DSG/SM/38

LES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES SONT LA CONSCIENCE DU MONDE

16 décembre 1998


Communiqué de Presse
DSG/SM/38


LES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES SONT LA CONSCIENCE DU MONDE

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On trouvera ci-après le texte de l'allocution prononcée le 3 décembre par la Vice-Secrétaire générale, Mme Louise Fréchette, à l'occasion du cinquantenaire de la Conférence des organisations non gouvernementales à New York :

C'est pour moi un immense plaisir d'être parmi vous pour célébrer cet anniversaire. Cinquante ans marquent vraiment une étape. Il y a trois ans, l'Organisation des Nations Unies célébrait un demi siècle d'existence. La semaine prochaine, nous fêterons le cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Bien sûr, ce n'est pas un hasard si ces anniversaires tombent en même temps. La coopération internationale pour le bien commun, à laquelle institutions, instruments et particuliers ont tous apporté une contribution décisive, est en effet le grand projet de l'après- guerre.

Les anniversaires ne sont pas seulement l'occasion de se réjouir des succès remportés mais aussi de se demander pourquoi certains objectifs n'ont pas été atteints, de tirer des leçons et de se projeter dans l'avenir.

La Conférence des organisations non gouvernementales célèbre son cinquantième anniversaire à un moment où les organisations non gouvernementales jouent un rôle sans précédent sur la scène mondiale.

Elles ont en particulier pesé de manière sensible sur les programmes et les résultats des grandes conférences mondiales qui se sont tenues depuis le Sommet planète Terre de 1992 et ont été consacrées à des questions essentielles comme les droits de l'homme, l'environnement, la population, les femmes et la pauvreté. Leur action a abouti à l'ébauche d'un vaste programme d'action portant sur les grands problèmes de notre temps.

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On peut dire également que c'est grâce aux organisations non gouvernementales que l'année 1997 a été l'année des mines terrestres, ou plutôt, devrais-je dire, de leur élimination, puisque le prix Nobel de la paix a été décerné à la Campagne internationale pour l'interdiction des mines terrestres. Ainsi, la prise de conscience d'individus isolés a donné lieu à une vaste mobilisation citoyenne qui a fait de la lutte contre les mines une cause véritablement universelle. La Campagne a aussi forcé les gouvernements à reconnaître que le coût humain des mines terrestres était énorme comparé à leur utilité. Si ce résultat a pu être atteint, c'est parce que 1 000 organisations non gouvernementales de 60 pays différents ont conjugué leurs efforts en utilisant une arme qui s'est révélée beaucoup plus puissante que les mines : le courrier électronique.

Animées de la même détermination et se servant de la même arme, les organisations non gouvernementales ont contribué à faire de 1998 l'année de la Cour pénale internationale. Plus de 200 organisations non gouvernementales ont pris part aux activités préparatoires et aux travaux de la conférence au cours de laquelle le Statut de la Cour a été adopté, battant le record de participation de la société civile à une telle manifestation.

Beaucoup parmi les gouvernements comme parmi les organisations non gouvernementales auraient sans doute souhaité que la Cour soit investie de plus de pouvoir, mais il ne faut pas sous-estimer l'avancée que représente l'adoption de son statut. Comme l'a déclaré le Secrétaire général, la Cour pénale internationale "peut sauver des vies et sert de rempart contre le mal". Toutefois, n'oublions pas que le Statut adopté à Rome n'entrera en vigueur que lorsque 60 États l'auront ratifié. J'espère donc que les organisations non gouvernementales continueront d'agir avec la ténacité dont elles ont jusqu'à présent fait preuve car il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que la Cour, que l'on considérait comme le "chaînon manquant" du système juridique international, devienne une réalité.

Les organisations non gouvernementales se préparent déjà à célébrer, l'an prochain, l'Année internationale des personnes âgées et je sais également qu'elles sont en train de former une coalition qui s'occupera des questions relatives aux armes de petit calibre et aux enfants dans les conflits armés. Elles auront donc du pain sur la planche en 1999. Dans le même esprit, je souhaiterais poursuivre l'ordre chronologique en vous faisant part de quelques réflexions à propos de l'an 2000.

