En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/6544

IL FAUT METTRE À PROFIT LA SAGESSE DES FEMMES, LEURS ÉNERGIES, LEUR CRÉATIVITÉ POUR ÉDIFIER L'AFRIQUE NOUVELLE, DÉCLARE LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL

19 mai 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6544
REC/7


IL FAUT METTRE À PROFIT LA SAGESSE DES FEMMES, LEURS ÉNERGIES, LEUR CRÉATIVITÉ POUR ÉDIFIER L'AFRIQUE NOUVELLE, DÉCLARE LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL

19980519 On trouvera ci-après le texte de l'allocution que le Secrétaire général, M. Kofi Annan, a prononcée le 30 avril devant la Conférence sur les femmes africaines et le développement économique, à Addis-Abeba :

Je vous remercie, Monsieur le Secrétaire exécutif, de vos aimables paroles de bienvenue.

C'est pour moi un honneur, un privilège et un grand plaisir que de me joindre à vous aujourd'hui, à l'occasion du quarantième anniversaire de la Commission économique pour l'Afrique (CEA).

Je dis bien un honneur et un privilège, car je suis venu pour célébrer avec vous le nouvel esprit de changement qui souffle sur l'Afrique, les nouveaux défis auxquels sont confrontés les femmes africaines et le développement africain, comme les nouvelles possibilités qui se présentent. Me trouver parmi vous, partager votre optimisme et puiser de la force dans votre détermination, tout cela est pour moi un grand honneur.

Je considère de plus comme un privilège d'appartenir à une organisation, l'Organisation des Nations Unies, qui se tient prête à aider au processus du changement en Afrique. Je rends hommage, Monsieur, à l'action que vous menez pour faire de la CEA un instrument toujours plus efficace au service de l'Afrique et du développement africain.

C'est enfin un grand plaisir pour moi que de me trouver ici à Addis, où ma carrière aux Nations Unies a commencé. Je n'ai que des souvenirs heureux de la ville et du pays. Le jeune homme que j'étais y a passé six années merveilleuses. J'y ai beaucoup d'amis, aussi bien à la Commission économique pour l'Afrique que dans le pays lui-même.

Le choix, pour thèmes de cette conférence commémorative, des femmes africaines et du développement africain est à la fois opportun et approprié. Les femmes africaines ont pendant longtemps payé un lourd tribut à la violence et aux bouleversements que connaissait l'Afrique. Elles n'en ont pas moins été les agents de la paix et du développement. Le moment est venu pour elles de donner à leur contribution — remarquable — toute sa mesure.

Nous sommes réunis ici aujourd'hui, à un moment où, pour la première fois depuis plus de 10 ans, une croissance économique globale positive se manifeste en Afrique. L'Afrique retrouve la stabilité. L'investissement retourne vers de nombreux pays africains.

La croissance des économies africaines, impulsée par les réformes, s'accompagne d'un espoir et d'une détermination renouvelés. La démocratie prend un nouvel élan, et l'on comprend de mieux en mieux les liens entre la démocratisation, la justice sociale et le respect des droits de l'homme.

Hélas, ce renouveau est menacé par la violence et les troubles qui affligent de nombreuses sociétés africaines. Aujourd'hui, le conflit projette une ombre sur l'Afrique.

Si le monde n'intervient pas vite pour aider à contenir les forces qui alimentent les conflits africains, notre avenir africain ne sera guère brillant.

Car nous savons ce qui se passe lorsque les États s'effondrent, lorsque la démocratie fait place au despotisme, lorsque des milices rivales adoptent la violence pour tout credo, lorsque les citoyens se retrouvent démunis des rudiments mêmes d'une existence stable, lorsque des puissances extérieures s'immiscent dans l'administration du pays.

Le rapport que j'ai présenté récemment au Conseil de sécurité fait état de 30 conflits armés ayant surgi en Afrique au cours de cette dernière décennie. Pour la seule année 1996, 14 pays d'Afrique ont été frappés. Ces conflits sont responsables de plus de la moitié des décès causés par les guerres dans le monde. Ils se sont traduits par plus de 8 millions de réfugiés, de rapatriés et de personnes déplacées. Souvent, le grand objectif est de tout détruire. Armées et milices cherchent à anéantir non seulement les armées mais aussi bien les civils et parfois des ethnies entières.

