CS/998

LE CONSEIL DE SECURITE TIENT UN DEBAT SUR LE MAINTIEN DE LA PAIX ET LA SECURITE ET LA CONSOLIDATION DE LA PAIX APRES LES CONFLITS

16 décembre 1998


Communiqué de Presse
CS/998


LE CONSEIL DE SECURITE TIENT UN DEBAT SUR LE MAINTIEN DE LA PAIX ET LA SECURITE ET LA CONSOLIDATION DE LA PAIX APRES LES CONFLITS

19981216 L'intégration de la consolidation de la paix aux opérations de maintien de la paix est recommandée

Réuni sous la présidence de M. Jassim Mohammed Buallay (Bahreïn) pour examiner la question du maintien de la paix et de la sécurité et de la consolidation de la paix après les conflits, le Conseil de sécurité a entendu, ce matin, les représentants de ses membres.

Au cours du débat, les délégations ont unanimement estimé que la préoccupation de la consolidation de la paix après un conflit est tout aussi importante que le règlement du conflit lui-même. Plusieurs délégations ont rappelé qu'il est important que le Conseil de sécurité prenne en compte les aspects de consolidation de la paix afin qu'ils soient intégrés dans une stratégie globale et assurés du financement nécessaire. Ces aspects doivent être prévus dans le mandat quand une opération de maintien de la paix est décidée. Afin d'assurer une bonne transition de l'opération de maintien de la paix vers la phase de consolidation de la paix après les conflits, trois conditions sont nécessaires, à savoir la répartition des responsabilités, les ressources appropriées et la coordination entre les différents acteurs. Il faut établir un cadre stratégique pour les activités des institutions compétentes dans les domaines politique, humanitaire et de développement. Trois catégories d'acteurs doivent être engagées : le Conseil de sécurité, ainsi que les organisations régionales; les institutions humanitaires telles que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ou le Comité international de la Croix-Rouge (CICR); ainsi que les institutions financières et de développement. La consolidation de la paix après les conflits passe également par toute une série de mesures portant notamment sur le rapatriement des réfugiés et des personnes déplacées, le renforcement des institutions judiciaires, la promotion et la protection des droits de l'homme et l'organisation d'élections libres et démocratiques.

Le Conseil de sécurité reprendra son débat sur la question à une date ultérieure.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SECURITE ET CONSOLIDATION DE LA PAIX APRES LES CONFLITS

Déclarations

M. HUASUN QIN (Chine) a fait savoir que la délégation chinoise apprécie hautement la tenue du débat d'aujourd'hui, car elle considère que le maintien de la paix et de la sécurité internationale est essentielle et qu'il est important d'entendre les vues des Etats Membres à ce sujet. De l'avis du représentant, le monde traverse une période de grande transformation en cette fin de siècle; le désir de paix et de sécurité est très fort, notamment dans des régions comme l'Afrique et l'Asie centrale, où des conflits persistent. C'est pourquoi l'aide et le soutien réels des Nations Unies sont importants.

La délégation chinoise souhaite que le Conseil réponde aux appels répétés dans les conflits africains, comme en Somalie, en Sierra Leone ou encore dans la région des Grands Lacs. Il faut faire des efforts d'assistance efficaces et aider des organismes tels que l'Organisation de l'unité africaine (OUA) qui a besoin de fonds. Le représentant a rappelé que le Conseil doit agir avec le consentement et à la demande des pays intéressés. La Chine n'est pas favorable à l'ingérence dans les affaires intérieures d'un pays sous divers prétextes. Elle s'oppose aussi à tout acte de violence qui constitue une violation des normes internationales.

Pour consolider la paix après les conflits, le représentant estime que le soutien de la communauté internationale est nécessaire car les économies de ces pays ont été gravement endommagées. Cela dit, il faut prêter la même attention à toutes les régions. Le représentant a constaté que des opérations de maintien de la paix continuent de fonctionner dans certains endroits où elles ne sont plus indispensables, alors que dans d'autres régions, comme en Afrique, il est très difficile d'obtenir de l'aide. La Chine souhaite la fin de cette politique de deux poids deux mesures. Les efforts internationaux devraient s'adapter aux efforts du pays intéressé et se concentrer sur le développement. De l'avis du représentant, il faut prendre en compte les besoins les plus urgents et fournir une assistance technique. La Chine est opposée à l'imposition de conditions politiques avant cette assistance. Le rôle des Nations Unies dans les domaines sociaux et économiques doit être également renforcé. La Chine est opposée à l'affaiblissement du rôle de certains organes, comme le Conseil économique et social. Une telle conception ne favoriserait pas le bon fonctionnement des Nations Unies.

