CS/945

LE CONSEIL, PREOCCUPE PAR LES INCIDENTS A MOTIVATION ETHNIQUE EN CROATIE, DEMANDE LA MISE EN OEUVRE DU PROGRAMME DE RECONCILIATION A TOUS LES NIVEAUX

2 juillet 1998


Communiqué de Presse
CS/945


LE CONSEIL, PREOCCUPE PAR LES INCIDENTS A MOTIVATION ETHNIQUE EN CROATIE, DEMANDE LA MISE EN OEUVRE DU PROGRAMME DE RECONCILIATION A TOUS LES NIVEAUX

19980702 Il encourage l'application intégrale de l'Accord sur la Slavonie orientale et se félicite que l'OSCE reprenne le mandat du Groupe d'appui de la police de l'ONU

A l'issue de consultations officieuses sur la situation en Croatie, le Président du Conseil de sécurité, M. Sergey Lavrov (Fédération de Russie) a fait ce matin, au nom des membres du Conseil, la déclaration suivante :

Le Conseil de sécurité a examiné le rapport du Secrétaire général en date du 11 juin 1998 (S/1998/500), présenté en application de sa résolution 1145 (1997) du 19 décembre 1997.

Le Conseil note que la situation d'ensemble sur le plan de la sécurité dans la région du Danube est relativement stable. Il note aussi que le comportement généralement satisfaisant de la police croate dans la région est dû pour une large part à la surveillance étroite exercée par le Groupe d'appui de la police des Nations Unies, ainsi qu'à l'attention particulière que le Ministre de l'intérieur de la République de Croatie accorde à la situation. Il constate néanmoins avec inquiétude qu'en dépit de la présence importante de la police croate, les incidents à motivation ethnique, les expulsions et les actes d'intimidation liés à la question du logement n'ont pas pris fin, et que le nombre en a récemment augmenté.

Le Conseil se déclare gravement préoccupé de ce qu'un grand nombre de Serbes — résidents et personnes déplacées — aient émigré de la République de Croatie depuis la fin de 1996, ce en raison principalement de la persistance des problèmes de sécurité, du fait que les actes d'intimidation à motivation ethnique se poursuivent, d'une situation économique désastreuse, des tracasseries administratives, d'une législation discriminatoire et du piétinement du programme de retours. Le maintien de cette tendance pourrait compromettre gravement le rétablissement d'une société multiethnique en République de Croatie. C'est pourquoi le Conseil se félicite que le Gouvernement croate ait adopté le 20 juin 1998 un "Programme pour le retour et l'établissement des personnes déplacées, des réfugiés et des personnes

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réinstallées" à l'échelon national (S/1998/589), et demande l'application rapide et complète de ce programme à tous les niveaux, y compris l'abrogation des lois foncières discriminatoires et la mise en place de mécanismes voulus pour permettre aux propriétaires de recouvrer leurs biens. Il souligne qu'il importe d'appliquer rapidement le programme de réconciliation dans son intégralité, à tous les niveaux dans toute la Croatie, ainsi que de prévenir les actes de harcèlement et les expulsions illicites, aussi bien que d'y réagir.

Le Conseil rappelle les obligations dont le Gouvernement de la République de Croatie demeure tenu de s'acquitter en vertu de l'Accord fondamental concernant la région de la Slavonie orientale, de la Baranja et du Srem occidental (S/1995/951, annexe), ainsi que des conventions et autres accords internationaux. Il note avec satisfaction que le Gouvernement croate a satisfait à la plupart de ses obligations relatives à la prestation de services publics et à l'emploi dans le secteur public énoncées dans l'Accord fondamental. Il rappelle néanmoins qu'un certain nombre d'obligations restent à honorer dans des domaines tels que l'application de la loi sur la validation et de la loi d'amnistie, le fonctionnement des municipalités locales et le financement permanent du Conseil conjoint des municipalités. Il souligne à cet égard l'importance décisive que la Commission créée par l'article 11, constituée en application des dispositions de l'article 11 de l'Accord fondamental, revêt en tant que moyen d'encourager le Gouvernement croate à s'acquitter pleinement de ses obligations et de montrer que la communauté internationale continue de tenir à ce que le processus de réintégration pacifique soit mené à bien.

