouvernement angolais à s'acquitter de la responsabilité qui lui incombe au premier chef de pourvoir aux besoins humanitaires du peuple angolais et exhorte à cette fin les Etats Membres à verser des contributions généreuses pour répondre à l'Appel global de l'ONU de 1999 en faveur de l'Angola. Il demande à tous les intéressés de s'associer aux activités d'assistance humanitaire de l'Organisation des Nations Unies et d'y coopérer sur la base des principes de neutralité et de non-discrimination, de garantir la sécurité et la liberté de circulation du personnel humanitaire, et de faire en sorte que les possibilités d'accès et de soutien logistique par air et par terre, dans les conditions de sécurité voulues, soient dûment assurées. Il enjoint à tous les intéressés de coopérer aux activités que l'Organisation des Nations Unies mène à l'appui des droits de l'homme, en vue de jeter les bases d'une paix et d'une réconciliation nationale durables.

Le Conseil demeurera activement saisi de la question."

Au titre de l'examen de cette question, le Conseil de sécurité était saisi d'un rapport du Secrétaire général.

Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'observation des Nations Unies en Angola (MONUA) (S/1999/49)

Ce présent rapport, soumis conformément à la résolution 1213 (1998) du Conseil de sécurité, en date du 3 décembre 1998, porte sur l'état d'avancement du processus de paix, sur les fonctions et le rôle que l'Organisation des Nations Unies pourrait à l'avenir assumer en Angola, et sur la structure des forces de la Mission d'observation des Nations Unies en Angola (MONUA) compte tenu des capacités de celle-ci au regard des tâches qu'elle devait accomplir.

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Le Secrétaire général rappelle que les événements des derniers mois ont clairement démontré que le processus de paix en Angola s'est effondré à toutes fins pratiques et que le pays est aujourd'hui en état de guerre. Des combats violents se déroulent dans plusieurs régions du pays, soumettant la population civile à d'extrêmes souffrances. Le dialogue entre le Gouvernement et M. Savimbi et son mouvement, interrompu de facto en juin 1998 après que l'UNITA a refusé la mise en place de l'administration de l'Etat dans les zones qu'elle contrôle, est aujourd'hui inexistant. Les mécanismes mixtes de négociation ne fonctionnent plus depuis des mois et la MONUA a été empêchée d'exercer ses fonctions de médiation. Les parties se sont engagées publiquement soit à "neutraliser" politiquement leur adversaire, soit à provoquer l'escalade de l'affrontement militaire. Aucun compte n'a été tenu des nombreuses résolutions du Conseil de sécurité invitant fermement le Gouvernement et l'UNITA à cesser les combats et à reprendre le processus de paix. Les tentatives régionales et les démarches bilatérales sont souvent ignorées ou simplement méconnues.

Dans les circonstances d'aujourd'hui, le Secrétaire général se déclare convaincu que la MONUA n'a pas d'autre choix que de continuer à réduire sa présence en Angola et de procéder au rapatriement ordonné du personnel et des biens des Nations Unies, comme l'a demandé le Gouvernement angolais. Si le rythme actuel du redéploiement se maintient, toutes les équipes et tous les sièges régionaux de la MONUA seront repliés à Luanda pour la mi-février. À l'expiration du mandat de la MONUA, le 26 février 1999, l'ONU devra procéder alors à la liquidation technique de la Mission. Le Secrétaire général prévoit actuellement que la plupart du personnel militaire, de police et civil de la Mission sera rapatrié pour le 20 mars 1999. Toutefois, pour procéder efficacement à la liquidation, des ressources humaines et matérielles suffisantes devront être maintenues en Angola. Etant donné la portée et la durée des opérations de l'UNAVEM et de la MONUA, on estime que quatre à six mois seront nécessaires pour achever la liquidation sur le terrain. Durant les premiers mois de cette période, la présence d'un solide détachement de sécurité (une compagnie d'infanterie d'un maximum de 200 personnes) serait nécessaire pour protéger les biens de l'Organisation. Il faudrait aussi maintenir une capacité aérienne suffisante et d'autres services d'appui et du personnel administratif. La présence du détachement d'infanterie nécessiterait l'assentiment du Conseil de sécurité. Le Secrétaire général souhaite que le Gouvernement de l'Angola et l'UNITA coopèrent pleinement avec la MONUA pour son redéploiement à Luanda et pour le rapatriement de son personnel et de son matériel.

