LE CONSEIL TIENT SA PREMIERE REUNION PUBLIQUE D'INFORMATION ET ENTEND A CETTE OCCASION MME OGATA, HAUT COMMISSAIRE AUX REFUGIES
Communiqué de Presse
CS/986
LE CONSEIL TIENT SA PREMIERE REUNION PUBLIQUE D'INFORMATION ET ENTEND A CETTE OCCASION MME OGATA, HAUT COMMISSAIRE AUX REFUGIES
19981010 Mme Ogata propose une "échelle d'options" définissant les différents niveaux d'intervention en faveur des réfugiésLe Conseil de sécurité a tenu ce matin, pour la première fois, une réunion publique d'information publique consacrée à la question de la protection des activités d'assistance humanitaire aux réfugiés et autres personnes touchées par un conflit. Cette réunion qui a entendu, Mme Sadako Ogata, Haut Commissaire des Nations Unies aux réfugiés, s'est caractérisée par un dialogue entre le Haut Commissaire et les membres du Conseil de sécurité.
Mme Ogata a proposé divers moyens d'améliorer la protection de l'assistance humanitaire et du personnel humanitaire particulièrement exposé sur le terrain. Elle s'est notamment prononcée en faveur de l'établissement d'une échelle d'options définissant différents niveaux d'intervention tout en indiquant sa préférence pour l'option dite "moyenne" impliquant l'envoi, par exemple de forces de police chargées d'assurer la sécurité des réfugiés dans les camps ou la mise en place d'opérations de maintien de la paix au niveau régional. Elle s'est dite préoccupée par le sort du personnel humanitaire souvent obligé d'assurer sa propre protection sur le terrain. Elle a lancé un appel au Conseil de sécurité pour qu'il examine cette question en priorité.
Répondant à une série de questions sur notamment le manque de volonté politique manifesté par le Conseil de sécurité dans certaines situations, Mme Ogata a précisé qu'elle ne pourra pas personnellement jouer un rôle politique. Le HCR peut néanmoins attirer l'attention de la communauté internationale sur la fragilité de la paix. Dans ce contexte, elle est revenue sur la nécessité de mettre en oeuvre des mesures coordonnées d'assistance pour le développement.
Le Président en exercice du Conseil, M. Peter Burleigh (Etats-Unis d'Amérique) a indiqué que ce type de réunion publique d'information illustre les progrès que souhaite faire le Conseil en matière de transparence de ses travaux.
Les pays suivants, membres du Conseil ont pris la parole: Fédération de Russie, Brésil, Chine, Suède, Japon, Portugal, Barheïn, Costa Rica, Gambie, Royaume-Uni, Slovénie, Kenya, France et Gabon.
Exposé de Mme Sadako Ogata
Mme SADAKO OGATA, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a fait remarquer que la sécurité des réfugiés dépend avant tout d'une volonté et de décisions politiques. Elle a précisé que le nombre de personnes obligées de prendre la fuite lors de conflits est en forte augmentation. A l'image de ces conflits eux-mêmes, la question de la protection des réfugiés et de leur retour chez eux est devenue très complexe, la délimitation entre la guerre et la paix étant de plus en plus floue. Evoquant la situation au Kosovo, Mme Ogata a déclaré qu'une majorité de personnes avait regagné leur foyer, mais s'est toutefois inquiétée du rapatriement des réfugiés en provenance d'autres pays, tels que l'Albanie, le Monténégro ou l'ex-République yougoslave de Macédoine. Des progrès doivent être accomplis en matière de sécurité, d'autant que la situation reste très fragile. En cas de crise, les personnels de la mission diplomatique doivent être déployés sur place dans les plus brefs délais. En plus de la protection physique, il faut une protection juridique. Mme Ogata a estimé qu'une amnistie est en mesure d'apporter un regain de confiance nécessaire. Le HCR se concentre sur la protection des personnes à l'approche de l'hiver. Environ 20 000 maisons doivent être reconstruites. Le HCR a établi une coopération étroite avec l'OSCE et l'OTAN. S'il est mis en oeuvre, le mécanisme international pour régler la crise au Kosovo permettra le retour de tous les réfugiés et pourra servir d'exemple à l'avenir. Cela dit, un engagement international décisif n'est pas la norme et nombre de conflits ne bénéficient pas d'un tel engagement. C'est le cas en Afghanistan ou au sud du Soudan, où persistent des déplacements réels de population.