Le Conseil demande au Gouvernement croate de faire en sorte que la police se montre plus énergique face aux incidents à motivation ethnique, aux expulsions et aux actes d'intimidation liés à la question du logement, ainsi que de prendre d'autres mesures pour renforcer la confiance de la population dans la police, notamment par une action d'information et une action préventive de la police. Il souligne l'importance que l'application des directives publiées par le Ministère de l'intérieur le 9 janvier 1998 et la mise en place par le même ministère d'un programme de police communautaire revêtent à cet égard.

Le Conseil appuie résolument les activités du Groupe d'appui de la police des Nations Unies et du Bureau de liaison des Nations Unies à Zagreb. Il se félicite de la décision que le Conseil permanent de l'OSCE a prise le 25 juin 1998 de déployer des observateurs de la police civile appelés à prendre la relève du Groupe d'appui de la police des Nations Unies à compter du 15 octobre 1998. Il se félicite également de ce que le Représentant du Secrétaire général ait invité le chef de la Mission de l'OSCE en Croatie à commencer de préparer le transfert à l'OSCE de la fonction de surveillance de la police dans la région. Il appuie l'établissement d'un calendrier pour

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le transfert à l'OSCE des fonctions du Groupe d'appui et souscrit à l'intention qu'a le Secrétaire général de réduire progressivement, aux conditions indiquées dans son rapport, le nombre des contrôleurs de la police civile. Il attend avec intérêt le rapport que le Secrétaire général se propose de lui présenter à la mi-septembre afin de préciser les arrangements à prendre en vue de l'achèvement du mandat du Groupe d'appui le 15 octobre 1998.

Aux fins de l'examen de cette question, le Conseil de sécurité était saisi du rapport du Secrétaire général sur le Groupe d'appui de la police des Nations Unies (S/1998/500) crée le 16 janvier 1998 notamment pour contrôler les opérations de la police locale à tous les niveaux, effectuer des patrouilles, participer aux enquêtes menées par la police locale, contrôler le respect des droits de l'homme, fournir des directives aux membres de la police locale et dispenser une formation limitée. Le Secrétaire général donne un aperçu des activités du Groupe d'appui et fait le point de la situation dans la région du Danube depuis l'achèvement du mandat de l'Administration transitoire des Nations Unies pour la Slavonie orientale, la Baranja et le Srem occidental (ATNUSO), le 15 janvier 1998. Le rapport indique que le passage des opérations de la police civile des Nations Unies dans le cadre de l'ATNUSO à celle du Groupe d'appui s'est fait sans heurts.

Quelque 180 contrôleurs de la police civile sont déployés dans 14 commissariats croates dans la région et dans les services de direction départementaux de la police croate où ils surveillent les activités de la police 24 heures sur 24. Les modalités de l'exercice de ces fonctions ont fait l'objet d'un accord entre le Groupe d'appui et le Gouvernement croate. Le Secrétaire général souligne qu'à condition que le Gouvernement prenne des mesures énergiques pour régler les problèmes en suspens, que le retour des déplacés croates progresse sans incident majeur et que le comportement de la police continue de s'améliorer, il a l'intention de réduire progressivement les effectifs du Groupe d'appui à partir du mois d'août, de façon à ramener les observateurs de la police civile à 140 à la fin du mois d'août et à 120 à la fin de septembre.

En ce qui concerne la composition ethnique de la police croate, le Secrétaire général fait observer que le 7 juin, elle comptait 794 Croates, 673 Serbes et 49 personnes appartenant à d'autres communautés ethniques. Le Gouvernement a déclaré que le maintien de l'équilibre ethnique des forces de police réduites restera son objectif prioritaire. Grâce à la forte proportion de policiers par rapport aux résidents dans la région du Danube (1 pour 75, contre 1 pour 220 dans d'autres parties de la Croatie), la situation d'ensemble sur le plan de la sécurité y est relativement stable. Cette forte présence policière n'a toutefois pas mis fin aux actes d'intimidation fondés sur des motifs ethniques; une moyenne de 54 incidents par semaine. La plupart des incidents se sont produits dans le nord de la région, où un plus grand nombre de Croates déplacés ont cherché à revenir. À mesure que le processus

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de rapatriement de Croates dans la région s'accélère on voit des tentatives de propriétaires croates d'expulser des Serbes déplacés qui occupent temporairement leurs logements. Les membres d'autres groupes ethniques qui sont restés dans la région après 1991 sont récemment devenus la cible d'actes d'intimidation. Les mesures prises par la police face aux incidents à connotation ethnique ne sont toutefois pas toujours satisfaisantes. Les directives du Ministère de l'intérieur quant aux mesures à prendre en cas de tentatives d'expulsion n'ont toujours pas été appliquées. La population locale juge partial le comportement de la police. Les mesures prises récemment pour rehausser l'image de la police sont restées limitées et le Groupe d'appui a engagé le Ministère de l'intérieur à mettre en place à cette fin un programme de police au niveau de la communauté.