M. SERGEI LAVROV (Féderation de Russie) a souligné que le fondement juridique des opérations de maintien et de consolidation de la paix repose sur la Charte des Nations Unies. Cependant, il est essentiel de garantir les ressources appropriées pour assurer leur succès. Par ailleurs, les opérations ne doivent être créées que lorsque tous les autres moyens diplomatiques ont échoué. Dans de nombreux cas, des accords ont été établis entre les organisations régionales et les Nations Unies pour établir une coopération efficace dans le domaine du règlement pacifique des différends. Toutefois, M.

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Lavrov fait remarquer que l'OTAN tend à contourner les décisions du Conseil de sécurité pour mettre en oeuvre ses propres mesures. La démobilisation des éléments armés dans les conflits est une tâche qui dépasse largement le domaine du maintien de la paix et entre plutôt dans le cadre de celui de la consolidation de la paix. En outre, les institutions spécialisées des Nations Unies, en coopération étroite avec les institutions financières multilatérales doivent coordonner leurs efforts pour mettre en oeuvre des programmes de développement économique et social à la fin d'un conflit.

M. PETER BURLEIGH (Etats-Unis) a rappelé que les membres des opérations de maintien de la paix des Nations Unies ont été chargés notamment d'assurer la sécurité, de surveiller la police, d'organiser les élections et de faire respecter les droits de l'homme. Pour s'acquitter de leur mandat, les missions ont inclu des composantes civiles et militaires importantes. Dans neuf missions sur seize, les services de la police civile sont requis pour contribuer à faire face aux problèmes posés par la sécurité dans des pays comme la Bosnie, Haïti, Angola et la République centrafricaine. La police civile représente maintenant environ 20% de toutes les forces de maintien de la paix. Certaines de ces tâches passent du maintien de la paix à la consolidation de la paix, une transition qu'il faudrait comprendre et mieux gérer au sein des Nations Unies. Concernant cette transition, la délégation des Etats-Unis considère trois catégories de préoccupations, à savoir la répartition des responsabilités entre le maintien et la consolidation de la paix, les ressources et la coordination.

S'agissant de la répartition des tâches entre le maintien et la consolidation de la paix, M. Burleigh a insisté sur la nécessité d'inclure certaines activités à court terme qui renforceront le rôle des contingents de maintien de la paix, des observateurs militaires, et/ou de la police civile pour stabiliser la situation immédiate et maintenir l'élan en faveur de la paix. Ces activités devraient notamment porter sur la démobilisation, le désarmement et la réintégration des anciens combattants, ainsi que sur le déminage. Elles peuvent viser également à appuyer la tenue d'élections ou à assurer un appui à court terme aux institutions de sécurité publique par le biais de la surveillance et de la formation de la police locale. Toutefois, l'appui à long terme pour reconstruire ou restructurer les institutions de sécurité publique - police, prisons et justice - dépasse largement le cadre du maintien de la paix et relève plutôt du domaine de la consolidation de la paix. Alors que certaines activités de consolidation de la paix n'interviennent qu'après la fin d'une mission de maintien de la paix, elles peuvent également être intégrées à un accord de paix que la mission de maintien de la paix vise à appuyer. Dans tous les cas, les Nations Unies et le pays hôte doivent mettre l'accent très tôt sur les activités de consolidation de la paix à long terme et rechercher un appui national, bilatéral et multilatéral approprié. Les pays qui demandent un appui de maintien de la paix à la communauté internationale doivent reconnaître qu'il est tout aussi important pour eux de trouver les ressources nécessaires à la consolidation de la paix que de trouver celles dont ils avaient besoin pour le conflit. Pour leur part, les institutions internationales doivent comprendre

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qu'en consacrant une fraction de leurs ressources réduites pour assurer la bonne gouvernance, elles contribueront à créer un climat propice à la croissance économique. Le représentant a fait remarquer que sans un engagement clair du pays hôte en vue de réaliser ces objectifs, l'assistance extérieure sera vaine.

La coordination des activités de maintien et de consolidation de la paix exige une direction ferme. Cette coordination peut être assurée par un coordonnateur spécial ou un administrateur de transition ou encore un haut représentant du Secrétaire général. Il sera particulièrement important de déterminer clairement le mandat de chaque institution qui contribue à établir la base d'une pleine coopération.