Evoquant la situation en Afrique, Mme Ogata a constaté une recrudescence de la violence envers les civils, notamment en Sierra Leone, et fait savoir que les conflits ont de plus en plus souvent une base ethnique. En Afrique centrale, la situation est très complexe. 260 000 Burundais sont, par exemple, réfugiés en Tanzanie. Il faut s'attendre à de nouveaux déplacements à grande échelle dans un proche avenir. L'effondrement du processus de paix en Angola pourrait conduire à de nouveaux flux de réfugiés. La situation est la même au Rwanda ou en République centrafricaine. Mme Ogata a estimé que la recherche de solutions doit se faire au niveau régional et qu'en Afrique centrale, et notamment en République démocratique du Congo, les problèmes ethniques et de nationalité doivent être traités en priorité dans une région qui a connu de nombreux conflits et déplacements de populations, ces dernières années. Mme Ogata a aussi estimé que la question du désarmement est cruciale. Il est nécessaire d'agir en amont. En Afrique Occidentale, les crises en Sierra Leone et en Guinée-Bissau ont également engendré un grand nombre de réfugiés. Des dizaines de milliers d'entre eux ont fui vers le Nigéria. Mme Ogata a estimé que le retour des réfugiés doit être considéré en priorité dans tous les pays. Prenant l'exemple de la Sierra Leone, elle a indiqué que la réconciliation entre les parties est une condition préalable indispensable pour atteindre cet objectif. Les efforts pour résoudre la crise au niveau régional doivent recevoir un soutien de la part de la communauté internationale.
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Mme Ogata a ensuite évoqué les aspects sur lesquels des progrès sont possibles. La complexité des conflits et la fragilité de la paix font que de nouvelles crises peuvent éclater à tout moment. C'est le cas dans la corne de l'Afrique et en Asie centrale. Elle a demandé au Conseil de sécurité de prendre en compte le facteur du déplacement humain lors de l'examen de situations de conflit. Le HCR va, de son côté, essayer d'être plus efficace en élaborant, par exemple, des plans prévisionnels et en envoyant sur place des équipes de préparation avant que les crises n'éclatent. Le HCR s'intéresse également au problème de l'insécurité des personnels humanitaires et souhaite que le Conseil invite les Gouvernements à mieux coopérer en matière de rapatriement de réfugiés. En matière d'intervention, une échelle d'options peut être également établie, allant d'une formation de personnel sur place à l'option la plus dure, à savoir la mise en place d'une opération au niveau international. Mme Ogata a fait savoir que les options moyennes et les opérations de maintien de la paix au niveau régional sont les solutions les plus souhaitables. Il faut instituer des mécanismes concrets avec des procédures claires pour les mettre en oeuvre. Elle a souhaité connaître les soutiens sur lesquels elle peut compter en matière de sécurité. Dans les situations postérieures aux conflits, la situation est souvent difficile et le retour des réfugiés reste un problème majeur. C'est le cas en Bosnie- Herzégovine ou encore au Rwanda. Cela peut affaiblir encore une paix encore très fragile. De l'avis de Mme Ogata, le rapatriement à grande échelle de personnes déplacées est un élément clef des situations de post-conflit et cette question doit être prise en compte beaucoup plus tôt dans les processus de paix. 1998 devait être l'année du retour des minorités mais les progrès escomptés n'ont malheureusement pas été obtenus. La coexistence pacifique doit être acceptée par les parties au conflit elles-mêmes et la cohabitation ne doit pas leur être imposée. Le HCR est prêt à agir de façon optimale mais demande le soutien et la coopération des Gouvernements. Mme Ogata a demandé au Conseil de sécurité de les aider pour atteindre cet objectif.
