OBV/66

L'OBJECTIF COMMUN DU DEVELOPPEMENT, DES DROITS DE L'HOMME ET DE LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE EST DE GARANTIR LA DIGNITE HUMAINE

16 octobre 1998


Communiqué de Presse
OBV/66
DEV/2188


L'OBJECTIF COMMUN DU DEVELOPPEMENT, DES DROITS DE L'HOMME ET DE LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE EST DE GARANTIR LA DIGNITE HUMAINE

19981016 Les Deuxième et Troisième Commissions ont une discussion commune à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté

La Commission économique et financière (Deuxième Commission) et la Commission des questions humanitaires, sociales et culturelles (Troisième Commission) ont tenu cet après-midi une réunion conjointe sur le thème de "La pauvreté, les droits de l'homme et le développement". Dans de cadre, elles ont entendu M. Nitin Desai, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales; M. Bacre Ndiaye, Directeur exécutif du Bureau de New York du Haut Commissaire aux droits de l'homme; Mme Diana Skelton, du Mouvement international ATD quart monde; et M. Douglas Hellinger, Directeur exécutif de "Development Gap". Cette réunion qui s'inscrit dans le cadre de la Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté - proclamée par l'Assemblée générale le 17 octobre 1992 - et de la Décennie internationale des Nations Unies pour l'élimination de la pauvreté (1997-2006) vise à commémorer le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. La pauvreté est une violation des droits de l'homme, a souligné M. Bagher Asadi, Président de la Deuxième Commission qui a ouvert le débat.

Aujourd'hui, outre les 1,3 milliard de personnes qui vivent avec moins d'un dollar par jour, des dizaines de millions de personnes en Asie de l'Est retombent dans la pauvreté en raison de la crise financière, et la souffrance humaine qu'est la pauvreté s'étend maintenant à l'Amérique latine, à l'Afrique sub-saharienne et aux pays à économie en transition. La marginalisation économique, le fardeau de la dette extérieure, la réduction de l'aide publique au développement et la chute des prix des produits de base ainsi que l'absence d'investissements dans les ressources humaines, le manque d'infrastructures physiques et les troubles politiques ont pesé de tout leur poids sur la population du monde en développement. Les chiffres du chômage et du sous- emploi n'ont jamais été aussi élevés et cette tendance risque de s'aggraver d'ici la fin de l'année en raison de la crise économique et financière de l'Asie et d'autres parties du monde.

(à suivre - 1a)

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La pauvreté ne doit pas seulement être définie en termes de revenu, a souligné, pour sa part, M. Desai. La question est multidimensionnelle. Elle comprend à la fois le chômage, la perte de l'identité culturelle, la privation et la marginalisation. Une conception du développement fondée sur la production et la consommation est incomplète. Appuyant cette idée, le Président de la Troisième Commission, M. Ali Hachani a rappelé le large consensus sur la définition d'une approche du développement fondée sur les droits de l'homme qui met l'accent sur la dignité humaine, la participation, l'égalité, la non-discrimination, l'intégration, la règle de droit et la solidarité.

Comité conjoint de la Deuxième et de la Troisième Commissions sur le thème "Pauvreté, droits de l'homme et développement"

M. NITIN DESAI, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a estimé que le lien entre ces trois concepts est d'abord théorique puisqu'ils visent tous les trois à reconnaître la dignité humaine. Le lien entre droits de l'homme et développement est facile puisqu'il est de plus en plus reconnu que le respect des droits de l'homme est une condition préalable à un développement équitable et participatoire. De même, il existe un certain nombre de droits, comme le droit à l'éducation, qui ne peuvent être réalisés sans le type de développement requis. Le lien entre ces deux concepts et la pauvreté est évident pour peu que l'on adopte une conception plus large de la pauvreté et qu'on ne la limite pas à l'absence de revenus. Les activités des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme, du développement et de la lutte contre la pauvreté participent d'un processus dans lequel s'articulent des valeurs partagées et des objectifs communs dans les domaines humanitaire, de promotion de la femme, de la protection des enfants, des droits des handicapés et des personnes âgées, de la protection de l'environnement et des droits des futures générations. Cette articulation de valeurs partagées est sous-tendue non seulement par le concept de justice mais aussi par la compassion, l'obligation morale d'apaiser les souffrances et de mettre fin à la détresse.

