FEM/1021

LE GOUVERNEMENT NIGERIAN DOIT ADOPTER DES MESURES CONCRETES POUR ELIMINER LES PRATIQUES CULTURELLES NEFASTES POUR LA SANTE ET LA SECURITE DES FEMMES

2 juillet 1998


Communiqué de Presse
FEM/1021


LE GOUVERNEMENT NIGERIAN DOIT ADOPTER DES MESURES CONCRETES POUR ELIMINER LES PRATIQUES CULTURELLES NEFASTES POUR LA SANTE ET LA SECURITE DES FEMMES

19980702 Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) a poursuivi cet après-midi l'examen des deuxième et troisième rapports périodiques combinés du Nigéria présentés ce matin par Mme Hajo Sani, Ministre des affaires féminines et du développement social. Les expertes ont continué de poser des questions à la délégation du Nigéria sur la situation des femmes dans le pays.

Les expertes ont estimé que ce sont surtout les traditions et pratiques culturelles qui ont des effets néfastes sur la situation des femmes au Nigéria et que le Gouvernement doit faire preuve de la volonté politique nécessaire pour les éliminer. Il est important que le Gouvernement alloue les ressources nécessaires au Ministère des affaires féminines afin qu'il puisse mettre pleinement en oeuvre les programmes et projets en faveur de la promotion des femmes. Par ailleurs, il faut prendre des mesures pour qu'il n'y ait plus de conflits entre le droit conventionnel, le droit coutumier et le droit religieux en matière de droit de la famille.

Dans ses remarques de conclusion, la Présidente du Comité, Mme Salma Khan (Bangladesh) a déclaré que pour éliminer les pratiques traditionnelles discriminatoires à l'égard des femmes, il est impératif de développer leur niveau d'alphabétisation et d'éducation.

Le Comité entamera au cours de sa prochaine réunion, le lundi 6 juillet à 10 heures, l'examen des troisième et quatrième rapports périodiques combinés du Pérou.

Examen des deuxième et troisième rapports périodiques du Nigéria (CEDAW/C/NGA/2-3)

Mme SUNARYATI HARTONO, experte de l'Indonésie, a exprimé le souhait que le Nigéria accorde plus d'attention à l'esprit de la Convention dans sa mise en oeuvre. Elle est préoccupée par la mention qui figure dans le rapport selon laquelle le problème de la violence familiale n'existe pas ou tout au moins qu'on ne dispose pas de données parce que les actes de violences domestiques ne sont pas recensées au Nigéria du fait que personne n'ose porter ces problèmes au grand jour. Elle a estimé à la lecture de certains éléments du rapport que, sans efforts de la part des hommes pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes on ne pourra pas réellement faire avancer la situation des femmes nigérianes. Mme Hartono a également souhaité avoir des informations sur les pouvoirs et le mode de fonctionnement de la Commission des droits de l'homme.

Mme CARMEL SHALEV, experte d'Israël, a exprimé son inquiétude concernant la situation des femmes dans la société nigériane. Elle a relevé en particulier que la notion de viol conjugal n'existe pas, le fossé entre les filles et les garçons en matière d'éducation, la polygamie, les lois sur l'héritage, la sous-représentation des femmes dans les instances politiques. Selon Mme Shalev le gouvernement ne semble pas être conscient des stéréotypes dont les femmes sont encore victimes. Elle a été surprise qu'il soit affirmé dans le rapport que la situation des femmes nigérianes est enviable. Il est évident que pour surmonter les forces culturelles au sein de la société il faut que le gouvernement fasse preuve d'une véritable volonté politique. Mme Shalev a déploré le fait que le rapport ne comporte pas suffisamment de données statistiques pour pouvoir évaluer les progrès réalisés. Dans ce contexte, les informations communiquées par des ONG nigérianes constituent un complément d'information important pour les expertes du Comité. Mme Shalev est d'avis que les questions posées par le Groupe de travail présession n'ont pas eu de réponses complètes. Elle a également abordé le problème des taux élevés de mortalité maternelle et infantile, qui s'explique par le fait que les services de santé sont payants et ne sont donc pas abordables par les femmes les plus démunies. Mme Shalev lance un appel au gouvernement nigérian pour qu'il mette en place des services d'accouchement gratuits. Il est inacceptable qu'il n'y ait pas d'études chiffrées sur le Sida d'autant plus que le femmes nigérianes sont très exposées aux risques de contamination des maladies sexuellement transmissibles et du Sida, puisque la polygamie, les abus sexuels et les viols sont répandus. Mme Shalev a déclaré que le Comité accorde d'autant plus d'importance aux informations fournies par les ONG lorsque les droits de l'homme ne sont pas respectés dans le pays et que les sources gouvernementales ne sont transparentes.

Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana, a noté que les dispositions juridiques en matière de mariage, de divorce et d'héritage ont changé. Toutefois, les pratiques traditionnelles persistent car les femmes ne sont pas encore conscientes de leur droits et ne peuvent donc pas les faire valoir. Quelles mesures sont prises afin d'éduquer et d'informer les femmes, et en

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particulier les femmes rurales? Mme Abaka souhaite avoir des informations concrètes sur les recommandations faites par la Commission des droits de l'homme. Elle a également demandé quelles sont les méthodes contraceptives que les hommes utilisent et dans quelle mesure ils y recourent. En ces temps d'ajustement structurels avec ses effets immédiats négatifs dans le secteur social, il est important de prendre des mesures spéciales correctives. Que fait le Nigéria dans ce cadre?

Mme ANTONIA GUVAVA, experte du Zimbabwe, a demandé ce que fait le Gouvernement pour lutter contre les risques de la grossesse et de l'accouchement? Le taux de participation des filles à l'enseignement secondaire est faible. Le Gouvernement a-t-il pris des mesures pour corriger cette situation? Mme CARLOTA BUSTELO GARCIA DEL REAL, experte de l'Espagne, a déclaré qu'il aurait fallu avoir davantage d'information sur le contenu des lois et l'efficacité de leur application. Il faut espérer que la démocratie au Nigéria pourra contribuer à une meilleure défense du droit des femmes. En ce qui concerne l'article 6, la santé des femmes exploitées sexuellement est menacée. Il faudrait que, dans son prochain rapport, le Nigéria fournisse davantage d'information sur les lois relatives à la prostitution. Les femmes prostituées doivent avoir accès aux services médicaux. Comment les femmes qui émigrent vers d'autres pays sont elles protégées? Mme YUNG-CHUNG KIM, experte de la République de Corée, a demandé au Gouvernement de prendre des mesures plus systématique pour améliorer la participation de la femme à tous les niveaux de la vie politique et publique au cours de cette période de transition vers la démocratie. Le taux d'alphabétisation des femmes est faible par rapport à celui des hommes. La politique nationale en matière d'éducation est positive. Il faut cependant renforcer les mesures adoptées par le Gouvernement, notamment afin d'élargir les domaines d'étude des femmes.

Mme AIDA GONZALEZ MARTINEZ, experte du Mexique, a noté que le rapport mentionne la coexistence des droit conventionnel, coutumier et religieux en matière de droit de la famille au Nigéria. Cette situation nuit à la situation de la femme toujours victime, en particulier des mutilations génitales féminines. Il lui semble qu'il est urgent pour le gouvernement d'éliminer les coutumes comme celles qui s'appliquent aux veuves et la vente des jeunes filles au mariage. Mme Gonzalez a déclaré que si l'on veut respecter les dispositions de la Convention il faut éliminer ces pratiques.

Mme YOLANDA FERRER GOMEZ, experte de Cuba, a déclaré qu'il aurait été très utile d'avoir des réponses plus explicites aux questions posées par le Groupe de travail présession, et qu'il est nécessaire de disposer de plus de données statistiques pour pouvoir évaluer la situation réelle de la femme au Nigéria. Mme Ferrer a demandé des informations sur les principales modifications préconisées par la Commission qui a examiné les lois discriminatoires à l'égard des femmes et à quel moment le Parlement envisage de les adopter. Mme Ferrer a également demandé s'il existait un plan intégré pour lutter contre les stéréotypes qui portent préjudice aux femmes. En ce qui concerne l'impact néfaste des politiques d'ajustement structurel, en particulier sur les femmes, Mme Ferrer souhaite savoir quels sont les

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programmes concrets pour permettre aux femmes les plus démunies et aux femmes rurales d'accéder à l'emploi, à l'eau potable et autres infrastructures de base, ainsi qu'aux services de santé. Si ce type de programme n'existe pas, il est nécessaire de les établir au plus vite afin d'éviter que la situation des populations des plus démunies ne s'aggrave encore. Notant qu'il existe des pratiques et coutumes qui sont néfastes pour la santé et la sécurité des femmes, Mme Ferrer a déclaré qu'il faut déployer des efforts concrets pour les éliminer.