Déclarations
M. SERGEY LAVROV (Fédération de Russie) a observé que le sort des réfugiés au Kosovo ne devrait pas faire oublier le sort des autres réfugiés en Bosnie, en Croatie et en Slavonie orientale. ll a demandé à Mme Ogata où en était la situation de l'aide internationale pour les pays où se trouvent encore des milliers de réfugiés. Est-ce que les ressources financières sont suffisantes? Evoquant les différentes options proposées par Mme Ogata, il a estimé que toutes ces variantes devraient être étudiées. Il a souligné toutefois que, du point de vue du droit international, l'intervention armée pour protéger le droit humanitaire est inacceptable. Quelles pourraient être les conséquences humanitaires sur les agences d'une intervention militaire unilatérale dans le cadre de situations humanitaires?
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M. CELSO AMORIM (Brésil) a déclaré que l'initiative prise aujourd'hui par le Conseil de sécurité, de tenir une réunion d'information lors d'une réunion publique, témoigne d'une approche constructive. Cette réunion ouverte du Conseil de sécurité correspond non seulement à une volonté d'ouverture mais constitue également une réponse à l'appel à la solidarité de Mme Ogata. Les Etats membres sont pleinement conscients que le Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés reçoit des directives de l'Assemblée générale et du Conseil économique et social, ce qui n'a pas empêché le Conseil de sécurité de traiter des problèmes spécifiques relatifs aux réfugiés dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité et de tisser des liens de coopération fructueux avec le Haut Commissariat selon les besoins. Le Conseil de sécurité a tenu deux débats fructueux sur cette question mais il semble que des discussions plus approfondies sont nécessaires pour nous permettre d'atteindre un consensus sur la division des tâches entre les différents organes des Nations Unies qui travaillent dans le domaine de l'aide humanitaire et sur les modalités d'intervention du Conseil de sécurité.
Les leçons que nous avons tirées des années 1990 nous ont mis en garde contre l'établissement d'une corrélation entre la notion de responsabilité collective et le concept de sécurité collective dans le domaine humanitaire. Même quand le Conseil de sécurité intervient dans les efforts internationaux en vue de garantir l'accès de l'aide humanitaire aux réfugiés, il devrait manifester une préférence pour les solutions obtenues par des moyens pacifiques. Pour ce qui est de la situation dans l'ex-Yougoslavie et le Kosovo, le représentant a insisté sur la nécessité de persévérer dans les efforts pour obtenir le retour à grande échelle des minorités. Etant donné qu'il est difficile de faire entièrement confiance aux belligérants, il serait intéressant que Mme Ogata nous explique s'il serait possible d'élaborer un nouvel instrument d'édification de la confiance comme des programmes sociaux et culturels. Le HCR et l'UNESCO ne pourraient-ils pas créer une culture de la paix? Cette question concerne également la situation en Guinée-Conakry, en Sierra Leone et en Guinée-Bissau.
M. HUASUN QIN (Chine) a estimé que le retour des réfugiés est une condition préalable à la paix. Il est également indispensable de régler les causes de conflit. La communauté internationale devrait examiner les aspects essentiels des conflits et des crises humanitaires en prenant des mesures d'édification de la confiance, de promotion de la croissance économique et de la stabilité des pays. La question des réfugiés ne doit pas être politisée car cela dresserait des obstacles au retour de la paix. Le règlement de cette question et l'octroi de l'aide humanitaire sont une responsabilité collective de la communauté internationale.
M. HANS DAHLGREN (Suède) a formé l'espoir que des réunions ouvertes comme celle-ci se reproduiront à l'avenir. Le Conseil de sécurité a prêté récemment une plus grande attention à la question des réfugiés récemment. Nous nous félicitons des options régionales proposées par Mme Ogata. Le représentant a indiqué que les membres du Conseil de sécurité sont en train de négocier un projet de résolution sur la sécurité dans les camps de réfugiés et
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les colonies de réfugiés. Il a demandé à Mme Ogata comment combler le vide entre le mandat du HCR et les nouvelles possibilités de contribuer à la paix et à la sécurité. Avez-vous besoin d'autres types de coopération?
