SG/SM/6825

LES HOMMES ET LES FEMMES ANONYMES QUI S'ELEVENT CONTRE LA TYRANNIE SONT LES VERITABLES HEROS DES DROITS DE L'HOMME

8 décembre 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6825


LES HOMMES ET LES FEMMES ANONYMES QUI S'ELEVENT CONTRE LA TYRANNIE SONT LES VERITABLES HEROS DES DROITS DE L'HOMME

19981208 Le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle est un miroir qui nous flatte et nous fait honte

On trouvera ci-après le texte du discours prononcé par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, le 8 décembre 1998, à l'UNESCO, à Paris:

Permettez-moi tout d'abord de vous dire combien je suis heureux de célébrer avec vous le cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Cette conférence est l'aboutissement d'une série de rencontres consacrées aux droits de l'homme dans toute leur diversité.

Au cours des derniers mois, vous avez examiné des thèmes allant des droits de la femme à la Cour pénale internationale, en passant par le racisme et les réfugiés. Vous l'avez fait parce que vous savez que les droits de l'homme sont à la base de tous les grands problèmes de l'humanité, mais aussi à la base de toutes les solutions à ces problèmes.

Je salue votre engagement en faveur des droits de l'homme, et je tiens à rendre un hommage tout particulier au Gouvernement français et à l'UNESCO, qui ont accueilli vos rencontres.

Le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme est un jalon important dans l'histoire des droits de l'homme.

Nous allons commémorer, le 10 décembre, la signature d’un texte à la fois singulier et universel qui énonce pour toujours les droits fondamentaux sans lesquels l'humanité ne peut prospérer. Il ne faut pas s’y tromper : ces droits, la Déclaration ne les a pas inventés. Ce n'est pas elle qui les fait naître ni qui en garantit le respect. Elle ne fait qu'exprimer par les mots l'aspiration de l'homme à jouir pleinement de ces droits qu'il sait inaliénables, inhérents à l'humanité, et communs à tous les êtres humains.

Pourquoi ces droits — celui de vivre libre et à l'abri de la torture, de circuler sans restriction, de posséder des biens, de penser et de s’exprimer librement - sont-ils considérés comme inhérents ou inaliénables? Parce qu'ils donnent aux êtres humains la possibilité de mener leur vie selon les choix qu'ils font eux-mêmes.

- 2 - SG/SM/6825 8 décembre 1998

Sans cette faculté de choisir, sans la liberté de penser et d'agir par lui-même, l'homme n'a plus de volonté propre et le progrès de l'humanité est compromis. C'est ce qui fait du combat en faveur des droits de l'homme un combat essentiel: de lui dépend ce que nous sommes et ce que nous pouvons accomplir.

Notre combat est essentiel et universel parce que les droits de l'homme eux-mêmes sont aussi universels qu'essentiels. Au début de cette année anniversaire, j'ai abordé la question à l'Université de Téhéran. En me fondant sur des cultures et des traditions très diverses, j'ai montré que la tolérance et le respect de la dignité de l'individu sont inhérents à toutes les cultures et ne sont étrangers à aucune nation.

Cette année a été encourageante car, partout dans le monde, des hommes et des femmes ont confirmé mon propos en s'élevant contre la tyrannie et en défendant ouvertement les droits de l'homme.

N'en doutons pas: ce sont ces citoyens courageux et anonymes qui sont les véritables héros des droits de l'homme. Jour après jour, bravant les pires dangers et la plus grande adversité, ils apportent la preuve que les droits de l'homme sont réellement aussi universels qu'ils sont essentiels à la dignité humaine. Très souvent, c'est au prix de leur vie qu'ils le font.

Ce caractère à la fois essentiel et universel sous-tend l'action que nous menons pour faire des droits de l'homme une réalité dans la vie de ceux qui en sont privés: ceux qui sont opprimés, persécutés, torturés, et réduits au silence. De ce point de vue, le cinquantième anniversaire de la Déclaration donne à l'Organisation des Nations Unies à la fois une source d'inspiration et un cap à suivre.

Cet anniversaire est un miroir dont le reflet nous montre et le chemin déjà parcouru, et le chemin encore à faire. Un miroir qui nous flatte et nous fait honte, nous montrant les progrès accomplis pour certains et les atrocités commises à l'encontre des autres. C'est, surtout, un miroir qui nous montre que sans les droits de l'homme, il ne peut y avoir ni paix, ni prospérité durables.

Forts de cette conviction, nous avons progressivement mis les droits de l'homme au centre de nos activités ; fort de cette conviction, j’ai, dans le cadre de mon programme de réforme, décidé de faire des droits de l’homme le pivot sur lequel s'articulent tous les aspects du travail de l'ONU. Si celle- ci protège et défend les droits de l'homme, c'est d'abord parce qu'ils sont essentiels à l'humanité, ensuite parce qu'ils sont, partout et toujours, la clef de voûte de la paix et de la prospérité.

