NGO/307

LES PARTICIPANTS PLAIDENT EN FAVEUR DU RESPECT EQUILIBRE DE TOUS LES DROITS DE L'HOMME, CIVILS, POLITIQUES, ECONOMIQUES ET SOCIAUX

14 septembre 1998


Communiqué de Presse
NGO/307
PI/1080


LES PARTICIPANTS PLAIDENT EN FAVEUR DU RESPECT EQUILIBRE DE TOUS LES DROITS DE L'HOMME, CIVILS, POLITIQUES, ECONOMIQUES ET SOCIAUX

19980914 Ils préconisent le consensus plutôt que la confrontation pour réaliser l'universalité des droits

Les participants à la 51ème Conférence annuelle du Département de l'information et des organisations non gouvernementales (ONG) ont tenu cet après-midi deux tables rondes sur les thèmes suivants : "Vue d'ensemble de la question des droits de l'homme" et "L'universalité des droits de l'homme".

Lors de la première table ronde, les participants ont constaté que les droits économiques et sociaux avaient jusqu'à présent reçu moins d'attention que les droits civils et politiques de la part de la communauté internationale. Ils ont jugé fondamental de régler ce déséquilibre. Dans cette optique et évoquant le contexte de la mondialisation, M. Gérald Le Melle, Directeur exécutif adjoint d'Amnesty International Etats-Unis, a fait remarquer que la généralisation des privatisations pose désormais le problème de la responsabilité du secteur privé en ce qui concerne le respect de ces droits. Soulignant le fait qu'un grand nombre d'éléments de la Déclaration universelle des droits de l'homme n'ont pas encore été réalisés et que l'on est encore loin de la ratification universelle des instruments relatifs aux droits de l'homme, Mme Elizabeth Evatt, experte australienne du Comité des droits de l'homme de l'ONU a, pour sa part, invité la communauté internationale à réfléchir à la création d'un tribunal mondial des droits de l'homme.

Outre M. Le Melle et Mme Evatt, ont participé à ce débat qui était animé par M. Robert Van Lierop, ex-Représentant permanent de Vanuatu aux Nations Unies : Mme Marjorie Newman-Williams, Directrice adjointe de la Division des programmes du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF); Mme Elsa Stamatopoulou-Robbins, Directrice adjointe du Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme; et M. Michaël Cooper, Directeur du Bureau des droits de l'homme de la Fondation Franklin et Eleanor Roosevelt.

(à suivre - 1a)

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Les participants à la table ronde consacrée à l'universalité des droits de l'homme, ont plaidé en faveur du consensus plutôt que la confrontation sur les questions relatives aux droits de l'homme. L'universalité des droits de l'homme ne signifie pas pour autant leur uniformité, a souligné M. Shashi Tharoor, Directeur de la communication, Bureau exécutif du Secrétaire général adjoint. Mais le respect des diversités culturelles ne doit pas déboucher sur l'acceptation de pratiques coercitives. M. Yasushi Akashi, ancien Secrétaire général adjoint de l'ONU, a estimé, pour sa part, qu'en cas de violations sérieuses et répétées des droits de l'homme, il fallait parfois renoncer au principe de non ingérence, car ces situations provoquent généralement des crises humanitaires graves qui requièrent une intervention de la communauté internationale.

Ont également participé à ce débat qui était animé par M. Engelbert Theuermann, Conseiller à la mission permanente de l'Autriche auprès de l'ONU : Mme Barbara Crossette, Chef du bureau du "New York Times" aux Nations Unies et Mme Joanna Weschler, Représentante principale de Human Rights Watch auprès de l'ONU.

Demain mardi à partir de 10H00, les participants examineront l'impact de la mondialisation sur les droits de l'homme. Dans ce cadre, les thèmes du développement économique et des problèmes transfrontières seront abordés. L'après-midi sera consacré à la santé et au développement durable, et à l'édification des institutions : renforcement de la capacité de protection des droits de l'homme.