M. YUKIO SATOH (Japon) a concentré ses commentaires sur les régions d'Afrique et d'ex-Yougoslavie. En Afrique, l'expérience prouve que la question des réfugiés a de profondes implications sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales, et demande à cet égard une constante attention de la part du Conseil de sécurité. Le représentant a observé que la situation humanitaire en ex-Yougoslavie, et en particulier au Kosovo, constitue un autre centre de l'attention internationale. En effet, des dizaines de milliers de réfugiés et de personnes déplacées restent sans abri malgré les améliorations des semaines passées. Dans ce contexte, le représentant a indiqué que son gouvernement a versé une contribution d'un montant de 7,3 millions de dollars au Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) et à d'autres organismes travaillant à l'amélioration de la situation humanitaire au Kosovo.
S'adressant à Mme Ogata, le représentant a désiré connaître ses idées sur les initiatives que devrait prendre le Conseil de sécurité pour améliorer la sécurité et la neutralité des camps de réfugiés. Il a estimé qu'une meilleure coordination entre le HCR et les organismes de développement faciliterait le rapatriement des réfugiés. Quelles sont les recommandations de Mme Ogata en vue d'améliorer cette coordination pendant la phase post- conflit? Le représentant a également désiré recevoir des informations sur les activités et l'efficacité des centres d'assistance humanitaire installés dans différents endroits du Kosovo par les autorités de Belgrade.
En ce qui concerne la coordination avec les organisations non gouvernementales, le représentant a demandé que les modalités de leurs relations avec le HCR, sur place, soient expliquées. Il a, par ailleurs, demandé à Mme Ogata comment améliorer l'appui des Etats Membres au HCR, en précisant qu'ils devraient tous redoubler leurs efforts pour promouvoir et consolider le travail du Haut Commissariat. Dans ce contexte, il a demandé à Mme Ogata de suggérer des moyens de mobiliser un soutien mondial à l'assistance humanitaire, spécialement pour les réfugiés et les personnes déplacées.
M. ANTONIO MONTEIRO (Portugal) a rendu hommage à Mme Ogata et s'est félicité de la réunion d'aujourd'hui qui est une manifestation de la transparence des travaux du Conseil. A propos de la question de la sécurité des réfugiés et du personnel des Nations Unies, il a demandé à Mme Ogata si elle avait des recommandations à faire au Conseil en la matière, sachant que le Conseil a prévu d'adopter, sans doute la semaine prochaine, une résolution à ce sujet. Le représentant a demandé des clarifications sur le soutien politique demandé par Mme Ogata en ce qui concerne le Kosovo ou d'autres situations telles que le Soudan ou l'Afghanistan, et il a fait remarquer que des groupes de pays et des organisations non gouvernementales travaillent déjà sur la question. En ce qui concerne le problème des déplacements de
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personnes, le représentant a considéré qu'il faut tenir compte des droits de l'homme et a demandé s'il existait une coopération quelconque entre les organismes s'occupant des réfugiés et ceux chargés des droits de l'homme. Il a aussi noté que Mme Ogata se prononce en faveur d'options d'interventions "moyennes", comme par exemple le déploiement rapide de forces de déploiement en cas de crise impliquant des mouvements de population. Le représentant a insisté sur l'importance de la coopération entre toutes les entités des Nations Unies et les autres organisations internationales pour le retour des réfugiés. Il s'est aussi interrogé sur la question de l'amnistie, qui permet de rétablir la confiance mais peut aussi favoriser l'impunité, et a demandé l'avis de Mme Ogata à ce sujet.
M. JASSIM M. BUALLAY (Bahrein) a souligné combien il est important d'assurer la sécurité du personnel humanitaire et l'accès de l'aide humanitaire. Evoquant les incidents et les meurtres perpétrés à l'encontre du personnel humanitaire, il a demandé à Mme Ogata si le personnel humanitaire bénéficie d'assez d'assurances permettant sa protection effective. Si la réponse est positive, ces assurances ont-elles été concrétisées en actes juridiques? Nous savons que l'Assemblée générale a adopté une résolution sur la protection du personnel humanitaire mais est-ce suffisant? Si de telles assurances sont fournies, sont-elles respectées dans la réalité?
