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SG/SM/6557

LE SECRETAIRE GENERAL SALUE LES EFFORTS DEPLOYES SUR LE PLAN REGIONAL POUR RESOUDRE LE PROBLEME DES DEPLACEMENTS FORCES DANS LA REGION DES GRANDS LACS

20 mai 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6557
REF/1161


LE SECRETAIRE GENERAL SALUE LES EFFORTS DEPLOYES SUR LE PLAN REGIONAL POUR RESOUDRE LE PROBLEME DES DEPLACEMENTS FORCES DANS LA REGION DES GRANDS LACS

19980520 On trouvera reproduit ci-après le texte de l'intervention que le Secrétaire général, Kofi Annan, a faite à la réunion régionale consacrée aux questions relatives aux réfugiés dans la région des Grands Lacs, qui s'est tenue à Kampala le 9 mai :

J'étais hier à Kigali, capitale d'un pays où se sont déroulés il y a quelques années à peine certains des événements les plus tragiques de l'histoire moderne. À l'heure où nous évoquons ces jours sombres, et nous efforçons avec humilité de tirer des enseignements de nos erreurs, n'oublions pas que le génocide rwandais est à l'origine d'une autre tragédie encore : la fuite de millions d'individus, réfugiés et génocidaires confondus — ceux-ci prenant ceux-là comme caution et comme bouclier.

Bien que la plupart des réfugiés rwandais aient maintenant regagné leurs foyers, la région continue d'être aux prises avec les conséquences d'un événement qui ne trouve de précédent que dans l'exode biblique. Ainsi, au Burundi, la paix continue d'être hors de la portée du peuple burundais, qui compte encore des milliers de réfugiés en exil. L'agitation qui sévit dans d'autres régions, en particulier dans les provinces de Kivu dans le Congo oriental, risque de provoquer de nouveaux déplacements de victimes innocentes.

Je puis donc vous dire, d'emblée, que vos délibérations sont on ne peut plus opportunes et importantes. Comme je l'ai fait observer dans le rapport sur l'Afrique que j'ai présenté au Conseil de sécurité, "l'époque est révolue où l'on pouvait prétendre ignorer ce qui se passait en Afrique ou ce qu'il fallait faire pour réaliser des progrès". Les choses sont en train de changer rapidement. De toute évidence, les Africains sont animés d'une volonté nouvelle et ferme de prendre en main l'avenir de leur continent et de trouver des solutions à leurs problèmes. Nous devons encourager cette tendance, et nous sentir encouragés par elle.

Nous savons tous quels bouleversements et quels déchirements le problème des réfugiés a provoqués ces dernières années dans la région. Des hommes, des femmes et des enfants par milliers ont été, sans le savoir, les protagonistes de certaines des pires catastrophes dues à l'homme qui se soient abattues sur

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la planète depuis la Seconde Guerre mondiale — défaites de l'humanitaire, certes, mais, plus encore, défaites pour l'humanité tout entière. C'est donc très bon signe que les gouvernements des pays de la région des Grands Lacs, se montrant disposés à soutenir les efforts déployés conjointement par l'Organisation de l'unité africaine et le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, aient envoyé leurs représentants à la réunion que vous tenez aujourd'hui pour essayer de trouver des solutions au problème des déplacements forcés. Mon espoir est que vos discussions franches et ouvertes déboucheront sur des idées et des propositions nouvelles. Il ne faut plus qu'il soit dit que les problèmes de réfugiés dans la région des Grands Lacs sont "intraitables". Il ne faut plus que des réfugiés puissent être pris en otage par ceux qui ont intérêt à fomenter la violence et à créer l'instabilité.