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VUE D'ENSEMBLE DE LA QUESTION DES DROITS DE L'HOMME

Présentations

Mme ELIZABETH EVATT, experte de l'Australie au Comité des droits de l'homme de l'ONU, a rappelé les quatre grandes libertés qui sont au coeur de la Déclaration universelle des droits de l'homme : la liberté d'expression qui est à la base même de tout le système démocratique; la liberté de religion qui implique la tolérance, une société où la diversité est reconnue; la liberté par rapport aux besoins fondamentaux qui implique le partage des richesses et l'égalité d'accès à la santé et aux services; et la liberté à l'égard de la crainte, c'est-à-dire un monde où règne la liberté pour tous, sans discrimination. Les droits inscrits dans la Déclaration sont des droits intrinsèques qui appartiennent à chacun d'entre nous par le simple fait que nous sommes des humains, a-t-elle affirmé. Ces droits sont complets et indivisibles, traitant de tous les aspects de la personnalité. Ils sont universels car ils ne dépendent pas d'un système juridique particulier mais transcendent toutes les différences, bien qu'il y ait des opinions divergentes à ce sujet. La Déclaration constitue le fondement de tout le système des droits de l'homme de l'ONU.

Un grand nombre d'éléments figurant dans la Déclaration n'ont toutefois pas encore été réalisés. Un grand nombre d'instruments n'ont pas encore été ratifiés par tous les Etats Membres, a déclaré Mme Evatt, en préconisant la création d'un mécanisme efficace pour faire appliquer les droits de l'homme à l'échelle mondiale. Jusqu'à présent, les instruments n'ont pas permis de traiter certains droits de manière satisfaisante, par exemple, les droits des femmes, des populations autochtones, la protection de l'environnement. Lors de la rédaction de la Déclaration, l'Australie avait proposé la création d'un tribunal mondial des droits de l'homme. Il est peut-être temps de se pencher à nouveau sur cette question à la veille du prochain millénaire, a-t-elle conclu.

M. GERALD LE MELLE, Directeur exécutif adjoint d'Amnesty International Etats-Unis, a fait observer que l'évolution du droit international a vu la séparation de plus en plus marquée des droits civils et politiques des droits économiques et culturels. De toute évidence les droits socio-économiques ont reçu moins d'attention de la part de la communauté internationale. Aujourd'hui, il semble que certains progrès puissent être atteints. Pour Amnesty International, il est aujourd'hui devenu fondamental de régler ce déséquilibre, surtout lorsque des Etats ne sont plus en mesure de protéger leurs citoyens des dommages de la mondialisation.

Amnesty International a décidé récemment de pleinement se lancer dans la lutte en faveur de tous les droits de l'homme et non plus seulement des droits civils et politiques. Cela suppose de ne pas seulement porter l'attention sur les actions des gouvernements et de tenir compte du pouvoir croissant des

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corporations et entreprises. Ces dernières doivent elles aussi respecter les normes fondamentales en matière de droits de l'homme. Les institutions financières internationales ont de leur côté un rôle fondamental à jouer pour veiller à ce que les programmes d'ajustement structurel ne contreviennent pas aux droits sociaux et économiques des personnes. La tendance actuelle à la privatisation d'un nombre croissant de secteurs et d'activités pose la question de la responsabilisation du secteur privé face aux droits de l'homme. M. Le Melle a pris pour exemple le cas des prisons aux Etats-Unis dont la gestion est désormais laissée à des entreprises privées, posant ainsi le problème de la responsabilisation en matière de respect des droits des individus incarcérés.

Mme MARJORIE NEWMAN-WILLIAMS, Directrice adjointe de la Division des programmes du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), a rappelé qu'en 1979, lors de la première proposition relative aux droits de l'enfant, l'UNICEF avait été entraîné de force dans le processus de rédaction de la Convention qui a ensuite été adoptée. Cette réticence s'expliquait par le constat que le processus normatif suivait une voie différente des activités opérationnelles. L'UNICEF ne voyait donc pas quelle serait sa contribution à cette Convention. Les ONG ont poussé le Fonds à participer et l'on s'est rendu compte que cette participation pouvait contribuer à régler certains problèmes. La Convention relative aux droits de l'enfant est devenue un véritable jalon dans l'histoire des droits de l'homme.

Le cadre normatif et l'action constituent en effet les deux revers de la médaille. On a compris que l'on a besoin du droit pour pouvoir définir les politiques. Viennent ensuite les décisions financières relatives à la mise en oeuvre des politiques. Pour l'UNICEF, il est important que toute action se fasse en partenariat avec les divers acteurs concernés, dont les familles et les enfants. A titre d'exemple, Mme Newman-Williams a cité les mesures prises par l'UNICEF pour lutter contre la mortalité maternelle. Outre l'accès des femmes à des soins de santé adéquats, le Fonds s'efforce de sensibiliser les hommes et les gouvernements à cette question. L'UNICEF travaille avec ses partenaires dans le cadre du Programme-cadre des Nations Unies pour le développement (UNDAF) et veille à intégrer la dimension des droits de l'homme dans toutes ses activités, a-t-elle souligné.

