CS/988

LE CONSEIL DE SECURITE EXIGE QUE LES MANDATS D'ARRET DU TRIBUNAL POUR L'EX-YOUGOSLAVIE SOIENT EXECUTES PAR LA REPUBLIQUE FEDERALE DE YOUGOSLAVIE

17 novembre 1998


Communiqué de Presse
CS/988


LE CONSEIL DE SECURITE EXIGE QUE LES MANDATS D'ARRET DU TRIBUNAL POUR L'EX-YOUGOSLAVIE SOIENT EXECUTES PAR LA REPUBLIQUE FEDERALE DE YOUGOSLAVIE

19981117 Le Conseil de sécurité, suite à des consultations officieuses sur le fonctionnement du Tribunal criminel international pour l'ex-Yougoslavie, a adopté cet après-midi par quatorze voix pour et une abstention (Chine) la résolution 1207 (1998) aux termes de laquelle il condamne le manquement de la République fédérale de Yougoslavie (RFY), qui s'est jusqu'à présent refusée à exécuter les mandats d'arrêt délivrés par le Tribunal à l'encontre des trois individus mentionnés dans la lettre du 8 septembre 1998. Le Conseil exige que ces mandats d'arrêt soient immédiatement et inconditionnellement exécutés, y compris la remise des intéressés au Tribunal.

Le Conseil demande à nouveau aux autorités de la République fédérale de Yougoslavie, aux dirigeants de la communauté albanaise du Kosovo et à tous les autres intéressés de coopérer pleinement avec le Procureur aux fins des enquêtes sur toutes les violations éventuelles qui relèveraient de la compétence du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie. Le représentant de la Chine a fait une déclaration dans laquelle il explique son vote.

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Projet de résolution (S/1998/1082)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant toutes ses résolutions antérieures relatives aux conflits dans l'ex-Yougoslavie, en particulier la résolution 827 (1993) du 25 mai 1993,

Rappelant également la déclaration de son Président en date du 8 mai 1996 (S/PRST/1996/23),

Rappelant en outre l'Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine et ses annexes (S/1995/999, annexe), en particulier l'article IX et l'annexe 1-A, article X,

Ayant examiné les lettres adressées à son Président le 8 septembre 1998 (S/1998/839), le 22 octobre 1998 (S/1998/990) et le 6 novembre 1998 (S/1998/1040) par le Président du Tribunal international pour l'ex- Yougoslavie,

Déplorant que la République fédérale de Yougoslavie persiste dans son refus de coopérer pleinement avec le Tribunal, comme l'indiquent ces lettres,

Réaffirmant l'attachement de tous les États Membres à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1. Réitère sa décision que tous les États doivent coopérer pleinement avec le Tribunal et ses organes, conformément à la résolution 827 (1993) et au Statut du Tribunal, et qu'ils ont l'obligation de se conformer aux demandes d'assistance ou aux ordonnances émanant d'une chambre de première instance en application de l'article 29 du Statut, d'exécuter les mandats d'arrêt qui leur sont transmis par le Tribunal et d'accéder à ses demandes d'information et d'enquête;

2. Demande à nouveau à la République fédérale de Yougoslavie et à tous les autres États qui ne l'ont pas encore fait de prendre toutes mesures nécessaires, en vertu de leur droit interne, pour mettre en application les dispositions de la résolution 827 (1993) et du Statut du Tribunal, et affirme qu'un Etat ne peut pas se prévaloir des dispositions de son droit interne pour refuser de s'acquitter d'obligations impératives que lui impose le droit international;

3. Condamne le manquement de la République fédérale de Yougoslavie, qui s'est jusqu'à présent refusée à exécuter les mandats d'arrêt délivrés par le Tribunal à l'encontre des trois individus mentionnés dans la lettre du 8 septembre 1998, et exige que ces mandats d'arrêt soient immédiatement et inconditionnellement exécutés, y compris la remise des intéressés au Tribunal;

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4. Demande à nouveau aux autorités de la République fédérale de Yougoslavie, aux dirigeants de la communauté albanaise du Kosovo et à tous les autres intéressés de coopérer pleinement avec le Procureur aux fins des enquêtes sur toutes les violations éventuelles qui relèveraient de la compétence du Tribunal; 5. Prie le Président du Tribunal de continuer de le tenir informé de l'application de la présente résolution en vue de la poursuite de son examen de la question;

6. Décide de demeurer saisi de la question.

Documentation

Lettre datée du 8 septembre adressée au Président du Conseil de sécurité par la Présidente du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 (S/1998/839)

Dans cette lettre, la Présidente du Tribunal, Mme Gabrielle Kirk McDonald, souhaite informer le Conseil de sécurité du fait que le Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) continue de refuser de coopérer avec le Tribunal international et d'arrêter et de remettre à ce dernier trois personnes contre lesquelles un acte d'accusation a été dressé et confirmé. La Présidente rappelle que, le 7 novembre 1995, le Tribunal international a mis en accusation trois personnes - Mile Mrksic, Miroslav Radic et Veselin Sljivancanin - pour le meurtre de 260 hommes non armés après la chute de la ville de Vukovar en novembre 1991. Un mandat d'arrêt a été délivré et adressé notamment au Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie car on a des raisons de penser que les accusés résident sur le territoire de cet Etat. Le 3 avril 1996, la première Chambre de première instance a certifié que, si l'acte d'accusation n'avait pas été signifié, c'était parce que la République fédérale de Yougoslavie refusait de coopérer avec le Tribunal. Le 8 mai 1996, le Président du Conseil de sécurité a rappelé ces obligations à la République fédérale de Yougoslavie, déploré que les mandats d'arrêt n'aient pas été exécutés et demandé qu'ils le soient immédiatement. Depuis cette date, ces trois individus sont toujours en liberté et il est allégué qu'ils résident en Serbie, ce que les autorités de la République fédérale de Yougoslavie n'ont jamais démenti.

