En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/6837

TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE DU SECRETAIRE GENERAL M. KOFI ANNAN, TENUE AU SIEGE LE 14 DECEMBRE 1998

14 décembre 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6837


TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE DU SECRETAIRE GENERAL M. KOFI ANNAN, TENUE AU SIEGE LE 14 DECEMBRE 1998

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Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Bonjour, Mesdames et Messieurs. Je suis désolé de vous avoir fait attendre quelque peu. Je reviens juste de chez le dentiste pour me présenter à vous. Vous pouvez donc voir que je suis un peu masochiste. Toutefois, je suis sûr que vous aurez pitié de moi après ce que je viens de vous dire.

Chose incroyable, cette année qui est ma deuxième année en tant que Secrétaire général, est passée encore plus vite que la première. Je présume que cette année a été encore plus fertile en événements. Je voulais m'entretenir avec vous avant les vacances pour faire le point et envisager l'avenir.

Un grand nombre des événements auxquels j'ai participé personnellement et qui ont fait la une des journaux se sont rapportés, comme d'habitude, à des questions ayant trait à la guerre et à la paix — en Afrique, dans les Balkans, en Afghanistan et surtout en Iraq. Le monde a également été ébranlé par des essais nucléaires en Asie du Sud, mais je suis heureux de pouvoir dire qu'il y a eu également des événements dont nous nous félicitons davantage et qui ont été le résultat d'efforts intenses accomplis sur une longue période. Je mentionnerai en particulier l'accord sur le statut de la cour pénale internationale et l'entrée en vigueur de l'interdiction des mines terrestres issue de la convention d'Ottawa, les élections et la formation d'un nouveau gouvernement de coalition au Cambodge qui a recommencé à siéger à l'Assemblée générale et, la semaine dernière, évidemment, les célébrations du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Mais le drame qui a touché la majorité des individus, partout dans le monde, a été la crise financière asiatique. C'est du moins ainsi qu'on l'appelait il y a un an, mais on s'aperçoit maintenant qu'il ne s'agit plus d'une crise uniquement asiatique ni uniquement financière. C'est une crise qui touche la presque totalité du globe, quoique de différentes manières. C'est une crise qui a touché des économies entières, je dirai même des sociétés entières, en affectant la vie quotidienne de millions de personnes.

Donc au cours de l'année à venir nous serons confrontés à un double défi, le défi éternel de la paix et de la sécurité internationales et également le défi de la crise économique et sociale, ce qui signifie véritablement le défi de la mondialisation et de la gestion des affaires mondiales.

En ce qui concerne le premier point, nous savons tous qu'aucune des crises que j'ai mentionnées n'a été résolue. Ce que l'on peut dire de mieux, c'est qu'au Kosovo et en Iraq une guerre totale a été évitée pour le moment. Mais si les intervenants ne respectent pas leurs engagements, et s'ils ne redoublent pas d'efforts pour trouver des solutions pacifiques, nous avons tout lieu de craindre le pire en 1999.

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Ces crises absorbent une très grande partie du temps de l'Organisation et il pourrait être tentant de laisser les questions économiques et sociales à d'autres intervenants, mais je suis persuadé que nous ne pouvons pas nous le permettre.

Le lien entre les deux questions est manifeste. Si nous ne nous attaquons pas aux distorsions et aux déséquilibres sous-jacents de l'économie mondiale, si nous ne commençons pas à assurer le type de gestion mondiale qui est nécessaire, nous devons nous attendre à davantage de conflits et à des conflits de plus en plus intraitables.

La sécurité économique et politique ont toujours été étroitement liées et continuent de l'être.

Je peux déjà envisager un certain nombre d'événements historiques en 1999 qui nous donneront d'excellentes chances d'établir ce lien. Le mois prochain à Davos je vais proposer des initiatives nouvelles à la communauté mondiale des affaires. En mai, nous aurons les célébrations du centenaire de la première grande conférence pour la paix à La Haye. Et en juin nous aurons une conférence de suivi sur la population mondiale, cinq ans après la conférence du Caire.