Mme ELSA STAMATOPOULOU-ROBBINS, Directrice adjointe du Bureau de New York du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, s'est félicitée de l'adoption récente à la Commission des droits de l'homme de Genève de la déclaration sur les droits des défenseurs des droits de l'homme, qui ne doit plus être adoptée que par l'Assemblée générale. Elle a estimé qu'il faut faire preuve de modestie lors de l'évaluation des progrès en matière de droits de l'homme, car ceux-ci ne sont souvent que peu spectaculaires.

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Le traitement des droits de l'homme au sein des Nations Unies a permis de dépolitiser de facto la question. Après l'adoption de la Déclaration universelle, l'ONU a dû se consacrer à l'élaboration des instruments internationaux contraignants. Ce faisant, le fossé idéologique entre les droits civils et politiques et les droits sociaux et économiques n'a pas pu être évité, en raison de la polarisation du monde pendant toute la période de la guerre froide. Avec la fin de la guerre froide, un mécanisme objectif de surveillance des traités est à même de fonctionner. Pour ce qui est du reste de l'action, les ONG ont vu leur rôle croître grâce à l'octroi par les Nations Unies d'un statut consultatif.

L'ONU a renforcé ses activités en faveur des droits de l'homme. Ainsi au cours des dernières années, le Conseil de sécurité a commencé à reconnaître ses responsabilités à l'égard de la protection des droits de l'homme. Le Bureau du Haut Commissaire a, quant à lui, accru ses activités d'assistance technique au niveau national. Mme Stamatopoulou-Robbins a rappelé qu'il demeure cependant un certain nombre de défis à relever y compris notamment l'intégration complète des droits des femmes aux droits de l'homme; l'intégration des droits de l'homme dans la paix et la sécurité internationales; la responsabilisation des acteurs privés en ce climat de mondialisation; ainsi que la mobilisation continuelle de la société civile, avec notamment la multiplication de centres des droits de l'homme dans chaque pays.

M. MICHAEL COOPER, Directeur du Bureau des droits de l'homme de la Fondation Franklin et Eleanor Roosevelt, a estimé que le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme offrait l'occasion d'évaluer ce qui a été réalisé et de se tourner vers l'avenir. Eleanor Roosevelt qui présidait la Commission des droits de l'homme a réussi à faire mettre de côté toutes les différences économiques, culturelles, politiques pour arriver à un texte accepté par tous. Parmi les victoires dans le domaine des droits de l'homme, il a cité le fait que les violations de ces droits font aujourd'hui la une des journaux. En outre, dans plus de 80 pays, la Déclaration des droits de l'homme est mentionnée dans la Constitution. M. Cooper a aussi relevé le professionnalisme des mandats dans le domaine des droits de l'homme, la prise de conscience des médias. Il a souligné l'importance de la solidarité avec l'émergence du droit au développement. Le développement de la démocratie et le respect des droits de l'homme se complètent mutuellement. Le consensus qui voit le jour sur ces diverses questions constitue également une victoire. Parmi les objectifs futurs, il a estimé qu'il fallait parvenir à une unité d'objectif et d'action. Il faut réaliser l'unité entre les principes, les normes internationales, et la vie quotidienne des gens, établir une certaine unité d'objectifs pour que les droits de l'homme deviennent unifiés institutionnellement et dans les esprits. Il importe en outre de développer une unité d'action et de favoriser

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l'interaction entre les organisations internationales et les mouvements au niveau des pays. Dans le mouvement en faveur des droits de l'homme, il y a trois étapes. Il y a eu la rédaction, ensuite la codification. Il s'agit maintenant de passer à la réalisation des droits de l'homme. Le destin des droits de l'homme est entre les mains de tous les citoyens et de toutes les communautés, a conclu M. Cooper.

Echange de vues

A la question d'un représentant d'ONG sur les droits des homosexuels et autres cas semblables, Mme Newman-Williams de l'UNICEF et M. Le Melle d'Amnesty International ont répondu qu'il n'y a pas de débat sur ce point dans la mesure où ces droits s'inscrivent dans le cadre de la non-discrimination entre les individus clairement inscrite dans la Déclaration. En réponse à une question sur la démocratie, M. Le Melle d'Amnesty International a expliqué que l'effort le plus important doit porter sur la nécessité de faire respecter universellement les droits reconnus au niveau international et non sur l'instauration de la démocratie contre l'autocratie. Une participante a demandé si les organisations présentes à la tribune ont des représentants jeunes en leur sein. Pour sa part, la représentante de l'UNICEF a expliqué que s'il est difficile de trouver des jeunes au sein de son Conseil d'administration, formé par les gouvernements, le Fonds s'efforce de renforcer le dialogue avec la jeunesse par d'autres moyens, notamment les nouvelles technologies de communication.