M. BERND NIEHAUS (Costa Rica) a soutenu que la construction de la paix n'est pas une invention ou une proposition politique sans fondement, mais constitue, au contraire, un concept reposant sur une base solide et une légitimité juridique et politique qui requiert une attention particulière de la part des Nations Unies et en particulier du Conseil de sécurité. De l'avis du représentant, pour faire face aux "nouvelles crises" qui se présentent, il faut tout d'abord reconnaître que la "construction de la paix" ou "consolidation de la paix" constitue un maillon de la longue chaîne du maintien de la paix et de la sécurité. Ainsi, faut-il en premier lieu résoudre le problème du conflit armé, dans sa dimension strictement militaire, en faisant cesser les hostilités et en mettant au point des accords sur la démobilisation des combattants. Il est en effet impossible de rechercher une solution au conflit si l'on n'a pas obtenu un cessez-le-feu et si l'on n'a pas réglé le sort de ceux qui ont choisi de prendre les armes.

Le représentant a fait aussi remarquer que le Costa Rica sait par expérience que l'efficacité de la "consolidation de la paix" suppose l'existence d'accords et de consensus entre les parties en conflit. Il faut, en plus du cessez-le-feu, se préoccuper de questions telles que le maintien de l'Etat de droit, la sécurité juridique et le respect des droits de l'homme. A cet égard, le représentant a rappelé qu'en Haïti, au Guatemala et à El Salvador, la notion de règlement global a été fondamentale pour mettre en place une paix ferme et durable. Il faut également une volonté réelle des parties en conflit; c'est là une condition sine qua non.

De l'avis du représentant, les expériences en Amérique centrale, mais aussi en Namibie, au Cambodge, au Mozambique ou, plus récemment, en République centrafricaine ont montré que les bons offices et la médiation ont permis d'aboutir à des accords fermes et durables. L'implication des différentes composantes internationales, en particulier de l'ONU, mais aussi des organisations non gouvernementales, est essentielle. L'expérience en Bosnie-Herzégovine est devenue à cet égard une référence.

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Le représentant du Costa Rica a estimé que la consolidation de la paix doit être vue sous un angle global et ne pas être réduite à une ou plusieurs de ses composantes. Elle suppose aussi une large coopération de la communauté internationale et doit prendre en compte des aspects importants tels que le renforcement de l'Etat de droit, la préparation et la supervision des scrutins électoraux, la modernisation du système judiciaire ou encore la promotion et le respect des droits de l'homme. La consolidation de la paix passe aussi par l'aide apportée aux pays ayant vécu des conflits armés et qui doivent se reconstruire. Cet aspect requiert l'implication et la participation des organismes financiers internationaux.

M. ALAIN DEJAMMET (France) a déclaré que les activités pouvant concourir à la consolidation de la paix sont de nature très diverses, mais elles visent toutes à renforcer la confiance et les conditions d'existence dans les pays touchés par des conflits afin d'empêcher la résurgence de la violence et de créer les conditions d'une paix durable. Chaque situation est unique et il serait présomptueux de vouloir définir a priori le contenu des activités de consolidation de la paix. Il a indiqué que sur la base de l'expérience passée et présente, trois grandes catégories ont été identifiées, à savoir le renforcement de la confiance et la réconciliation nationale, la reconstruction économique et la refondation des institutions. Les réflexions récentes ont montré qu'outre ces différentes orientations, il convenait d'attacher une importance particulière à des mesures appropriées de désarmement. A cet égard, la France salue la décision du Secrétaire général de mettre l'accent sur le problème des armes légères et de petit calibre et de leur trafic illicite, plus particulièrement en Afrique. La consolidation de la paix dans les régions de ce continent qui ont été dévastées par les conflits passe par une action déterminée en la matière.

Les parties au conflit, les Nations Unies, quelques pays plus attentifs que d'autres ou présents sur le terrain doivent faire face à la tâche immense de la consolidation de la paix. Ceci implique de mobiliser, sur le moyen et long terme, les moyens nécessaires. C'est pourquoi, a fait remarquer M. Dejammet, il est important que le Conseil de sécurité prenne en compte les aspects de consolidation de la paix afin qu'ils soient intégrés dans une stratégie globale et assurés du financement nécessaire. Dès lors, ces aspects doivent être dûment prévus dans le mandat quand une opération de maintien de la paix est décidée. Ce mandat constitue le cadre d'action des Nations Unies et de la communauté internationale. M. Dejammet a estimé que, faute d'une opération de maintien de la paix - ou si celle-ci s'est achevée - les activités de consolidation de la paix que l'on jugerait nécessaire de lancer ou de poursuivre devraient alors faire l'objet d'accords appropriés entre les pays concernés d'une part et les différents acteurs susceptibles d'y contribuer, notamment les institutions et programmes des Nations Unies, les organisations régionales et les organisations non gouvernementales. Le représentant spécial du Secrétaire général a un rôle fondamental à jouer pour assurer la coordination. Il est nécessaire également d'assurer une transition appropriée afin d'éviter une interruption des programmes ou la substitution dans l'urgence de nouveaux partenaires ayant une approche différente de celle

