SG/SM/6547

TRANSCRIPTION DE LA CONFÉRENCE DE PRESSE DONNÉE PAR LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL, M. KOFI ANNAN, À GIGIRI (KENYA), LE 4 MAI 1998

13 mai 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6547


TRANSCRIPTION DE LA CONFÉRENCE DE PRESSE DONNÉE PAR LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL, M. KOFI ANNAN, À GIGIRI (KENYA), LE 4 MAI 1998

19980513 Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Je sais gré au Président Moi et au Gouvernement kényen de leur généreuse hospitalité et des dispositions qu'ils ont prises pour faciliter la tâche de l'ONU.

J'ai eu des entretiens bilatéraux avec le Président Moi ainsi qu'avec le Ministre des affaires étrangères. À l'occasion d'un déjeuner avec le Président du Parlement, j'ai été très heureux de rencontrer les membres de divers partis représentés au Parlement national. Le pluralisme politique est manifestement florissant au Kenya.

Lors des entretiens que j'ai eus avec le Président et le Ministre des affaires étrangères, nous avons abordé la question de l'avenir du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et du Centre des Nations Unies pour les établissements humains (Habitat). J'ai réaffirmé que la présence de l'ONU à Nairobi devrait être renforcée. J'ai en effet nommé M. Klaus Topfer, qui se trouve à ma gauche, Directeur général du Bureau des Nations Unies à Nairobi. La représentation de l'ONU dans cette région est donc assurée au même niveau qu'à l'Office de Vienne et de Genève.

Les entretiens avec le Président et le Ministre des affaires étrangères ont également porté sur des questions régionales, notamment les questions concernant les Grands Lacs, le Soudan et la Somalie. J'ai été heureux d'apprendre que les médiateurs de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et les parties au conflit dans le sud du Soudan ont repris leurs pourparlers à Nairobi lors de ma visite dans cette ville. Je saisis cette occasion de rappeler que j'appuie énergiquement l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) ainsi que l'initiative de paix du Président Moi. Je voudrais également encourager les participants à parvenir dès que possible à un règlement global et pacifique du conflit.

Ce matin, des informations m'ont été communiquées au sujet d'une autre question; les responsables de l'opération Survie au Soudan, mise sur pied par un groupe d'organisations sous la direction de l'ONU en vue d'éviter une catastrophe dans le sud du Soudan, m'ont tenu au courant de la situation. Les populations dans cette région ont besoin d'urgence d'une aide très importante. Je me réjouis de l'accord conclu hier à Khartoum avec le Gouvernement soudanais qui va permettre de tripler pratiquement la livraison de vivres au

cours des quatre prochains mois. Il convient de féliciter le Gouvernement soudanais d'avoir pris la décision d'autoriser l'ONU à avoir pleinement accès à cette région pour des raisons humanitaires. Je ferai part de ma satisfaction au Ministre des affaires étrangères du Soudan avec qui je dois m'entretenir cet après-midi. Il est essentiel que l'ONU continue d'avoir accès à cette région au cours des mois à venir, quelle que soit l'issue des pourparlers de paix qui s'ouvrent aujourd'hui.

La livraison de secours humanitaires étant désormais possible, l'obtention des fonds nécessaires pour éviter une catastrophe humanitaire dans le sud du Soudan constitue le principal obstacle à surmonter. Sur les 109 millions de dollars — je dis bien 109 millions de dollars — demandés dans le cadre de l'appel global interinstitutions qui a été lancé, les annonces de contributions ne représentent que 20 % de cette somme. Le Programme alimentaire mondial (PAM) lance un appel aux donateurs en vue d'obtenir des dons supplémentaires en vivres et en espèces d'un montant de 20,2 millions de dollars qui permettra de satisfaire les besoins en vivres au cours des quatre prochains mois. Il faudrait que le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) dispose d'un montant supplémentaire de 4,5 millions de dollars pour la fourniture de secours autres que des vivres dans la seule région de Bahr el Ghazal et de millions supplémentaires pour d'autres régions. J'exhorte les gouvernements et diverses opérations à répondre d'urgence et généreusement à mon appel pour faire face à cette crise.

J'ai également eu l'occasion au cours de ma visite de m'entretenir avec les équipes des Nations Unies se trouvant au Soudan et en Somalie. C'est ma deuxième visite en deux jours à Gigiri où j'ai pu également rencontrer les représentants permanents d'États membres au PNUE et à Habitat.

Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

QUESTION : Pensez-vous que le fait que vous n'ayez tenu aucun compte des préparatifs du général Dallaire concernant le déclenchement du génocide au Rwanda en 1994 — question qui faisait l'objet d'un article publié hier dans le New Yorker — puisse entamer votre crédibilité dans vos fonctions actuelles ou compliquer votre visite [inaudible]?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Tout d'abord, cet article n'est qu'une nouvelle mouture d'une ancienne version des faits. Deuxièmement, les dirigeants de la région et les États Membres de l'ONU, le Conseil, les pays fournisseurs de contingents, tous [inaudible] ... mon rôle. Laissez-moi vous dire que le fait de ne pas avoir empêché le déclenchement du génocide au Rwanda a été un échec pour nous tous, aux niveaux local, national et international, y compris pour les États Membres disposant des moyens nécessaires. Nous sommes tous responsables. Nous avons failli à nos responsabilités à l'égard du Rwanda.

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La raison fondamentale de cet échec tient au manque de volonté politique et non au manque d'informations. Si c'était le manque d'informations qui empêche d'agir et de résoudre les crises, le monde ne connaîtrait à l'heure actuelle qu'un nombre très limité de crises.

Nul ne peut nier que la communauté internationale a failli à ses responsabilités à l'égard du peuple rwandais. La question cruciale à l'heure actuelle n'est pas de chercher après coup à qui imputer la responsabilité de cet échec. Il s'agit plutôt de déterminer comment éviter la répétition d'une telle tragédie et de quelle manière la communauté internationale peut aider le plus efficacement possible le peuple et le Gouvernement rwandais à faire face à cette tâche extrêmement ardue : réconcilier les membres de la communauté et panser les blessures du passé.

QUESTION : À ce propos, pourriez-vous, Monsieur le Secrétaire général, nous dire quel message vous allez apporter au Rwanda?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : J'en réserve la teneur au Gouvernement rwandais et vous en serez ensuite informés. Je pense effectivement avoir un message à lui transmettre. Nous avons à discuter d'un grand nombre de questions et il me semble approprié de m'entretenir avec les représentants du Gouvernement plutôt que de leur adresser un message télévisé.

QUESTION : Pensez-vous que l'évaluation faite l'an dernier de la crise en Somalie par votre Envoyé spécial, l'Ambassadeur Kittani, est toujours valable après l'échec des accords de Sodere et du Caire?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : La crise somalienne est une crise difficile à régler, mais je pense que les efforts menés par l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) sont sur le bonne voie. J'ai eu l'occasion de traiter de cette question avec le Premier Ministre éthiopien, M. Meles Zenawiin, et je lui ai indiqué que l'ONU appuie les efforts de l'IGAD et que nous sommes prêts à lui fournir toute l'aide qu'elle pourrait juger nécessaire. J'ai également incité les gouvernements de la région à collaborer avec l'IGAD. J'espère que les factions somaliennes, après un conflit aussi long, parviendront à Mogadishu, avec la participation de tous les Somaliens, c'est-à-dire avec une participation aussi large que possible, à un accord et à l'instauration d'une véritable paix. Nous collaborons avec l'IGAD et nous continuerons à épauler ses efforts.

QUESTION : À votre arrivée hier, Monsieur le Secrétaire général, vous avez mentionné certaines questions touchant la représentation des Nations Unies à Nairobi et déclaré que vous alliez vous en entretenir avec le Gouvernement kényen. Je me demandais alors ... je crois comprendre que vous [inaudible] le niveau de la représentation à Nairobi. Cela signifie-t-il que vous considérez que les questions qui vous préoccupaient ont été réglées?

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Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Le Directeur général, M. Klaus Topfer, a été nommé bien avant mon départ; cette nomination ne date pas d'hier. Deuxièmement, ces questions avaient trait à l'amélioration du système de communication et de certains services nécessitant l'accord de l'administration postale du Kenya et d'autres institutions gouvernementales. De grands progrès ont été faits et nous sommes sur le point de régler les autres questions. Dans le contexte de la mondialisation, les systèmes de communication constituent un instrument très efficace. Faute de disposer de ces moyens et d'être en constant rapport avec New York et le reste du monde, le fonctionnement du Bureau de l'ONU risquerait d'être sérieusement entravé. Ce sont ces questions que nous avons abordées. Les entretiens que j'ai eus avec les dirigeants kényens me donnent bon espoir de voir ces problèmes réglés.

QUESTION : D'après certaines rumeurs, le tribunal d'Arusha pourrait être transféré au Kenya. S'agit-il seulement de rumeurs?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Ce ne sont en effet que des rumeurs.

