En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/6511

LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE JOUE UN ROLE DECISIF DANS LA PREVENTION DES CONFLITS, LORSQU'IL REPOSE SUR LE RESPECT DES DROITS DE L'HOMME ET LA LEGITIMITE DU POUVOIR

3 juin 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6511


LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE JOUE UN ROLE DECISIF DANS LA PREVENTION DES CONFLITS, LORSQU'IL REPOSE SUR LE RESPECT DES DROITS DE L'HOMME ET LA LEGITIMITE DU POUVOIR

19980603 On trouvera ci-après le texte de la déclaration faite le 1er avril à Beijing par le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, M. Kofi Annan, devant la Commission des affaires étrangères de la Conférence politique consultative du peuple chinois :

Je suis très heureux d'être de nouveau à Beijing à un moment crucial dans les relations entre la Chine et l'ONU. Le siège permanent que votre grand pays occupe au Conseil de sécurité lui a permis de jouer un rôle privilégié et d'assumer des responsabilités exceptionnelles à l'ONU. Votre pays s'est toujours admirablement acquitté de ce rôle, plus récemment encore pendant la crise iraquienne.

Je suis à Beijing, d'une part, pour informer le Gouvernement chinois des dispositions de l'accord que j'ai conclu avec les dirigeants iraquiens, d'autre part, pour le remercier d'avoir appuyé vigoureusement mes efforts dès les toutes premières heures. En soutenant une solution diplomatique de la crise, les autorités chinoises ont contribué pour beaucoup au succès de ma mission.

Avant de vous entretenir aujourd'hui d'un aspect essentiel du rôle de l'ONU dans les domaines de la paix et de la sécurité — la prévention —, je saisirai l'occasion pour vous expliquer la nature et les exigences de l'accord auquel le Gouvernement iraquien et moi sommes parvenus, ainsi que l'espérance qu'il suscite.

Je me suis rendu à Bagdad, dûment mandaté par tous les membres du Conseil de sécurité, pour tenter d'apporter une solution pacifique à la crise. Celle-ci est pour le moment écartée. Le mandat du Conseil de sécurité a été confirmé. Les inspecteurs de l'ONU peuvent non seulement reprendre leurs visites, mais encore accéder à tous les sites quels qu'ils soient.

C'est ainsi que, dans les semaines qui ont suivi la signature de l'accord, la Commission spéciale des Nations Unies (UNSCOM) a pu, pour la première fois en sept ans, pénétrer dans un certain nombre de sites dont l'accès était jusque-là interdit, les sites dits présidentiels notamment.

C'est l'attitude des dirigeants iraquiens qui permettra désormais de juger si cette crise lourde de menaces pour la paix et la sécurité internationales est définitivement évitée.

L'accord vise un seul et unique but : le strict respect par l'Iraq des exigences du Conseil de sécurité. Rien de plus, rien de moins ne permettra de mener à terme le processus de désarmement et d'accélérer par là même la levée des sanctions conformément aux résolutions antérieures du Conseil de sécurité.

Cet accord permettra comme jamais auparavant de jauger dans quelle mesure les dirigeants iraquiens sont disposés à honorer leurs engagements. C'est également un appel à la région et à la communauté internationale pour qu'elles se tournent vers l'avenir, dans la perspective de l'aboutissement du processus de désarmement de l'Iraq.

Nous reconnaissons que les sanctions ont sérieusement aggravé les souffrances du peuple iraquien, que l'élargissement du programme "pétrole contre nourriture" contribuera à les alléger sans qu'en soit assoupli pour autant le régime de désarmement et qu'un jour, tôt ou tard — nous formons des voeux pour que ce soit plus tôt que plus tard —, un Iraq désarmé comme il convient et aspirant à la paix pourra prendre à nouveau la place qui lui revient légitimement dans le concert des nations.

L'accord n'a été ni une "victoire" ni une "défaite" pour personne, pour aucune nation ni aucun groupe de nations. L'ONU et la communauté internationale n'ont assurément rien perdu ni rien donné et n'ont concédé rien d'essentiel. Mais en coupant court, du moins pour le moment, à la reprise des hostilités militaires dans le Golfe, on a fait triompher la paix, la raison et la diplomatie comme moyen de règlement des conflits.

Pour les peuples du Moyen-Orient, c'est là un moment de progrès précaire mais aussi celui de relever un défi, qui requiert d'eux patience, détermination et courage. Si l'accord que j'ai conclu avec les dirigeants iraquiens reçoit l'appui nécessaire, nous ferons vraisemblablement de grands pas vers une paix durable et vers la stabilité dans le Golfe.

Si donc l'accord conclu avec le Gouvernement iraquien est appliqué intégralement et s'il marque l'avènement d'une nouvelle ère dans le Golfe, si cet exercice de diplomatie, animé par un souci d'équité et appuyé par la fermeté et la force, résiste à l'épreuve du temps, il aura pour l'ONU et la communauté internationale, valeur incommensurable et permanente de précédent. Il sera la preuve qu'en restant uni dans l'action, le monde peut prévenir les conflits.