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suivie auparavant. Le Conseil de sécurité doit avoir cet élément à l'esprit quand il décide de mettre fin à une opération. Le maintien de la paix et la solution de conflits passent par une approche intégrée de tous les aspects susceptibles d'y concourir, a fait observer M. Dejammet.

M. ANTONIO MONTEIRO (Portugal) a déclaré qu'en matière de mesures de consolidation de la paix dans des situations d'après-conflits, sa délégation partage les points de vue exprimés par l'Autriche au nom des pays de l'Union européenne. Le Portugal avait évoqué, alors qu'il présidait le Conseil de sécurité au mois d'avril 1997, la question de la consolidation de la paix dans le cadre des opérations de maintien de la paix. Nous avions alors recommandé que le Conseil engage un débat en vue d'identifier les activités de rétablissement de la paix à court terme qui seraient essentielles au fonctionnement, et finalement au succès des opérations de maintien de la paix. Dans ce domaine, un travail important a été accompli par l'Allemagne, dans le sens de la définition des domaines problématiques. Mais nous pensons qu'il est désormais temps que le Conseil lui-même se saisisse de cette question, surtout quand elle touche directement à l'établissement des mandats et la structure des opérations de maintien de la paix que le Conseil crée.

Dans les opérations relatives à des conflits à l'intérieur des Etats, des activités de consolidation de la paix sont nécessaires et existent à la fois pendant et après la conclusion des opérations de maintien de paix. En fait, certaines tâches à long terme doivent être commencées le plus tôt possible, et même juste après la conclusion d'un cessez-le-feu. Ces activités incluent: la démobilisation et le désarmement des forces en présence, la transformation des mouvements armés en partis politiques, la réintégration des ex-combattants dans la société civile, la restructuration et l'unification des forces armées et de police et leur formation au respect des droits de l'homme, le retour des réfugiés et des personnes déplacées, les opérations de déminage, le soutien aux institutions politiques et juridiques tournées vers la réconciliation nationale et la tenue d'élections.

M. BABOUCARR-BLAISE ISMAILA JAGNE (Gambie) a fait remarquer que l'absence de conflit ne signifie pas forcément le règne de la paix. Le processus de consolidation pour la mise en place d'une paix durable doit commencer immédiatement et le moment où le travail commence est essentiel. Avec l'aide la communauté internationale, des programmes de reconstruction doivent être mis en place aussi rapidement que possible. De l'avis du représentant, il est important de renforcer la confiance afin de favoriser la réconciliation nationale.

Dans le cas où un conflit a engendré des déplacements de population, il est aussi primordial de faciliter le rapatriement des réfugiés et des personnes déplacées, en prêtant une attention particulière à la sécurité des femmes, des enfants et des personnes âgées. Le représentant a rappelé qu'il y a quelques mois, l'ambassadeur Olara Otunnu a proposé la création d'un projet pilote à ce sujet. A cet égard, l'expérience acquise au Libéria, où le premier bureau de soutien à la consolidation de la paix a été ouvert, pourra

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être répétée ailleurs. Le succès de tout programme de consolidation de la paix dépend aussi des ressources. C'est pourquoi, un effort concerté est indispensable afin de rassembler les fonds nécessaire aux niveau national et international.

De l'avis du représentant, les efforts pour soutenir des programmes de consolidation de la paix à moyen et long terme doivent être complétés par des mesures visant à renforcer les institutions nationales, organiser des élections, promouvoir les droits de l'homme et la bonne gouvernance. Il faut également considérer avec le même zèle la question du développement. L'expérience a montré que la grande pauvreté engendre des conflits; il est difficile d'envisager la démocratie, la bonne gouvernance, le respect de la loi et des droits de l'homme dans des conditions de pauvreté extrême.

