DH/G/861

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DE LA NORVÈGE

6 mai 1998


Communiqué de Presse
DH/G/861


LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DE LA NORVÈGE

19980506

Les experts relèvent l'absence d'incrimination pénale de la torture et l'expulsion des résidents étrangers qui ont commis une infraction

Genève, 6 mai -- Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du troisième rapport périodique soumis par la Norvège conformément aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

La délégation norvégienne a présenté son troisième rapport périodique au Comité. Dirigée par M. Peter F. Wille, de la Mission permanente de Norvège auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, la délégation est composée de Mme Hilde Indreberg, Conseillère juridique auprès du Ministère de la justice norvégien et de Mme Gro Nystuen, Chef de division au Ministère des affaires étrangères.

MM. Bent Sørensen et Alexander Yakovlev, respectivement rapporteur et corapporteur pour l'examen du rapport de la Norvège, ont mis l'accent sur l'absence d'incrimination pénale de la torture en droit norvégien et, par conséquent, sur l'impossibilité pour les tribunaux de connaître des cas de torture. Il a également été question de la «double punition» infligée aux résidents étrangers en situation régulière ayant commis des infractions puisque ces personnes purgent la peine à laquelle elles ont été condamnées avant d'être expulsées. Les experts ont également évoqué la mise au secret durant la détention préventive, considérée comme usuelle dans les pays Nordiques. Le Comité se réunira de nouveau cet après-midi à 15 heures afin de présenter ses conclusions sur le rapport de la France, examiné hier. Il entendra, à partir de 15h30 les réponses de la délégation norvégienne aux questions posées ce matin.

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Présentation du rapport de la Norvège

M. Peter Wille, Représentant permanent de la Norvège, a rappelé que 368 plaintes ont été déposées pour des abus commis par la police de la ville de Bergen de 1979 à 1986, mais une seule a donné lieu à un jugement au pénal. Quinze personnes ont par la suite été jugées pour fausses accusations et onze ont été condamnées. Toutefois, il a été établi en 1992 qu'un usage illégal de la force avait effectivement eu lieu à Bergen. La Cour suprême a estimé en janvier 1998 que sept cas devaient être examinés, ayant constaté qu'il y avait eu, dans une certaine mesure, des cas de brutalité policière.

À la suite de la visite effectuée par le Comité européen contre la torture du 17 au 21 mars 1997, la Norvège a réduit la durée de la garde à vue dans les postes de police et s'est efforcée d'améliorer le traitement des prisonniers incarcérés. En 1998, le Gouvernement norvégien a l'intention de verser environ 135 000 dollars au Fonds volontaire des Nations Unies pour les victimes de la torture, a ajouté le représentant.

Le troisième rapport périodique de la Norvège répond aux conclusions formulées par le Comité lors de la présentation du deuxième rapport périodique de la Norvège. Le rapport indique que les groupes spéciaux d'enquête norvégiens, qui ont pour but de veiller à ce que les plaintes portées contre les policiers fassent l'objet d'enquêtes impartiales et indépendantes, ont eu à connaître, au cours de la période 1991-1995, de 2 322 cas et ont trouvé dans 197 d'entre eux des motifs de conclure à une infraction à la loi. Depuis 1993, le nombre des cas s'est stabilisé à 600 environ par an. Le rapport précise en outre que la police des frontières ne peut refuser l'entrée dans le pays aux étrangers qui affirment être des réfugiés et que les réfugiés peuvent être renvoyés dans leur pays d'origine ou dans leur premier pays d'asile, mais seulement si l'on considère que le pays en question ne présente pas de danger pour eux.

Toute personne sur laquelle pèsent de graves soupçons de torture est extradée s'il y a une demande d'extradition et si les conditions prévues dans la loi sur l'extradition sont réunies. Tout étranger soupçonné d'avoir déclaré une fausse identité peut être arrêté et mis en détention mais cette détention ne peut dépasser une durée de 12 semaines, sauf raison spéciale. Toutefois, les rapports de la police montrent que la détention est rarement utilisée dans les cas de ce genre. Concernant la recommandation du Comité demandant à la Norvège de définir la torture dans sa législation et de la qualifier expressément de crime, le rapport indique que le code civil et pénal fait actuellement l'objet d'une réforme.

