En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/6529

LES VALEURS ENONCEES DANS LA CHARTE, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL, SONT AUSSI UN PILIER DE L'ECONOMIE MONDIALE

12 juin 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6529


LES VALEURS ENONCEES DANS LA CHARTE, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL, SONT AUSSI UN PILIER DE L'ECONOMIE MONDIALE

19980612 M. Kofi Annan a fait observer que l'ONU proposait un ensemble d'objectifs concertés qui fournissait aux marchés un cadre dans lequel ils pouvaient fonctionner

L'on trouvera ci-joint le texte de la déclaration faite le 20 avril par le Secrétaire général Kofi Annan au cours d'un petit déjeuner d'affaires organisé aujourd'hui à San Francisco par le Président de Bank of America, M. David Coulter.

Je vous remercie, M. [Tom] Clausen [ancien président de la Banque mondiale], de votre aimable présentation. Je suis très heureux d'être parmi vous. D'aucuns disent que mes fonctions de Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies s'apparentent quelque peu à celles du président-directeur général d'une entreprise. Voilà qui n'est pas faux ... dans une certaine mesure. Les États Membres en constitueraient le conseil d'administration, les peuples en seraient les actionnaires. Les programmes de développement et les opérations de maintien de la paix forment l'essentiel de nos produits bien que nous en ayons beaucoup d'autres moins bien connus.

Mais là s'arrête la comparaison.

Comment réagiriez-vous si tous les membres de votre conseil d'administration — au nombre de 185 — décidaient d'intervenir dans le détail de votre gestion, vous donnaient des instructions contradictoires et vous refusaient les ressources nécessaires à l'accomplissement de votre tâche? Que feriez-vous si vous étiez le président d'un club dont les membres les plus en vue ne versaient pas leur cotisation? Que penseriez-vous de règles de gestion qui ne vous autoriseraient pas à contracter des emprunts pour traverser cette crise financière? Vous pouvez bien me considérer comme un président-directeur général mais n'oubliez pas que je suis tout autant un jongleur et un mendiant.

À l'époque où nous sommes, quand je repense à l'essentiel, je vois d'abord dans l'Organisation des Nations Unies l'expérience la plus importante jamais menée en matière de coopération humaine à l'échelle mondiale. Comme l'exprime si bien la Charte signée dans cette même ville il y a plus d'un demi-siècle, l'Organisation des Nations Unies a été créée afin de préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois durant la première moitié du siècle a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances.

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Mais déjà en 1945, nos fondateurs étaient conscients de la nécessité de lutter sur deux fronts pour asseoir durablement la paix : le front de la sécurité, où la victoire signifie ne plus avoir peur; et le front économique et social, où la victoire signifie ne plus manquer de l'essentiel.

Il nous faut pour cela, quand nous le pouvons, prévenir les conflits, et quand c'est impossible, soulager les souffrances; il nous faut lutter contre la pauvreté, la maladie et l'inégalité; il nous faut améliorer notre environnement et ses capacités à nous nourrir, à nous abriter et à nous fournir les ressources nécessaires à la création d'emplois; il nous faut donner à l'humanité les moyens de transformer la dynamique du changement en progrès social et en conditions de vie meilleures dans toujours plus de liberté.

Nous n'avons pas toujours marqué des points sur les deux fronts.

Mais nous avons toujours eu le privilège de compter dans nos rangs des hommes et des femmes qui ont oeuvré sans répit ni relâche à la défense des idéaux de la Charte des Nations Unies. Si nous sommes invaincus c'est uniquement parce que nous n'avons jamais baissé les bras.

Cette année, l'Assemblée générale a approuvé la réforme la plus importante et la plus profonde de l'histoire des Nations Unies. Les propositions de réforme reposaient sur la conviction que, libérée du carcan de la guerre froide, l'Organisation des Nations Unies pourrait, pour la première fois, donner toute la mesure de ce qu'elle peut faire.

Nous avons relancé des processus de paix dans un certain nombre de conflits qui perdurent. Nous avons mené, avec succès, des opérations d'aide aux réfugiés dans plusieurs pays. Nous avons remis à l'ordre du jour la lutte contre le trafic de drogues, le crime organisé et le terrorisme.

Nous sommes de mieux en mieux équipés pour relever les défis d'une ère nouvelle aux dimensions planétaires. Et nous sommes en meilleure position pour collaborer avec le monde des affaires et l'industrie.

Si la première année de mon mandat a été principalement axée sur la réforme, le rôle du secteur privé dans le développement économique a été aussi un thème important. Un changement fondamental a eu lieu. Au cours de ces 50 années, les rapports entre l'Organisation et les acteurs non gouvernementaux ont changé du tout au tout. Au départ, les gouvernements des États Membres de l'ONU étaient pratiquement les seuls à agir sur le processus des relations internationales; le rôle de la société civile était de fournir des appuis et des alliés, et de mobiliser l'opinion publique en faveur des objectifs et des valeurs de la Charte des Nations Unies.

