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SOC/119

LE COMITE PREPARATOIRE SUR LE SUIVI DE COPENHAGUE EVOQUE LA COEXISTANCE DIFFICILE ENTRE ETAT PROVIDENCE ET CAPITALISME MONDIAL

20 mai 1998


Communiqué de Presse
SOC/119


LE COMITE PREPARATOIRE SUR LE SUIVI DE COPENHAGUE EVOQUE LA COEXISTANCE DIFFICILE ENTRE ETAT PROVIDENCE ET CAPITALISME MONDIAL

19980520 Le Comité préparatoire de la session extraordinaire de l'Assemblée générale sur la suite donnée au Sommet mondial pour le développement social et les initiatives nouvelles a tenu cet après-midi une Table ronde à laquelle ont participé M. Jacques Baudot, Conseiller spécial et Secrétaire des séminaires de Copenhague organisés par le Ministère des affaires étrangères du Danemark, Mme Faith Innerarity, Directrice au Ministère du travail, du bien-être social et des sports de la Jamaïque, Mme Salma Khan, Directrice générale de l'Institut de la gestion du Bangladesh et Présidente du Comité sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, et M. Julian Disney, Président du Conseil international pour le bien-être social.

Les participants à la table ronde ont discuté de la possibilité de subordonner les politiques économiques aux objectifs sociaux, condition importante du développement social. Le contexte mondial fait en effet s'interroger sur la possibilité de réaliser les objectifs alors que décroît l'Etat providence au bénéfice du capitalisme mondial. Pour certains l'Etat doit conserver son rôle de "protecteur social" car comme l'a souligné l'un des conférenciers, l'accroissement des investissements privés dans les pays en développement ne résorbera pas les inégalités sociales à moins d'une intervention de l'Etat pour assurer une redistribution des ressources équitable. Toujours sur la question des ressources, certains se sont félicitées des initiatives prises en matière de microcrédit, moyen pour les pauvres de sortir de la pauvreté avec dignité. Une conférencière a pourtant attiré l'attention sur les limites de ce type de programmes qui, a-t-elle dit, ne réussit que dans un contexte de forte demande de crédits. Ainsi ils ne sauraient toucher les couches les plus pauvres de la population pour qui des programmes plus novateurs s'imposent. Les conférenciers ont, par ailleurs, appelé à un véritable partenariat avec les organisations non gouvernementales dans la mise en oeuvre des engagements du Sommet de Copenhague, en particulier dans l'élimination de la pauvreté. Toutefois, une conférencière leur a reproché de se concentrer trop souvent sur les activités génératrices de revenus plutôt que sur des activités de développement social en tant que telles. Elle a plaidé pour un renforcement du rôle des organisations communautaires seules capables d'identifier les besoins sociaux.

Le Comité préparatoire tiendra sa prochaine réunion demain, jeudi 20 mai, à partir de 10 heures.

Table ronde sur l'évaluation de la mise en oeuvre des résultats du Sommet mondial pour le développement social

M. JACQUES BAUDOT, Conseiller spécial et Secrétaire des séminaires de Copenhague sur le progrès social, a estimé qu'il y a différentes manières de lire les recommandations du Sommet de Copenhague qui constitue, en cette fin de siècle, un document complet témoignant de la sagesse de la communauté internationale en matière de développement. Du point de vue de la communauté internationale et de l'ONU, le développement social est non seulement considéré comme touchant au bien des personnes mais surtout comme la manière dont la société doit fonctionner. Dans ce contexte, il constitue une priorité de toutes les actions publiques. Le texte du Sommet le stipule d'ailleurs clairement. Ce postulat signifie que les problèmes techniques doivent être résolus pour que le développement social devienne vraiment la priorité de toutes les politiques. Cela veut dire aussi qu'il faut effectuer un travail sur l'esprit de l'époque et sur la culture politique pour consolider la place du développement social. Il faut préciser, à ce stade, que les objectifs définis par le Sommet ne sont pas des buts en tant que tels mais plutôt des idées. Le travail qu'il reste à faire est donc de subordonner les politiques économiques aux buts sociaux, de diversifier ce qu'il est convenu d'appeler le processus de la mondialisation et d'enrichir le fondement moral du développement social. Pour ce qui est du premier point, il faut d'abord considérer que les politiques économiques sont un moyen permettant d'atteindre les buts sociaux. Il en ressort la nécessité d'évaluer constamment les politiques économiques par rapport au bien-être des personnes. Il faut donc se demander si les systèmes économiques prévalant dans un pays permettent vraiment aux personnes et aux communautés de disposer de suffisamment de ressources et il faut entendre par là, non seulement les ressources financières mais le temps et aussi l'espace. Les systèmes économiques fournissent-il suffisamment d'aide aux institutions publiques qui ont la responsabilité de promouvoir le bien commun ? Il faut reconnaître que la subordination des politiques économiques aux buts sociaux devient problématique lorsque l'on voit poindre l'idée selon laquelle le développement social viendra de l'initiative privée et qu'il faut laisser opérer les forces du marché. Cela ne peut être vrai lorsque l'on aborde la question de la redistribution des ressources. Par exemple, l'importance des investissements dans les pays en développement n'entraînera de développement social que si la solidarité joue dans la redistribution des ressources. Dans ce cadre, il faut vraiment étudier dans quelle mesure les politiques fiscales contribuent à la réalisation des objectifs sociaux. Au sein des Nations Unies, il devrait y avoir une plus grande subordination des questions économiques aux buts sociaux d'autant que l'Organisation a pour mandat de redresser les inégalités sociales.

