En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/6534

LA PREVENTION CONCRETE ET DURABLE DES CONFLITS EST PRIMORDIALE POUR L'AVENIR ET LA SECURITE DE L'HUMANITE, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL

27 mai 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6534


LA PREVENTION CONCRETE ET DURABLE DES CONFLITS EST PRIMORDIALE POUR L'AVENIR ET LA SECURITE DE L'HUMANITE, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL

19980527 On trouvera ci-après le texte du discours liminaire prononcé par le Secrétaire général M. Kofi Annan le 22 avril à Los Angeles à la Conférence sur la prévention des conflits meurtriers entre les nations au XXIe siècle

Je vous remercie pour ces aimables et généreuses paroles. La médaille de l'UCLA que je viens de recevoir est un grand honneur pour moi, mais aussi pour l'ONU. Je vous en suis profondément reconnaissant. Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui pour cette importante conférence consacrée à une question qui est au coeur de la mission de l'ONU, celle de la prévention des conflits meurtriers au XXIe siècle.

Dans ce monde où la violence de la guerre est trop facilement oubliée et tolérée, en cette fin de siècle où l'on préfère regarder ailleurs que devant soi, les membres de la Commission Carnegie ont tiré la sonnette d'alarme et appelé à la mobilisation. Ils ont publié un rapport intitulé Preventing Deadly Conflict. Ils ont organisé des réunions et des conférences. Et grâce à eux, la prévention des conflits figure désormais au premier rang des priorités internationales. Ils nous ont rappelé qu'il valait toujours mieux prévenir que guérir. Ils ont analysé, mieux que personne ne l'avait fait avant eux, les modalités, l'usage et les enjeux de la prévention. Nous leur devons beaucoup.

Pour l'ONU, il n'est pas de cause plus noble, d'engagement plus profond et d'ambition plus haute que la prévention des conflits armés, que l'avènement d'un monde de paix et de prospérité.

Protéger la vie humaine, favoriser le développement humain : tel est l'alpha et l'oméga de la prévention des conflits. La mission cardinale de l'ONU concerne la sécurité de l'humanité au sens le plus large. La réalisation de cette mission passe par la prévention concrète et durable des conflits.

Les conflits actuels sont presque toujours des guerres civiles. Cela signifie que les victimes ne sont plus seulement des militaires, mais de plus en plus souvent des civils, et que des ethnies entières sont devenues des cibles privilégiées. Prévenir ces conflits, ce n'est donc plus défendre tels ou tels intérêts ou alliances. C'est défendre l'humanité tout entière.

Mais apprendrons-nous jamais les leçons du passé?

Nous persistons à laisser les tensions dégénérer en affrontements et les affrontements dégénérer en guerres meurtrières. Nous nous entêtons à ne pas voir les signaux d'alarme et à faire la sourde oreille aux appels au secours. Nous n'intervenons qu'une fois qu'il y eu des morts et des destructions. Résultat : des coûts humains et matériels beaucoup plus élevés, et infiniment moins de vies humaines à sauver. Nous ne parlons prévention que lorsqu'il est déjà trop tard.

Le rôle de la prévention a été négligé en Afrique plus peut-être que partout ailleurs dans le monde, et c'est là pourtant qu'il est le plus riche de promesses. Je voudrais par conséquent saisir cette occasion pour analyser ce que nous ont appris les dernières décennies de conflit en Afrique, et pour indiquer comment nous entendons prévenir les guerres et, à défaut, les arrêter.

On a prétendu trop longtemps que les conflits africains étaient inéluctables ou inextricables, ou les deux à la fois. Or, ils ne sont ni l'un ni l'autre. Ils peuvent être évités. Comme tous les conflits, ils ont des causes humaines, et peuvent être résolus grâce à la volonté humaine. C'est d'ailleurs le sens du message que j'ai voulu communiquer au Conseil de sécurité des Nations Unies la semaine dernière dans mon rapport sur les conflits en Afrique.

Bien sûr, ce n'est pas toute l'Afrique qui est en crise et l'état de guerre n'est pas général. L'Afrique fait même de remarquables progrès sociaux et économiques depuis quelques années. Mais, d'un bout à l'autre du continent, la guerre reste une menace grave et très concrète pour un trop grand nombre d'hommes, de femmes et d'enfants.

L'Afrique a été depuis 1970 le théâtre de plus de 30 conflits armés qui avaient presque tous été au départ des guerres civiles. Quatorze des 53 pays africains étaient en état de guerre en 1996. Ces conflits ont été responsables de plus de la moitié du nombre de morts causées cette année-là par l'ensemble des guerres dans le monde, et ils ont produit plus de 8 millions de réfugiés, de rapatriés et de personnes déplacées. Qui plus est, ils ont sérieusement entravé les efforts des pays de la région en faveur de la stabilité, de la paix et la croissance.

