SG/SM/6516

LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ESTIME QUE LES DROITS DE L'HOMME, LA DROGUE ET L'ENVIRONNEMENT FIGURENT PARMI LES ENJEUX IMPÉRIEUX POUR L'AVENIR

14 avril 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6516


LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ESTIME QUE LES DROITS DE L'HOMME, LA DROGUE ET L'ENVIRONNEMENT FIGURENT PARMI LES ENJEUX IMPÉRIEUX POUR L'AVENIR

19980414 On trouvera ci-après le texte de l'allocution que le Secrétaire général Kofi Annan a faite le 6 avril à l'University of the West Indies, à Kingston:

C'est avec une grande fierté que j'accepte ce diplôme honorifique de votre célèbre université. Toutefois, je ne suis pas le seul à être ainsi honoré aujourd'hui. En effet, à travers ma personne, vous avez également honoré l'Organisation des Nations Unies et tous ses organismes ainsi que la cause du progrès universel à laquelle nous nous dévouons. Par conséquent, c'est aussi au nom de mes collègues que je voudrais vous exprimer ma profonde gratitude.

Je voudrais, d'emblée, vous dire combien je me félicite des relations étroites qui existent entre la Jamaïque et l'ONU et entre la Jamaïque et mon pays, le Ghana. Les liens qui nous unissent sont très profonds.

État Membre de l'Organisation depuis plus de 35 ans, la Jamaïque est un fervent défenseur de la cause du développement humain et des droits de l'homme et l'un des pays louables qui s'acquittent intégralement et ponctuellement de leurs contributions à l'Organisation. C'est l'un des huit pays dont le Représentant permanent au Siège est actuellement une femme.

En outre, la Jamaïque est un important centre d'activité de l'Organisation. Une grande partie de ses organismes y mènent des activités et Kingston est le siège de l'Autorité internationale des fonds marins, l'un des éléments clefs de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui est elle-même l'un des traités qui feront date au cours de ce siècle.

Votre prestigieuse université a également des contacts de grandes portée avec l'ONU.

Votre recteur, M. Shridath Ramphal, a été membre de la Commission mondiale de l'environnement et du développement qui a donné naissance au concept de développement durable — le mariage de l'environnement et du développement, de l'économie et de l'écologie — point de mire du Sommet Planète Terre organisé il y a six ans à Rio de Janeiro. M. Ramphal est devenu depuis l'un des principaux défenseurs de la démocratisation, de la gouvernance et de la coopération internationale au bénéfice du monde entier.

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Quant au Vice-Recteur, M. Alister McIntyre, il continue d'être mon représentant personnel dans le cadre des efforts visant à régler le conflit territorial de longue date entre le Guyana et le Venezuela. Le travail discret qu'il entreprend s'inscrit parfaitement dans la tradition instituée par le Secrétaire général qui offre ses bons offices pour chercher à régler par la voie diplomatique des conflits insolubles. Il avait auparavant brillamment assumé les fonctions de Secrétaire général adjoint de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement à Genève et au Siège de l'ONU à New York.

La communauté internationale est consciente de ces contributions qui attestent l'engagement sans faille de la Jamaïque en faveur du progrès humain et de la recherche de solutions communes aux problèmes communs. Cette oeuvre, comme vous le savez, est sans fin. Je voudrais, pendant le bref moment que nous allons passer ensemble, appeler votre attention sur trois des enjeux les plus impérieux auxquels il faudra faire face à l'avenir : les droits de l'homme, la drogue et l'environnement.

Cette année marque le cinquantième anniversaire de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme. On peut honnêtement dire qu'en un demi-siècle, nous avons fait d'énormes progrès en définissant des normes mondiales en matière de droits fondamentaux, pour les femmes, les réfugiés, les minorités, les populations autochtones et autres groupes. Nous avons adopté des traités ayant force exécutoire sur le génocide et la discrimination raciale, sur la liberté d'expression et de religion et sur le droit au travail, à l'éducation et à la santé. En outre, nous avons réalisé un vieux rêve en créant le poste de Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme.

Je sais que la Jamaïque a joué un rôle de premier plan dans la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud et qu'avant même d'accéder à l'indépendance, elle a décrété un embargo commercial contre le régime d'apartheid. Toutefois, vous ne serez pas surpris de m'entendre dire que malgré le triomphe enregistré en Afrique du Sud et malgré le nombre croissant de lois relatives aux droits de l'homme, la situation dans le monde demeure inacceptable et souvent marquée par des actes de brutalité.