M. CHARLES ESSONGHE (Gabon) a rappelé que l'Afrique a entrepris, avec un succès remarquable, de courageuses missions de maintien de la paix, au Libéria, en Sierra Leone et depuis quelques jours, en Guinée-Bissau, notamment grâce aux arrangements régionaux et sous-régionaux. Pour le représentant, le maintien de la paix n'est pas une fin en soi et il se félicite de la tendance à tenir compte, dans les nouvelles formes d'opérations, non seulement des aspects conventionnels du maintien de la paix mais également des aspects politiques et humanitaires, comme le constate aussi une étude conjointement menée par l'Académie internationale de la paix et l'Organisation de l'unité africaine. Cette nouvelle approche dans le processus de règlement des conflits constitue une innovation louable débouchant sur la consolidation de la paix après les conflits. Sans consolidation de la paix, les efforts de règlement durable d'un conflit resteraient superficiels, fragiles et précaires, faute de s'attaquer aux causes profondes du conflit.

Les décisions prises à la fin d'un conflit pour affermir la paix et prévenir une reprise des hostilités doivent être des mesures intégrées et coordonnées visant à éliminer les causes profondes de la violence, quelle qu'en soit la nature. La consolidation de la paix après les conflits doit donc être considérée comme une stratégie à long terme. C'est à ce titre que la délégation gabonaise se félicite des mesures d'ensemble prises dans le cadre du règlement du conflit en République centrafricaine où la Mission des Nations Unies (MINURCA) a élaboré un certain nombre de mesures qui tiennent compte des impératifs politiques en matière de sécurité et sur le plan économique. Concrètement, la MINURCA a recommandé, en concertation avec d'autres partenaires, des mesures de réhabilitation du paysage politique, des forces de sécurité et de l'économie. Si le maintien de la paix et de la sécurité internationales incombe, en vertu de la Charte des Nations Unies, au Conseil de sécurité, les tâches concernant les mesures liées à la consolidation de la paix dans les domaines tels que les droits de l'homme, des réfugiés et du développement relèvent de la compétence d'autres organismes des Nations Unies. Aussi, serait-il souhaitable que les opérations de maintien de la paix soient menées dans le cadre d'une concertation et d'une coordination, avec l'accord du pays concerné, dans le respect scrupuleux de sa souveraineté, de son indépendance politique et de son intégrité territoriale. La délégation

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gabonaise est convaincue que, tout en insistant sur les limites de compétence de chaque organe des Nations Unies, une bonne concertation et une coordination adéquate peuvent conférer au Conseil de sécurité un rôle de conseiller dans la consolidation de la paix après les conflits.

M. CELSO AMORIM (Brésil) s'est déclaré convaincu que le véritable multilatéralisme constitue et demeurera le meilleur modèle pour la coopération internationale au cours des années à venir. Pour renforcer l'autorité du Conseil de sécurité, il faudrait envisager un examen de l'expérience récente acquise dans le domaine du maintien de la paix. A l'instar des autres délégations, les pays du MERCOSUR ont appelé à des efforts concertés visant à établir les paramètres et les normes nécessaires à la création ou à la prorogation du mandat des opérations de maintien de la paix. Il faudrait continuer à améliorer la force de déploiement rapide par le biais de consultations plus ouvertes et transparentes. Ces opérations ont été couronnées de succès, notamment en Slavonie orientale. Il est important de rappeler que, bien qu'elle ait été établie en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, l'ATNUSO a bénéficié du consentement de toutes les parties concernées et ne s'est pas éloignée de l'esprit de maintien de la paix qui s'est développé ces dernières années. Le recours à la force militaire pour mettre en oeuvre le mandat d'une opération de maintien de la paix doit être utilisé en dernier ressort. Lorsqu'il est envisagé, il doit être exercé par le biais de moyens multilatéraux. L'absence d'une force militaire des Nations Unies ne doit pas encourager les Etats Membres à recourir à des moyens contraires à la Charte, ni empêcher la communauté internationale de réexaminer la question au sein du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale.

Les fondateurs des Nations Unies ont prévu un partenariat entre l'Organisation mondiale et les institutions régionales. Les initiatives régionales peuvent être particulièrement efficaces dans les phases préventives et postconflit des efforts de stabilisation. Ces organisations régionales doivent agir conformément au droit international. Par ailleurs, le Secrétaire général a reconnu, dans son dernier rapport sur les activités de l'Organisation, l'importance de promouvoir de nouvelles formes de coopération entre le Conseil de sécurité, l'Assemblée générale et le Conseil économique et social. Il a cité l'Article 65 de la Charte des Nations Unies pour servir de base à une meilleure coordination entre le Conseil de sécurité et les autres organes des Nations Unies compétents en matière économique, sociale et humanitaire. La résolution 1212 (1998) du Conseil de sécurité, adoptée il y a moins d'un mois, a déterminé de nouveaux paramètres pour placer la situation de Haïti dans un contexte différent, en invitant les organes et institutions des Nations Unies, en particulier l'ECOSOC, à contribuer à l'élaboration d'un programme à long terme pour appuyer ce pays le moins avancé des Caraïbes. De l'avis de la délégation brésilienne, le Conseil de sécurité devrait mettre l'accent sur les questions de la diplomatie, de l'établissement de paramètres pour les opérations de maintien de la paix et de leur mise en oeuvre.