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Nous savons aujourd'hui que la paix et la prospérité sont impossibles sans un partenariat associant les gouvernements, les organisations internationales et la société civile, sans oublier les milieux d'affaires. Dans le monde qui est le nôtre, nous sommes dépendants les uns des autres. L'affaire des Nations Unies c'est les affaires du monde.

Et les activités des Nations Unies ont beaucoup à apporter aux affaires du monde. L'action du Secrétariat, de ses fonds et programmes et des institutions spécialisées partout dans le monde contribue discrètement mais fortement — dans un large éventail de domaines allant de l'environnement à la bonne gestion des affaires publiques — au bon fonctionnement de l'économie mondiale.

L'Organisation des Nations Unies aborde les défis et les problèmes d'un monde interdépendant dans une perspective universelle. La mondialisation nous a rassemblés dans sa trame et a contribué à l'émergence d'une phase continue d'expansion économique.

Ce monde en mutation, aux frontières ouvertes et aux acteurs nouveaux, nous met face à des défis sans précédent. La mondialisation n'a pas que des retombées positives et les acteurs non étatiques ne sont pas nécessairement tous animés de bonnes intentions. Nous assistons à une montée alarmante des activités des trafiquants de drogues et d'armes, du blanchiment de l'argent né de ces trafics, de l'exploitation de jeunes contraints de se prostituer. Seule la coopération mondiale et la participation de la société civile nous permettront de lutter contre ces fléaux.

Le capitalisme n'ayant plus aujourd'hui de grand rival idéologique, il s'ensuit que c'est de lui-même qu'il doit se méfier en premier lieu. S'il se montre incapable d'instaurer et la prospérité et la justice, il aura échoué.

J'en arrive donc à la question des valeurs, un domaine dans lequel l'Organisation des Nations Unies excelle et où son action est de la plus haute importance.

Toutes les sociétés, de l'Asie aux Amériques, sont le produit de valeurs et de liens et d'idéaux communs. Pour que la société mondiale prospère, elle doit, elle aussi, oeuvrer à partir de normes et d'objectifs communs. Par bonheur, les conditions de cette communauté de vues existent déjà : elles sont énoncées dans la Charte des Nations Unies.

La liberté, la justice et le règlement pacifique des différents; le progrès social et de meilleures conditions de vie; l'égalité, la tolérance et la dignité; telles sont les valeurs universelles inscrites dans la Charte, là réside l'intérêt supérieur de l'humanité.

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Ces valeurs constituent aussi un des piliers de l'économie mondiale, car les marchés expriment aussi des valeurs. Les marchés ne fonctionnent pas dans le vide. Ils sont le produit d'un ensemble de règles et de lois et réagissent aux signaux émis par les gouvernements et autres institutions. À vrai dire, sans des règles régissant les droits de propriété ou les contrats, sans la confiance qu'apporte l'État de droit, sans une perspective générale et suffisamment d'équité et de transparence, aucun marché, interne ou mondial, ne fonctionnerait correctement.

Le système des Nations Unies a établi un ensemble concerté de normes et d'objectifs acceptés de tous et permettant ce bon fonctionnement des marchés. En raison de la vision plus large que nous avons de la sécurité de l'humanité, en raison de l'assistance que nous fournissons — et que nous sommes parfois les seuls à fournir — et en raison de la légitimité avérée du système de valeurs que nous défendons, je n'ai aucune hésitation à affirmer que les entreprises ont tout à gagner d'une Organisation des Nations Unies puissante. Nous favorisons la création d'un environnement dans lequel vous pouvez espérer et réussir.

Dans le village planétaire où nous vivons, ce qui se passe dans un pays rejaillit sur un autre, riches ou pauvres, au Nord comme au Sud, à l'Est comme à l'Ouest. La faim, la maladie, la pauvreté sont de vieux ennemis connus de tous, auxquels sont venus s'ajouter les nouvelles menaces que sont la pollution, la drogue, le crime organisé et le terrorisme. Et la protection de l'environnement, l'éducation, la bonne gouvernance et le développement durable sont le souci de toutes les nations, car il n'y a de meilleur espoir pour le monde qu'une société faite d'individus sains, libres et cultivés.

Mais souligner combien nos priorités dans les domaines économique et social sont importantes ne veut pas dire que nos obligations envers la paix et la sécurité le sont moins.

Si certains d'entre vous souhaitiez, par exemple, discuter de la nature de l'accord que j'ai récemment conclu avec le Gouvernement iraqien, des exigences et des promesses qu'il contient, je serais très heureux de répondre à vos questions sur ce sujet ou sur d'autres.

Notre époque est celle de l'internationalisme, non pas celle de l'isolationnisme. Je voudrais que vous, personnalités de premier plan dans ce pays et innovateurs dans vos domaines respectifs, rapportiez ce message à vos élus, à vos collègues, à vos clients. Vos voix pourraient influencer tout particulièrement ceux qui ne sont peut-être pas encore suffisamment ouverts au monde extérieur.

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