M. BRACE NDIAYE, Directeur du Bureau de New York du Haut Commissaire aux droits de l'homme, a déclaré qu'en protégeant les droits de l'homme, on peut contribuer à prévenir les nombreux conflits qui ont pour origine la pauvreté, la discrimination et l'exclusion, que celle-ci soit sociale, économique ou politique. Il faut briser le cercle vicieux des violations des droits de l'homme qui provoquent des conflits, lesquels à leur tour engendrent davantage de violations. Dans ce cadre, il importe également de promouvoir le droit au développement. Toute question relative aux droits de l'homme devrait être discutée en prenant en compte les personnes qui ont le plus besoin que leurs droits soient protégés et promus. Les droits de l'homme comprennent en outre aussi le droit à être entendu. Les décideurs doivent donc reconnaître la volonté de toutes les personnes qui veulent participer aux questions qui les concernent. La raison sous-jacente à l'élaboration et à l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme est de créer un ordre fondé sur la reconnaissance de la valeur de l'individu et l'action nécessaire pour assurer une paix et un développement durable, a souligné M. Ndiaye.

Quels sont les aspects additionnels que les droits de l'homme apportent au travail en vue de l'éradication de la pauvreté et de l'inclusion sociale ? Les statistiques montrent qu'il y a encore un long chemin à parcourir avant de réaliser le slogan du 50ème anniversaire de l'adoption de la Déclaration "Tous les droits de l'homme pour tous". Ainsi, les droits économiques, sociaux et culturels ont été trop longtemps négligés. Il est grand temps de corriger ce déséquilibre et d'étendre la primauté du droit à tous les droits de l'homme, a estimé M. Ndiaye.

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Il a indiqué que la Commission des droits de l'homme avait récemment établi un certain nombre de mandats relatifs aux droits économiques et sociaux. Des experts indépendants ont été chargés des droits de l'homme et de la pauvreté extrême, du droit au développement et de l'ajustement structurel. Il y a un nouveau rapporteur spécial sur la dette extérieure et un autre sur le droit à l'éducation. Il semble possible que les différents mécanismes de droits sur les l'homme suivent toute une variété de questions.

La durabilité des projets et des programmes présuppose la participation des bénéficiaires dans leur conception, formulation et mise en oeuvre, a poursuivi M. Ndiaye. Plusieurs défis se posent, dont celui de s'assurer que les pauvres sont conscients de leurs droits, leurs responsabilités et aient la possibilité de contribuer à la société et de réaliser leur potentiel. En appuyant les ONG et les organisations des droits de l'homme nationales, on peut renforcer la protection de ces droits. Une autre facette est la transparence du travail des gouvernements, des organisations internationales, des institutions financières internationales, des commissions des droits de l'homme, des ONG et des organisations de la société civile ainsi que du secteur industriel. Enfin, ceux qui combattent les problèmes de la pauvreté extrême ont été les défenseurs oubliés et négligés des droits de l'homme. Le moment est venu de les prendre en compte et de les inclure, a conclu M. Ndiaye.

Mme DIANA SKELTON, Mouvement international ATD quart monde, a noté qu'un groupe de personnes ne tombe dans la pauvreté qu'après une longue période de résistance. Quand l'esprit, le coeur et le corps ont subi des pénuries extrêmes, il faut faire preuve de solidarité et rendre aux victimes l'espoir en l'avenir. Les droits de l'homme et la dignité sont essentiels pour les personnes qui sont tombées dans la pauvreté. Tous les droits sont essentiels. Il est heureux que la communauté internationale ait dépassé le clivage entre droits civils et politiques, d'une part, et droits économiques, sociaux et culturels, d'autre part. L'étude réalisée conjointement par l'UNICEF et ATD quart monde a elle montré la façon dont les membres les plus pauvres d'une communauté peuvent devenir les partenaires les plus actifs du développement. Cette étude et le rapport du Rapporteur spécial montrent que tous les citoyens doivent pouvoir avoir l'occasion de participer à la vie de la société, seul moyen d'assurer l'égalité des droits entre tous. La lutte contre la pauvreté exige d'abord que l'on soit à l'écoute des pauvres et que l'on recourt à l'expérience des experts. En Belgique entre 1992 et 94, le Gouvernement a demandé aux communautés pauvres de rédiger elles-mêmes un rapport sur la pauvreté. La loi sur une stratégie à long terme de lutte contre la pauvreté adoptée par la France a été élaborée avec la participation de personnes qui travaillent avec les personnes démunies.