La MONUA ne peut plus jouer de rôle utile dans les circonstances actuelles mais l'ONU et la communauté internationale ne doivent pas pour autant tourner le dos à l'Angola et au peuple angolais. Il ne fait aucun doute que la reprise des hostilités causera de nouvelles souffrances à la population civile et aura des conséquences graves pour la paix et la sécurité au-delà des frontières de l'Angola.

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L'Organisation des Nations Unies doit donc rester impliquée activement et poursuivre ses efforts pour aider les Angolais à régler le plus tôt possible ce conflit fratricide qui dure depuis plus longtemps que tout autre en Afrique. Le Secrétaire général demeure convaincu que ni les tentatives de marginaliser l'adversaire ni les solutions militaires ne servent les intérêts de long terme de la population angolaise et ne favorisent la réconciliation nationale. L'ONU, qui a investi tant d'efforts et de ressources en Angola, reste prête à jouer un rôle politique, si elle y est invitée, pour aider toutes les parties concernées en Angola à trouver un règlement pacifique. Le Secrétaire général a donc l'intention de désigner un haut fonctionnaire comme son Envoyé spécial pour l'Angola. L'Envoyé spécial sera basé à New York et il disposera du personnel d'appui nécessaire. Il devra coopérer et se tenir en liaison avec les membres du Conseil de sécurité, avec les autres Etats Membres intéressés et, autant que possible, avec les parties au conflit angolais, pour tenter d'apporter la paix à l'Angola. Si la situation politique et militaire s'améliore et que les conditions nécessaires existent, son Envoyé spécial et le personnel d'appui pourront être rapidement redéployés en Angola. La première des conditions pour un tel redéploiement serait l'engagement non équivoque pris par les parties concernées qu'elles accorderont leur entière coopération à son Envoyé spécial à toutes les fins de sa mission.

Le Secrétaire général fait remarquer que les causes premières de cette situation profondément regrettable tiennent au refus, par l'UNITA, de respecter les dispositions fondamentales du Protocole de Lusaka, en vertu duquel elle devait démilitariser ses forces et permettre que l'administration de l'Etat s'installe sur tout le territoire national. Cette situation a été aggravée par le manque de tolérance politique et l'absence de toute volonté d'accepter un compromis; il n'y a pas eu non plus le moindre signe d'un effort véritable pour créer un soutien politique en améliorant les conditions d'existence fondamentale de la population. Attendu que les parties ont exprimé leur volonté de tenter leur chance sur le champ de bataille, que les conditions de sécurité se détériorent régulièrement et que la MONUA est dans l'incapacité d'exercer son mandat, il est devenu de plus en plus évident qu'à l'heure actuelle, les conditions nécessaires pour que l'ONU puisse jouer un véritable rôle de maintien de la paix en Angola ont cessé d'exister. En outre, le Gouvernement angolais a fait savoir aux Nations Unies qu'il n'avait pas l'intention de soutenir la prolongation de la MONUA au-delà du terme de son mandat en cours. Le Président dos Santos a exprimé de nouveau cette position au Secrétaire général adjoint, M. Sevan, lors de leur rencontre du 6 janvier à Luanda. La position du Gouvernement a ensuite été rendue publique dans les médias. En outre, à la suite de ce qui a semblé être une campagne médiatique coordonnée contre l'ONU et la MONUA, une attitude négative est apparue dans le public. Dans certains cas, le personnel de l'Organisation a été victime de harcèlement et des responsables publics locaux ont refusé de coopérer avec la MONUA. Les engagements pris récemment de modérer les déclarations publiques des responsables au sujet de l'ONU et d'aider la MONUA à regrouper ses équipes à Luanda en toute sécurité sont donc les bienvenus.