Mais une grande partie de l'année qui vient sera consacrée à l'élaboration d'un rapport sur les Nations Unies dans le XXIe siècle; rapport que j'ai promis de présenter à l'Assemblée du millénaire qui sera la cinquante-cinquième session de l'Assemblée générale en l'an 2000. Dans le cadre de ces préparatifs, nous allons organiser des manifestations officieuses, des débats dans divers centres régionaux avec les États Membres, de même qu'avec les ONG et le secteur privé. J'espère que ces manifestations apporteront de nombreuses idées nouvelles et utiles sur les objectifs de l'ONU dans les décennies à venir et dans les cinq domaines de leurs activités, à savoir, la paix et la sécurité, les affaires économiques et sociales, la coopération pour le développement, l'action humanitaire et, évidemment, les droits de l'homme.

Et je suis heureux d'annoncer aujourd'hui que la Fondation MacArthur a accepté de faire un don d'un demi-million de dollars pour financer ces dépenses. Nous allons constituer un nouveau fonds d'affectation spéciale pour administrer ces ressources.

Ni l'Assemblée du millénaire, ni le rapport que je présenterai ne seront centrés essentiellement sur la réforme de l'ONU. Nous voulons nous concentrer sur le rôle et les objectifs à long terme de l'Organisation mais évidemment, cela suppose également que la réforme doit se poursuivre. Je suis heureux de ce qui a déjà été réalisé et je crois qu'il ne fait aucun doute que nous avons mis en place un système beaucoup plus cohérent et déterminé que celui qui existait il y a deux ans. Et lorsque vous vous entretiendrez avec mes

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collègues, je crois qu'ils vous le confirmeront. Mais j'envisage encore de nouvelles mesures sur des questions telles que la budgétisation basée sur les ressources, la gestion du personnel et la limitation des nouveaux mandats dans le temps. J'espère que l'année 1999 verra des progrès décisifs sur ces questions et, également, faut-il le dire, sur la question du paiement en temps opportun par les États Membres qui sont en retard dans le paiement des arriérés de leurs contributions.

Je vais maintenant répondre à vos questions.

Question (interprétation de l'anglais) : Merci Monsieur le Secrétaire général, bienvenue au nom de l'Association des correspondants des Nations Unies.

S'agissant de ce que vous avez dit sur la poursuite des réformes, est-ce que cela veut dire qu'il va y avoir une continuation des réductions de personnel dans le système des Nations Unies?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Je crois qu'il faut comprendre qu'il existe une limite au-delà de laquelle on ne peut pas aller. En fait, il y a quelques mois, je me souviens avoir eu une réunion avec tous mes secrétaires généraux adjoints lors de laquelle l'un d'eux a soutenu que c'est une chose que d'encourager l'efficacité, d'encourager les gens à se resserrer la ceinture, c'en est une autre que d'être affamé pendant une période prolongée et l'on risque très bientôt d'être réduit au strict minimum.

Je crois que nous avons fait suffisamment. Nous avons considérablement réduit le personnel. On se rappelle qu'il y a à peine 10 ans, les effectifs de l'ONU s'élevaient à 12 500 personnes; aujourd'hui, il y en a 8 800. Je crois qu'il faut maintenant dépasser ce stade du harcèlement constant sur la réforme et il faut maintenant voir les tâches essentielles.

Question (interprétation de l'anglais): Vous avez dit que vous reveniez de chez le dentiste, je ne sais pas s'il faut parler de la force d'extraction au Kosovo.

Et je sais que vous devez attendre le rapport de M. Butler (inaudible). Mais au sujet de l'Iraq, deux rapports hebdomadaires ont indiqué que de nouvelles entraves avaient été posées aux inspections. Pourquoi pensez-vous que l'Iraq mérite un examen d'ensemble?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Oui, vous avez raison de dire qu'il y a un rapport de M. Butler qui va venir demain ou après-demain et il a dit que son évaluation serait fondée sur l'ensemble de l'opération et non seulement sur tel ou tel incident. Vous demandez si l'Iraq mérite un examen d'ensemble, je ne suis pas sûr que leur examen d'ensemble soit une chose que l'Iraq mérite ou ne mérite pas. Je crois que c'est le

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Conseil lui-même qui souhaite savoir après huit années de sanctions où en sont les choses, ce qui a été réalisé, ce qui reste à faire et ce qui peut être fait dans un délai raisonnable. Et donc, à l'évidence, le Conseil devra se prononcer. Mais il y a deux aspects de cette question de l'examen d'ensemble.