Dans un monde où le changement fait partie intégrante de la vie, les besoins et priorités des institutions comme des individus évoluent sans cesse. C'est pourquoi l'Organisation des Nations Unies a entrepris une réforme de grande envergure et poursuit ses efforts pour repenser entièrement son

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fonctionnement. Elle entend ainsi se débarrasser de certains malheureux héritages du passé, notamment des mandats périmés ou faisant double emploi, des chevauchements d'efforts et d'une tendance excessive à la centralisation. Parallèlement, elle doit se préoccuper avec la même énergie de son action future.

Pour certains, l'arrivée du nouveau millénaire est un simple événement chronologique, alors que pour l'Organisation des Nations Unies — et pour bien d'autres — il s'agit d'un moment hautement symbolique.

Comme lors de la Conférence de San Francisco, au cours de laquelle l'Organisation a été créée, lors des conférences qui ont marqué des tournants de l'Histoire, l'occasion nous est offerte d'échanger nos points de vue sur le rôle de l'Organisation dans un monde totalement différent de celui d'il y a seulement 10 ans, et d'élaborer un plan d'action.

Qu'attendent les États Membres de l'Organisation des Nations Unies au XXIe siècle? Quels objectifs sont-ils disposés à appuyer? Comment l'Organisation doit-elle collaborer avec les institutions internationales, de plus en plus nombreuses, et la société civile, de plus en plus puissante?

Pour répondre à ces questions générales mais essentielles, le Secrétaire général a proposé qu'un forum des organisations non gouvernementales se tienne parallèlement à la session de 2000 de l'Assemblée générale, qui sera appelée l'Assemblée du millénaire.

Je sais que les organisations non gouvernementales tiennent déjà des consultations à ce sujet et j'espère collaborer avec vous pour que cet événement soit aussi fructueux que possible. L'Organisation a besoin de vos idées, de votre dynamisme et de votre soutien sans faille. Il serait impensable de tenir une assemblée du millénaire sans votre participation.

On peut d'ailleurs en dire autant de l'ensemble de l'action de l'Organisation des Nations Unies. Les organisations non gouvernementales jouent un rôle essentiel dans le monde d'aujourd'hui. Vous avez toujours été aux côtés de l'Organisation, vous étiez là à sa création et l'Article 71 de la Charte fait explicitement référence à votre action. Toutefois, le nombre d'organisations non gouvernementales a considérablement augmenté ces dernières années.

Parlons un peu chiffres. En 1948, les organisations non gouvernementales dotées du statut consultatif auprès du Conseil économique et social étaient au nombre de 41, alors qu'elles sont aujourd'hui plus de 1 350. Le nombre d'organisations non gouvernementales accréditées auprès du Département de l'information a également augmenté en flèche, passant de 200 en 1968 à plus de 1 550 aujourd'hui.

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Cette croissance s'explique essentiellement par la révolution de l'information, qui vous a donné de nouveaux moyens de vous réunir, d'exprimer vos points de vue et de nouer des relations avec ceux qui partagent vos valeurs. De par votre taille, vous êtes moins bureaucratiques et plus souples que les gouvernements. Grâce à votre action sur le terrain auprès des populations, vous êtes extrêmement bien placées pour parler et agir au nom des causes que vous défendez.

La mondialisation et les changements intervenus dans la nature même de l'État ont également contribué à votre succès. Aujourd'hui, non seulement l'économie et les marchés sont mondiaux, mais les problèmes auxquels nous nous heurtons, des atteintes à l'environnement au crime organisé en passant par les épidémies et la prolifération des armes, se posent de plus en plus à l'échelle mondiale. Or, l'action politique demeure en grande partie locale. Il existe donc un fossé grandissant entre ce que les citoyens veulent et ce que les gouvernements peuvent leur offrir. L'enjeu est de combler ce fossé.

L'Organisation des Nations Unies et d'autres organisations, tant internationales que régionales, se sont efforcées d'y contribuer. Les organisations non gouvernementales s'y sont également mises. Là où l'action gouvernementale est insuffisante ou inadaptée, elles offrent des services qui font cruellement défaut. Là où les gouvernements ne font rien, elles font pression pour que l'on prête davantage attention aux problèmes de la population et aux divers groupes sociaux. Enfin, lorsque les gouvernements choisissent la répression, les organisations non gouvernementales organisent des mouvements de résistance et d'opposition démocratique.

