LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ADOPTE SES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS SUR LA FRANCE ET LA NORVÈGE
Communiqué de Presse
DH/G/863
LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ADOPTE SES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS SUR LA FRANCE ET LA NORVÈGE
19980506 Il recommande à la France d'assortir le refus d'entrée sur le territoire d'un recours suspensif et à la Norvège d'abolir l'isolement durant la garde à vueGenève, 6 mai -- Le Comité contre la torture a adopté, cet après-midi, ses conclusions et recommandations concernant l'état de la Convention contre la torture en France et en Norvège.
Le Comité, qui a examiné hier le deuxième rapport périodique de la France, se dit soucieux des allégations sporadiques de violences imputées aux forces de police et de gendarmerie tant à l'occasion des arrestations de suspects que pendant les interrogatoires. Il recommande à la France d'être plus attentive aux dispositions de la Convention qui s'appliquent à l'expulsion, au refoulement et à l'extradition. Le Comité estime qu'il conviendrait qu'un refus d'entrée sur le territoire entraînant une mesure de refoulement puisse faire l'objet d'un recours suspensif. Il recommande également que la France envisage une dérogation au système de l'opportunité des poursuites afin qu'aucun doute ne soit permis quant à l'obligation pour les autorités compétentes de déclencher spontanément et systématiquement des enquêtes impartiales pour tous les cas où il existe des motifs raisonnables de croire qu'un acte de torture a été commis sur son territoire.
En ce qui concerne la Norvège, le Comité se dit inquiet de la pratique de l'isolement, notamment comme mesure préventive durant la garde à vue, et recommande, sauf dans les circonstances exceptionnelles, notamment lorsque la sécurité des personnes et des biens est en jeu, que le recours à l'isolement soit aboli durant la garde à vue ou qu'il soit strictement et spécifiquement réglementé par la loi et qu'il fasse l'objet d'un contrôle judiciaire renforcé. Il réitère qu'il convient d'insérer dans le code pénal norvégien des dispositions définissant le crime de torture, conformément à l'article premier de la Convention.
Le Comité contre la torture se réunira de nouveau demain matin, à 10 heures, afin d'entamer l'examen du deuxième rapport périodique du Guatemala.
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Conclusions et recommandations du Comité concernant le rapport de la France
Le Comité note le caractère exhaustif du rapport de la France ainsi que la volonté évidente de l'État français de combattre la torture, notamment manifestée par les dispositions du nouveau code pénal ainsi que par les nombreux projets d'amélioration de la législation et des pratiques actuelles comme le principe de la présence d'un avocat dès la première heure de la garde à vue et la limitation de la durée de la détention avant jugement. Toutefois, le Comité juge préoccupante l'absence dans le droit positif français d'une définition de la torture strictement conforme à l'article premier de la Convention et l'existence d'un système d'administration de preuves qui n'interdit pas formellement aux juridictions de prendre en considération les preuves obtenues sous la torture. Le Comité est également soucieux des allégations sporadiques de violences imputées aux forces de police et de gendarmerie tant à l'occasion des arrestations de suspects que pendant les interrogatoires.
En conséquence, le Comité recommande à la France d'intégrer une définition de la torture conforme à l'article premier de la Convention et à être plus attentif aux dispositions de la Convention qui s'appliquent indistinctement à l'expulsion, au refoulement et à l'extradition. Il estime qu'il conviendrait qu'un refus d'entrée sur le territoire entraînant une mesure de refoulement puisse faire l'objet d'un recours suspensif. Le Comité juge en outre qu'il serait opportun que la France envisage une dérogation au système de l'opportunité des poursuites afin qu'aucun doute ne soit permis quant à l'obligation pour les autorités compétentes de déclencher spontanément et systématiquement des enquêtes impartiales pour tous les cas où il existe des motifs raisonnables de croire qu'un acte de torture a été commis sur tout territoire sous sa juridiction.