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Pour ce qui est du processus de mondialisation, sa diversification exige que l'on établisse la distinction entre son aspect historique et le capitalisme mondial qui l'accompagne. Il faut réfléchir à ce dernier aspect et lancer un défi au capitalisme mondial dans le domaine social. L'ONU doit être le forum pour débattre des différentes formes de mondialisation. Concernant l'enrichissement du fondement moral du développement social, il faut constater que jusqu'ici il y a eu une trop grande instrumentalisation des valeurs de progrès social et économique. La notion de progrès doit être purifiée et devenir réceptive aux valeurs des différentes cultures. Il faut se demander quelles sont, dans les différentes cultures, les notions d'équité et de justice. Comment la culture dominante, celle du capitalisme mondial, encourage-t-elle l'équité ? Comment rapprocher ces notions de celle de durabilité et de viabilité ? La session extraordinaire doit oeuvrer à créer une coopération internationale dans le domaine du développement social. C'est dans ce domaine que les participants doivent apporter leur contribution en utilisant l'an 2000 comme plate-forme de cette nouvelle coopération.

Mme FAITH INNERARITY, Directrice au Ministère du travail, du bien-être social et des sports de la Jamaïque, a déclaré qu'il fallait voir, d'une part, comment mettre en oeuvre les engagements de Copenhague et, d'autre part, comment analyser les progrès réalisés. Pour ce faire, de nombreux éléments doivent être pris en considération. En Jamaïque, des plans spécifiques ont été élaborés pour concrétiser les 10 engagements de Copenhague, en particulier, pour ce qui est de la réduction de la pauvreté. Des mécanismes nationaux, un conseil du partenariat, un conseil interinstitutions sur la pauvreté et un organe chargé du suivi du Sommet social ont été créés à cette fin. Mme Innerarity a souligné le fossé toujours croissant entre les pays riches et les pays pauvres, et entre les riches et les pauvres à l'intérieur même des pays. Malgré des progrès sans précédent, il y a eu des reculs sur certains fronts, en particulier en ce qui concerne la pauvreté, non seulement dans les pays en développement mais aussi dans les pays industrialisés. Dans la région des Caraïbes, bien que la pauvreté ait été réduite, il y a davantage de pauvres en termes absolus. Tout en soulignant le fait que les objectifs sociaux sont essentiels, elle a émis des doutes quant au fait que les objectifs économiques peuvent y être subordonnés. La relation entre l'orientation de la croissance économique et le développement social doit réexaminée sérieusement. Des pays ont essayé au cours des dernières années de se défaire du modèle de l'Etat providence, alors qu'apparaît le capitalisme mondial avec son corollaire de problèmes, a-t-elle déclaré, en évoquant la crise financière asiatique qui a suivi des taux de croissance extrêmement rapides. Pour Mme Innerarity, il importe de revoir les théories, les modèles et les approches. Jusqu'à présent, on a eu tendance au clivage. Or, on a besoin d'études, de preuves empiriques, qui peuvent nous orienter, a-t-elle souligné. Dans ce cadre, elle a estimé que les indicateurs constituaient des instruments fondamentaux pour déterminer la voie vers laquelle on veut s'engager. Il s'agit d'une priorité si l'on veut pouvoir disposer

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de comparaisons sur le plan international. Il faut des indicateurs de surveillance continus ainsi que des évaluations approfondies. En outre, le cadre international de mise en oeuvre des engagements du Sommet doit être renforcé. Les conférences régionales constituent des forums importants à cet égard. Sur le terrain, les différentes institutions de l'ONU doivent également renforcer leur collaboration. Elle a encore estimé que la coopération entre les pays développés et les pays en développement n'étaient pas suffisante.