Personne — ni l'ONU, ni la communauté internationale, ni les dirigeants africains — ne peut s'exonérer de ses responsabilités face à la persistance de ces conflits. Il y a eu ces 10 dernières années en Afrique des tragédies gigantesques qui auraient pu et auraient dû être évitées.

On ne s'est pas vraiment attaqué aux causes des guerres. On n'a pas vraiment essayé d'instaurer une paix durable. On ne s'est pas vraiment donné la peine de créer les conditions du développement durable. C'est cela, la réalité récente de l'Afrique. Une réalité que toutes les parties concernées

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doivent affronter honnêtement et dans un esprit constructif pour que les Africains puissent enfin vivre en sécurité et avoir les perspectives économiques qu'ils recherchent et qu'ils méritent.

Les dernières décennies nous ont appris que le discours de la prévention pouvait se matérialiser en paix réelle pour peu qu'il soit sous-tendu par une véritable volonté politique. Si cette volonté est absente, les sentiments, aussi nobles fussent-ils, n'ont aucune chance de l'emporter. Mais si elle est suffisamment forte, à la fois en Afrique et au sein de la communauté internationale, la paix et le développement peuvent retrouver un nouvel élan sur le continent africain.

La communauté internationale doit aussi montrer sa détermination pour que la prévention ait un sens aux yeux de ceux qui ont le plus besoin d'elle, c'est-à-dire les plus faibles, les plus pauvres, les plus menacés, les peuples d'Afrique et le monde que l'ONU a pour mission de défendre et de protéger. Elle a prouvé que, quand elle le voulait vraiment, elle pouvait amener des changements rapides et décisifs. Pour ce qui concerne l'Afrique, elle doit maintenant se mobiliser pour intervenir là où son action peut être efficace, et pour investir là où les ressources sont requises.

Chaque mission diplomatique et chaque projet de développement de l'ONU sont en quelque sorte un travail de prévention. Et au fil des années, les Secrétaires généraux successifs de l'ONU ont accompli avec succès des missions de bons offices et de diplomatie préventive.

C'est animé de ce souci de prévention que je me suis rendu à Bagdad. Il s'agissait de convaincre les dirigeants iraquiens de se conformer aux exigences du Conseil de sécurité, afin que le processus de désarmement de l'Iraq puisse être mené à son terme.

La stratégie de prévention opérationnelle de l'ONU comporte quatre grands volets — l'alerte rapide, la diplomatie préventive, le déploiement préventif et l'action humanitaire rapide. Sa stratégie de prévention structurelle en compte trois : le désarmement préventif, le développement et la consolidation de la paix.

La promotion des droits de l'homme, la démocratisation et la bonne gouvernance sont les piliers de la paix; ce sont ces trois principes qui inspirent et guident toute notre action.

Le déploiement préventif a déjà donné d'excellents résultats. Ce n'est en réalité qu'une mince "ligne bleue". Pourtant, l'action de la Force de déploiement préventif des Nations Unies dans l'ex-République yougoslave de Macédoine prouve que, s'il s'appuie sur un mandat cohérent et durable, le déploiement préventif peut faire pencher la balance en faveur de la paix.

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Fort de cette réussite, le Conseil de sécurité a autorisé le mois dernier le déploiement préventif de Casques bleus en République centrafricaine. Toutes les parties concernées dans le pays et dans la région admettent que la violence va ressurgir si une force extérieure crédible ne s'interpose pas entre les belligérants. Par sa présence rassurante, ce déploiement peut éviter que des maladresses et des erreurs d'appréciation ne viennent mettre le feu aux poudres.

Il donnera aux parties au conflit le temps de régler leur différend par des voies politiques et permettra de renforcer les institutions de consolidation de la paix — deux conditions indispensables pour rétablir une paix durable.

Le déploiement de cette force d'interposition indiquera clairement à tous les Africains que l'ONU prend très au sérieux son rôle de prévention et sa mission de paix. Et il montrera au reste du monde que l'ONU tire les leçons du passé, qu'elle a appris à apprécier l'utilité de la prévention, et qu'elle affirme par ses actes et non dans de simples discours tout le prix qu'elle attache à la paix.

Il est plus facile de trouver de l'argent pour les cercueils que pour les remèdes, dit un proverbe chinois.

Ne devons-nous pas réfléchir autrement maintenant que nous avons 10 années de leçons derrière nous et que nous voyons le prix de notre inertie passée? N'est-il pas grand temps d'administrer le remède de la prévention pour que prévalent la paix et la prospérité que nous sommes capables de faire naître? N'est-il pas grand temps de préférer les remèdes aux cercueils? Je crois que si. Pour l'Afrique, et pour le monde entier.

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( suivre)

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