Question (interprétation de l'anglais) : Au sujet de Lockerbie, avez-vous obtenu des assurances du colonel Kadhafi? On a l'impression qu'il continue de dresser des obstacles dans le transfert des suspects.

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : J'ai eu de bonnes discussions avec les dirigeants libyens et à ce qu'il me semble, ils ont compris qu'ils étaient arrivés au bout du chemin et que toutes les explications et toutes les assurances nécessaires leur avaient été données. J'ai le sentiment que nous approchons d'une décision et je crois qu'ils vont évoluer dans le bon sens. Mais il faudra qu'ils gèrent le processus sur le plan interne pour décider comment ils vont changer l'opinion. Il ne faut pas oublier qu'en 1992, le Congrès du peuple a décidé que les suspects ne devaient pas être livrés. Il faudra donc que le Congrès ou la population revienne sur cette décision. Divers groupes et tribus sont impliqués et je suppose qu'ils essaient de savoir comment gérer le processus pour faire avancer les choses.

Le sentiment que j'ai eu en quittant la Libye était qu'il y avait un progrès et que nous obtiendrions une décision. Quant à savoir quels seront les délais, je ne peux pas vous répondre. Ils sont conscients de la date du dixième anniversaire, mais je ne peux pas vous dire exactement ce qu'il en est. On m'a fait comprendre qu'une décision serait prise et que cela ne tarderait pas outre mesure. Je pense que le Ministère des affaires étrangères a également fait une déclaration dans ce sens à une conférence de presse à Tripoli.

Question (interprétation de l'anglais) : Les événements dont vous avez parlé à l'instant indiquent que l'ONU et vous, personnellement, avez élargi le concept de la sécurité mondiale. Comment les Nations Unies vont-elles s'adapter à ce nouveau concept élargi de sécurité?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Je crois que nous avons déjà commencé. Nous le faisons au niveau des pays, dans le cadre du travail pour le développement — non seulement dans le cadre d'organisations telles que l'UNICEF et le FNUAP, mais également avec le PNUD et d'autres intervenants. Nous travaillons avec les gouvernements pour essayer d'améliorer les conditions économiques et sociales. Nous travaillons avec eux pour susciter un environnement propice aux investissements et qui permette de libérer la créativité et l'énergie de leurs populations. Nous encourageons le secteur privé à investir dans ces régions et nous travaillons avec les gouvernements à trouver des systèmes réglementaires qui soient favorables à ces investissements. Nous plaidons également auprès des gouvernements pour qu'ils comprennent que le climat propice aux investissements étrangers est exactement le même que celui qui est nécessaire pour attirer les

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investissements intérieurs. Personne ne veut investir dans une région malsaine, difficile et pleine de conflits et de crises. Nous travaillons donc à différents niveaux et ici, à New York, par l'intermédiaire du Conseil économique et social, et par nos contacts avec la Banque mondiale, le FMI, le CCNA. Nous mettons nos énergies en commun pour produire un effet plus important sur le terrain et je crois que les dirigeants des Nations Unies, que ce soit par l'intermédiaire du groupe pour le développement, du groupe humanitaire ou du groupe d'assistance au développement, ont accepté ce fait et nous agissons en ce sens.

Question (interprétation de l'anglais) : Sur la question de la planification, avez-vous dit qu'il y avait tout lieu de craindre le pire en 1999?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : J'ai dit qu'à moins qu'il y ait une volonté d'accepter les compromis nécessaires, de prendre des décisions courageuses et nécessaires, nous pourrions effectivement avoir de grandes difficultés dans certaines des zones sensibles.

Question (interprétation de l'anglais) : Percevez-vous un conflit d'intérêts particulier entre les intérêts multilatéraux que représentent les Nations Unies et les intérêts de la seule superpuissance?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Tout d'abord, je parle ici au nom de l'ONU, et l'ONU représente ce que le Conseil et l'ensemble des Membres pensent. Il existe des domaines dans lesquels la politique de Washington est divergente de celle de l'ONU et un exemple en est la situation de l'Iraq, au sujet de laquelle le Conseil a clairement énoncé sa position qui est que l'Iraq doit être désarmé et lorsque les inspecteurs et M. Butler nous indiqueront que l'Iraq est désarmé, les sanctions seront levées. La politique américaine va plus loin encore, mais je ne suis guidé que par la politique des Nations Unies.