UNIVERSALITE DES DROITS DE L'HOMME

Présentations

M. SHASHI THAROOR, Directeur de la communication et membre du Bureau exécutif du Secrétaire général des Nations Unies, a déclaré que le thème de l'universalité des droits de l'homme pose plusieurs questions intéressantes et peut parfois apparaître comme un thème du monde occidental ne tenant pas compte des réalités du monde moins privilégié. Il existe plusieurs positions quant à l'universalité des droits de l'homme. Par exemple, à l'objection philosophique, selon laquelle le droit de la société prime sur celui de l'individu, s'ajoute l'objection culturelle par laquelle certaines sociétés n'attachent pas la même importance aux droits de l'homme. Il existe également une objection géopolitique issue de la période coloniale et du partage nord/sud de la planète, selon laquelle les droits de l'homme sont un argument créé par les puissances occidentales.

De nombreuses personnes se demandent aussi que faire des droits émanant typiquement du droit occidental, comme c'est principalement le cas pour les droits des femmes. Cette dernière réflexion mène à l'argument religieux contre l'universalité des droits de l'homme, dont la reconnaissance reviendrait à accepter un compromis sur les principes fondateurs de ces religions, a expliqué M. Tharoor. Un dernier argument contre l'universalité

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des droits de l'homme est que pour certains les droits de l'homme sont la préoccupation des Occidentaux vivant dans les pays en développement et ne concernent donc pas les individus situés en bas de l'échelle.

En réponse à ces arguments, il est facile de mettre en avant un certain nombre de points communs à toutes les sociétés. Il est d'ailleurs significatif que la Déclaration et les principes des droits de l'homme aient été largement adoptés et ratifiés par les pays en développement, a fait observer M. Tharoor, ajoutant qu'il existe également une opposition fausse entre la protection de l'individu et la protection de la société. Si les groupes peuvent exercer leurs droits, les individus doivent de leur côté pouvoir exercer les leurs. On ne peut pas défendre les principes d'un Etat- nation moderne en continuant à défendre cette opposition, fondée sur un mode de vie tribal.

Pour ce qui est de l'objection à l'encontre des différents droits provenant de l'éthique européenne, il importe avant tout de demander leur opinion aux personnes qui se voient dénier ces droits, a estimé le Directeur de la communication, expliquant que de fait, lorsqu'il y a coercition, il y a non-respect des droits de l'homme, et ce quelle que soit leur provenance. Si la tolérance et la pitié ont toujours et dans toutes les cultures été les idéaux d'une bonne gouvernance, le problème est que l'oppression a trop souvent été utilisée par les dirigeants pour conserver leur pouvoir.

M. Tharoor a ensuite fait observer que lorsque l'on parle d'universalité, on ne parle pas pour autant d'uniformité. Il faut en fait faire des droits de l'homme une réalité en les appliquant et en les intégrant aux systèmes politiques et juridiques de chaque pays, en un processus d'"indigénisation" en quelque sorte, a conclu M. Tharoor.

Mme BARBARA CROSSETTE, Chef du Bureau du "New York Times" aux Nations Unies, a expliqué que les journalistes et les groupes de défense des droits de l'homme, en particulier les ONG locales, travaillent souvent ensemble sur le terrain. Toutefois, chacun travaille sur des bases différentes. Selon elle, il est quasi impossible de parvenir à l'universalité complète dans la présentation des droits de l'homme. Ainsi, des alliances bizarres entre pays permettent que certaines questions ne soient pas traitées au niveau international. Sur le terrain, les problèmes ethniques, la religion et de nombreux autres éléments influencent la manière dont les questions relatives aux droits de l'homme sont abordées. On ne peut pas complètement exclure l'aspect culturel. Il est donc important de favoriser le consensus plutôt que la confrontation. Les réactions du public peuvent également être différentes, en fonction de la perception qu'il a d'une situation. Mme Crossette a souligné le fait que l'information ne vient pas toujours par voie directe, en particulier dans certaines situations de tension ou de conflit, ce qui peut poser des problèmes. C'est pourquoi, les journalistes ont appris à faire

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confiance aux ONG qui travaillent sur le terrain et qui dénoncent ce qui ne va pas dans telle ou telle partie du monde. La vision de ces organisations est généralement équilibrée, bien que tout le monde ne soit pas d'accord sur ce point, a-t-elle souligné.

