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SG/SM/6659

LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DIT QUE LA CONFÉRENCE SPÉCIALE DOIT FAIRE EN SORTE QUE LE PROBLÈME DE LA SIERRA LEONE SOIT ABORDÉ DANS UN ESPRIT D'"UNITÉ COLLECTIVE" 1

5 août 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6659
AFR/85


LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DIT QUE LA CONFÉRENCE SPÉCIALE DOIT FAIRE EN SORTE QUE LE PROBLÈME DE LA SIERRA LEONE SOIT ABORDÉ DANS UN ESPRIT D'"UNITÉ COLLECTIVE" 1

19980805 On trouvera ci-après le texte de l'allocution d'ouverture prononcée par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, lors de la Conférence spéciale sur la Sierra Leone qui se tenait le 30 juillet 1998 :

C'est pour moi un très grand plaisir d'accueillir tous les participants à cette Conférence spéciale sur la Sierra Leone. J'ai décidé de convoquer cette Conférence en consultation avec le Gouvernement sierra-léonais et la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), et je suis particulièrement heureux de constater que vous êtes très nombreux à vous être réunis ici pour aider la Sierra Leone à prendre un nouveau départ et lui redonner confiance en un avenir meilleur.

Permettez-moi tout d'abord de dire le plaisir particulier que j'éprouve à voir parmi nous aujourd'hui le Président Kabbah, fier de représenter son pays et de porter tous nos espoirs pour un avenir démocratique, pacifique et prospère pour la Sierra Leone. Et nous avons bien lieu de nous réjouir du retour du Président Kabbah à ses fonctions officielles le 10 mars dernier, retour qui constitue une dénonciation des pratiques du passé, pratiques qui doivent être abandonnées si l'on veut réaliser une paix durable.

Le gouvernement du Président Kabbah n'a pas tardé à prendre un certain nombre de mesures pour contrer les effets des neuf mois d'administration désastreuse et brutale de la junte militaire illégale. Le Gouvernement s'est employé à rétablir la sécurité dans tout le pays, à remettre en marche une administration efficace et à faire redémarrer le processus démocratique.

Au-delà de ces mesures immédiates, le Président Kabbah s'est également efforcé de jeter des bases nouvelles et durables pour la réconciliation, la reconstruction et le relèvement nationaux. Nous savons tous qu'il s'agit là d'enjeux gigantesques pour tout peuple et que, dans certains cas, les avantages de la paix n'apparaîtront qu'à long terme, au bout d'un processus rigoureux et soutenu de reconstruction nationale.

Dans l'immédiat, toutefois, il s'agit de rétablir une sécurité véritable dans tout le pays. La CEDEAO et sa force de maintien de la paix — le Groupe de contrôle de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (ECOMOG) — ont joué un rôle important en aidant la Sierra Leone à chasser la junte, restaurer l'ordre démocratique et rétablir la sécurité de base.

En dépit des progrès qui ont été faits par l'ECOMOG, avec l'appui des forces nationales, pour ramener la sécurité dans l'ensemble du pays, les débris de la junte chassée du pouvoir et le Front révolutionnaire unifié (FRU) continuent de refuser de se plier à l'autorité du Gouvernement. Dans cette lutte, des civils, y compris des enfants, ont fait l'objet d'attaques dont l'horreur couvre de honte l'humanité tout entière.

Depuis la fin mars, 500 victimes de mutilations, y compris des amputations, ont été hospitalisées. Il se pourrait que ce soient les plus chanceuses. On a estimé que pour chaque victime ayant pu obtenir des secours, quatre ou cinq civils sont morts ou se cachent dans la brousse, où ils vivent dans la terreur de rencontrer un autre être humain.

Je demande donc dans les termes les plus énergiques aux dernières forces de la junte et du FRU de répondre aux appels lancés par le Gouvernement et la communauté internationale et de déposer les armes sans plus tarder. Le peuple sierra-léonais a trop souffert et depuis trop longtemps pour que les tueries et les destructions aveugles continuent.

Les personnes responsables des atrocités et autres violations flagrantes des droits de l'homme seront le moment venu traduites en justice, mais pour les autres, il est temps d'oublier le passé et de penser d'abord à l'avenir, en s'associant au processus de réconciliation nationale. Les longues années de lutte armée ont montré que la guerre ne profite à personne, mais vraiment à personne, tandis qu'une paix véritable soutenue par un gouvernement légitime, représentatif et intègre peut profiter à tous.

À cette fin, le Gouvernement sierra-léonais a récemment adopté un plan détaillé de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des anciens combattants dans la société. Depuis la Bosnie jusqu'au Cambodge en passant par l'Afrique de l'Ouest, l'Organisation des Nations Unies a appris que l'enjeu consistant à réintégrer des anciens combattants et à les intéresser à la paix plutôt qu'à la guerre est une condition essentielle pour réaliser des progrès durables.