Je suis heureux de me trouver parmi vous aujourd'hui; ce bref instant auquel se ramène ma participation à votre réunion est à mes yeux un temps fort de mon voyage. Je tiens à exprimer mes remerciements au Président Museveni, qui a bien voulu accueillir cette réunion, et remercier aussi Mme Ogata et M. Salim des efforts qu'ils ont déployés pour la planifier, la préparer et l'organiser. Je voudrais dire, toutefois, que vos délibérations ne prendront tout leur sens que si elles ne restent pas un fait isolé. Les problèmes que soulèvent les déplacements ne peuvent être réglés de façon positive et permanente que si les solutions envisagées s'intègrent à tout un ensemble de mesures dans les domaines de la paix et de la sécurité et du développement économique. Je souhaite faire à ce sujet trois observations :

Premièrement, je tiens à exprimer mon ferme appui aux efforts qui sont déployés pour réaffirmer les principes du droit des réfugiés et faire en sorte qu'il y ait "convergence" — pour reprendre le terme utilisé par Mme Ogata — entre eux et les préoccupations et les intérêts des États. Il est essentiel que l'Afrique adhère à l'esprit de la Convention de l'OUA sur les réfugiés — mais qu'elle veille, ce faisant, à ce que rien ne vienne compromettre la sécurité, le développement économique et l'environnement naturel des États.

Deuxièmement, il est essentiel que vos délibérations sur la nécessité de préserver le caractère civil des zones d'installation de réfugiés s'articulent sur le débat plus général concernant la paix et la sécurité dans la région et au-delà. La communauté internationale n'a pas mobilisé suffisamment de ressources militaires pour séparer les réfugiés des génocidaires dans les camps de Kivu entre 1994 et 1996. Le fait que cette séparation n'a pas été opérée a entraîné des conséquences qui sont à ce jour encore ressenties dans certains pays d'Afrique centrale. À cause de ce même fait, les interventions humanitaires ont été souvent bloquées en raison de problèmes de sécurité. Quant à l'assistance humanitaire, elle s'est dans certains cas muée en cause involontaire d'insécurité — devenant un instrument de guerre, comme on l'a parfois dit. Il ne faut pas que cela se reproduise. On ne doit pas attendre

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des organismes à vocation humanitaire qu'ils s'emploient à remédier à des problèmes qui relèvent de mesures d'ordre politique et militaire — comme la séparation des réfugiés d'avec les éléments militaires, les milices et les terroristes.

Dans mon rapport au Conseil de sécurité, j'ai recommandé avec fermeté que la question de la démilitarisation des camps de réfugiés soit réglée d'urgence, au besoin par la création de mécanismes d'intervention militaire multinationaux. Il est en outre essentiel que des solutions à la fois justes et humaines soient trouvées au problème des individus dont on découvre qu'ils ne sont pas des réfugiés. J'ajouterai que l'action humanitaire elle-même sera inopérante, voire néfaste, si d'autres questions sécuritaires importantes telles que les mouvements illicites d'armes et le recours aux mines terrestres ne sont pas réglées d'urgence par la communauté internationale.

Il est essentiel, enfin, que vos délibérations contribuent au débat plus général portant sur la reconstruction et le développement. Sans le développement, il n'est pas de solution durable aux problèmes de réfugiés — ni, à vrai dire, de solution durable aux conflits qui sévissent dans la région. Nombre des pays représentés à votre réunion se trouvent dans une phase extrêmement difficile — celle qui fait suite à un conflit. Il faut que les mesures de relèvement d'urgence qui sont nécessaires pour répondre aux besoins pressants de ces pays — la reconstruction d'écoles, par exemple — s'articulent sur le développement à long terme — la mise en place de systèmes d'éducation efficaces, pour reprendre le même exemple. Je constate avec plaisir que vous avez à votre ordre du jour la question de la réintégration des rapatriés et celle du relèvement des zones qui reçoivent des réfugiés. L'Organisation des Nations Unies continuera de faire porter ses efforts dans deux directions : d'une part, elle s'efforcera de mobiliser des ressources pour cette phase de transition — souvent négligée par les donateurs; et, d'autre part, elle veillera à ce qu'une meilleure coordination s'instaure entre l'action humanitaire et l'action en faveur du développement.

Je voudrais, avant de conclure, remercier une fois de plus les organisateurs de m'avoir invité, mais aussi, et en particulier, je voudrais remercier les gouvernements de la région d'avoir accepté l'invitation de Mme Ogata et de M. Salim. Le niveau élevé de représentation évident dans toutes vos délégations est une indication de l'intérêt que vos gouvernements portent à la question qui vous occupe et de leur volonté d'agir. Je serai heureux de revenir avec vous dans d'autres instances, plus larges, sur les résultats de cette réunion. En attendant, je vous souhaite plein succès dans vos délibérations.

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