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M. DANILO TURK (Slovénie) a observé que la paix et la sécurité internationales ne sont pas assurées sans l'établissement des conditions nécessaires à la durabilité de la paix après les conflits armés. L'exemple de l'Angola, où une détérioration générale de la situation s'est produite faute d'appliquer dans les délais le programme prévu par le Protocole de Lusaka, ne fait que confirmer cette nécessité. Etant donné la complexité de la tâche, il faut établir des priorités dont la première consiste au déminage et à porter une assistance aux victimes des mines en diffusant des informations sur les mines. Cette activité, a estimé le représentant, doit être intégrée dans les négociations des accords de paix. Il peut également devenir nécessaire que le nombre des personnes engagées dans cette activité s'accroisse dans le cadre de projets de coopération pour la construction de la paix prévue dans un Agenda pour la paix.

La seconde priorité, aux yeux du représentant, doit être de stabiliser la paix par la justice et la protection des droits de l'homme. En effet, a-t- il observé, la surveillance n'est pas suffisante dans ce domaine, et elle doit être complétée par un soutien international pour la mise en place des institutions appropriées. La question de l'impunité et de la conformité des lois d'amnistie avec le droit international constitue une tâche particulièrement importante, a-t-il ajouté. Dans ce contexte, l'intensification de la coopération est indispensable de la part des institutions et autres organismes internationaux, ainsi qu'un engagement actif des Etats Membres des Nations Unies. Le débat organisé aujourd'hui par le Conseil de sécurité fait partie de ce schéma de coopération internationale plus large dans le cadre des situations de construction de la paix après les conflits armés.

Mme ROSELYN RUTH ASUMWA ODERA (Kenya) a fait remarquer qu'aujourd'hui, les sociétés qui sortent d'une situation de conflit sont elles-mêmes en situation de conflit, et que des mesures spécifiques doivent être prises aux niveaux national et international pour faire face à cette réalité. L'objectif est d'encourager un processus délicat de soutien à la paix et, surtout, d'empêcher la résurgence d'un nouveau conflit. Les mesures en question peuvent être de différents ordres. Il peut s'agir d'efforts visant à encourager la réconciliation nationale, la mise en place de l'unité nationale, le rapatriement des réfugiés et des personnes déplacées dans de bonnes conditions de sécurité, la réintégration des anciens combattants dans la société, ou encore l'établissement d'institutions réglementaires bien gérées et de systèmes judiciaires et légaux justes et fiables.

La représentante a rappelé l'importance de voir les programmes de construction de la paix après les conflits complétés par des programmes économiques. Le rapport du Secrétaire sur "Les Causes de conflit et la promotion d'une paix et d'un développement durables en Afrique" paru en avril 1998, suggère la mise en place de programmes " des amis de La paix" adaptés à chaque situation particulière.

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La nature complexe des situations postconflit requiert des politiques d'aide bien coordonnées dans un cadre stratégique adapté à la situation. L'expérience a montré l'importance de voir le Secrétaire général mettre en place une structure de soutien à la consolidation de la paix afin de coordonner les activités. Dans ce cas, la personne idéale à la tête d'un bureau serait un Représentant spécial du Secrétaire général, assisté de préférence par un coordinateur résident du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Ce genre d'arrangement doit recevoir le complet soutien du Conseil de sécurité. Certains estiment que ce soutien est en dehors du mandat du Conseil. La délégation kenyanne pense au contraire que les activités de consolidation de la paix après un conflit sont aussi du ressort du Conseil, au même titre que les activités diplomatiques, de médiation ou de négociation. De l'avis de la représentante, elles relèvent du même objectif: empêcher un conflit.