QUESTION : En ce qui concerne la situation dans le sud du Soudan, tout le monde attend un cessez-le-feu. Pourriez-vous intervenir auprès des deux parties à cet égard?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Mes efforts ne se sont pas bornés à inciter les parties à accepter un cessez-le-feu. J'ai exhorté les deux parties à faire preuve de clairvoyance et de courage en acceptant le compromis nécessaire pour parvenir à un règlement. Tout règlement impliquerait naturellement de parvenir d'abord à un cessez-le-feu. Toutefois, je serais satisfait que les parties acceptent un cessez-le-feu immédiat, mais je les exhorterai, comme je l'ai déjà fait, à accélérer leurs efforts.

QUESTION : Le [inaudible] parle de l'exécution de condamnés au Rwanda. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Tout d'abord, je dirai que chaque pays a son propre système judiciaire et que, bien entendu, nous sommes préoccupés par ces exécutions publiques. J'ai eu l'occasion d'écrire au Gouvernement. Beaucoup d'entre nous sont convaincus qu'il faut une justice, que sans elle le pays ne peut se remettre du génocide. Mais je crois aussi que la justice doit être administrée de manière à faciliter le retour à la paix, et non pas d'une façon qui risque d'aggraver la situation.

La tâche du Gouvernement est difficile : les accusés sont nombreux dans les prisons, le système judiciaire en difficulté. L'autre tribunal à Arusha a aussi mis du temps à prononcer des mises en accusation. La première vient d'être faite. Mais les tribunaux internationaux sont très difficiles à mettre en place et leurs procédures sont extrêmement complexes. Au moins avons-nous fait un premier pas. Je pense que j'aurai l'occasion de débattre avec les autorités de cette question lorsque j'irai à Kigali.

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QUESTION : Vous vous êtes entretenu, avez-vous dit, avec les équipes des Nations Unies qui travaillent en Somalie mais pas avec les dirigeants somaliens eux-mêmes. Doit-on conclure que l'ONU ne veut plus dialoguer avec les dirigeants somaliens, qu'elle est à bout de patience?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Je crois que j'ai déjà répondu à cette question lorsque j'ai indiqué que c'est l'IGAD qui mène le processus politique et que nous la soutenons. Je n'avais pas prévu de rencontrer les dirigeants somaliens. J'ai aussi indiqué que, tout en soutenant le processus de paix et l'IGAD, il me semblait important de ne pas disperser nos efforts et de ne pas donner l'impression d'une multitude de médiateurs, ce qui est souvent source de confusion.

QUESTION : Pourriez-vous faire le point sur la réforme du système des Nations Unies et sur les résultats que vous avez obtenus dans vos efforts pour convaincre l'Administration américaine de payer ses arriérés?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Je crois que la réforme est bien engagée. Je peux vous dire qu'à la dernière Assemblée générale les États Membres ont approuvé environ 85 % de mes propositions de réforme, qui portaient notamment sur la suppression de 1 000 postes, la simplification des structures administratives, la réduction des coûts administratifs, la réforme des mécanismes de défense des droits de l'homme, des mécanismes mis en place à Vienne pour la lutte contre la criminalité, la drogue et le terrorisme, ainsi que sur le regroupement de trois départements économiques en un seul afin de mieux cibler les activités, et plusieurs autres propositions.

Cela dit, comme je l'ai déjà fait remarquer l'année dernière, la réforme est un processus et non un événement. Le processus se poursuit. Au moment où nous parlons, l'Assemblée générale à New York est en train d'examiner d'autres propositions. L'une d'entre elles concerne l'organisation en l'an 2000 d'une Assemblée du millénaire, d'un Sommet du millénaire, où les chefs d'État viendront réfléchir sur l'avenir de l'ONU et sur le monde du XXIe siècle. Parallèlement, se tiendra une assemblée des peuples dont les débats alimenteront ceux du sommet. Pour ce qui est de la réforme, je crois que nous avons fait ce qu'on attendait de nous. Nous avons tenu nos promesses.

En ce qui concerne le paiement des arriérés des États-Unis, nous n'avons toujours pas reçu de chèque. Le Gouvernement américain — le Président Clinton en particulier — est convaincu que l'ONU est importante pour les États-Unis, tout comme les États-Unis sont importants pour l'ONU. Le Président Clinton pense que, si les États-Unis veulent jouer un rôle constructif et moteur au sein de l'ONU, il leur faut payer leur quote-part. C'est aussi mon avis.