M. MELVIN SAENZ-BIOLLEY (Costa Rica) a dit sa satisfaction quant à ce débat public du Conseil de sécurité qui constitue un pas d'une grande importance dans la voie de l'ouverture. Nous espérons que cela constituera un précédent pour que tous les rapports futurs soient présentés de cette manière au Conseil de sécurité. Il est important de tenir compte de ce qu'a dit Mme Ogata sur le soutien politique nécessaire au règlement de situations de conflit. Il faut appliquer une pression politique équilibrée et constante sur toutes les situations de conflit où qu'elles se trouvent. Pour ce qui est de la situation au Kosovo, Mme Ogata a évoqué des options politiques et nous avons pris note de l'idée de l'amnistie qui mérite d'être examinée. Il doit néanmoins exister d'autres actions concrètes en matière de respect de l'ordre juridique et du droit.
Le représentant a évoqué la situation générale dans les camps de réfugiés en Afrique et a estimé important de se préoccuper de la sécurité dans ces camps, ce qui a une incidence sur la sécurité de l'aide humanitaire. Quel est le point de vue de Mme Ogata sur la question de la sécurité dans les camps et notamment sur la proposition visant à séparer les combattants des personnes civiles? Il faut poursuivre l'action politique en République démocratique du Congo et nous sommes préoccupés par le fait que la recherche d'un cessez-le feu tend à reléguer au deuxième plan la situation humanitaire. Nous avons toujours appuyé l'idée de mécanismes novateurs, comme la Commission tripartite au Burundi. Nous souhaitons préciser que la grande leçon à tirer est que, compte tenu de la complexité des situations de conflits, il convient d'élargir la portée des opérations de maintien de la paix. Nous souhaitons savoir ce que pense Mme Ogata, de l'élargissement du mandat multidimensionnel des opérations de maintien de la paix.
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M. ISMAILA BABOUCARR-BLAISE (Gambie) est revenu sur la situation en Afrique occidentale, où la paix est progressivement rétablie, mais a demandé le soutien de la communauté internationale pour régler les crises en cours, notamment entre la Sierra Leone et la Guinée-Bissau.
Sir JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) s'est félicité de la tenue d'une séance ouverte aujourd'hui par le Conseil de sécurité et a souhaité que cette formule soit encore utilisée à l'avenir. Il a souligné l'importance d'avoir une information fiable sur la gestion des crises, notamment en Afrique. Pour ce qui est de la question des réfugiés, Sir Jeremy a demandé des précisions concernant les initiatives du HCR concernant les réfugiés burundais en Tanzanie et a voulu savoir de quelle manière le HCR compte donner suite au rapport du Secrétaire général sur la sécurité des personnes déplacées et du personnel humanitaire. Concernant la situation en ex-Yougoslavie, le représentant permanent a voulu savoir quand les conditions seront réunies pour permettre un retour des réfugiés et a souhaité avoir plus d'information sur les problèmes de sécurité sur place et sur le rapatriement des réfugiés en Bosnie en 1999. Le HCR a-t-il les moyens d'aider au retour d'un nombre aussi considérable de personnes, s'est-il interrogé.
M. DANILO TURK (Slovénie) s'est à son tour félicité de la tenue de cette séance publique du Conseil. Il a déploré le fait que l'aide humanitaire remplace trop souvent la recherche d'une solution politique aux conflits. Il a souligné l'importance de la sécurité pour garantir le retour des réfugiés et rappelé à cet égard les efforts déployés par la Slovénie en faveur du déminage en Bosnie-Herzégovine. Il a appuyé la proposition de Mme Ogata de favoriser des interventions "intermédiaires" telles que la fourniture de personnels de police ou autres pour garantir la sécurité dans les camps de réfugiés. Concernant la situation dans la région des Grands Lacs et le problème spécifique des réfugiés dans cette région, il a demandé à Mme Ogata ce qu'elle pense de la situation actuelle sur ce dossier, notamment en ce qui concerne la coopération avec les Gouvernements sur place.