Les victimes premières de ces conflits, qui frappent les femmes de façon disproportionnée, sont celles qui en sont le moins responsables, qui sont le moins en mesure de se défendre, qui ont le plus à perdre, à qui nous ne pouvons le moindrement nous permettre de faire du mal.

Les femmes ont souffert en Afrique, ce qui ne les a pas empêchées de bâtir. En plein conflit, ce sont les femmes qui ont assuré la continuité de la vie familiale, qui ont soigné les malades et les blessés, qui ont puisé l'eau et ramassé le bois à brûler, qui ont cultivé la terre et se sont occupées des animaux. Il est inique et honteux que les femmes, qui ont vraisemblablement plus que quiconque toutes raisons de vouloir la paix, soient également les plus durement frappées lors des conflits, habituellement le fait des hommes.

( suivre)

- 3 - SG/SM/6544 REC/7 19 mai 1998

Les femmes africaines sont confrontées à une discrimination considérable et systématique dans l'accès aux ressources économiques telles que la terre et le crédit. Elles ne participent pas pleinement aux processus de la prise de décisions dans les domaines sociopolitique et économique. Elles constituent la majorité des pauvres au travers du continent.

Les femmes et les fillettes font l'objet de graves atteintes, sexuelles et autres, à leur intégrité personnelle, au sein du foyer, de la collectivité et dans la société, en période de paix et encore plus en période de crise. Les femmes africaines n'entendent plus accepter cette situation. Les sociétés africaines, y compris les hommes, doivent la rejeter eux aussi.

Mes soeurs africaines, comme l'a dit une fois Eleanor Roosevelt : Nul ne saurait être traité en inférieur sans son consentement.

Les femmes africaines ont déjà beaucoup accompli. Les organisations et les réseaux féminins appellent sans relâche l'attention sur les besoins, les contributions et le potentiel des femmes. Les femmes ont jeté un nouveau regard sur la paix et la prospérité économique en Afrique et leur ont imprimé de nouvelles directions, aidant en cela les sociétés à s'adapter au changement et à aller de l'avant au travers de périodes troublées.

Je ne vous citerai qu'un seul cas en exemple. Au cours des années difficiles de l'ajustement structurel, en 1983-1984, ce sont les femmes qui, au Ghana, ont assuré la continuité de la distribution des biens et des services, qui ont expérimenté de nouveaux aliments pour maintenir leur famille en bonne santé et leur assurer des niveaux nutritionnels satisfaisants.

Le mouvement des femmes d'Afrique a transformé l'ordre du jour mondial féministe en faisant en sorte que le développement vienne en tête de la liste des priorités. Aujourd'hui, ce même mouvement aide à transformer l'ordre du jour propre du développement de l'Afrique.

Dès le début, les groupes féminins, oeuvrant avec les gouvernements, les organisations non gouvernementales et d'autres acteurs de la société civile, ont donné son élan au changement. Au niveau international toutefois, c'est la succession de conférences mondiales — Rio de Janeiro, Vienne, Le Caire et Beijing — qui ont donné une nouvelle unité et une nouvelle direction à la cause des femmes.

Encouragée par l'exemple des femmes africaines, et aiguillonnée par elles, l'Organisation des Nations Unies a fait beaucoup, mais elle a encore beaucoup à faire.

( suivre)

- 4 - SG/SM/6544 REC/7 19 mai 1998

De par le monde, on compte plus de 100 pays ayant fait savoir à l'Organisation des Nations Unies qu'ils mettaient en application les plans d'action des diverses conférences mondiales. Le Programme d'action de Beijing — premier plan véritablement complet comportant 12 domaines essentiels à l'amélioration de la condition de la femme — est désormais au centre des programmes fondamentaux de plusieurs institutions de l'Organisation des Nations Unies oeuvrant de concert avec la communauté internationale, les gouvernements et la société civile.

On ne saurait revenir sur le Programme d'action élaboré pour renforcer l'autonomisation sociale, économique et politique des femmes, améliorer la santé des femmes et promouvoir leur éducation et leur formation, leurs droits dans le mariage et dans la sexualité, pour lutter contre la violence fondée sur le sexe.