M. MASAKI KONISHI (Japon) a fait remarquer que la communauté internationale reconnaît aujourd'hui qu'une paix et un développement durables constituent les deux faces d'une même médaille. On ne peut réussir l'une sans l'autre. La réalisation de ces deux objectifs exige une approche cohérente et globale. Cette approche est particulièrement nécessaire dans le contexte de la consolidation de la paix après les conflits. Le Japon souscrit pleinement à la proposition du Secrétaire général concernant la nécessité d'établir un cadre stratégique pour les activités des institutions compétentes en matière politique, humanitaire et de développement au cours de cette phase. Trois catégories importantes d'acteurs doivent être engagées au cours de la phase de consolidation de la paix après les conflits. Le Conseil de sécurité, ainsi que les organisations régionales - notamment l'Organisation de l'unité africaine (OUA) - appartiennent à la première catégorie. La deuxième catégorie d'acteurs tels que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et le Comité international de la Croix-Rouge, jouent un rôle fondamental dans la phase de consolidation de la paix après les conflits. Enfin, la troisième catégorie qui regroupe notamment les institutions financières, humanitaires et de développement ont déjà accompli des efforts considérables pour améliorer la coordination entre les acteurs des différentes catégories. De l'avis de la délégation japonaise, ces efforts de coordination devraient également être déployés par le Conseil de sécurité dans le cadre de son propre mandat.

Le représentant a insisté sur la nécessité pour la communauté internationale, et en particulier pour le Conseil de sécurité, de contrôler la mise en oeuvre d'un accord de paix et d'appeler les parties concernées à déployer les efforts nécessaires pour assurer la réconciliation nationale. Des efforts sont également indispensables pour créer un climat propice à la tenue d'élections libres et démocratiques. La création d'un tribunal pénal international pourrait s'imposer. Il faudrait répondre à ces questions avec succès en vue de jeter la base d'une assistance humanitaire et en matière de développement efficace. Le Conseil de sécurité peut également être appelé à fournir un appui aux institutions humanitaires en période d'instabilité politique et sociale au cours de la phase de consolidation de la paix après

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les conflits. Cet appui pourrait couvrir tant la protection des opérations d'assistance humanitaire que le rapatriement des réfugiés et la réintégration des personnes déplacées. Le Conseil de sécurité pourrait également aider à la récupération des armes et au déminage, afin de faciliter le retour à la vie normale. Concernant la situation en République démocratique du Congo, M. Konishi a estimé que la communauté internationale devrait redoubler d'efforts pour ramener les parties concernées à négocier un cessez-le-feu. Cette cessation des hostilités ne constitue que le début d'un long processus de paix et il faudrait donc tenir compte des éléments fondamentaux de la consolidation de paix après les conflits au cours des négociations sur le cessez-le-feu. Il serait extrêmement souhaitable que l'accord de cessez-le- feu inclue un plan politique - tel qu'un calendrier - pour réaliser un accord de paix.

M. HANS DAHLGREN (Suède) a fait remarquer que l'absence de guerre n'est pas forcément synonyme de paix durable et que la construction de cette dernière requiert une coopération accrue entre les organisations et les Etats. Des éléments tels que le développement, la démocratie, le respect des droits de l'homme et l'assistance humanitaire sont essentiels pour empêcher les conflits, et relèvent de la compétence du Conseil de sécurité. Le bureau des Nations Unies au Libéria, que le représentant a visité la semaine dernière, est un bon exemple de ce qui peut être fait en matière de maintien de la paix. L'expérience devrait être reconduite dans d'autres situations. Le Conseil de sécurité devrait agir afin que la transition de la phase de règlement du conflit vers la phase de consolidation de la paix soit le moins cahoteux possible. Le rôle des Nations Unies au Guatemala est un bon exemple d'intégration d'une perspective de consolidation de la paix dans les accords de paix eux-mêmes. Des éléments concernant l'établissement d'une paix durable doivent être clairement mentionnés dans les mandats des missions de maintien de la paix des Nations Unies.

Les efforts déployés après les conflits devraient inclure la démobilisation, le désarmement et la réintégration dans la société des anciens combattants. Le sort des enfants soldats doit aussi faire l'objet d'une attention particulière. Le renforcement du système judiciaire, les opérations de déminage, la transformation des mouvements armés en partis civils, la restructuration de la police sont aussi des éléments à prendre en compte. Concernant la question des réfugiés et des personnes déplacées, le représentant a fait remarquer que la présence prolongée de ces personnes dans des camps peut être déstabilisante pour le pays hôte et que le rapatriement ne se fait pas toujours en douceur. Le représentant a rappelé qu'il ne doit pas y avoir de vide entre les opérations mandatées par le Conseil de sécurité et les autres efforts en faveur de la paix. Les actions doivent être coordonnées. Il ne faut pas non plus mettre un terme à une opération d'assistance sans avoir une vision claire de l'avenir concernant le maintien de la paix dans une région donnée.