M. NJUGUNA M. MAHUGU (Kenya) a noté que l'assistance humanitaire est devenue une question centrale dans le travail du Conseil de sécurité. Le changement de la nature des conflits, qui voient de plus en plus de civils et de personnel humanitaire devenir des cibles, et l'émergence d'éléments armés dans les camps de réfugiés, conduisent la communauté internationale à réagir contre le développement d'une culture de l'impunité. Le représentant a évoqué l'exemple du Kosovo, et celui de l'Afrique. Il a en effet appelé la communauté internationale à participer davantage aux activités de formation, de conseil, et d'application de la législation relative aux réfugiés. Il a estimé que le Conseil de sécurité peut jouer un rôle directeur dans la protection des réfugiés dans les conflits.
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Le représentant a ensuite demandé à Mme Ogata si le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) a mis en place des programmes pour assister les pays hôtes face à l'accroissement des crimes et de l'insécurité occasionnés par l'afflux de réfugiés. Dans le contexte de la présence d'éléments armés dans les camps de réfugiés, il a également posé la question de la protection des réfugiés dans les camps eux-mêmes, et de la différenciation dans l'assistance prodiguée entre les réfugiés de bonne foi et les éléments armés.
M. ALAIN DEJAMMET (France) a rappelé que la situation que connaît un membre du personnel français du HCR souligne la gravité du problème de la protection de l'aide humanitaire. Dans cet esprit, le représentant a évoqué la situation au Kosovo et a demandé à Mme Ogata si les arrangements qui sont en train de se mettre en place pour la protection des agents humanitaires internationaux lui paraissent convenables. Dans la région des Grands Lacs, il a estimé que la protection de l'aide humanitaire est vitale. Il a demandé quel jugement porte Mme Ogata après que le Conseil de sécurité ait renoncé au déploiement d'une force multinationale au Kivu. Quel est le sentiment de Mme Ogata sur la situation humanitaire dans la région du Kivu et comment le HCR pourra-t-il manifester sa présence dans cette région, sous quelle forme et avec quelle protection? Evoquant la situation en Guinée-Conakry ou en Tanzanie, il a demandé à Mme Ogata jusqu'à quel point l'action du HCR n'est pas un alibi à l'incapacité du Conseil de sécurité d'essayer de régler les problèmes de fond. Considérez-vous que ce n'est pas le rôle du HCR de jouer le rôle politique que certains vous assignent parfois. Le représentant a demandé si les plans d'intervention d'urgence en cas d'afflux massifs de réfugiés, notamment au Moyen-Orient, sont toujours d'actualité.
M. DENIS D. REWAKA (Gabon) a rendu hommage au travail de Mme Ogata et de son équipe et l'assurée Mme Ogata de l'appui sans réserve du Gouvernement gabonais. Evoquant la situation particulière des conflits en Afrique, M. Rewaka est revenu sur les travaux du Conseil à ce sujet et a notamment évoqué la résolution concernant la protection des réfugiés dans les camps, que le Conseil devrait bientôt adopter.
Le représentant a demandé à Mme Ogata où en est le projet d'une réunion internationale sur la question des réfugiés, du type de celles qui ont été organisées en 1991 en Amérique centrale et en 1996 dans la Communauté des Etats indépendants. Il a voulu savoir quelles genres de difficultés rencontre Mme Ogata pour organiser un tel rendez-vous. Revenant sur la situation en Afrique, le représentant a fait observer que la plupart des mouvements de réfugiés sont causés par des conflits internes. Il a suggéré la tenue d'une conférence régionale pour évoquer cette question spécifique des réfugiés, par exemple dans la région des Grands Lacs.