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Quant à l'UNITA, elle n'a, jusqu'à présent, pris aucune initiative sérieuse pour rétablir des contacts utiles avec l'ONU ou pour reprendre l'exécution des dispositions essentielles du Protocole de Lusaka. L'UNITA a publié des déclarations en faveur d'un maintien de la présence des Nations Unies. Cependant, l'attitude de certains de ses dirigeants envers l'ONU a été mise au jour lorsque, contrairement à la pratique universellement reconnue en matière d'opérations de maintien de la paix, 14 agents des forces militaires et de police de la MONUA stationnés à Andulo et Bailundo ont été empêchés, durant plusieurs semaines, de se redéployer vers des zones plus sûres. En outre, l'attaque contre deux avions des Nations Unies apparemment abattus en vol est un crime particulièrement choquant, sans doute destiné à intimider l'ONU et à la contraindre à réduire ses opérations. A cet égard, le Secrétaire général rend hommage au sacrifice ultime des passagers et des équipages de ces avions qui, comme Alioune Blondin Beye et ses collègues eux aussi décédés, ont donné leur vie pour le rétablissement de la paix en Angola. Il condamne ces crimes dans les termes les plus vifs et déclare sa consternation devant l'insensibilité des parties et leur manque de coopération avec l'ONU immédiatement après la disparition des deux avions. Il est impératif de mener une enquête complète sur ces deux incidents et d'identifier les criminels. C'est le moins qui puisse être fait pour les familles des personnes disparues au cours d'une mission de paix. Le Secrétaire général invite donc instamment toutes les personnes concernées en Angola et ailleurs à participer à cet effort.

De toute évidence, a fait observer le Secrétaire général, l'Organisation ne peut pas imposer sa présence aux parties angolaises et ne peut pas non plus jouer un rôle efficace sans leur coopération. Les Nations Unies sont venues en Angola à la demande expresse de ces parties et peuvent être fières de l'oeuvre qu'elles ont accomplie. Elles ont apporté quatre ans de paix relative à l'Angola, la plus longue période de paix dont le pays ait joui depuis son indépendance. Aussi précaire et imparfaite que cette paix ait pu être, l'UNAVEM III et la MONUA ont ménagé, pour les parties angolaises, un espace politique largement suffisant pour parvenir à un règlement pacifique et réaliser la réconciliation nationale, a tenu à souligner le Secrétaire général. Selon les estimations, l'ONU, ses programmes et ses organismes ont aussi procuré jusqu'à 1,5 milliard de dollars pour appuyer le processus de paix. Il appartiendra bien sûr à l'histoire de juger les motifs pour lesquels cette occasion unique a été manquée. Entre-temps, cependant, les parties et leurs dirigeants doivent supporter la responsabilité entière et directe de la souffrance causée à la population.

L'oeuvre accomplie par les organes des Nations Unies spécialisés dans les droits de l'homme présents en Angola a été saluée à juste titre. Elle a contribué à renforcer les institutions internationales, à promouvoir les droits de l'homme et à prévenir leur violation. Sous réserve de l'assentiment des parties angolaises et moyennant des garanties de sécurité satisfaisantes, ces organes devraient poursuivre leurs activités.

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Ils chercheront à renforcer les systèmes d'administration de la justice, à développer les capacités des institutions nationales et des institutions non gouvernementales dans le domaine des droits de l'homme, à recueillir des renseignements sur la situation des droits de l'homme, à diffuser l'information sur les droits de l'homme et à promouvoir la connaissance des droits de l'homme, à encourager la croissance de la société civile en tant que partenaire dans la construction de la paix et du développement pour les droits de l'homme, et à procurer une assistance technique dans les domaines pertinents. Le Secrétaire général a émis la crainte que la situation humanitaire en Angola, déjà critique, pourrait dégénérer en une catastrophe humanitaire totale. Les organismes et organisations humanitaires ont affaire à un nombre sans cesse plus grand de victimes, alors que l'accès à ces personnes est entravé, voire bloqué, par les affrontements, les mines terrestres et les restrictions qui s'appliquent aux zones tenues par l'UNITA. L'ONU est prête à poursuivre et à intensifier son assistance humanitaire au peuple angolais mais elle ne peut le faire sans garanties d'accès et sans assurances pour la sécurité du personnel et des opérations humanitaires. Le Secrétaire général invite instamment le Gouvernement angolais et les chefs de l'UNITA à donner ces garanties et ces assurances, et à apporter leur entière coopération aux organismes et organisations humanitaires qui travaillent en Angola. Il a donné pour instructions à son Représentant spécial de tenir d'urgence des consultations avec le Gouvernement angolais et toutes les autres parties concernées sur la stratégie et les modalités exposées dans le présent rapport, y compris une présence limitée des Nations Unies en Angola. Le Conseil de sécurité sera informé de l'issue de ces consultations dès que possible.

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