En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/6732

EN 50 ANNEES, LES OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX DES NATIONS UNIES ONT OUVERT LA VOIE À LA PAIX

7 octobre 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6732
PKO/74


EN 50 ANNEES, LES OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX DES NATIONS UNIES ONT OUVERT LA VOIE À LA PAIX

19981007 Les soldats de la paix des Nations Unies ont sauvé des dizaines de milliers de vies humaines

On trouvera ci-après le texte du discours prononcé le 6 octobre 1998 par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, lors de la réunion commémorative extraordinaire de l'Assemblée générale, tenue aujourd'hui pour célébrer le cinquantième anniversaire des opérations de maintien de la paix des Nations Unies :

J'ai le grand honneur aujourd'hui de commémorer avec vous le cinquantième anniversaire des opérations de maintien de la paix des Nations Unies — le 0cinquantième anniversaire de l'année où des soldats ont été envoyés sur le champ de bataille sous un nouveau drapeau, chargés d'une mission nouvelle, une mission de paix.

Il n'est pas exagéré de dire que cette mission était sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Il y avait là une tentative de confronter et d'avoir raison du pire chez l'homme par le meilleur chez l'homme, de contrer la violence par la tolérance, la puissance par la modération, la guerre par la paix.

Cette mission a mérité sa place dans l'histoire car elle constitue le premier exemple de ce qui est désormais connu comme le "maintien de la paix". Depuis lors, incessamment, jour après jour, année après année, les soldats de la paix des Nations Unies ont fait face à la menace et à la réalité du conflit, sans perdre la foi, sans renoncer, sans capituler.

Depuis 1948, l'Organisation des Nations Unies a entrepris 49 opérations de maintien de la paix dont 36 depuis 1988, année au cours de laquelle les opérations de maintien de la paix des Nations Unies ont reçu le prix Nobel de la paix. Plus de 750 000 soldats et policiers civils, ainsi que des milliers d'autres civils, venant de 118 pays différents, ont servi au titre des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Quatorze mille soldats de la paix sont en activité en ce jour même.

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Aucun chiffre toutefois ne saurait rendre compte de l'ultime sacrifice qu'ont fait plus de 1 500 soldats de la paix au cours de ce demi-siècle. Aujourd'hui, nous rendons avant tout hommage à la bravoure des "Casques bleus" qui ont donné leur vie à la cause de la paix. C'est à leur sacrifice, à leur dévouement, à leur héroïsme, que nous devons les succès que nous avons pu remporter.

C'est donc pour moi un honneur particulier que de vous annoncer que, tout à l'heure, je remettrai à trois de nos soldats de la paix ainsi tombés au champ d'honneur, en présence de leur famille, une nouvelle médaille qui porte le nom d'un des leurs, le Secrétaire général Dag Hammarskjöld.

L'Organisation des Nations Unies, forgée des batailles de deux guerres mondiales, a été consacrée au premier chef à la poursuite de la paix et, dans les termes mêmes de la Charte, que le temps ne saurait effacer, à préserver "les générations futures du fléau de la guerre". À l'évidence, le maintien de la paix s'inscrit sans ambiguïté dans l'esprit de cet engagement. Pourtant, vous chercherez en vain dans la Charte une disposition qui s'applique précisément à ces opérations.

Depuis le début, le "maintien de la paix" a été une improvisation. À mon sens, c'est là un de ses grands mérites. Par les opérations de maintien de la paix, l'Organisation des Nations Unies a prouvé, et continue de prouver, qu'elle n'est pas une organisation statique aux vues bornées, mais qu'elle est dynamique et novatrice. Le "maintien de la paix" a d'ailleurs été l'une des nombreuses activités au travers desquelles notre Organisation a montré qu'elle était capable de s'adapter aux circonstances, de contourner les obstacles, et de se montrer à la hauteur de l'actualité des problèmes auxquels elle devait faire face.

Non que les opérations de maintien de la paix des Nations Unies — des patrouilles de zones tampons bien délimitées et des lignes de cessez-le-feu aux opérations infiniment plus complexes et multidimensionnelles des années 90 — se soient déroulées sans heurts ou sans complications.

Bien souvent, ce que nous attendions des soldats de la paix est allé au-delà des ressources que nous leur octroyions. Bien souvent, ce que nous leur avons demandé a cruellement ignoré les réalités du terrain.