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Mme OGATA, répondant aux questions des représentants, a expliqué que les modalités de l'intervention militaire incombent au Conseil de sécurité auquel elle a demandé de penser aux conséquences humanitaires des différents modes d'interventions muilitaires. Il y a toujours eu des conséquences sur les populations de réfugiés lors d'une intervention militaire. Mme Ogata a souligné l'importance de l'action préventive et notamment des activités visant à séparer dans les camps, les combattants des personnes civiles. Sur la question de savoir pourquoi le HCR n'avait pas adopté de mesures plus novatrices, Mme Ogata a fait part des mesures innovantes au Costa Rica visant le retour des réfugiés. Au Soudan et en Afghanistan, où des situations de conflit perdurent depuis des dizaines d'années, il faut faire plus et notamment, dans le domaine de l'approche globale et des mécanismes de réserve. Pour ce qui est du Kivu, elle a évoqué l'envoi d'une mission récente dirigée par le Coordonnateur des affaires humanitaires. Il est incontestable qu'il existe des dizaines de milliers de personnes déplacées qui pourraient se transformer en réfugiés si on leur permettait de traverser les frontières. Mme Ogata a évoqué les difficultés d'accès dans cette région. La non- intervention du Conseil de sécurité au Kivu a été une grande déception dans la mesure où nous aurions pu épargner de nombreuses vies humaines. Aujourd'hui en République démocratique du Congo et dans la Région des Grands Lacs, la priorité est d'aider les gens à survivre et à vivre.
Je ne pourrais pas personnellement jouer un rôle politique, a dit Mme Ogata, mais au moins, je peux attirer votre attention sur ces questions. Il existe d'autres agences humanitaires mais le HCR peut attirer l'attention sur la fragilité de la paix. Soulignant l'importance des Conférences régionales pour la paix et la sécurité, tenues par le HCR, Mme Ogata a évoqué la conférence de Kampala qui a donné lieu à des accords sur les questions de la protection des réfugiés et de l'aide économique aux pays. Il s'agit alors de se demander quelles activités de reconstruction après les conflits nous pouvons mettre en oeuvre. Aujourd'hui après un conflit, nous avons une zone vague qui ne correspond ni à la paix, ni à la guerre, d'où la nécessité de mettre en oeuvre des mesures coordonnées d'assistance pour le développement. Comment traiter les situations après les conflits, telle est la question. Pour ce qui est de l'amnistie, Mme Ogata a souligné que les criminels de guerre doivent être jugés mais que l'amnistie pourrait être utile pour, par exemple, les déserteurs qui ne sont pas des criminels de guerre. Pour ce qui est du mécanisme tripartite en Tanzanie et au Burundi, elle a fait part de son utilité tout en se demandant s'il pourrait vraiment se transformer en un mécanisme véritable de rapatriement des réfugiés. En Tanzanie, Mme Ogata a expliqué que le HCR a mis en place des arrangements de sécurité dans les camps de réfugiés. Pour ce qui est du Kosovo, elle a expliqué que la plus grande partie des civils sont retournés dans leurs foyers mais qu'il reste 20 000 maisons à reconstruire.
Mme Ogata a également évoqué le problème de la présence de mines terrestres en Bosnie. Toujours dans cette même région, Mme Ogata a exprimé le souhait de voir un grand nombre de réfugiés rentrer chez eux durant l'année 1999 et demandé le soutien de la communauté internationale pour atteindre
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l'objectif fixé: le retour dans leurs foyers de 120 000 personnes. Elle rappelé que cela demandait de gros efforts de la part des administrations sur place, des gouvernements et de la population, et souligné que rien ne pouvait être imposé aux réfugiés. "On ne peut pas leur dire simplement: rentrez chez vous ", a-t-elle déclaré. Revenant sur la question de sécurité des personnels humanitaires, Mme Ogata a souligné que ces derniers doivent être protégés par des conventions et des résolutions mais aussi et surtout sur le terrain, où ils doivent souvent assurer eux-mêmes leur sécurité. Ils essaient de négocier sur place avec les autorités locales en prenant les problèmes un par un; c'est ainsi que les membres du HCR ont travaillé dans l'ex-Zaïre ou encore au Kosovo. Mme Ogata a souhaité que la Convention sur la sécurité des personnels humanitaires soit rapidement ratifiée par tous les gouvernements. Elle attend également d'autres résolutions fortes sur cette question. Rappelant que le personnel humanitaire déplore plus de victimes que les militaires sur le terrain, Mme Ogata a demandé au Conseil d'examiner ce problème en priorité.
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