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Sir JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a déclaré que le rôle du Conseil de sécurité en matière de règlement de conflit ne peut être efficace que s'il fait partie d'un effort plus vaste du système des Nations Unies. Le Conseil de sécurité est informé régulièrement par le Bureau du Coordonnateur des affaires humanitaires dans le cadre de ses consultations informelles. C'est un progrès considérable. De même, les informations communiquées par Mme Ogata, Haut Commissaire pour les réfugiés, lors de la présidence du Conseil de sécurité par les Etats-Unis, ont marqué un pas en avant qui doit inspirer la coordination avec d'autres institutions, fonds et programmes. Il faudrait également explorer des moyens de coopération avec d'autres organisations intéressées. L'absence d'un mécanisme approprié pour la tenue de consultations entre le Conseil de sécurité et l'Organisation de l'unité africaine (OUA) sur les questions touchant à la paix et à la sécurité en Afrique est un problème qu'il faudrait régler avant qu'il ne soit trop tard.

Le représentant a insisté sur la nécessité de tenir compte du rôle des institutions financières internationales et des organisations régionales, notamment l'Union européenne, dans la phase de consolidation de la paix après les conflits. Le Conseil de sécurité doit explorer les moyens visant à assurer que ses objectifs politiques complètent les mesures de relance financière mises en place par ces institutions. Le Royaume-Uni estime que la coordination doit démarrer dans ce domaine pour garantir son efficacité. Le développement d'un cadre stratégique pour l'action des Nations Unies peut produire des résultats en matière de consolidation de la paix après les conflits. Sa délégation suit avec intérêt les développements de son application en Afghanistan. Il est temps maintenant d'examiner l'application de ce modèle dans d'autres situations. Sir Jeremy a fait remarquer que l'exemple de l'Afghanistan montre la nécessité pour tous les efforts des Nations Unies dans les domaines politique, humanitaire et de développement d'être placés sous l'autorité d'une seule personne hautement qualifiée. La consolidation de la paix ne doit pas démarrer lorsque le maintien de la paix s'achève. La mission de maintien de la paix garantira son succès si elle intègre les activités de consolidation de la paix après les conflits. Il ne faudrait pas perdre de vue la nécessité de garantir que la guerre ne reprenne pas après l'expiration du mandat d'une force de maintien de la paix.

La consolidation de la paix signifie également le renforcement de la société civile, la reconstruction des institutions démocratiques nationales et la protection des droits des femmes, hommes et enfants, en particulier en mettant fin à l'impunité des violations graves des droits de l'homme. Sir Jeremy a souligné la nécessité d'envisager la transition par le biais de mécanismes de financement. La consolidation de la paix est un processus à long terme et cela suppose qu'il faudrait assurer un appui à ce processus à long terme pour garantir une paix durable. Les opérations comme la MINUGUA et la MIPONUH doivent être financées de manière stable et prévisible. A cet égard, il faudrait envisager une disposition appropriée dans le budget ordinaire pour chaque exercice biennal. Alors que le Royaume-Uni reconnaît qu'un certain nombre de recommandations formulées par le Secrétaire général dans son rapport sur la situation en Afrique, en particulier celles portant

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- 13 - CS/998 16 dcembre 1998

sur la consolidation de la paix après les conflits, dépassent le rôle du Conseil de sécurité et d'autres organes des Nations Unies, le Conseil de sécurité ne devrait pas en ignorer les incidences sur ses travaux.

M. JASSIM MOHAMMED BUALLAY (Bahreïn) a estimé qu'il faut s'attaquer aux causes mêmes des conflits en mettant en oeuvre des programmes pour renforcer le processus de développement. Le facteur temps est primordial pour la consolidation de la paix; il faut agir rapidement. Le représentant a lancé l'idée d'une étude qui permettrait d'établir les besoins en matière de consolidation du maintien de la paix. Il a estimé qu'il faut accorder une grande importance à la promotion de la réconciliation, au renforcement de l'unité nationale, au retour des personnes déplacées et à leur réintégration. Tous ces éléments supposent d'énormes efforts de la part de toutes les parties concernées.

Soutenir le processus de paix suppose également la mise en place d'une bonne coordination, comme le démontrent les efforts des Nations Unies en cours au Libéria. Le représentant a également soulevé le problème de la sécurité du personnel humanitaire et des missions de maintien de la paix. Il considère que le nombre de personnes tuées lors de missions est inacceptable. Le représentant a estimé en outre que le développement est essentiel si l'on veut réduire le nombre de conflits; le développement durable peut accélérer le processus de maintien de la paix.

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