Tout cela ne signifie aucunement que l'État disparaît ou cède du terrain. Bien au contraire. Les organisations non gouvernementales et la société civile dépendent des États à bien des égards. Après tout, les grands succès que constituent la Cour pénale internationale, l'interdiction des mines terrestres ou bien encore la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques reposent sur la volonté des gouvernements. Toutefois, l'heure est à une plus grande coopération, ce qui ouvre des possibilités d'action considérables, voire illimitées, pour les organisations non gouvernementales.

L'Organisation des Nations Unies a à la fois assisté et participé à l'émergence d'une société civile mondiale. À divers degrés et avec plus ou moins de succès, elle s'est efforcée de favoriser la "révolution associative mondiale" et l'émergence d'un nouveau système international participatif, et de s'y adapter. En d'autres termes, elle s'est efforcée d'ouvrir plus grandes ses portes à la société civile. Tel a été l'un des principaux volets de la réforme.

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Vous savez sans doute que tous les départements de l'ONU ont désigné un agent de liaison avec les organisations non gouvernementales et que les programmes de formation destinés au personnel, y compris ceux de l'École des cadres des Nations Unies, comporteront un volet consacré à la coopération avec la société civile. Vous savez également que le Programme commun des Nations Unies sur le VIH et le sida est le premier programme du système des Nations Unies à compter des représentants d'organisations non gouvernementales parmi les membres de son organe directeur en qualité de participants à part entière et non plus d'observateurs.

Toutefois, je voudrais aussi m'assurer que vous êtes conscients de tous les efforts que nous déployons pour favoriser la création d'organisations non gouvernementales dans les pays en développement et aider celles qui existent à renforcer leurs capacités pour collaborer efficacement avec l'Organisation. Les chiffres que j'ai cités il y a quelques instants cachent une triste réalité : sur les 1 500 organisations non gouvernementales accréditées auprès du Département de l'information, seules 251 ont leur siège dans des pays en développement.

D'après la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, 25 % seulement des organisations non gouvernementales qu'elle a accréditées se trouvent dans des pays en développement et celles-ci participent rarement aux réunions du Conseil du commerce et du développement en raison de difficultés financières.

Le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues compte parmi les organismes qui s'emploient à remédier à cette situation. Il a récemment aidé des organisations non gouvernementales d'Asie à constituer un comité d'organisations non gouvernementales à Bangkok. La Banque mondiale, constatant que le cadre politique dans lequel les organisations non gouvernementales et les acteurs de la société civile inscrivent leur action varie énormément d'un pays à l'autre, a publié, sous forme de projet, un manuel des bonnes pratiques concernant l'élaboration de lois applicables aux organisations non gouvernementales.

Grâce à ces mesures, le nombre d'organisations non gouvernementales du Sud qui participent aux réunions et conférences ainsi qu'à d'autres activités de l'Organisation des Nations Unies augmente peu à peu.

Notre action s'explique par le fait que nous croyons au pouvoir des organisations non gouvernementales. Elles sont le fer de lance de la société civile — collectivités locales, médias, personnalités du secteur privé et établissements universitaires, participent de plus en plus aux affaires internationales et donnent un nouveau sens à la notion de communauté internationale.

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Avec détermination et discernement, vous êtes la conscience du monde. Avec perspicacité et imagination, vous nous aidez à penser l'avenir. Avec dynamisme, vous profitez de cet anniversaire pour réaffirmer votre attachement au partenariat entre l'Organisation des Nations Unies et les organisations non gouvernementales. Enfin, je constate que la Conférence des organisations non gouvernementales a publié, en l'honneur de son cinquantenaire, un ouvrage consacré aux principes des Nations Unies et aux centaines de milliers d'hommes et de femmes qui oeuvrent de par le monde en faveur de la paix, de la prospérité et de la justice. C'est de cela, mes amis, qu'est faite la citoyenneté mondiale. Je vous présente une nouvelle fois tous mes voeux à l'occasion de cet anniversaire si important et vous remercie de votre attention.

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