Question (interprétation de l'anglais) : Les frères ennemis congolais doivent se retrouver jeudi à Ouagadougou. Cependant, la réunion qui devait se tenir à Lusaka a été annulée. Dans ces conditions, que valent les accords de Paris? Telle est ma première question.

Et sur l'Angola, de violents combats se déroulent autour des anciens bastions de l'UNITA. Que peut faire l'ONU? Et où en est l'enquête sur la disparition de Me Beye?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : En ce qui concerne la première question, oui, on n'a pas pu organiser la réunion à Lusaka, mais les chefs d'État sont en contact. Hier, les Présidents Mandela et Mugabé se sont rencontrés. Moi-même, j'ai été contact avec les Présidents Mandela et Chiluba, et avec Ibrahima Fall, qui est déjà en route pour Ouagadougou. Je

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crois que les choses évoluent. Il y a eu des discussions entre le Président Chiluba et ses Ministres et (inaudible), et j'ai cru comprendre qu'ils seront à Ouagadougou également. J'ai donc l'impression qu'on peut concrétiser ce qui a été discuté à Paris. Il y a une forte chance. On n'est jamais sûr à 100 %, mais je crois que les choses sont en train d'aller dans le bon sens.

En ce qui concerne l'Angola, effectivement il y a une guerre. Les Nations Unies ne peuvent pas faire grand-chose, parce que nous ne disposons pas de beaucoup de personnes sur le terrain. On a été obligé de regrouper nos forces de maintien de la paix pour leur propre sécurité. Bientôt le Conseil va être obligé de décider si l'ONU a un rôle à jouer ou non. Si on ne peut pas garder le contact avec toutes les parties, peut-on vraiment jouer un rôle? Le Gouvernement exige que l'on reconnaisse la deuxième UNITA, qui est basée à Luanda. Ainsi, depuis quelque temps, on n'a pas eu de contact direct avec Savimbi, et on sera obligé de procéder à un réexamen global de notre opération en Angola.

Je n'ai rien de plus à vous dire en ce qui concerne la mort de notre ami, Me Beye.

Question (interprétation de l'anglais) : Monsieur le Secrétaire général, vous avez parlé de la crise financière asiatique. On a effectivement discuté ici et ailleurs des moyens de faire face à cette crise. De nombreux pays en sont déjà les victimes, notamment mon pays, la Russie. Dites-nous, comment voyez-vous le rôle de l'ONU dans ces efforts?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Je dirai tout d'abord que l'année passée ou au cours de ces 18 derniers mois on a beaucoup parlé du système financier mondial — ou de ce que certains ont appelé l'«architecture financière mondiale» — et de la question de savoir si une nouvelle architecture est nécessaire ou si le système actuel est satisfaisant et pourrait fonctionner avec quelques ajustements et, le cas échéant, quels ajustements y apporter. On en a beaucoup parlé à Washington — et ici je parle de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international — et nous en avons également parlé au Comité administratif de coordination. Comme vous le savez, l'année dernière nous avons eu trois réunions à ce propos — en avril, en juillet et ensuite, bien entendu, durant le débat de haut niveau de la plénière de l'Assemblée générale, lorsque nous y avons consacré deux jours.

Qu'est-ce que, à mon sens, nous devrions faire? L'ONU, en tant que seule Organisation mondiale et compte tenu du pouvoir de rassembleur que nous avons, devrait pouvoir faire en sorte que non seulement toutes les parties prenantes de quels changements il s'agit, mais qu'elles puissent à leur (inaudible). On pourra alors ouvrir le débat, encourager la discussion ici, même si le travail technique doit être réalisé par un groupe beaucoup plus petit afin que nous puissions y associer les États Membres et les encourager à tourner le dos à la

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mondialisation car il y a un certain nombre de difficultés — la mondialisation offre certes des possibilités, mais elle a aussi des aspects négatifs auxquels il faut faire face. Mais l'ONU peut jouer un rôle rassembleur en réunissant tout le monde pour une discussion technique ou pour voir quelles suggestions doivent être faites pour l'avenir.