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M. DOUGLAS HELLINGER, Directeur exécutif de "The Development Gap", a déclaré que si les populations ne participent pas aux processus de développement et ne sont pas respectées cela conduit à des conflits. Au cours des 20 dernières années, le Nord a imposé aux pays du Sud un type de développement économique qui fait que les gouvernements du Sud doivent répondre d'abord aux bailleurs de fonds avant de répondre à leur population. Les politiques d'ajustement structurel ont des conséquences lourdes sur les populations, en particulier sur les plus pauvres. Pour M. Hellinger, il n'est pas étonnant que les gens réagissent face à ce type de système économique. Ainsi, la crise financière en Asie est devenue une crise économique à cause des politiques d'ajustement structurel imposées par le Fonds monétaire international. Ce type de situation n'est pas nouveau. Il y a eu des cas similaires en Afrique. Tout ajustement structurel implique un fardeau de la dette plus élevé et donc une marge de manoeuvre moindre pour les pays du Sud.

Il faut que la société civile soit habilitée à mieux défendre ses intérêts. Le savoir local qu'ont les sociétés civiles est fondamental. Les choses ont changé très rapidement au cours de l'année dernière. La crise financière a créé des occasions pour les populations du monde de reprendre leur destin en main. La gestion actuelle de la mondialisation n'est pas inévitable. C'est le début d'une nouvelle ère. Au cours des 20 prochaines années, on pourrait voir des changements importants et le secteur privé et les sociétés civiles devraient avoir davantage de possibilités d'agir, ce qui est à la fois bon pour la croissance économique et pour les droits de l'homme.

Dialogue entre les conférenciers et les délégations

Le représentant de l'Autriche, au nom de l'Union européenne, a souhaité que la lutte contre la pauvreté soit placée au coeur de la coopération pour le développement qui, a-t-il précisé, ne relève aucunement de la charité. Il a toutefois estimé que cette coopération ne suffira jamais à pallier les violations des droits de l'homme par les gouvernements nationaux. Il a donc posé la question de savoir ce qu'il fallait faire pour renforcer la dimension droits de l'homme dans l'élimination de la pauvreté et pour la promotion du développement. La notion du développement fondée sur les droits doit pouvoir signifier la même chose pour la communauté des pays donateurs et les pays bénéficiaires.

Le représentant de la France a fait observé que les pauvres ont le droit de jouir comme tout un chacun des droits de l'homme dans leur indivisibilité et de n'être exclus d'aucune sphère de la société. Il s'est réjoui de l'adoption l'an dernier d'une résolution visant à l'éradication de l'extrême pauvreté et a estimé que celle-ci devrait bénéficier de mesures de suivi plus importants. L'action des fonds et programmes doit avoir pour objectif l'élimination, à terme, de l'extrême pauvreté. Lutte contre la pauvreté et droits de l'homme peuvent constituer le socle commun des activités des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme. A cet égard, le représentant a salué le travail accompli par le Programme des Nations Unies pour le développement.

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De son côté, le représentant de Cuba s'est inquiété du fait que l'on semble privilégier une démarche fondée sur les droits de l'homme au détriment de celle fondée sur le développement qui est tout aussi importante. Il a suggéré de ne pas passer sous silence dans notre conception des droits de l'homme ceux qui sont susceptibles d'être violés par les entreprises transnationales. Le représentant s'est également inquiété des signes d'une volonté de redéfinir le concept du droit au développement.

Pour le représentant du Yémen, il est trop facile de blâmer les Etats sous prétexte que le développement dépend des politiques économiques. Il ne faut pas oublier, a-t-il souligné, que certaines entreprises sont plus puissantes que les Etats qui sont tenus par ailleurs d'appliquer les politiques d'ajustement structurel imposées par les institutions financières internationales. L'ONU dispose d'un avantage comparatif pour étudier tous les points de vue et trouver une solution au problème de la pauvreté, a-t-il estimé.

Pour le représentant de l'Inde, l'éradication de la pauvreté et la protection des droits de l'homme sont intimement liées et constituent des problèmes de sous-développement. L'Inde estime que l'ONU doit prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir un plus grand appui aux activités de coopération multilatérale pour le développement. En combattant le fléau du sous-développement et de la pauvreté, on contribuera à une meilleure protection des droits de l'homme. Il faut aller de l'avant en adoptant une approche fondée à la fois sur les droits et sur le développement, a-t-il déclaré. Le représentant de l'Italie a souligné, pour sa part, le rôle irremplaçable des Nations Unies dans la lutte contre la pauvreté. Cette lutte exige une approche intégrée. La réunion d'aujourd'hui doit constituer un message et un encouragement à la société civile pour qu'elle continue de se mobiliser en vue de l'élimination de la pauvreté, a-t-il déclaré.

