En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/6822

POUR LA PREVENTION ET LA REPRESSION DU CRIME DE GENOCIDE

9 décembre 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6822


POUR LA PREVENTION ET LA REPRESSION DU CRIME DE GENOCIDE

19981209 On trouvera ci-après le texte du message du Secrétaire général, M. Kofi Annan, à l'occasion du 50e anniversaire de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, le 9 décembre 1998 :

Le génocide est à l'origine de la création de l’Organisation des Nations Unies. Les hommes et les femmes qui ont rédigé notre Charte n’avaient pas encore conscience de la terreur suscitée par l'éventualité d’un holocauste nucléaire. Ils ont par contre connu l’Holocauste qu’a effectivement perpétré le régime nazi contre les Juifs et d’autres groupes. C’est en effet la révélation de cette horreur, au printemps de 1945, qui a constitué l'arrière- plan des travaux de la Conférence de San Francisco; elle a rendu encore plus urgente la création d'une institution dont la mission consisterait non seulement à préserver la paix mondiale, mais en premier lieu à défendre la dignité de l'être humain. Nombreux étaient ceux qui estimaient que la mission principale de la nouvelle organisation mondiale devrait être de faire en sorte que le génocide ne se reproduise plus jamais.

Il n’est donc pas surprenant que la question du génocide ait été l'une des priorités de l'Organisation. Le 11 décembre 1946, l’Assemblée générale a déclaré que le génocide était un "crime de droit des gens", qui "bouleverse la conscience humaine". Deux ans plus tard — il y a 50 ans aujourd’hui — l’Assemblée générale adoptait la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide qui a force exécutoire; cet instrument est entré en vigueur en 1951 et 127 États y sont aujourd'hui parties.

Le terme de génocide demeure malheureusement d’actualité. Au cours de cette décennie, l’Afrique et les Balkans ont été le théâtre d’exécutions de masse, d’opérations de nettoyage ethnique, de la pratique systématique du viol comme arme de guerre et d'autres atrocités dont ont été victimes des hommes, des femmes et des enfants, du simple fait de leur appartenance ethnique, religieuse, ou nationale. En adoptant la Convention sur le génocide, nous avions fait le serment de prendre des mesures contre les auteurs de tels actes inhumains, quel que soit le lieu où ils sont perpétrés. Il est bien dommage que nous n'ayons pu faire plus.

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La communauté internationale s’efforce maintenant tardivement et avec peine d'honorer son engagement. Les tribunaux sont à l’oeuvre, jugeant et condamnant au moins certains de ceux dont les crimes laisseront à jamais leur empreinte dans l’histoire du Rwanda et de l’ex-Yougoslavie. Le 2 septembre 1998, le Tribunal pour le Rwanda a rendu le premier verdict de culpabilité pour crime de génocide jamais prononcé par une juridiction internationale. Mais la question reste posée : ferons-nous mieux la prochaine fois? On ne peut douter que nous serons de nouveau confrontés à une telle épreuve.

À l'instar de la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée le lendemain, la Convention sur le génocide montre la voie vers un monde de justice et de respect mutuel. Elle définit la responsabilité individuelle en matière pénale, les dirigeants, les personnalités publiques et les particuliers pouvant tous être tenus responsables de leurs actes, en temps de paix comme en temps de guerre. Cet instrument prévoyait même la création d'une cour criminelle internationale. L'été dernier à Rome, le Statut de cette juridiction a enfin été adopté, qui définit le génocide selon les mêmes termes employés dans la Convention.

Les pays ne peuvent intervenir seuls en matière de prévention et de répression du crime de génocide; c'est un devoir qui incombe à l'humanité tout entière. Aujourd’hui, alors que nous célébrons le 50e anniversaire de la Convention, je lance un appel solennel à tous les États pour qu'ils appliquent cet instrument et à ceux qui ne l'ont pas encore ratifié ou n'y ont pas encore adhéré pour qu'ils le fassent sans retard. Engageons-nous ensemble à mettre un terme à cette forme achevée de déni des droits de l'homme et à l'impunité qui a permis qu'il se poursuive.

Nous ne pouvons pas redonner la vie aux victimes mais il existe un moyen d’honorer leur mémoire. Cette fois-ci, nous devrons tenir parole en déclarant : "Plus jamais ça!"

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