Question (interprétation de l'anglais) : À propos de l'Iraq, vous avez fait plusieurs commentaires depuis quelques semaines au sujet des observations non diplomatiques faites par le Président de la Commission spéciale, Richard Butler, à un moment où la situation est plutôt délicate. Pouvez-vous préciser votre pensée à ce sujet?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Je crois que je me suis exprimé très clairement. Je n'ai pas besoin de préciser davantage.

Question (interprétation de l'anglais) : A-t-il perdu votre confiance?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Non, car comme je l'ai déjà dit, il a une tâche assez difficile qui comporte beaucoup de tensions. Nous sommes tous humains lorsque nous sommes exposés à des tensions. Nous faisons ou disons des choses que nous ne ferions habituellement pas. J'en ai parlé avec Richard Butler. Je ne suis pas le seul à veiller, dans ces situations tendues, à ne pas faire certaines affirmations qui pourraient créer des problèmes. Il a une tâche à accomplir. Je crois qu'il est possible d'être ferme et précis.

Question (interprétation de l'anglais) : J'aimerais demander quelques précisions, si vous me le permettez, avant de poser ma question.

Le porte-parole (interprétation de l'anglais) : Une seule question sur un sujet.

Question (interprétation de l'anglais) : Non, il s'agit d'une clarification à la réponse que vous avez donnée à Anne. Vous avez dit que les Libyens vous ont semblé être en voie de prendre une décision. Est-ce que cela signifie ou est-ce que vous affirmez que toutes les questions problématiques à leur avis ont été clarifiées lors de votre visite là-bas? Avez-vous réglé les problèmes liés aux sanctions et au lieu de détention? Il s'agit seulement d'une clarification.

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : J'ai dit : «À mon avis, oui». Et cela n'a pas été fait seulement sur place. Leur équipe de conseillers juridiques est ici avec nous depuis quelques semaines. Nous avons donc passé beaucoup de temps avec elle.

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Question (interprétation de l'anglais) : Ma question porte en fait sur ce moment très important ce matin : le Président Clinton est en visite à Gaza pour s'adresser au Conseil national palestinien et traiter de la décision que le Conseil a prise. Et nous en sommes à un moment très important, historique même, alors que le Président fait face à la possibilité d'une destitution formelle — le Président des États-Unis d'Amérique, pas moins.

Pouvez-vous nous faire part de vos sentiments au sujet d'un événement important de ce type, tant en ce qui concerne la destitution que la présence de M. Clinton à Gaza, alors que c'est la première fois qu'un Président américain se trouve en compagnie des Palestiniens sur leur propre terre?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Je vais répondre à la deuxième partie de votre question sans élaborer sur la première. Je crois qu'il est important que le Président Clinton aille au Moyen-Orient pour tenter de faire avancer le processus de paix. Ce processus a connu des difficultés. Nous avons été dans une impasse pendant assez longtemps et je suis très heureux qu'il ait pris la décision courageuse de se rendre là-bas au moment critique actuel pour voir s'il pouvait apporter une contribution utile. J'espère que cela sera le cas. Et j'exhorte les dirigeants de la région à oeuvrer avec lui pour faire avancer le processus de paix. Et si nous pouvons accomplir des progrès réels dans le volet palestino-israélien, j'espère que nous pourrons nous attaquer aux volets syrien et libanais et apporter ainsi une paix globale à la région.

Question (interprétation de l'anglais) : Quelle est votre évaluation des pourparlers que vous avez eus avec les dirigeants du Conseil de coopération du Golfe lors du sommet d'Abou Dhabi?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : J'ai pu les rencontrer sur une base tant individuelle que collective. Je crois qu'il a été utile que je me rende là-bas. Nous avons discuté des problèmes du Moyen-Orient. Nous avons discuté de coopération, économique et autre, entre les pays membres du Conseil et avec les Émirats arabes unis. La question d'Abou Moussa, de la Grande Tomb et de la Petite Tomb a également été abordée. Ces pays ont accepté de rencontrer les autorités iraniennes pour en discuter de manière bilatérale. Je les y encourage vivement, et, depuis lors, j'ai pu discuter avec le Ministre des affaires extérieures de l'Iran, qui a aussi fait preuve d'une attitude positive. Je crois qu'il s'agit véritablement d'une discussion bilatérale entre eux deux. Je crois que les événements dans la région, et la coopération entre les pays de la région, offrent un bon exemple aux autres pays dans d'autres régions du monde.