Tout en appuyant les critiques formulées à l'égard des institutions de Bretton Woods concernant les politiques d'ajustement structurel, le représentant de la Suède a attiré l'attention sur le fait qu'au cours des dernières années, la Banque mondiale avait revu ses politiques et devenait aujourd'hui davantage une institution de développement plutôt qu'une véritable banque. Le représentant de la Norvège a rappelé, pour sa part, que le but du développement est de parvenir à garantir le respect des droits des gens, la pauvreté étant une violation des droits de l'homme. Il faut agir en fonction de cette compréhension commune des choses, a-t-il déclaré. De son côté, le représentant du Nigéria a fait remarquer que depuis longtemps le monde fait une distinction nette entre la pauvreté et les droits politiques. En protégeant les droits politiques, on pourrait dégager suffisamment de ressources qui pourraient être utilisées pour lutter contre la pauvreté, a-t-il déclaré. Partant de cette compréhension des choses, que peuvent faire les Nations Unies ? a-t-il demandé.

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Répondant aux questions des délégations, M. DESAI a précisé que les deux approches, celle fondée sur les droits de l'homme et celle fondée sur le développement ne sont pas exclusives l'une de l'autre. Il a souligné le fait que les questions clés du développement apparaissent dans les travaux sur les droits de l'homme et vice versa. Dans cette enceinte, on peut discuter sur la base de ces deux approches, c'est une force unique que nous apporte l'Assemblée générale et que nous devons utiliser. Il faut considérer l'éradication de la pauvreté comme une étape nouvelle dans la moralisation de la vie sociale. Il est du devoir des Nations Unies de venir en aide aux personnes qui se trouvent dans une situation de détresse humaine. Faire ce progrès moral est une obligation qui nous incombe dans le cadre de la Déclaration universelle des droits de l'homme, a-t-il déclaré.

M. NDIAYE a expliqué que lorsque l'on parle du lien entre le développement et les droits de l'homme, il s'agit tout simplement de placer la dignité humaine comme principe de base. Il s'agit également de responsabiliser tous les acteurs du développement afin de les amener à participer davantage aux efforts de développement. Il s'agit enfin de rompre avec l'idée selon laquelle l'économie se réduit aux statistiques et aux mathématiques. L'idée est en fait de souligner la place des droits de l'homme dans l'économie. L'approche fragmentée des deux aspects - développement et droits de l'homme - est devenue caduque. Le Programme-cadre des Nations Unies pour le développement a, par exemple, permis d'intégrer les recommandations des grandes conférences et les dispositions des Conventions relatives aux droits dans les efforts de développement. Ainsi le Haut Commissaire aux droits de l'homme a signé un moratoire avec le PNUD et il s'implique davantage dans les stratégies d'assistance au développement de la Banque mondiale. Dans le même contexte, il est important d'associer le monde des affaires aux efforts en gaveur du respect et de la promotion des droits de l'homme et du développement. C'est là le moyen de prévenir une connivence entre le monde des affaires et certains pouvoirs discutables, comme ce fut le cas à l'époque de l'apartheid.

Mme SKELTON a reconnu l'importance des ressources financières dans la lutte contre la pauvreté, mais a toutefois souligné la primauté des ressources humaines. Pour sa part, M. HELLINGER a rappelé qu'il a fallu attendre que la Banque mondiale "découvre" la pauvreté pour qu'elle commence a en tenir compte dans ses programmes d'ajustement structurel qu'elle présentait jusque-là comme des initiatives "strictement économiques". La Banque a donc admis dans un certain sens, le lien entre développement et droits de l'homme et on constate aujourd'hui une rupture entre la Banque mondiale et le FMI.

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A cela, le représentant de la Banque mondiale a, sans vouloir défendre l'action de la Banque, indiqué que la démarche de lutte contre la pauvreté a évolué depuis les années 40 et 50 où l'on pensait que les programmes de développement devait d'abord viser les infrastructures, ensuite l'urbanisme et enfin les questions macroéconomiques. Les politiques macroéconomiques ne seront jamais neutres et ne se fonderont jamais sur des considérations d'équité. Le mandat de la Banque mondiale est l'élimination de la pauvreté et elle veut être juger sur ces actes.

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