Mme JOANNA WESCHLER, Représentante principale de Human Rights Watch, a déclaré qu'il ne faut pas oublier que les défis posés à l'universalité des droits de l'homme viennent de toutes les régions du monde. Alors que les pays occidentaux sont à l'origine du concept d'universalité des droits de l'homme, l'un des plus grands défis posé aujourd'hui dans ce domaine provient de l'un des pères de ce concept, les Etats-Unis, qui se sont récemment trouvés à l'opposé de la majorité des pays notamment sur le Traité bannissant les mines terrestres, sur la création de la Cour pénale internationale et sur l'âge minimum de recrutement dans les forces militaires. On note par ailleurs que ce pays a tendance à minimiser la question des droits de l'homme, lorsque d'importants enjeux commerciaux sont en jeu, a ajouté Mme Weschler.

La ratification d'un traité ou d'une convention relative aux droits de l'homme ne signifie pas que du jour au lendemain la situation de facto va s'améliorer, toutefois elle démontre la reconnaissance par l'Etat de l'universalité de ces droits. Le problème est que les objectifs en matière de ratification sont loin d'être atteints et que de surcroît l'adhésion peut se faire en quelque sorte "à la carte", grâce au droit d'émettre des réserves. Dans ce cas, la ratification est un geste vide de sens, qui correspond davantage au souci de satisfaire à une image, a estimé Mme Weschler, ajoutant qu'une fois encore dans ce domaine, les Etats-Unis jouent un rôle particulièrement négatif. En conclusion, la Représentante d'Human Rights Watch a fait observer qu'il existe cependant une zone d'espoir ainsi qu'en témoigne l'aboutissement récent des longs efforts visant la création de la Cour pénale internationale.

M. YASUSHI AKASHI, ancien Secrétaire général adjoint de l'ONU, a déclaré que le développement et la démocratie sont des valeurs qui peuvent être développées parallèlement. Lors d'une réunion des pays asiatiques à Bangkok avant la Conférence de Vienne sur les droits de l'homme, l'accent a été placé sur l'interdépendance de tous les droits et les participants ont estimé que le droit au développement ne doit pas jouir d'une attention moindre que les droits civils et politiques. Les pays de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) ont décidé l'an dernier de reporter l'adhésion du Cambodge en raison des événements qui s'y sont déroulés. Il y a quelques mois, la Thaïlande et les Philippines, évoquant la situation au Myanmar, ont dit que la politique de non-ingérence devait être revue. En Asie, la démocratie et les droits de l'homme sont donc maintenant considérés comme universels et irréversibles.

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L'affrontement et la confrontation ne sont pas toujours productifs. Lorsque les violations des droits de l'homme sont sérieuses, il faut parfois ignorer le principe de non-ingérence consacré dans la Charte, car leur multiplication provoque des crises humanitaires qui nécessitent une intervention de la communauté internationale. S'il faut se réjouir des progrès réalisés au cours des 50 dernières années, la paix ne pourra toutefois se construire que sur un plus grand respect des droits de l'homme.

Echange de vues

Faisant remarquer que dans de nombreux cas et dans de nombreux pays, des traditions très enracinées ne sont pas nécessairement compatibles avec les droits de l'homme, notamment en ce qui concerne les droits des enfants et des femmes, un intervenant a demandé quel est, dans ce cas, le devoir et l'autorité de la communauté internationale pour faire respecter ces droits. En réponse, M. Tharoor a réaffirmé que certains droits sont fondamentaux et absolument inaliénables. Il est vrai que les droits de l'homme doivent s'appliquer sans deux poids, deux mesures. L'application de normes propres à une culture, si elles sont totalitaires et ne laissent pas le choix aux individus, est inacceptable. Mme Barbara Crossette du New York Times, a expliqué que là où des groupes sont prêts à expliquer la situation, il est bien souvent possible de modifier des pratiques coutumières en les faisant aller davantage dans le sens du respect des droits de l'homme.

Répondant à une question sur les facteurs à la base des conflits ethniques et des violations des droits de l'homme, M. Akashi, ancien Secrétaire général adjoint des Nations Unies, a insisté sur la diversité des causes de ces conflits. Il faut donc éviter de présenter une théorie simpliste. Le plus préoccupant est l'ampleur de la férocité et de l'agressivité qui peut se développer entre des gens vivant autrefois en bon voisinage. Il est important aussi de créer des canaux de communication entre les parties en présence.

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