Question (interprétation de l'anglais) : Pouvez-vous nous faire part de votre interprétation de la situation en Haïti ? Aussi, quand croyez-vous que vous aurez le temps d'accorder votre attention à cette crise, que vous qualifiez vous-même d'«inquiétante» dans votre rapport?

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Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : En fait, je vous ai dit que, si j'y allais, nous y irions ensemble. Et je m'en tiens toujours à cette promesse (rires). Non, je dois dire très franchement que j'ai été déçu des faibles progrès accomplis jusqu'à maintenant. Je croyais que, à ce stade, nous serions rendus beaucoup plus loin. Je croyais que, à ce stade, tous les dirigeants et patriotes haïtiens s'efforceraient ensemble d'améliorer la situation. Je crois que le type de coopération, le type de compromis nécessaires, entre les politiciens détenteurs ou non de pouvoir, qui est indispensable pour une telle amélioration ne s'est pas matérialisé. Nous essayons de faire avancer les choses et je vous promets que j'irai moi-même là-bas. Et ceux qui veulent y aller avec moi sont les bienvenus.

Question (interprétation de l'anglais) : J'aimerais revenir sur la question posée par Evelyn sur l'Iraq et la Commission spéciale. Que pensez-vous de toute la rhétorique provenant de Bagdad à propos de la Commission spéciale et des inspecteurs?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Tout d'abord, je ne crois pas qu'il doive y avoir de rhétorique lorsque nous avons beaucoup de travail à réaliser. Je crois que nous pouvons beaucoup faire et il faut nous atteler à la tâche. Plus on parle, plus on profère des accusations et plus les relations se compliquent. Il n'est pas nécessaire d'aimer ou d'apprécier les gens pour travailler avec eux mais lorsque nous avons un travail à faire, il nous faut tout au moins établir une relation professionnelle. C'est le moins que nous puissions faire si nous voulons accomplir notre tâche et cette relation et cette communication ne doivent pas être interrompues. Tous les responsables de part et d'autre doivent donc faire en sorte que l'on s'attelle à la tâche, avec professionnalisme, et que le travail soit fait. Je ne justifie pas les propos tenus par l'Iraq. Je leur demande simplement de faire le travail qu'ils ont à faire, de procéder à leur désarmement, de coopérer avec la Commission spéciale pour en terminer.

Question (interprétation de l'anglais) : Une question à propos de Vincent Cochetel. Quelles informations avez-vous à propos des conditions dans lesquelles il a été détenu et quels enseignements peut tirer l'ONU de cet événement?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Cette année a été plutôt triste et douloureuse pour les fonctionnaires des Nations Unies qui travaillent de par le monde. Nous avons perdu de nombreux collègues et j'ai été soulagé par la libération de Cochetel. Nous attendons un rapport complet lorsqu'il sortira de l'hôpital et lorsqu'il aura eu le temps de coucher certaines de ses observations sur le papier. Madame Ogata a promis de m'envoyer un rapport complet. Il semble qu'il ait été détenu dans des circonstances relativement dures et les informations que j'ai mentionnées semblent indiquer qu'il voyait la lumière du jour 20 minutes par jour. Je ne sais pas si cette information est correcte ou non; il faudrait attendre que j'examine le rapport. Je voudrais faire part ici de mes remerciements

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personnels au Premier Ministre, M. Primakov, car j'ai rencontré les parents de Cochetel mardi à Paris lorsque j'étais au Parlement. Ils étaient anéantis après avoir appris que quatre autres personnes venaient d'être assassinées et je leur ai promis de prendre contact avec M. Primakov, ce que j'ai fait, et c'est alors que j'ai appris qu'il était vivant. J'ai pu alors dire à ses parents qu'il n'avait pas été tué et que des actions étaient prises pour le libérer. J'ai téléphoné à M. Primakov samedi pour le remercier de ses efforts et il semble qu'il soit personnellement intervenu et qu'il ait assuré le suivi de la libération de ce collègue. Je lui suis infiniment reconnaissant ainsi qu'au Gouvernement russe d'avoir fait ces efforts. Il s'agit d'un merveilleux cadeau de Noël pour ses parents et pour tous ses collègues, et bien sûr pour sa famille proche.