J'accueille donc avec satisfaction l'initiative prise par le Gouvernement et aimerais rendre hommage à la Banque mondiale, au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et aux pays donateurs qui ont étroitement collaboré avec le Gouvernement pour élaborer cet important programme. Ils ont considéré que pour garantir des gains durables, il faut également s'attaquer aux causes à long terme des conflits, en particulier la pauvreté.

( suivre)

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Entre tous les groupes qui ont souffert des années de conflit qu'a connues la Sierra Leone, ce sont les enfants qui en porteront la marque le plus longtemps et c'est pour eux, en fin de compte, que nous voulons que la Sierra Leone prenne ce nouveau départ. Ce sont les enfants qui ont été, et qui sont encore, et ce dans des proportions effroyables, les victimes de la guerre, que ce soit en tant que combattants enrôlés de force ou en tant que victimes d'attaques aveugles.

Je juge donc particulièrement encourageant de constater que le Gouvernement a décidé d'offrir une amnistie aux enfants soldats appartenant à tous les groupes de combattants. Les efforts faits pour mettre au point un programme national permettant de répondre aux besoins des enfants qui ont été particulièrement touchés par sept années de conflit constituent un autre pas dans la bonne direction.

Tous les piliers sur lesquels nous pourrons fonder un avenir plus sûr, plus juste et plus prometteur pour la Sierra Leone ne pourront subsister que si nous parvenons à mettre un terme aux combats et à la violence qui continuent de déchirer le peuple sierra-léonais. Aussi suis-je vivement reconnaissant au Conseil de sécurité d'avoir récemment autorisé la Mission d'observation des Nations Unies en Sierra Leone (MONUSIL).

Je sais profondément gré aux pays qui ont déjà indiqué qu'ils étaient prêts à fournir des contingents militaires. La MONUSIL travaillera en coopération étroite avec l'ECOMOG dans l'accomplissement de ses tâches principales de surveillance du processus de désarmement et de démobilisation, d'évaluation des conditions de sécurité et d'établissement de rapports sur la situation militaire et la situation en matière de droits de l'homme.

J'ai récemment pu me rendre compte par moi-même de l'amélioration des perspectives de paix et de confiance mutuelle dans la région, lors de la rencontre que j'ai coprésidée à Abuja, avec le Président Abubakar du Nigéria, entre les Présidents Kabbah et Taylor. Cette rencontre a déjà porté ses fruits puisque le Président Kabbah s'est rendu à Monrovia le 20 juillet, visite au cours de laquelle de nouveaux pourparlers ont eu lieu sur les questions concernant la sécurité de l'ensemble de la sous-région, y compris la Sierra Leone et le Libéria.

Nous n'en sommes toutefois encore qu'au début du processus; il reste à confirmer l'authenticité de l'engagement en faveur du règlement pacifique des différends si l'on veut inverser les conséquences de la guerre. À ce jour, les armes continuent d'entrer en Sierra Leone et toutes les parties, en particulier les pays voisins — doivent faire tout ce qu'elles peuvent pour y mettre fin si l'on veut voir la paix durer.

La Sierra Leone doit actuellement faire face à des enjeux militaires, politiques, humanitaires et en matière de développement d'une ampleur redoutable. Il ne sert à rien de faire semblant d'ignorer ou de vouloir

( suivre)

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minimiser les obstacles que sont la violence, la corruption et la haine, obstacles qui doivent être surmontés si l'on veut pérenniser la paix. C'est la raison pour laquelle j'ai convoqué cette Conférence spéciale, qui vise à focaliser l'attention de la communauté internationale sur la situation et à faire en sorte que nous nous attaquions aux problèmes dans un esprit d'unité collective.

Aujourd'hui, j'ai présenté sommairement certaines de ces mesures, mais je voudrais conclure en rappelant que lorsque j'ai pris la parole devant l'Organisation de l'unité africaine (OUA) l'année dernière, peu après que le Président Kabbah eut été renversé, j'ai dit que le cas de la Sierra Leone permettrait de juger si l'Afrique avait véritablement renoncé aux pratiques tyranniques du passé.

Nous pouvions l'espérer, mais peu d'entre nous auraient prédit alors qu'en l'espace d'une année seulement, le gouvernement démocratiquement élu du Président Kabbah reviendrait au pouvoir. Il s'agit là d'une très belle réalisation dont nous pouvons tous être fiers. Cela dit, à présent, le poids de l'histoire et des responsabilités est placé sur nos épaules et sur les siennes.

En Sierra Leone, au Libéria, au Nigéria et dans d'autres parties de l'Afrique, on a observé trop de faux départs, les promesses de démocratie ont été trop souvent rompues, l'engagement de gouverner de façon intègre a été trop souvent violé pour que nous nous attendions à ce que les gens croient dans ce qu'ils n'ont pas encore vu de leurs propres yeux. Le moment est-il venu de dire : cela suffit? Le moment est-il venu pour les dirigeants élus de remplir leur mandat, de se mettre au service de la population et de repartir sur des bases nouvelles? La Sierra Leone doit nous montrer que tel est bien le cas.

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