FEM/1019

LE GOUVERNEMENT TANZANIEN DOIT PRENDRE DES MESURES POUR QUE LE DROIT CONVENTIONNEL PRIME SUR LE DROIT COUTUMIER DISCRIMINATOIRE A L'EGARD DES FEMMES

1 juillet 1998


Communiqué de Presse
FEM/1019


LE GOUVERNEMENT TANZANIEN DOIT PRENDRE DES MESURES POUR QUE LE DROIT CONVENTIONNEL PRIME SUR LE DROIT COUTUMIER DISCRIMINATOIRE A L'EGARD DES FEMMES

19980701 Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) s'est réuni cet après-midi pour poursuivre son examen des deuxième et troisième rapports périodiques combinés de la République-Unie de Tanzanie présentés conformément à l'article 18 de la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Les expertes ont poursuivi leur dialogue avec la délégation de l'Etat partie conduite par Mme Mwatumu Jasmine Malale, Secrétaire générale du Ministère du développement communautaire, des affaires féminines et des enfants, qui avait présenté les rapports ce matin.

Les expertes ont souligné que la situation des femmes en République-Unie de Tanzanie est inquiétante malgré des réalisations importantes. Les initiatives, telles que la création du Ministère chargé des affaires féminines et l'adoption de la loi sur les mutilations génitales, tout en étant louables, ne suffisent pas à modifier des attitudes religieuses et culturelles profondément enracinées dans la société tanzanienne. Il faut pour cela entreprendre une campagne de sensibilisation et de formation massive qui s'adresse à tous les acteurs de la société. Pour améliorer la condition de la femme, il est nécessaire d'avoir une réelle volonté politique afin que des mesures soient adoptées rapidement pour que le droit conventionnel prime sur le droit coutumier.

En fin de réunion, Mme Mwatumu Jasmine Malale et M. Daudi Ngelautwa Mwakawago, Représentant permanent de la République-Unie de Tanzanie auprès des Nations Unies, ont apporté des réponses à certaines questions posées par les expertes.

Le Comité examinera, au cours de sa prochaine réunion, qui aura lieu demain matin à 10 heures, les deuxième et troisième rapports périodiques combinés du Nigéria.

Examen des deuxième et troisième rapports périodique de la République-Unie de Tanzanie (CEDAW/C/TZA/2-3)

Mme JAVATA DE DIOS, experte des Philippines, a souligné que le tableau de la situation des femmes en Tanzanie tel que présenté dans le rapport est plutôt négatif malgré les réalisations et notamment la création du Ministère chargé des affaires féminines et l'adoption de la loi sur les mutilations génitales. Ces initiatives, tout en étant louables, ne suffisent pas à modifier des attitudes religieuses et culturelles profondément enracinées dans la société tanzanienne et qui sont discriminatoires à l'égard des femmes. L'experte a souligné les conflits existant entre le droit conventionnel et le droit coutumier qui est souvent discriminatoire à l'égard des femmes. Dans ce contexte, elle a souligné que dans de nombreux pays des mesures ont été adoptées pour que le droit conventionnel prime sur le droit coutumier. Mme de Dios est préoccupée par le fait que le gouvernement semble ignorer la violence à l'égard des femmes qui ne cesse d'augmenter, et en particulier la violence conjugale. Elle a déploré par ailleurs que le rapport ne comporte pas de données sur la prostitution. Mme de Dios a déclaré que, pour améliorer la condition de la femme, il faut avant tout qu'il y ait la volonté politique nécessaire, et que ce n'est pas tant une question de moyens. Face à une discrimination aussi répandue à l'égard des femmes il faut entreprendre une campagne massive de formation qui s'adresse à la population à tous les niveaux, société civile, fonctionnaires, femmes et hommes. Les organisations féminines pourraient jouer un rôle important à cet effet.

Mme YUNG-CHUNG KIM, experte de la République de Corée, a demandé des informations sur le Fonds de développement pour les femmes, car une mesure similaire a été prise en Corée. Elle souhaite notamment savoir si les bénéficiaires sont surtout des personnes individuelles et sur quels critères ces bénéficiaires sont choisis. Elle souhaite également savoir combien il y a de bénéficiaires et si les femmes rurales en font partie. Elle a relevé avec inquiétude le taux croissant d'abandon scolaire et la baisse du taux d'inscription scolaire des filles. Mme Kim considère ce phénomène comme alarmant et pense qu'il faut encourager la fréquentation de l'école compte tenu des implications que cela a par la suite sur la vie des filles, notamment en matière d'emploi. Elle a regretté qu'il n'y ait aucune mention de révision des programmes scolaires en vue d'éliminer les stéréotypes sexistes et pour mieux préparer les filles à une vie autonome. Elle espère que le gouvernement tanzanien prendra rapidement les mesures nécessaires pour que le droit coutumier ne prime plus sur le droit conventionnel.