Suite de l'examen du rapport de la Norvège
M. Petter Wille, représentant de la Norvège auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a indiqué que l'écart important entre le nombre de cas rapportés de 2 322 de plaintes déposées entre 1991 et 1995 contre la police et le nombre de plaintes jugées recevables et ayant donné lieu à un jugement pénal, 197 au total, s'explique par le fait que le premier chiffre comprend toutes les plaintes contre la police, et notamment celles ayant trait à l'incompétence et à des délits mineurs commis par des membres des forces de police. Très peu de ces cas étaient, en réalité, liés à des brutalités policières, a expliqué M. Wille. S'agissant de la question de l'expulsion d'un étranger reconnu coupable d'un délit, M. Wille a souligné que l'expulsion n'intervient que si le délit est très grave et que si cette mesure ne constitue pas pour l'étranger un châtiment «démesuré». L'étranger dispose en outre de voies de recours auprès des tribunaux civils et du Ministère de la justice. En 1996, quatre cas d'expulsion ont été présentés à la Cour suprême qui a conclu dans le sens de l'expulsion. Ces cas étaient liés à des délits et à des crimes très graves comme le viol et l'inceste. M. Wille a en outre
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expliqué au Comité que la durée de la détention pour les requérants d'asile ne doit pas excéder douze semaines. En 1997, seulement cinq personnes ont été détenues pendant plus de 12 semaines. Le Ministère de la justice envisage actuellement de réduire la durée de la détention pour les demandeurs d'asile, a précisé M. Wille.
S'agissant de l'expulsion des trois ressortissants iraniens vers la Russie, M. Wille a rappelé que leur cas a été étudié par la Cour suprême qui a estimé que toutes les garanties avaient été prises et que l'extradition n'était pas contraire aux normes internationales applicables en la matière. En outre, a-t-il poursuivi, l'extradition a été assortie de conditions particulières, et notamment que la peine de mort ne serait pas appliquée aux accusés par les autorités russes et qu'ils ne seraient pas extradés vers l'Iran. L'ambassade de Norvège à Moscou devrait également être autorisée à rendre visite à ces prisonniers.
Mme Hilda Indreberg, Conseillère juridique au Ministère de la justice, a indiqué que l'interdiction de la torture figure au code de procédure pénale et que cette disposition peut donc être invoquée devant les tribunaux. Elle a précisé que l'isolement durant la détention préventive ne veut pas dire la mise au secret. L'isolement, mesure qui ne peut être décidée que par les tribunaux, signifie que les visites ne sont pas autorisées, ni l'échange de courrier, et ce dans le but de ne pas gêner l'enquête policière. En outre, cette mesure ne peut être appliquée que pendant quatre semaines. Les autorités judiciaires sont seules à même d'autoriser une prorogation de ce délai. Mme Indreberg a en outre expliqué que le juge qui décide de la mesure d'isolement, peut être le même juge d'instruction qui prononce le jugement. En tout état de cause, a poursuivi la représentante, aucun juge n'est habilité à prononcer, seul, un jugement : il est toujours assisté de deux autres juges. Une équipe de contrôle et de surveillance des prisons présente un rapport après chaque inspection de prison à l'administration pénitentiaire centrale. Chacune des 40 prisons que compte la Norvège dispose d'un conseil de supervision, a indiqué la représentante.
Conclusions et recommandations sur le rapport de la Norvège
Le Comité se félicite des efforts déployés sans cesse par la Norvège pour réprimer la torture, notamment par la mise en place des commissions spéciales d'enquête et par ses contributions généreuses au Fonds des Nations Unies pour les victimes de la torture. Le Comité est néanmoins préoccupé par le fait que la Norvège n'ait toujours pas incorporé à son code pénal de définition de la torture. Il se dit également inquiet de la pratique de l'isolement, notamment comme mesure préventive durant la garde à vue.
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Le Comité réitère sa recommandation, faite lors de la présentation du rapport initial et des rapports périodiques précédents de la Norvège, qu'il convient d'insérer dans le code pénal norvégien des dispositions faisant état du crime de torture conformément à l'article premier de la Convention. Sauf dans les circonstances exceptionnelles, notamment lorsque la sécurité des personnes et des biens est en jeu, le Comité contre la torture recommande que le recours à l'isolement soit aboli durant la garde à vue ou qu'il soit strictement et spécifiquement réglementé par la loi et qu'il fasse l'objet d'un contrôle judiciaire renforcé.
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