- 3 - SG/SM/6825 8 décembre 1998

De plus en plus souvent, les droits de l'homme sont une composante des missions de maintien de la paix ou de rétablissement de la paix, car nous avons appris qu'après un conflit, ils doivent être à la base de l'effort de reconstruction. Partout où nous cherchons la paix, la réconciliation ou le dialogue politique, nous passons par les droits de l'homme. Pourquoi? Parce qu'ils sont toujours la première victime des conflits.

Au lendemain des guerres, lorsque des groupes ethniques ou autres ont été divisés par la haine et les violences, c'est par la restauration des droits de l'homme que commence la restauration de relations normales. Une fois rétabli le droit à la vie, à la liberté, à la sûreté de la personne, à l'égalité devant la loi et à la liberté d'opinion et d’expression, il redevient possible de dialoguer. Ce n'est qu'alors que les différends peuvent être réglés par des moyens politiques et non plus militaires ; ce n'est qu'alors que l'état de droit peut prendre souche et qu’un gouvernement légitime, à l'écoute de la population, peut véritablement s’installer.

Dans les activités de développement également, les droits de l'homme occupent une place de plus en plus importante. Non seulement parce qu'il existe un droit au développement, mais aussi parce qu'un développement authentique et durable ne peut prendre son essor en l'absence de droits de l'homme. Pourquoi?

Parce que les violations des droits de l'homme — qu’il s’agisse du droit de propriété, de la liberté d'association, du droit de travailler ou non ou de la liberté de circuler — sont partout un frein et un obstacle à la réalisation du plein potentiel de l'homme.

Là où les droits de l'homme sont foulés aux pieds, il ne faut pas espérer que les citoyens cultivent leurs talents, ni qu’ils contribuent à la prospérité de la nation ou au développement de la communauté. Si elle n’instaure pas l'état de droit, ne protège pas l'individu, et ne se débarrasse pas de la corruption, une société ne peut se développer à long terme.

C'est pourquoi les droits de l'homme se trouvent au centre du développement. C'est pourquoi l'ONU continuera de faire des droits de l'homme non plus seulement une priorité politique, mais encore une priorité de développement.

J'ai dit aujourd'hui que si l'ONU est attachée aux droits de l’homme, c'est parce qu'ils sont un élément essentiel de notre humanité et parce que, sans eux, il ne peut y avoir ni paix, ni prospérité. Au moment de célébrer le cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, alors que s'achève le siècle le plus sombre qu'ait connu l'humanité, nous réaffirmons notre attachement à ces droits, mus certes par l'espoir, mais aussi par la peur.

- 4 - SG/SM/6825 8 décembre 1998

Nous savons en effet, mieux peut-être qu'aucune autre génération, combien l'homme peut être inhumain envers l'homme. Il n'est que de penser à la guerre dont fut issue la Déclaration pour savoir les ravages que le racisme, l'antisémitisme et le fléau de l'intolérance peuvent faire subir à notre fragile communauté humaine.

Ils étaient certainement nombreux, ceux qui pensaient que les horreurs de la deuxième guerre mondiale — les camps, la cruauté, les opérations d'extermination, la Shoah — ne pourraient jamais se répéter. Et pourtant ... Nous avons vu les mêmes horreurs, au Cambodge, en Bosnie-Herzégovine, au Rwanda. Notre propre époque, les 10 dernières années, nous ont montré que la capacité de faire le mal ne connaissait pas de limites chez l'homme. Le génocide, destruction d'un peuple entier sur des critères ethniques ou nationaux, est aussi un mot de notre temps. Un mot qui nous redit sans cesse, brutalement, les raisons pour lesquelles notre vigilance ne doit jamais se relâcher.

Souvenons nous que demain, la Convention sur le génocide aura elle aussi cinquante ans. Cet autre anniversaire important nous rappelle à tous que nous sommes engagés à empêcher le génocide et à en châtier les responsables. Je suis heureux de pouvoir dire qu'une toute première condamnation pour génocide a été prononcée par le Tribunal pour le Rwanda. Contre le génocide, nous commençons à joindre les actes à la parole.

Si nous croyons fermement que les droits de l'homme sont au coeur même de l'oeuvre et de la vie de l'Organisation des Nations Unies, c'est pour une raison très simple : les Etats qui respectent les droits de l'homme respectent aussi les règles de la société internationale.

Les Etats qui respectent les droits de l'homme sont de ceux qui rechercheront la coopération plutôt que l'affrontement, la tolérance plutôt que la violence, la modération plutôt que la force, la paix plutôt que la guerre. Les Etats qui ont un respect fondamental pour leurs propres citoyens sont de ceux qui traiteront probablement leurs voisins avec le même respect. On voit bien que les droits de l'homme ne peuvent, ni dans le principe, ni dans la pratique, connaître des cloisons ou des limites.

Le pluralisme à l'intérieur des Etats est garant de paix entre les Etats. Protéger les droits fondamentaux d'un seul individu, c’est sauvegarder la paix pour l'humanité tout entière.

* *** *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.