Cependant, nous nous sommes heurtés à des difficultés à la Chambre des Représentants comme au Sénat. Ce dernier a récemment approuvé le paiement à l'ONU mais l'a assorti d'un amendement qui n'avait rien à voir et était lié à des considérations de politique interne. Le Président a annoncé qu'il opposerait son veto au projet de loi si l'amendement était maintenu. Il y a

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donc fort à parier que le projet ne passera pas et que nous devrons repartir à l'attaque. Nous devons persévérer jusqu'à ce que l'on ait trouvé une solution.

QUESTION : C'est votre première visite en Afrique depuis votre rapport sur ce continent. Je sais que vous essayez de présenter [inaudible] comme un monde aux perspectives multiples plutôt que comme un monde en proie aux conflits mais êtes-vous plus ou moins optimiste après ces quelques jours passés ici?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : C'est exact, il s'agit de ma première visite depuis le rapport. J'ai eu la chance de parler avec des représentants du Gouvernement, des hommes politiques [??] et des gens de la rue. En Éthiopie et à Djibouti aussi j'ai parlé à beaucoup de gens. Je suis optimiste. Je pressens un changement en Afrique. Je sens que les Africains veulent participer, veulent se sentir concernés, veulent un gouvernement fondé sur l'état de droit et la transparence, veulent que les droits de l'homme soient respectés et que l'on utilise leurs talents. Leur parler m'encourage. Je sais que la renaissance dont tout le monde parle ne sera pas qu'un feu de paille si les gens conservent l'esprit que j'ai pu constater depuis une semaine environ que je suis en Afrique. Je trouve donc cela encourageant.

QUESTION : Pensez-vous que l'on pourra un jour comprendre ce qui s'est passé dans la République démocratique du Congo avant la prise de pouvoir?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : C'est difficile à dire. Comme vous le savez, plusieurs enquêtes sont en cours. J'ai retiré l'équipe qui y avait été envoyée car je n'ai pas pu obtenir la coopération nécessaire à ses travaux, mais les enquêtes se poursuivent de l'extérieur. Par ailleurs, quand je me suis rendu au siège de l'Organisation de l'unité africaine, je me suis entretenu avec le Secrétaire général Salim Salim. L'OUA et les dirigeants régionaux veulent mettre sur pied une commission qui enquêterait sur ce qui s'est passé dans la région, en commençant probablement en 1992. Elle examinerait ce qui s'est passé, qui a fait quoi, qui n'a rien fait, qui aurait pu faire quelque chose, qui en avait les moyens et ne les a pas mis à profit. Il semblerait que cette commission soit créée dans les mois à venir.

Ce processus prendra du temps et toutes ces enquêtes pourraient faire la lumière sur ce qui s'est passé dans la région. À l'évidence, se pose alors la question, une fois que l'on sait la vérité, que faire contre les auteurs? Et, si des crimes de guerre ont été commis, faut-il vraiment laisser l'impunité s'installer?

QUESTION : Avez-vous [inaudible] en 1994 à propos du Rwanda?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Non, peut-être parce que je connaissais bien la situation et je connais les difficultés que cela pose. En fait c'est un des cas où mon prédécesseur, M. Boutros Boutros-Ghali, a fait pression sur les États Membres pour qu'ils donnent à l'ONU les moyens d'agir. En vain. Je

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suis d'accord avec le général Dallaire quand il dit "si j'avais eu une brigade renforcée — 5 000 hommes —, bien entraînée et bien équipée, j'aurais pu sauver des centaines de milliers de vies". On ne lui a pas donné les moyens qu'il demandait, non pas parce que ces moyens n'existent pas ou qu'aucun gouvernement ne pouvait les fournir, mais parce que personne n'avait la volonté de les fournir, la volonté d'agir. C'est bien là le fond du problème.

QUESTION : [inaudible] vous êtes cité suggérant que les créanciers devraient envisager de supprimer complètement l'encours de la dette des pays africains les plus pauvres. Cette proposition s'inscrit-elle dans le même esprit que les appels à l'annulation complète de la dette lancée par les églises et des personnalités comme l'ancien Président tanzanien Nyerere?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : La question de l'allégement de la dette préoccupe la communauté internationale depuis très longtemps et les institutions financières internationales elles-mêmes sont à l'origine du plan d'allégement. Mais il est très difficile à appliquer. Je crois que seuls quatre pays répondent aux critères et l'appel que nous lançons, et que d'autres ont déjà lancé, a pour but d'encourager les gouvernements à alléger la dette, en particulier celle des pays les plus pauvres, afin de permettre à leur économie de décoller. Cela dit, il y a bien évidemment d'autres suggestions à faire, comme mieux utiliser les ressources disponibles, tout en essayant d'en mobiliser de nouvelles. À cela il faut ajouter l'adoption de politiques économiques adaptées et de réglementations appropriées ainsi que le renforcement de l'obligation de rendre des comptes.