Mettant l'accent sur le fait que les caractéristiques de la pauvreté changent, avec notamment l'exode rural et l'urbanisation, elle a préconisé l'élaboration de nouvelles stratégies en vue d'aborder les problèmes de façon intégrée. Pour progresser, il faut adopter des démarches micro-économiques et modifier les modèles de planification. Face à la détérioration des valeurs sociales, il faut relancer la solidarité et renforcer le partenariat avec la société civile. Il est important d'établir des liens entre tous les éléments des activités sociales et de s'intéresser également au secteur informel. On semble dire qu'il y a une féminisation de la pauvreté. Or, il y a toutefois des situations dans lesquelles les femmes ont un avantage sur les hommes, a poursuivi Mme Innerarity. Ainsi, dans les Caraïbes, bien que les hommes contrôlent le pouvoir politique, l'éducation est davantage aux mains des femmes. Les femmes sont souvent plus vulnérables, mais c'est aussi le cas des hommes. Il faut donc envisager la question de la parité entre les sexes avec un nouveau regard et prendre en considération la complémentarité entre les hommes et les femmes, a-t-elle déclaré.

Mme SALMA KHAN, Directrice générale de l'Institut de gestion du Bangladesh et Présidente du Comité pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, a souligné que l'Asie du Sud où 50% de la population vit en-deçà du seuil de pauvreté, affiche les indicateurs du développement social les moins enviables. La priorité est donc de lutter contre la pauvreté et des initiatives sont prises pour mieux cerner le problème. Ainsi des études menées par la Banque Grameen ont montré que l'emprunt contribue à améliorer les conditions de vie et ce, sur une base régulière. Le modèle d'emprunt de la Banque Grameen a d'ailleurs été repris dans de nombreux pays et dans différentes régions où des résultats positifs ont été obtenus auprès de 15 millions d'emprunteurs, dont une majorité de femmes. La Banque a donc ainsi montré l'efficacité des programmes de microcrédit dans la lutte contre la pauvreté. Ce modèle a pourtant montré ses limites puisque le microcrédit ne peut toucher que certaines couches de la population, ceux qui ont les moyens de rembourser leurs prêts. Il est donc important que la session extraordinaire de l'Assemblée générale souligne la différence de potentiel entre les individus appartenant à la catégorie des pauvres et que les programmes de microcrédit ne peuvent être efficaces que là où il existe une forte demande de crédit. La pauvreté n'est pas statique, elle est multidimensionnelle. Il faut donc concevoir des programmes

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spécifiques pour les pays d'Asie du sud qui mettent l'accent sur les personnes extrêmement pauvres et la parité entre les sexes. A ce propos, une réduction des dépenses militaires de 5% dans la région pourrait générer des fonds importants. Venant à la question de la parité entre les sexes, Mme Khan a invoqué une étude qui a montré que le revenu mensuel des foyers dirigés par les femmes est de 40% inférieur à ceux des foyers dirigés par les hommes. Les programmes d'élimination de la pauvreté devraient donc se concentrer sur l'accès des femmes pauvres à la terre, au crédit et au logement. Il faut en outre accorder la priorité au filet de sécurité pour les foyers dirigés par les femmes. L'efficacité de ces programmes d'élimination de la pauvreté exigent l'identification du nombre et du degré de concentration des pauvres dans les différents pays.