Mme LIN SHANGZHEN, experte de la Chine, a déclaré que ce sont surtout les traditions et pratiques culturelles qui ont des effets néfastes sur les femmes de la région. En tant que pays en développement, la population nigériane a de nombreux problèmes à régler, cependant le Nigéria est dans une meilleure situation que la plupart de ses voisins. Maintenant que le mécanisme est au niveau de Ministère, Mme Shangzhen est convaincue que le gouvernement va allouer plus de ressources aux questions féminines. L'une des tâches principales du Ministère est de lancer une campagne d'éducation massive qui cible toute la population pour l'informer des effets négatifs que certaines pratiques et stéréotypes ont, à la fois sur la situation des femmes et sur le développement en général. Elle espère également que le Ministère va mettre au point un programme intégré pour promouvoir le développement et les droits de la femme à tous les niveaux. Le Ministère doit jouer un rôle de chef de file dans cette lutte, tout en s'appuyant sur la société civile.

Réponse de la représentante de l'Etat partie aux questions posées par les expertes

Mme NAJO SANI, Ministre fédéral des affaires féminines et du développement social a déclaré que la ratification sans réserve de la Convention est une preuve de l'engagement du Nigéria pour appliquer les principes de la Convention. Si la femme, quand elle quitte le pays, doit informer son mari de son départ c'est pour que celui-ci puisse s'acquitter des responsabilités qui lui incombent pendant l'absence de son épouse. Le mari ne peut pas refuser à sa femme l'autorisation de quitter le pays. La responsabilité du foyer incombe au mari et à la femme, à part égale. La représentante a précisé, au sujet du manque de données précises dans les rapports du Nigéria, qu'il est difficile d'obtenir des chiffres exacts du fait de l'importance de la population et de la situation géographique du pays. Les données communiquées par les ONG ne sont pas exactes. Sur la question du veuvage, Mme Sani a déclaré que les pratiques varient d'une région à l'autre. Il ne faut pas généraliser les pratiques.

M. AYEWOH, Directeur des Organisations internationales au Ministère des affaires étrangères, a déclaré que des efforts sont faits pour améliorer la situation des femmes au Nigéria. Il faut du temps pour mettre en oeuvre la Convention dans la pratique.

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Mme SAFIYA MUHAMMAD, Directrice du Programme d'assistance familiale au Ministère des affaires féminines et du développement social, a donné des précisions sur les articles de la Convention relatifs à la santé et à l'éducation. Il est vrai que l'on a enregistré un taux de mortalité infantile important. Des efforts ont cependant été faits par le Ministère de la santé afin d'améliorer la situation, notamment par la mise en place d'un grand nombre de programmes et d'installations sanitaires pour les mères et les enfants. La situation s'améliore progressivement. Le Ministère de l'éducation a pris des mesures pour améliorer l'éducation des petites filles, en particulier dans le nord du pays. Le taux de participation des filles a considérablement augmenté dans le secondaire. Le Nigéria est une société multiethnique dans lequel le système de la famille joue un rôle important pour régler les conflits.

Mme BARRISTER OSIJO, Conseiller juridique au Ministère des affaires féminines et du développement social du Nigéria, a évoqué la question de la violence à l'égard des femmes. Il est vrai qu'il n'y a pas de loi spécifique concernant la violence mais il existe des lois générales que les femmes victimes de violence peuvent utiliser. La Commission des droits de l'homme protège les droits de tous les citoyens nigérians. En ce qui concerne le droit de propriété, il existe trois types de mariage au Nigéria. Tout dépend du régime loi sous lequel la femme s'est mariée.

Commentaires de la Présidente du Comité

Mme SALMA KHAN, experte du Bangladesh, a regretté que le rapport ne contienne pas les données statistiques qui auraient permis d'évaluer véritablement l'évolution de la situation des femmes. Mme Khan a insisté sur le fait que les questions des expertes du Comité ne sont pas des critiques, mais qu'il s'agit plutôt d'un dialogue en vue de faire avancer la situation. Elle a regretté que les questions du Groupe de travail n'ait reçu que des réponses assez générales. Toutefois, Mme Khan s'est félicitée de l'adoption prochaine d'une loi constitutionnelle qui permettrait à toute personne de déposer une plainte en cas de violation des droits de l'homme. Elle a souligné qu'il persiste au Nigéria des pratiques discriminatoires à l'égard des femmes dans le domaine public et dans le domaine privé qui sont essentiellement dues aux pratiques traditionnelles et religieuses. Cependant, le Nigéria étant l'un des pays les plus riches de la région, il devrait avoir les moyens de régler ces problèmes et de promouvoir la condition des femmes. Il faut également harmoniser le droit conventionnel, le droit coutumier et le droit religieux. Mme Khan a déclaré qu'elle avait été gênée par la réflexion selon laquelle la polygamie permettait d'éviter la prostitution. Pour éliminer les pratiques traditionnelles à l'égard des femmes, il est impératif de développer le niveau d'alphabétisation et d'éducation des femmes. Mme Khan invite le gouvernement à opter pour une éducation primaire obligatoire et gratuite.

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