QUESTION : J'ai encore une question à propos de votre position en 1994. Pensez-vous qu'il soit important de lancer une enquête sur les raisons du rejet du plan d'action du général Dallaire, et pourquoi lui avez-vous refusé l'autorisation de témoigner devant la commission spéciale mise sur pied par le Gouvernement belge?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Je crois que les explications données dans la lettre adressée aux autorités belges étaient très claires. Compte tenu des privilèges et des immunités de l'ONU, nous ne pouvions pas lever son immunité pour qu'il s'adresse au Gouvernement belge, mais Dallaire a répondu à de nombreuses questions par écrit et je crois qu'on a beaucoup écrit sur la question, et que ces documents sont consultables par tous. Je pense vous avoir répondu cet après-midi, c'est pourquoi...

QUESTION : [inaudible] enquête menée par l'ONU sur ce qui s'est passé?

Le SECRÉTAIRE GÉNÉRAL : Je crois que [inaudible] sur les opérations de maintien de la paix et la façon dont les choses se font ne reposent pas sur une vision aussi manichéenne que la vôtre semble l'être.

Dans les opérations de maintien de la paix, le commandant reçoit toutes sortes d'informations qu'il doit analyser pour définir si elles sont fondées ou non. Dans certains cas, il estime que ce sont des informations

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importantes, les transmet aux personnages clefs sur le terrain, les amène à travailler ensemble et essaye de voir ce qu'il peut faire pour étouffer la crise dans l'oeuf. Quand un commandant décide d'agir ou demande au Siège d'évaluer la situation, vous devez évaluer si vous avez la capacité d'agir, si en agissant vous ne faites pas courir des risques à encore plus de gens et si effectivement vous pouvez agir.

De plus, certains commentateurs semblent oublier dans quelles conditions Dallaire et les Casques bleus ont travaillé. Ils semblent oublier que Dallaire n'avait à sa disposition que des ressources très limitées et, compte tenu de l'ampleur de l'opération, que nous avons tous pu constater, comment peut-on penser que les quelques centaines d'hommes placés sous ses ordres pouvaient régler le problème, sans que l'on propose de ressources supplémentaires, qu'ils pouvaient débarquer et tout régler sans mettre d'autres personnes et sans se mettre eux-mêmes en danger...

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que, pendant la crise, Dallaire et ses hommes — à un certain moment il s'est retrouvé avec seulement le bataillon ghanéen, quand les Belges se sont retirés et que les Bangladais sont partis — [inaudible] pour protéger les gens au stade, à l'hôtel Mille Collines, en s'interposant. Personne n'en parle. [inaudible] les soldats sont arrivés, mais après la tuerie. C'est pourquoi il est essentiel que les troupes et le matériel arrivent au moment critique.

Je vous encourage à y réfléchir. Grâce à notre Groupe des enseignements tirés des missions, nous avons fait notre analyse, nous sommes à votre disposition pour en parler. Je crois sincèrement qu'on a fait toute une montagne d'un câble, comme si ce câble était la seule information dont nous disposions et que nous nous fondions sur un câble pour agir. Si cela avait été aussi aisé ou aussi simple, notre travail aurait été beaucoup plus facile. Nous [inaudible] des systèmes d'alerte avancée partout, et nous n'aurions pas les problèmes que nous avons au Kosovo, parce que tout le monde est au courant. Nous n'aurions pas eu de problèmes en République démocratique du Congo, parce que tout le monde savait que nous devions séparer les soldats et les réfugiés. Pourquoi n'est-ce pas arrivé, malgré les informations? Tout le monde savait que des réfugiés n'avaient pas suivi le million de gens revenus au Rwanda. Pourquoi, si nous savions, ne sommes-nous pas allés les sauver? Tout le monde savait qu'avec les combats entre l'alliance démocratique et les forces de Mobutu les gens [inaudible] les réfugiés qui étaient vulnérables. Nous savions. Pourquoi n'avons-nous pas [inaudible]? Je crois qu'il faut être logique.

Je vous remercie.

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