A cet égard, s'il faut saluer le travail des ONG dans le domaine de l'élimination de la pauvreté, il faut aussi dénoncer la tendance qu'elles ont à se concentrer sur les activités génératrices de revenus et moins sur les activités de développement social. En cela, les organisations communautaires peuvent jouer un rôle crucial en créant une demande de services sociaux au niveau local. Les autorités locales, quant à elles, doivent encourager davantage les personnes pauvres à s'organiser et faciliter les liens entre les pauvres et les gouvernements. Soulignant l'importance de la création d'emplois productifs dans les efforts de lutte contre la pauvreté, Mme Khan a estimé que le règlement de la question du chômage dans les pays en développement exige le dépassement des règles établies qui reflètent bien souvent les intérêts des pays les plus puissants. L'intervention politique des gouvernements étant nécessaires à la création d'une main d'oeuvre qualifié, il faut conseiller la prudence aux gouvernements des pays en développement lorsqu'ils adoptent des politiques de libéralisation qui peuvent entraîner une réduction de la demande de travail non qualifié. Revenant à la parité entre les sexes, Mme Khan a souligné que le Sommet de Copenhague n'a pas tenu compte des besoins des femmes. Elle a donc souhaité que la session extraordinaire de l'Assemblée générale adopte des mesures pour assurer les droits des femmes et garantir la pleine mise en oeuvre de la Convention de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Concluant sur la question du financement, elle a appelé les gouvernements à approuver la création de fonds pour le développement social et d'y consacrer 4% du produit intérieur brut. La session extraordinaire, a-t-elle dit, doit servir à réexaminer les stratégies, les politiques, les normes et les institutions pour sortir du cercle vicieux de la pauvreté.

M. JULIAN DISNEY, Président du Conseil international pour le bien-être social, a déclaré que la session extraordinaire devait avoir pour objectif d'évaluer la mise en oeuvre des engagements du Sommet, d'encourager les politiques et de déboucher ensuite sur des décisions et des actions. Il faut, en outre, examiner ce que peut faire l'ONU pour mettre en oeuvre les objectifs du Sommet. Soulignant l'importance de l'échange d'idées dans le domaine

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du développement social, M. Disney a indiqué qu'il fallait faire la différence entre le travail réalisé par ceux qui ont le pouvoir et ceux qui sont mieux à même de procéder à un échange d'idées. Il est important que ces échanges d'idées précèdent la session de quelques mois pour que les décideurs aient le temps d'y réfléchir. Il n'est en effet pas réaliste de penser que cela peut se faire en même temps. M. Disney s'est déclaré favorable à la proposition selon laquelle la session extraordinaire doit avoir pour fondement les dix engagements de Copenhague. On évoque de nouveaux problèmes qui se seraient posés depuis le Sommet. Mais ces problèmes existaient depuis longtemps, bien qu'ils se soient accentués. Il a donc préconisé une plus grande interaction entre le Conseil économique et social, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l'Organisation mondiale du commerce. Pour M. Disney, il n'est pas réaliste de penser que dans ce type de réunion, les personnes les plus touchées par la pauvreté peuvent être représentées de la même façon que d'autres groupes. Pour se rapprocher de celles-ci, il a suggéré de renforcer la collaboration entre le Conseil économique et social et les groupes régionaux, estimant que ceux-ci sont en outre fondamentaux pour l'avenir de la coopération internationale. Il est toutefois important de faire en sorte que ce processus de régionalisation n'affecte pas la nécessité d'une meilleure coopération mondiale. Il a suggéré la tenue de réunions régionales du Conseil économique et social.

M. Disney a, par ailleurs, rappelé la nécessité d'assurer la stabilité des marchés financiers, en déplorant le fait que cette question n'ait pas reçu toute l'attention voulue jusqu'à présent. Il a notamment préconisé de se pencher sur la question de la limitation des activités de spéculation. Il importe maintenant de tenir compte des préoccupations des pays en développement et de leur venir en aide plutôt que de leur porter préjudice. Il a suggéré de conclure un accord multilatéral sur les investissements et a souligné la nécessité d'adopter des mesures internationales pour prévenir la concurrence déloyale. La réforme des politiques fiscales est indispensable, a-t-il ajouté. Il a estimé qu'il fallait se concentrer sur certains objectifs qui ont déjà fait l'objet d'un accord et ensuite les évaluer et les mettre en oeuvre. M. Disney a mis l'accent sur l'importance d'associer les médias au processus de préparation de la session extraordinaire. Pour lui, les Ministres devraient également y participer. Afin d'éviter la lourdeur des rapports nationaux, il a proposé la création d'un Comité des sages qui travaillerait pendant six mois pour préparer un rapport d'une dizaine de pages contenant des propositions en vue de dénouer les problèmes intergouvernementaux.

A la suite de ces exposés, le représentant des Etats-Unis a pris la parole pour dire que la conception de la solidarité comme fondement de l'aide publique au développement avait suscité son intérêt d'autant que l'idée que se fait son pays de cette aide est toute différente. Il s'est également dit intéressé par l'appel en faveur d'une subordination des buts économiques aux buts sociaux.

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