Question (interprétation de l'anglais) : Monsieur le Secrétaire général, je ne savais pas que vous étiez allé chez le dentiste et la première question que j'allais poser était de savoir si vous aviez l'intention de prendre d'autres cours de trompette avec Wynton Marsalis.

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Il a proposé de le faire mais je ne suis pas sûr d'être un bon élève. Comme vous avez pu le constater, je n'ai pas pu sortir un son de la trompette donc j'ai encore beaucoup de travail à faire; avoir la chance de tenir la trompette de Wynton et être incapable d'en sortir une note alors qu'il se tenait près de moi et me donnait des conseils prouve que je suis une cause perdue. Mais il a proposé de continuer à me donner des leçons.

Question (interprétation de l'anglais) : Ma question plus sérieuse est que je sais que vous voyez des hauts fonctionnaires de l'OTAN et des États-Unis aujourd'hui et au cours d'une réunion d'information ici ces dix derniers jours, on nous a dit que l'ONU souhaitait qu'une force de maintien de la paix de 15 000 hommes se rende au Congo lorsqu'un accord serait intervenu sur un cessez-le-feu. Pourriez-vous nous dire si cela est lié à vos entretiens et plus généralement évoquer la question des opérations de maintien de la paix des Nations Unies et le problème posé par la mise à disposition de soldats par les pays.

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Non, pas directement. Il se peut qu'on aborde le sujet mais je ne les rencontre pas pour parler de cela. Tout d'abord, le Conseil devra se saisir de la question et le Conseil de sécurité devra décider s'il souhaite oui ou non envoyer des soldats de la paix au Congo. Si une opération était mise sur pied au Congo, elle serait de toute évidence extrêmement complexe et difficile, car dans cette région, nous ne parlons pas seulement d'armée gouvernementale : nous avons également tout un groupe de milices dans la région ainsi que ce que j'appelle les «armées des perdants», qui rôdent un peu partout. Les unités qui se rendront sur place devront donc s'y rendre bien équipées. La structure devra être soigneusement choisie. Il faudra des effectifs suffisants, non seulement pour pouvoir s'acquitter de leur mandat, mais aussi pour pouvoir se protéger.

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Mais c'est une décision, bien entendu, qui devra être prise par le Conseil de sécurité.

Concernant la deuxième partie de votre question, nous avons eu un certain nombre de difficultés à attirer les gouvernements à participer aux opérations de maintien de la paix dans certaines régions du monde. Je ne pense pas que nous ayons totalement surmonté le syndrome de la Somalie. Le syndrome de la Somalie a touché le Rwanda et il touchera probablement toute nouvelle opération de la République démocratique du Congo, ce qui ne veut pas dire que nous devions relâcher nos efforts.

Il y a également l'aspect financier : nous avons pris contact avec des gouvernements dans le cadre des opérations de maintien de la paix et ils nous ont signalé qu'ils ne signeraient pas tant que nous ne leur aurions pas remboursé ce que nous leur devons au titre d'opérations antérieures auxquelles ils ont participé.

Question (interprétation de l'anglais) : À propos de l'Iraq, indépendamment du fait que l'Iraq mérite ou non que l'on réexamine son cas, dans la mesure où il n'a pas permis les inspections la semaine dernière et compte tenu aussi de la question des documents, pensez-vous qu'il s'agit là de violations des précédents accords qui ont été conclus à la mi-novembre et des accords conclus au début de l'année avec vous?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Oui, lors de ce week-end fatidique de novembre, l'Iraq nous a dit qu'il était prêt à coopérer sans conditions et a dit clairement que cette offre de coopération était claire et sans conditions. Et j'espérais bien qu'il coopérerait pleinement. Au-delà de cela, je vais devoir attendre le rapport de M. Butler.