En ce qui concerne le retour des réfugiés et des personnes déplacées, le Secrétaire général cite les chiffres du HCR qui estime à 42 500 environ le nombre de Serbes qui ont émigré de Croatie depuis la fin de 1996, y compris plus de 2 200 personnes ayant demandé l'asile en Norvège. 1 001 enfants serbes ont quitté le système scolaire. Le HCR indique par ailleurs que 12 600 seulement des plus de 33 200 Serbes déplacés enregistrés en 1997 sont restés dans la région. On estime que jusqu'à 12 000 Serbes déplacés ont regagné leur foyer dans d'autres régions de la Croatie. Comme dans la plupart des cas, le retour s'est fait en marge de l'Accord sur les procédures opérationnelles de retour, les intéressés ont eu du mal à se faire délivrer les documents nécessaires et à obtenir les prestations prévues. Cela étant, le nombre de personnes désireuses de rentrer dans leur foyer à l'intérieur de la Croatie diminue. Depuis la fin du mandat de l'ATNUSO, seuls 334 Serbes déplacés sont rentrés dans leur foyer dans d'autres régions de la Croatie en se prévalant des mécanismes approuvés. Selon les autorités, 15 000 Croates environ sont revenus dans la région. D'après les chiffres officiels, les écoles croates de la région n'ont accueilli que 341 élèves supplémentaires depuis le début de l'année scolaire. On prévoit cependant qu'un nombre important de Croates déplacés rentreront dans la région après la fin de l'année scolaire, en juin. Des mesures telles que l'abrogation des lois discriminatoires sur la propriété et la mise en place de mécanismes efficaces permettant aux propriétaires de recouvrer leurs biens n'ont toujours pas été adoptées.

Le Secrétaire général indique par ailleurs que si le Comité national pour le rétablissement de la confiance continue d'exécuter le programme à l'échelon national, il n'en va pas de même à l'échelon des municipalités de Croatie. Nombre d'autorités locales voient dans les comités de réconciliation un moyen de résoudre les problèmes soulevés par le retour des Croates déplacés plutôt qu'un mécanisme de rétablissement de la confiance entre les différentes communautés ethniques. Le Gouvernement croate a publié les noms de 13 575 Serbes couverts par la loi d'amnistie. Mais cette initiative n'a pas suffi à rassurer les habitants de la région, car cette liste n'est pas

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exhaustive et les tribunaux continuent de publier des listes d'individus ne pouvant bénéficier de l'amnistie. Le Secrétaire général indique aussi qu'à l'exception de celle de Vukovar, presque toutes les municipalités de la région sont maintenant opérationnelles. Le conseil municipal de Vukovar reste complètement bloqué, en raison de désaccords concernant le partage des fonctions administratives et la répartition des ressources, et en raison de l'absence totale d'efforts visant à encourager la réconciliation entre communautés ethniques. Récemment, l'Association des rapatriés croates a demandé que des élections soient tenues sans tarder dans un certain nombre de municipalités où les Serbes avaient obtenu la majorité lors des élections de 1997. C'est là une question qui pourrait avoir des conséquences graves : organiser des élections dans certaines municipalités reviendrait à modifier les résultats des élections organisées et certifiées sous la supervision de l'ATNUSO.

Le 31 mars 1998, une demande a été faite à l'OSCE en Croatie pour l'inviter à préparer le transfert de la fonction de surveillance de la police dans la région du Danube. Le Conseil permanent de l'OSCE n'a pas encore pris de décision sur la question. En conclusion, le Secrétaire général souligne que l'amélioration du comportement de la police croate dans la région ne suffit pas à compenser tous les problèmes encore non réglés qui créent un climat propice à la haine, à l'intolérance et à l'intimidation à motivation ethnique. Si le Gouvernement ne prend pas à titre préventif des mesures énergiques pour décourager l'intimidation, il ne sera pas possible de mettre fin à ces incidents quelle que soit l'efficacité de la police.

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