On ne saurait revenir sur la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, l'un des documents les plus remarquables de notre temps, ratifiée au 31 juillet 1997 par 160 États. Les États qui sont à la traîne ou dont la ratification est assortie de réserves, vont à contre-courant de l'histoire.

La grande question qui sous-tend ces engagements pris au niveau mondial, ce sont les droits de la femme. Tel que garantis dans nombre de conventions internationales et dans la propre Charte africaine sur les droits de l'homme et des peuples, les droits fondamentaux de la femme comprennent le droit à une éducation et à des soins médicaux de qualité, à une vie à l'abri de la violence, à la participation aux processus de la prise de décisions et à tous les processus politiques, et les droits économiques. Les droits de l'homme ne seront pas réalisés aussi longtemps que les droits fondamentaux de la femme n'auront pas été pleinement respectés.

Nous célébrons cette année le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. J'en appelle aux pays africains pour qu'ils saisissent cette occasion de renouveler leur engagement à respecter et protéger les droits fondamentaux de la personne, notamment les droits de la femme. Si l'on ne reconnaît pas nettement que les droits des femmes sont des droits fondamentaux et qu'ils affectent tous les aspects du processus de développement, le renouveau africain en viendra peu à peu à s'enrayer.

En fin de compte, dans ce combat comme dans tant d'autres, la responsabilité du changement repose sur les épaules africaines.

On ne peut plus désormais surprendre quiconque — les hommes d'Afrique y compris — en affirmant que l'égalité entre les sexes est plus qu'un but en soi. C'est une condition préalable sans laquelle on ne pourra relever le défi que posent la réduction de la pauvreté, la promotion du développement durable et la mise en place d'une saine administration des affaires publiques.

( suivre)

- 5 - SG/SM/6544 REC/7 19 mai 1998

Ce n'est pas la première fois dans l'histoire que l'on prend conscience de cette vérité qui n'est d'ailleurs l'apanage d'aucune culture. Déjà, au XIIe siècle, le philosophe africain Ibn Rushd disait qu'une société qui réduisait les femmes en esclavage était une société condamnée à décliner.

À l'inverse, l'expérience montre que, au cours des âges, lorsque nous avons fait appel à l'intelligence et aux moyens d'action des femmes, quelle que soit la société, quel que soit le pays, quel que soit le continent, chacun s'en est trouvé mieux.

Le défi qui se pose aujourd'hui est de faire en sorte que la sagesse, les énergies et la créativité des femmes soient pleinement mises à profit pour le bien de tous, en d'autres termes, que les femmes participent à tous les stades, à tous les niveaux et à tous moments au processus de l'édification de l'Afrique nouvelle.

L'ingéniosité des femmes a sauvé l'Afrique à maintes et maintes reprises. L'inspiration des femmes aidera le renouveau africain à porter ses fruits pour de nombreuses années à venir.

Laissons derrière nous la violence, le conflit et la discrimination à l'égard des femmes, qui ont souvent défiguré nos sociétés. Allons de l'avant, vers une nouvelle ère de paix et de prospérité dans laquelle les femmes africaines interviendront à part entière dans l'égalité.

Je suis heureux de constater que de nombreux jeunes hommes et jeunes femmes assistent à la Conférence.

N'oublions pas que près de 60 % de la population de l'Afrique est constituée de jeunes de moins de 25 ans, que plus de la moitié de cette population se compose de fillettes et de jeunes femmes. Les gouvernements africains, la communauté internationale ainsi que l'Organisation des Nations Unies, les institutions qui lui sont reliées et ses programmes doivent oeuvrer en commun de manière qu'ils ne deviennent pas une génération perdue.

Pour terminer, j'adresse à nouveau mes félicitations aux femmes africaines pour leurs accomplissements et à la Commission économique pour l'Afrique, qui les a reconnus. Il y a là une base solide sur laquelle on pourra faire fond pour aborder les défis énormes qui nous attendent encore.

Je remercie également la communauté internationale de son appui inlassable à l'Afrique et aux femmes africaines. J'en appelle aux hommes d'Afrique pour qu'ils participent pleinement à la lutte en vue d'intégrer les femmes africaines dans la société, sur une base d'équité. Enfin, je souhaite à chacun d'entre vous tous les succès dans la poursuite de ces buts.

* *** *

( suivre)

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.