- 3- SG/SM/6511 3 juin 1998

Nous devons maintenant assister à une évolution similaire sur le front arabo-israélien, évolution plus que jamais vitale pour la région. M'y étant rendu la semaine dernière, j'ai pu constater que personne ne se faisait désormais aucune illusion quant aux mesures à prendre, aux compromis ou aux concessions mutuelles à faire si l'on veut que la paix triomphe. Ce doit être une paix qui restaure la dignité, le principe de l'autodétermination et la sécurité pour toutes les parties.

Pour l'ONU, il n'y a pas d'objectif plus important, d'engagement plus profond et d'ambition plus grande que la prévention des conflits armés. Prévenir ces conflits c'est d'abord et finalement protéger la vie humaine et promouvoir l'épanouissement de l'humanité. Assurer la sécurité de l'humanité, au sens le plus large, est la mission cardinale de l'ONU.

Aujourd'hui partout dans le monde, mais surtout en Afrique et dans d'autres régions du Sud, la guerre prend la forme de conflits internes dans lesquels l'objectif principal tend manifestement plus qu'à l'anéantissement d'armées, à l'extermination de populations civiles et de groupes ethniques entiers. La prévention de tels conflits ne répond plus ici au souci de défendre certains intérêts ou de soutenir des alliés. Il s'agit de défendre l'humanité elle-même.

Et pourtant il semble que jamais nous ne tirions les leçons de l'expérience. Combien de fois avons-nous laissé des divergences se transformer en différends et ces différends dégénérer en conflits meurtriers. Combien de fois avons-nous ignoré des signes avant-coureurs de catastrophes et avons-nous négligé des appels au secours. Il faut que la mort et la destruction aient fait des ravages pour que nous intervenions, à grands frais et alors qu'il ne reste plus guère de vies à sauver. Nous ne valorisons la prévention que lorsqu'il est trop tard.

L'action de l'ONU en matière de prévention remonte à l'élaboration de la Charte. Dans toute mission diplomatique ou projet de développement, l'ONU fait oeuvre de prévention. Les bons offices exercés depuis toujours par le Secrétaire général dans le cadre de la diplomatie préventive donnent de bons résultats. Cette pratique, aussi ancienne soit-elle, offre encore d'énormes possibilités.

Au cours de la première année de mon mandat de Secrétaire général, j'ai relancé nos activités de maintien de la paix à Chypre, dans le Timor oriental, au Sahara occidental, en Afghanistan et dans la région des Grands Lacs en Afrique. Ces régions sont le théâtre de très anciens différends, profondément ancrés et qui ont engendré des ressentiments tenaces. Nous continuerons à rechercher de nouvelles voies pour rapprocher les parties et promouvoir une paix durable susceptible d'apporter à chacune d'elles sécurité et prospérité.

- 4- SG/SM/6511 3 juin 1998

L'ONU du XXIe siècle doit se transformer en centre mondial de prévention efficace et prospective. Mais les principales politiques de prévention — alerte rapide, diplomatie préventive, déploiement et désarmement préventifs — ne réussiront que si l'on s'attaque aux causes fondamentales des conflits avec une égale détermination et une égale sagesse.

Ces causes sont généralement économiques et sociales. Pauvreté, sous-développement endémique et faiblesse sinon inexistence des institutions empêchent le dialogue et incitent à recourir à la violence. Un développement économique durable et harmonieux, fondé sur le respect des droits de l'homme et la légitimité du pouvoir, est une condition essentielle de la prévention des conflits. Permettez-moi d'ajouter à cet égard que j'ai été particulièrement heureux d'apprendre que la Chine avait l'intention de signer le Pacte international sur les droits civils et politiques.

Il m'a été rapporté que, selon un proverbe chinois, si l'on n'a jamais assez d'argent pour s'acheter des médicaments, on en trouve toujours pour acheter un cercueil. Les conflits internes des 10 dernières années n'ont que trop démontré que ce proverbe valait pareillement de nos jours. N'avons-nous pas vu assez de cercueils — du Rwanda à la Bosnie et au Cambodge — pour accepter de payer le prix de la prévention? N'avons-nous pas encore suffisamment tiré de leçons à nos propres dépens pour que nous ne puissions, si nous le voulons, prévenir des conflits meurtriers?

En vérité, nous n'avons plus d'excuses. Nous n'avons plus d'excuses pour ne pas agir et plus d'alibis pour feindre de ne pas savoir. Généralement, nous connaissons, avant même les victimes des conflits, le sort qui les attend. Nous le connaissons parce que notre monde d'aujourd'hui n'est qu'un village — pour le pire et pour le meilleur.

Les fondateurs de l'ONU, lorsqu'ils ont élaboré la Charte, avaient une vision réaliste de la nature humaine. Ils savaient que l'homme pouvait livrer une guerre d'une brutalité et d'une cruauté sans précédent. Ils savaient que l'homme pouvait faire preuve d'inhumanité envers d'autres hommes. Ils avaient surtout été témoins de l'échec de la prévention, alors qu'en un temps où de multiples signes indiquaient qu'on courait à la guerre, il eût encore été possible de la prévenir.

En vérité, l'Organisation des Nations Unies, telle que je me la représente, est une organisation dont la vocation essentielle est la prévention au service de la sécurité universelle. Assurer à l'humanité la sécurité sur tous les plans — économique, politique et social — cela revient, n'en doutons pas, à faire efficacement oeuvre de prévention.

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