Mme LIN SHANGZHEN, experte de la Chine, a déclaré qu'il est nécessaire de modifier les lois discriminatoires à l'égard des femmes. L'égalité devant la loi est l'étape préliminaire pour réaliser une égalité de facto. Il est déconcertant d'apprendre que les attitudes traditionnelles continuent d'entraver l'application des lois et la mise en oeuvre de la Convention. Il est important d'éduquer l'ensemble de la population et notamment les forces de l'ordre. Les traditions ne vont pas disparaître sans une action ferme. Il

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faut les faire disparaître progressivement. Mme Shangzhen aimerait des informations sur les programmes mis en place en Tanzanie par les différentes institutions des Nations Unies.

Réponses de l'Etat Partie aux questions posées par les expertes

M. DAUDI NGELAUTWA MWAKAWAGO, Représentant permanent de la République- Unie de Tanzanie auprès des Nations Unies, a précisé qu'en 1990, grâce à des programmes lancés par le Gouvernement 95% des adultes étaient alphabétisés. Des efforts ont été faits afin de garantir les services de base, notamment l'accès à l'éducation et à la santé. Le Gouvernement a prévu la construction de centres de santé. Le représentant a signalé que le Gouvernement avait dû diminuer les ressources allouées aux programmes sociaux à cause des contraintes imposées par le Programme d'ajustement structurel. L'aide publique au développement a diminué alors que la population et ses besoins ont augmentés. Les traditions sociales sont difficiles à éliminer. La Division des femmes à l'ONU peut aider les pays en développement en organisant des séminaires internationaux. Le représentant a souligné l'importance du développement politique des femmes. Le processus parlementaire est très complexe et très lent. Les Organisations non gouvernementales locales manquent de ressources et parfois de formation. Il faudrait former les ONG afin qu'elles puissent être plus efficaces.

Mme Mwatumu Jasmine Malale, Secrétaire générale du Ministère du développement communautaire, des affaires féminines et des enfants, a regretté le fait qu'elle n'avait pas de statistiques à présenter au Comité. Elle a reconnu que les informations chiffrées sont importantes pour mieux réaliser les progrès réalisés et a espéré qu'elle disposera de ce type d'information lors de la présentation du prochain rapport périodique. La Tanzanie a reconnu le principe de l'égalité des salaires pour un travail égal, dans le secteur public et privé, dès l'indépendance il y a plus de 30 ans. Toutes les femmes ont droit à un congé de maternité, que ce soit dans le secteur public ou privé. Dès 1961, les femmes ont obtenu droit de vote. La loi sur le mariage de 1971 a résulté de l'engagement du Gouvernement à promouvoir les femmes. Il y a toujours eu un engagement sérieux du Gouvernement tanzanien pour garantir aux femmes leurs droits. Si les femmes rurales n'ont pas les mêmes chances que les femmes urbaines, des efforts sont faits pour réduire les différences. Il est encourageant de voir qu'une Commission a été nommée pour examiner 40 lois, qui remontent à la période coloniale, et garantir les droits des hommes et des femmes. La représentante a précisé que la réforme des lois est un processus long et complexe. Certaines législations ont déjà été amendées, comme la législation relative aux offenses sexuelles. Les conventions internationales ne deviennent pas automatiquement législations nationales. Elles doivent être promulguées par le Parlement.

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Le Ministère du développement communautaire, des affaires féminines et des enfants est chargé d'agir en tant que gardien de la mise en oeuvre de toutes les politiques gouvernementales qui tiennent compte des problèmes des femmes. En matière d'éducation, des mesures ont été prises pour ne pas exclure les fillettes et pour supprimer les stéréotypes dans les manuels scolaires. Des efforts sont faits pour encourager la participation des femmes aux activités de développement au niveau local.

Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana, a constaté avec satisfaction que dans un environnement économique difficile et marqué par le problème grave de l'endettement, les femmes tanzaniennes se mobilisent afin de jouer pleinement leur rôle d'acteur social. Il est important que la communauté internationale soutienne les efforts du gouvernement tanzanien. Mme Abaka a félicité la Tanzanie pour avoir ratifié la Convention sans réserves. Cependant elle a constaté que, dans la pratique, les articles 1, 2, 4 et 16 ne sont pas véritablement mis en oeuvre. Elle considère qu'il est très important de prendre des mesures affirmatives temporaires pour corriger les inégalités. Elle a insisté sur l'importance des problèmes dans la mise en oeuvre de la Convention qui découlent pour beaucoup des pratiques traditionnelles et religieuses néfastes. Ce problème est très répandu en Afrique, cependant certains pays se sont attelés à le combattre de manière efficace. Il serait donc intéressant pour la République-Unie de Tanzanie de demander aux autres pays africains comment ils ont surmonté ce problème.

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