En cours au Siège de l'ONU

DSG/SM/19

LA DEFENSE DES DROITS DE L'HOMME EST L'AFFAIRE DE TOUS PARTOUT DANS LE MONDE

6 octobre 1998


Communiqué de Presse
DSG/SM/19


LA DEFENSE DES DROITS DE L'HOMME EST L'AFFAIRE DE TOUS PARTOUT DANS LE MONDE

19981006 On trouvera ci-après le texte du discours prononcé le 1er octobre, à New York, par la Vice-Secrétaire générale de l'ONU, Madame Louise Fréchette, devant le vingtième Forum annuel de l'Action mondiale des parlementaires réuni en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies autour du thème "La défense de la dignité de la personne humaine : savoir concilier la paix et la justice" :

Je suis très honorée d'être parmi vous aujourd'hui pour ouvrir cette réunion que vous allez consacrer à un sujet important et ô combien d'actualité. Rarement, sinon jamais dans l'histoire de la coopération internationale, avons-nous tenu une telle occasion de créer un monde dans lequel les intérêts de la paix et ceux de la justice ne seront plus considérés comme contradictoires. Car la communauté internationale a franchi deux étapes importantes dans les deux mois et demi qui viennent de s'écouler, et cela l'année même où nous nous préparons à célébrer le cinquantième anniversaire d'un autre événement historique, à savoir la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Il y a un mois, le Tribunal pénal international pour le Rwanda à Arusha a prononcé le premier verdict jamais rendu par une cour internationale dans une affaire de génocide. Cette décision, qui fera jurisprudence, concerne l'un des épisodes les plus sombres de cette fin de siècle. Mais elle représente aussi l'un de nos plus beaux espoirs pour le prochain millénaire. Car même s'ils ne sont pas encore achevés, les travaux des deux tribunaux internationaux des Nations Unies, pour le Rwanda et pour l'ex-Yougoslavie, marquent un jalon dans le combat engagé de longue date pour mettre un terme à cette "culture de l'impunité" dans laquelle il est plus facile d'amener devant la justice les auteurs de meurtres isolés que des criminels responsables de la mort de 100 000 ersonnes.

Ces travaux marquent aussi un jalon dans l'effort que nous déployons pour prouver que la communauté internationale dispose désormais de moyens de riposte face à des crimes d'une telle ampleur qu'ils sont à juste titre qualifiés de "crimes contre l'humanité". On peut dire que le verdict d'Arusha constitue une nouvelle avancée sur la voie ouverte à Rome le 17 juillet dernier avec l'adoption du Statut de la Cour pénale internationale.

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Comme vous le savez, parvenir jusqu'à Rome n'a pas été chose facile. Il a fallu concilier des législations et procédures pénales nationales divergentes et parfois diamétralement opposées. Il a fallu rassurer les petits États, qui craignaient que les grandes puissances ne profitent du Statut pour empiéter sur leur souveraineté. Il a fallu convaincre certains pays que l'action de la justice n'entraverait pas le nécessaire travail d'édification de la paix. Mais une fois que la conférence a été convoquée, les diplomates et les juristes de 160 États ont travaillé jour et nuit pendant cinq semaines à la rédaction du Statut.

La participation de la société civile — à commencer par celle de parlementaires tels que vous-mêmes — a été en la matière un facteur décisif. En prévision de la conférence de Rome, la Coalition des ONG pour la Cour pénale internationale avait mobilisé des centaines d'ONG et de spécialistes du droit international en vue d'élaborer des stratégies et de mener une action de sensibilisation. Plus de 200 organisations non gouvernementales ont pris part à la conférence — une participation sans précédent de la société civile à une conférence consacrée à la définition de règles de droit.

Certes, beaucoup auraient souhaité que la Cour ait des compétences encore plus étendues, mais ce qui s'est passé à Rome représente tout de même un gigantesque pas en avant. La prochaine étape sera de créer une commission qui proposera les modalités d'entrée en vigueur du Statut et de mise en place de la Cour. Cette commission étudiera des questions importantes telles que les règles de procédure et les moyens de preuve, le règlement de la Cour, les définitions et les qualifications relatives aux crimes d'agression, de terrorisme et de trafic de drogue — autant de considérations primordiales dont dépendent l'application et la mise en oeuvre concrètes du Statut. Qu'ils aient ou non signé le Statut, tous les États peuvent participer aux travaux de la commission préparatoire et concourir ainsi à la formulation de ces règles fondamentales.