Au cours des décennies, nous avons connu des succès indéniables — en Namibie, au Mozambique et en El Salvador. Mais nous nous sommes trouvés aussi dans des situations où nous devions maintenir le calme face à des impasses apparemment insolubles, comme à Chypre et au Moyen-Orient.

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Ailleurs encore — au Rwanda et dans l'ex-Yougoslavie — nous avons dû assister, dans une horreur impuissante, aux crimes indicibles qui s'y commettaient. Là, les limites du maintien de la paix ont été démontrées dans toute leur brutalité; là, nous avons appris la dure leçon que des troupes, ayant pour seul équipement des armées légères, se déplaçant dans des véhicules blancs et protégées de casques bleus, n'étaient pas la solution à tous les conflits. Il arrive que la paix doive être rétablie — ou imposée — avant qu'elle ne puisse être maintenue.

Personne mieux que nous ne connaît nos regrets et la douleur que nous ressentons face à ces calamités : les vies perdues, les villes et les villages brutalement détruits, le tissu même de l'humanité déchiré en lambeaux, alors qu'en des temps et en des circonstances normales, il permet à des hommes et à des femmes de différentes origines ethniques de vivre en paix les uns aux côtés des autres. Quelle que soit notre fierté des succès que nous avons rencontrés, nous devrons toujours tenir présentes à l'esprit ces époques terribles.

Mais cela ne signifie pas que nous devions succomber au fatalisme de ceux qui préfèrent rester chez eux alors que le conflit fait rage et que d'autres êtres humains souffrent au loin. C'est là la réponse du cynique et la solution du couard. Ce n'est pas la nôtre.

Nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour crier victoire. Nous ne saurions affirmer que le maintien de la paix a été la réponse à tous les conflits et encore moins, hélas, qu'il a prévenu de nouveaux génocides. Mais ce que nous pouvons revendiquer, et ce que nous revendiquons avec fierté, c'est le fait que dans son demi-siècle d'existence, les "Casques bleus" de l'Organisation des Nations Unies ont sauvé des dizaines de milliers de vies humaines.

Récemment, la tendance semble inversée et les opérations de maintien de la paix des Nations Unies ne bénéficient pas du même appui que par le passé. Mais il ne fait aucun doute pour moi que l'histoire verra dans ces opérations l'une des contributions les plus importantes et les plus durables à la paix et la sécurité internationales.

La mission de maintien de la paix des Nations Unies doit se poursuivre. Il reste trop à faire, trop d'innocents meurent chaque jour, pour que nous puissions abandonner la partie maintenant. La promesse du maintien de la paix, après tout, n'a jamais été de mettre fin à la guerre. Il ne faut pas confondre la maintien de la paix avec le rétablissement de la paix. En maintenant la paix, on peut empêcher, ou tout au moins retarder l'éclatement d'un conflit.

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Les opérations de maintien de la paix peuvent même servir, comme nous l'avons vu dans le cas de l'ex-République yougoslave de Macédoine, a empêcher un conflit d'éclater. Par dessus tout, elles donnent du temps et une marge de manoeuvre pour régler le conflit, elles donnent une chance à la paix. Si cette chance n'est pas saisie, ce ne sont pas sur les soldats de la paix qu'il faut faire tomber le blâme.

Les paroles d'Isaïe — "De leurs glaives ils forgeront des hoyaux, et de leurs lances des serpes; une nation ne tirera plus l'épée contre une autre, et l'on n'apprendra plus la guerre" — ne seront jamais qu'un idéal vers lequel tendra l'humanité. Si, alors que nous servons l'Organisation en tant que soldats de la paix, nous pouvons contribuer à ce que cet idéal devienne une réalité plus qu'une chimère, à ce qu'il soit plus proche que lointain, à ce qu'il permette de protéger l'innocent plutôt que d'enhardir le coupable, nous aurons rempli notre rôle.

S'il appartient aux peuples et aux parties de vouloir la paix, c'est nous, les Nations Unies, qui pouvons aider à frayer le chemin qui mène à la paix. C'est ce nous avons fait depuis 50 ans; je ne doute pas que nous puissions continuer à le faire dans le siècle à venir.

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