Le rapport explique que le Médiateur parlementaire est chargé de veiller aux erreurs ou aux injustices éventuelles de l'administration envers les citoyens et qu'il peut aussi agir de sa propre initiative. Le Médiateur peut faire porter ses investigations sur tous les secteurs de l'administration, y compris la police et l'administration pénitentiaire. Le rapport signale que toute victime d'un acte de violence peut recevoir de l'État une indemnisation pour préjudice financier jusqu'à une certaine somme maximum.

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Questions des experts

M. Bent Sørensen, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Norvège, a jugé le rapport de la Norvège très satisfaisant dans l'ensemble. Il a toutefois estimé que les problèmes qui subsistent seraient résolus si le pays disposait d'une définition de la torture la caractérisant de crime en vertu du droit pénal. Il a rappelé que la torture, au sens où elle est définie par la Convention, désigne des souffrances aiguës, physiques ou mentales, intentionnellement infligées à une personne par des agents de la fonction publique. La torture, a poursuivi M. Sørensen, ne peut, en conséquence, être assimilée à d'autres crimes tels que le viol, le meurtre ou les mauvais traitements. En outre, la réhabilitation d'une victime de la torture implique la reconnaissance par l'État qu'il y a eu torture et le châtiment du tortionnaire. La torture doit donc être considérée comme un crime spécifique. En effet, comment la Norvège peut-elle convaincre le Comité qu'il n'y a pas de torture en Norvège si la torture n'existe pas dans le code pénal norvégien en tant que crime ?, a demandé M. Sørensen.

M. Sørensen a en outre mis l'accent sur l'isolement du détenu pendant la détention préventive. Il a souligné que la mise au secret, «couramment employée dans les pays nordiques», peut entraîner de graves conséquences en ce qui concerne la pratique de la torture. Il a rappelé que le Comité a déjà recommandé que la mise au secret soit interdite, sauf dans les cas extrêmes. Il a souhaité avoir des précisions concernant les brutalités policières et savoir si les organisations non gouvernementales sont autorisées à inspecter les prisons.

M. Alexandre Yakovlev, corapporteur pour le rapport de la Norvège, a souhaité connaître la base juridique de la mesure qui permet, en Norvège, de «punir deux fois» les étrangers et résidents permanents en situation régulière qui, après condamnation, purgent leur peine puis sont expulsés. Il a souhaité savoir si un examen au cas par cas est envisagé pour les personnes mariées et qui ont une famille en Norvège. M. Yakovlev a également demandé à la délégation de préciser les critères qui permettent de prolonger la garde à vue au-delà de 12 semaines. Il a évoqué à cet égard le cas d'un immigrant, en garde à vue depuis plus d'un an, qui est décédé en 1996 dans un incendie qu'il avait déclenché dans sa cellule. La garde à vue, a déclaré le corapporteur, est censée faciliter les aveux mais peut parfois constituer un cas de torture.

Les autres experts du Comité ont notamment souhaité savoir si le projet de loi sur les droits de l'homme mentionné dans le rapport a été présenté au Parlement au printemps 1997 comme annoncé. Certains ont posé des questions sur l'extradition et notamment sur le cas des trois Iraniens extradés en Russie pour avoir détourné un avion russe. Un expert a en particulier voulu savoir si le Gouvernement norvégien était tenu d'extrader ces ressortissants iraniens, actuellement emprisonnés en Russie, et si le Gouvernement russe est

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tenu, après l'exécution de la peine de ces trois hommes, de garder ces Iraniens sur le territoire russe ou s'il est envisagé de leur trouver un pays tiers d'asile. À cet égard, quel est le moyen de pression dont disposent les autorités norvégiennes pour empêcher les autorités russes de renvoyer ces Iraniens en Iran ? Un expert a par ailleurs souhaité que la Norvège s'explique sur le faible nombre de cas - 2% - ayant fait l'objet de condamnations pour violences policières.

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