La Cour ne risque-t-elle pas d'être instrumentalisée pour infléchir ou saboter des processus politiques ou pour mettre en cause des forces de maintien de la paix, disent certains. Et son existence même n'est-elle pas contraire aux principes fondamentaux du droit international?

Nous devons continuer à rassurer tous ceux qui se posent ce genre de questions. Expliquer par exemple qu'en vertu du Statut les juges et le procureur seront des magistrats chevronnés jouissant de la plus haute considération morale et possédant de solides compétences en matière de droit et de procédure pénale ou dans des domaines pertinents du droit international.

Là encore, le ton du jugement prononcé à Arusha le mois dernier devrait calmer les inquiétudes. Je cite : "Malgré l'incontestable atrocité des crimes commis et l'émotion que ces crimes ont provoquée dans la communauté internationale, les juges ont examiné les faits rapportés en toute sérénité, et sans jamais oublier que l'accusé était présumé innocent."

- 3 - DSG/SM/19 6 octobre 1998

Les juges de la Cour pénale internationale seront choisis par vote à bulletin secret par l'assemblée de tous les États ayant signé et ratifié le Statut — il faut au moins 60 signatures pour que la Cour puisse être instituée. Certains États craignent que les juges ou le procureur de la Cour fassent preuve de malveillance, de légèreté ou de partialité. Raison de plus pour signer et ratifier le Statut et pour encourager les autres États réticents à faire de même.

Mais il reste encore beaucoup d'appréhensions. Le juge Richard Goldstone, qui a joué le rôle déterminant que l'on sait dans la transition historique de l'Afrique du Sud et a été le premier procureur des deux tribunaux internationaux des Nations Unies, est je crois particulièrement bien placé pour les dissiper. Il a signé dans le Time un article — percutant comme toujours — dans lequel il souligne que "la rigueur des procédures et les exigences qui présideront au choix du procureur et des juges feront efficacement rempart aux conduites irresponsables". "Si le procureur ou un juge de la Cour devait avoir un comportement partisan ou incompatible à quelque égard que ce soit avec les règles de sa profession, ce serait la mort de l'institution", ajoute-t-il, car "peu de nations toléreraient qu'une instance judiciaire internationale poursuive des ressortissants de tel ou tel pays tiers pour des motifs politiques ou malveillants".

Nous pouvons aujourd'hui faire un pas de géant sur la voie du respect des droits de l'homme et de l'état de droit. Il s'agit maintenant d'encourager les États à ratifier et appliquer le Statut, qui restera ouvert à la signature jusqu'au 31 décembre de l'an 2000. Nous espérons de toutes nos forces que d'ici là la grande majorité des États Membres l'auront signé et ratifié, donnant ainsi à la Cour une légitimité incontestable et une compétence aussi large que possible.

L'avenir de la Cour est en grande partie entre vos mains. Le succès remporté à Rome est tout aussi bien une victoire pour la société civile. Il démontre qu'avec les progrès des nouvelles technologies de l'information, notamment le courrier électronique et l'Internet, les acteurs de la société civile sont devenus partout dans le monde les gardiens de la démocratie, de la bonne conduite des affaires publiques et de la justice. Les oppresseurs ne peuvent plus se mettre à l'abri derrière des frontières. Ils seront partout débusqués par une vigoureuse société civile liée par-delà toutes les frontières grâce aux moyens de communication modernes.

En ce sens, la société civile est devenue une nouvelle superpuissance — celle des peuples résolus à promouvoir de meilleures conditions de vie dans des sociétés plus libres.

- 4 - DSG/SM/19 6 octobre 1998

La forte présence de la société civile à la conférence de Rome nous a effectivement rappelé une fois de plus que, bien que l'ONU soit une association d'États souverains, les droits qu'elle a pour mission de protéger et de promouvoir appartiennent à l'ensemble de l'humanité. Il s'ensuit que les hommes et les femmes du monde entier doivent contribuer à la défense de l'idéal des droits de l'homme. C'est leur voix qui nous a conduits à Rome. Cette voix des peuples est une promesse et un gage d'espoir pour les générations à venir. Et je sais que vous tous qui êtes ici aujourd'hui, vous ferez tout votre possible pour qu'elle continue d'être entendue.

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