Question (interprétation de l'anglais) : Ceci est une question personnelle. Après deux ans à la tête de l'Organisation, avez-vous l'impression que celle-ci évolue dans la direction que vous souhaitez et pensez-vous avoir réalisé ne serait-ce que la moitié de ce que vous voulez accomplir?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Oui, je crois que nous ne nous sommes pas trop mal débrouillés. L'Organisation avance. Nous nous concentrons sur nos questions et il y a davantage de coopération et de cohésion entre les membres et la direction de l'Organisation.

Question (interprétation de l'anglais) : À propos de la politique des Nations Unies concernant la Commission spéciale des Nations Unies, on a entendu dire que la Commission spéciale s'était appuyée au fil des ans sur les informations des services israéliens. Comment voyez-vous cette coopération compte tenu des sensibilités des pays concernés dans la région? Est-ce que vous êtes favorable à ce que l'UNSCOM continue de travailler avec les services secrets israéliens?

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Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : D'abord, la résolution a bien encouragé les gouvernements à travailler avec la Commission spéciale. Ce sera au Conseil de décider où fixer les limites et ce que cela implique. Fallait-il leur donner des bons, des choses qu'ils exportaient vers l'Iraq, ou aller plus loin? Je ne sais pas. C'est une question dont le Conseil de sécurité est très conscient.

Depuis que la question a été soulevée, les Iraquiens m'ont envoyé une lettre sur ce sujet, que j'ai transmise au Conseil de sécurité, puisque l'UNSCOM est un organe subsidiaire du Conseil de sécurité. Je voudrais attendre tout d'abord les délibérations du Conseil de sécurité sur la question, si le Conseil délibère dessus.

Question (interprétation de l'anglais) : Depuis votre rapport sur l'Afrique, un certain nombre de conflits supplémentaires ont éclaté sur le continent. Êtes-vous déçu du fait que la situation ne s'est pas améliorée cette année en Afrique et espérez-vous voir une amélioration?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Oui, il est évident que je suis très déçu à chaque fois qu'un conflit éclate. Dans le cadre de mes fonctions, c'est la paix que je souhaite voir partout dans le monde. Nous avons eu une situation tout à fait regrettable sur le continent : non seulement nous avons des conflits prolongés, mais il y a en outre de nouveaux conflits qui éclatent. Et j'ai dit clairement dans mon discours aux dirigeants africains à Paris que nous avons besoin de nous concentrer sur ces crises de façon collective.

Lorsque vous mentionnez l'Afrique, ils pensent à un continent en crise. Ils ne pensent pas à dire que les pays x ou y obtiennent de bons résultats sur le plan économique ou démocratique. Nous devons mettre un terme à ces conflits pour essayer de nous attaquer au travail fondamental qu'est le développement économique et social. J'espère que — si nous sommes en mesure d'intervenir dans la crise du Congo; si nous parvenons à résoudre les difficultés entre l'Érythrée et l'Éthiopie; il semble que nous obtenons des résultats relativement bons en Guinée-Bissau — nous pourrons contenir certaines de ces crises sur tout le continent et cela est impératif.

Question (interprétation de l'anglais) : Je me demande quelle est la valeur d'un examen général si, comme vous le dites, la position des États-Unis va beaucoup plus loin que celle du Conseil. En effet, ils ne seront pas satisfaits tant que le régime actuel sera en place. Que vaut donc dans ces conditions un examen général? Est-ce une façon d'inciter les Américains à changer?

- 14 - SG/SM/6837 14 décembre 1998

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Non je ne pense pas que ce soit un moyen d'exercer des pressions sur les Américains. C'est plutôt une mesure conforme aux résolutions mêmes du Conseil. Celles-ci sont claires et le Conseil doit mettre en oeuvre ses propres résolutions. Au titre de ces résolutions, les sanctions seraient levées aussitôt que l'Iraq se serait désarmé. Le fait qu'il puisse y avoir désaccord au sein du Conseil parce qu'un ou deux membres ne s'entendent pas n'implique pas que le Conseil ne puisse aller de l'avant en faisant ce qu'il a promis de faire dans ses propres résolutions.

Merci beaucoup. Je vous souhaite de bonnes vacances. Je vous reverrai demain.

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