Mme Gabrielle McDonald note que le cas de ces trois hommes n'est qu'un exemple parmi d'autres de non-coopération avec le Tribunal international à mettre à la charge de cet Etat. En fait, la République fédérale de Yougoslavie est le seul signataire de l'Accord de Dayton à n'avoir ni adopté aucune législation pour faciliter la coopération avec le Tribunal international ni pris aucune mesure pour remettre à ce dernier les accusés se trouvant sur son territoire.

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De l'avis de la Présidente, un tel comportement est illégal et fait outrage au Conseil de sécurité. Elle estime qu'il est impératif de ne plus tolérer le comportement répréhensible du Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) qui viole la Charte des Nations Unies, les résolutions du Conseil de sécurité et l'Accord de Dayton.

Lettre datée du 22 octobre 1998, adressée au Président du Conseil de sécurité par la Présidente du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 (S/1998/990).

Dans cette lettre, la Présidente fait remarquer que les accords récemment conclus entre le Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) obligent le Gouvernement yougoslave à accepter un système de vérification au Kosovo mais ne contiennent aucune disposition l'obligeant à coopérer avec le Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie. Il semblerait en outre qu'une déclaration du Président de Serbie maintienne pour le système judiciaire intérieur de la République fédérale de Yougoslavie le droit d'enquêter au Kosovo sur des infractions qui peuvent relever de la compétence du Tribunal international et de poursuivre et juger leurs acteurs.

La Présidente indique que le Tribunal international juge cette situation particulièrement préoccupante, étant donné les relations qu'il a eues jusqu'ici avec la République fédérale de Yougoslavie, qui n'a pratiquement jamais honoré ses engagements. Mme Kirk McDonald pense qu'il est impératif de réaffirmer sans ambiguïté la compétence du Tribunal international et l'obligation dans laquelle se trouve le Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie de coopérer avec lui, et de le mentionner expressément dans toute résolution sur la situation au Kosovo.

De l'avis de la Présidente, le Conseil de sécurité, en tant qu'organe habilité à créer le Tribunal international, est le seul habilité à réviser ou à annuler l'obligation de coopérer et d'obéir. Elle souhaite qu'il prenne toute décision nécessaire en vue de confirmer le statut et la primauté du Tribunal international et de faire en sorte que l'on puisse compter dorénavant sur la République fédérale de Yougoslavie pour remplir ses obligations.

Lettre datée du 6 novembre 1998, adressée au Président du Conseil de sécurité par la Présidente du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 (S/1998/1040).

Dans cette lettre, la Présidente du Tribunal, Mme Gabrielle Kirk McDonald, fait savoir que la République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténegro) continue de refuser de coopérer avec le Tribunal international

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comme l'exigent les résolutions du Conseil de sécurité et le Statut du Tribunal. Ce pays a en effet refusé de délivrer des visas aux enquêteurs du Bureau du Procureur afin qu'ils puissent mener des investigations au Kosovo. Ce faisant, la République fédérale de Yougoslavie a déclaré qu'elle n'acceptait aucune enquête du Tribunal international au Kosovo Metohija. De l'avis de la Présidente, cette position est manifestement contraire aux décisions expresses du Conseil de sécurité.

La Présidente indique que c'est la quatrième fois qu'elle informe le Conseil de sécurité que la République fédérale de Yougoslavie ne s'acquitte pas de ses obligations juridiques claires et incontestables vis-à-vis du Tribunal, ce qui constitue à son avis un affront pour le Conseil de sécurité et toutes les nations respectueuses du droit. Les déclarations du Président du Conseil en réponse aux rapports précédents du Tribunal n'ont pas amené la République fédérale de Yougoslavie à coopérer comme elle le devait. En conséquence, la Présidente demande au Conseil de sécurité de prendre des mesures suffisamment contraignantes pour ramener la République fédérale de Yougoslavie au sein des nations respectueuses du droit, et ainsi fournir au Tribunal l'appui qui lui est nécessaire pour pouvoir s'acquitter de son mandat.

Déclaration

M. SHEN GUOFANG (Chine) a réitéré son appui aux activités du Tribunal en soulignant que cette instance n'est pas une cour permanente et qu'elle ne peut en aucun cas s'ingérer dans les affaires internes des pays des Balkans. La Chine condamne les crimes commis par les forces terroristes qui pour elle, sont une violation des droits humanitaires et des droits de l'homme. Elle prend note du fait que le Gouvernement procède actuellement à une enquête par le biais de ses organes judiciaires internes. Pour la Chine, la manière de traiter de ces meurtres relèvent de la seule juridication interne du pays dont l'intégrité territoriale doit être respectée. Le représentant a souligné que le principe de base de la création du Tribunal est de renforcer la collaboration entre le Conseil et la République fédérale de Yougoslavie afin d'établir une paix durable. Le respect mutuel et la coopération sont des éléments fondamentaux qui permettront au Tribunal de remplir son mandat. Les points de divergence doivent donc être résolus par des consultations avec les parties concernées. Le Tribunal ne doit en aucun cas devenir un instrument politique servant à exercer des pressions sur les parties, a dit le représentant tout en ajoutant que son pays ne peut approuver les références au chapitre VII de la Charte contenues dans la résolution. La Chine regrette que certains de ses amendements n'aient pas été pris en considération. Dans ce contexte, la Chine s'abstiendra lors du vote.

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