SG/SM/6554

LES BURUNDAIS DOIVENT RETROUVER EUX-MEMES LA VOIE DE LA DEMOCRATIE ET DU RESPECT DES DROITS DE L'HOMME AINSI QU'UNE VISION COMMUNE D'UNE NATION UNIE, JUSTE ET PROSPERE

7 mai 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6554
AFR/58


LES BURUNDAIS DOIVENT RETROUVER EUX-MEMES LA VOIE DE LA DEMOCRATIE ET DU RESPECT DES DROITS DE L'HOMME AINSI QU'UNE VISION COMMUNE D'UNE NATION UNIE, JUSTE ET PROSPERE

19980507 Texte du discours prononcé par le Secrétaire général, M. Kofi Annan devant l'Assemblée nationale burundaise, Bujumbura, le 7 mai 1998 :

Mes premiers mots seront pour exprimer ma joie d’être parmi vous au Burundi, le pays de la vache et du tambour. Je tiens aussi à remercier les dirigeants et le peuple burundais de l’accueil chaleureux qu’ils m’ont réservé.

En venant à Bujumbura, j’ai voulu vous apporter un message d’espoir et de paix. J’ai voulu aussi vous témoigner ma solidarité et celle de l’ONU. Ma visite est donc un gage de l’intérêt que l’Organisation porte au peuple burundais et de sa volonté de seconder les efforts courageux que vous menez pour ramener la concorde.

La crise profonde que le Burundi traverse depuis 5 ans a divisé ses fils, démantelé ses institutions, détruit ses infrastructures, ruiné son économie et, pour tout dire, hypothéqué son avenir. Pour sortir de cette mauvaise passe, votre pays a certes besoin de l’appui de tous ses amis et de la sollicitude de la communauté internationale. Mais il a surtout besoin de la volonté des Burundais eux-mêmes de se retrouver et de bâtir ensemble leur avenir commun.

La crise au Burundi a bien sûr des prolongements aux niveaux sous- régional, régional et international. Mais elle est avant tout burundaise. C’est donc aux Burundais qu’incombe la responsabilité de s’entendre et de jeter les bases d’une solution durable, dans laquelle ils pourront tous se reconnaître. Par solution durable, j’entends une solution qui présente les garanties voulues en matière de légitimité démocratique, de respect des droits de l’homme.

A ce propos, permettez-moi de saluer ici les deux principales initiatives qui ont été prises dans ce sens : l’initiative régionale, menée dans le cadre du processus d’Arusha, avec la médiation de Son Excellence Mwalimu Julius Nyerere, et l’initiative interne élaborée par les principaux acteurs politiques burundais.

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L’initiative régionale, vous le savez, émane des Etats de la sous- région, ceux qui vous sont les plus proches et partagent en grande partie vos réalités et vos difficultés. Conformément à la Charte des Nations Unies, qui lui prescrit de veiller, avec les organisations régionales, au maintien de la paix et de la sécurité internationales, l’ONU a, dès le départ, soutenu l’initiative régionale, dans laquelle mes Envoyés spéciaux se sont d’ailleurs beaucoup investis.

Quant à l’initiative interne, elle témoigne de votre volonté de trouver vous-mêmes les solutions les plus appropriées à la crise que connaît votre pays. Vous vous efforcez d’engager la concertation la plus large possible entre les institutions, les forces politiques, la société civile et l’Armée. Je vous en félicite.

Ces initiatives ne s’excluent pas l’une l’autre. Bien au contraire, elles sont complémentaires : les négociations en cours sur les mécanismes de transition devront en effet déboucher sur des négociations globales, ouvertes à tous les Burundais de l’intérieur et de l’extérieur.

S’il est établi qu’il vous appartient au premier chef de régler la crise, il reste que la communauté internationale se doit d’accompagner vos efforts. D’abord, en intensifiant son action humanitaire pour alléger les souffrances d’une population durement éprouvée et prêter assistance aux nombreux réfugiés et déplacés qui souffrent de malnutrition. Ensuite, en apportant sa caution morale et en prévoyant un système de garantie pour tout accord politique que vous serez amenés à conclure. Enfin, en aidant au relèvement et à la reconstruction du Burundi.

Sur le plan humain comme sur le plan matériel, la liste des besoins du pays est très longue. Divers organismes des Nations Unies travaillent déjà à vos côtés, mais la situation actuelle exige une mobilisation de ressources nettement plus importante. L’ONU n’épargnera aucun effort pour sensibiliser la communauté internationale à vos difficultés. Les visites successives de la Haute Commissaire aux réfugiés, Madame Ogata, et de l’Administrateur du PNUD, Monsieur Speth, s’inscrivent dans le cadre de cet effort de sensibilisation.

Il importe en effet que l’action essentiellement humanitaire qui est menée aujourd’hui soit relayée, dès que la paix et la sécurité seront rétablies, par une aide au développement et à la production.

Le renforcement de vos institutions, et en particulier de l’appareil judiciaire, est l’un des domaines dans lesquels l’assistance de la communauté internationale est la plus nécessaire. J’ai conscience que la transition politique et la coexistence pacifique de tous les Burundais passe par une saine administration de la justice. Or, depuis une quarantaine d’années, l’histoire de votre pays, comme celle d’autres Etats de la région, est marquée par l’impunité. Il faut que cela cesse.

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Et pour cela, il vous faut un système judiciaire performant et impartial, qui rende la justice, non dans un esprit de revanche, mais dans le respect de la loi et des normes internationales. J’ai déjà fait part aux autorités burundaises de ma disponibilité à soutenir les projets visant à améliorer le fonctionnement de l’appareil judiciaire au Burundi.

Je suis convaincu que vous saurez retrouver la vision commune d’une nation burundaise unie, juste et prospère.

Unie, parce qu’elle se sera débarrassée des clichés réducteurs qui ont divisé arbitrairement le vaillant peuple burundais en groupes antagonistes. Le peuple burundais ne constitue-t-il pas une seule et même nation, qui parle une seule et même langue, vénère un seul et même Dieu (Imana), occupe un seul et même territoire, bref, partage une seule et même culture ?

Juste, parce qu’elle aura renoué avec ses valeurs morales traditionnelles, telles que Ubuntu, ou la dignité humaine, Ukuri, ou le culte de la vérité, Kusira Akarenganyo, ou l’égalité de tous devant la loi.

Prospère, parce que la paix retrouvée aura libéré l’énergie et les forces vives d’un peuple industrieux.

Je repartirai du Burundi avec l’espoir que le sens des responsabilités et la volonté de réconciliation prévaudront sur la peur et les rancoeurs. Avec l’espoir que les dirigeants sauront garder à l’esprit qu’aucune entreprise politique sérieuse n’est possible sans le dialogue, la tolérance et le respect des droits et de la volonté des citoyens. Et avec la conviction que les forces de la raison finiront par l’emporter sur les factions et les groupes assoiffés de pouvoir qui trouvent leur intérêt dans l’exclusion et la violence.

Pour que le pays retrouve le chemin de la paix et de la prospérité, il faut que les Burundais reprennent confiance, en eux-mêmes, en leurs voisins, en leurs dirigeants et en leurs institutions. Il faut qu’ils puissent travailler et se déplacer en toute sécurité, sans la menace constante de la violence.

Alors seulement, la cohabitation pacifique entre les communautés du pays redeviendra possible. Je vous remercie.

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