L'un des problèmes tient au fait que certains traités sont plus populaires que d'autres. Adopté en 1990 après plusieurs années d'élaboration et de négociation, la Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et de leur famille n'est toujours pas entrée en vigueur. Il faut 20 ratifications à cet effet, mais à ce jour seulement neuf États sur les 185 États Membres des Nations Unies y sont devenus parties. Par comparaison, la Convention relative aux droits de l'enfant a été ratifiée par la quasi-totalité des États et est entrée en vigueur un an après son adoption.

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Le principal problème, cependant, est le fait que les droits fondamentaux de centaines de millions de personnes font chaque jour l'objet de violations graves : violations des droits civils et politiques, causées par des actes tels que la torture et la détention arbitraire, et violations des droits économiques et sociaux, dues notamment à la famine, au travail des enfants et au manque d'accès à l'eau potable. C'est pourquoi cette année anniversaire doit être avant tout consacrée à la prévention des violations et au respect des normes les plus élevées en matière de droits de l'homme, non seulement du point de vue théorique mais aussi sur le terrain et dans la vie quotidienne, là où c'est le plus important.

C'est la raison pour laquelle je suis heureux à l'idée que nous puissions assister cette année à la création d'une cour criminelle internationale qui aura à connaître du crime de génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre. Cette cour a été qualifiée de chaînon manquant dans le système juridique international. Je vous invite à vous y intéresser de très près en juin, lorsque les représentants se réuniront à Rome pour, je l'espère, mettre la dernière main aux négociations finales qui déboucheront à terme sur la création d'une cour criminelle internationale.

Un autre enjeu, très différent mais qui concerne également l'ensemble de l'humanité, est le fléau de la drogue. En juin également, l'Assemblée générale tiendra une session extraordinaire sur le contrôle des drogues. Aucun pays n'est à l'abri du spectre des drogues illicites. La communauté des Caraïbes, en particulier, est un point de réexpédition vulnérable dans le commerce de la drogue. Vous n'êtes pas sans savoir que les trafiquants profitent des frontières ouvertes et des marchés libres. Vous comprendrez donc que la mondialisation du commerce des stupéfiants exige une réponse internationale.

Un grand nombre de chefs d'État et de gouvernement devraient participer à la prochaine session extraordinaire en vue d'affirmer leur appui au renforcement de la lutte contre la drogue. L'enjeu est assurément de taille : d'une valeur annuelle estimée à 400 milliards de dollars, le commerce des drogues est plus important que celui du pétrole et du gaz, plus important que l'industrie chimique et pharmaceutique et deux fois plus important que l'industrie automobile. C'est un défi énorme qui touche l'avenir des jeunes partout dans le monde. Nous ne devons pas nous y soustraire.

Nous ne pouvons non plus nous soustraire au troisième grand enjeu dont je voulais vous entretenir aujourd'hui. L'année dernière, l'Assemblée générale a tenu une session extraordinaire sur un autre sujet ayant un grand intérêt pour la Jamaïque et ses voisins, à savoir la suite donnée au Sommet Planète Terre.

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Nous sommes tous convaincus que davantage doit être fait pour protéger l'environnement et la vie sur la terre. Toutefois, la situation et les besoins des petits États insulaires en développement sont particuliers. Vous êtes particulièrement vulnérables aux catastrophes naturelles et aux effets du changement climatique du fait de l'élévation du niveau de la mer. Vos ressources et votre étendue géographique sont limitées.

Je sais que les petits États insulaires en développement sont exaspérés par le rythme auquel les accords internationaux sur l'environnement, en particulier le programme d'action adopté à la Conférence de la Barbade sur les petits États insulaires, sont appliqués. Dans le même temps, il faut se féliciter de l'accord conclu en décembre dernier à Kyoto, au titre duquel les plus grands pays industrialisés sont convenus de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

En effet, il est fort possible que cet accord constitue une étape décisive vers la concrétisation de la conception initiale que le recteur Ramphal avait du développement durable : une conception aussi valable aujourd'hui que lorsqu'elle a été avancée pour la première fois, mais qui attend toujours que se manifeste la volonté politique nécessaire.

J'ai passé en revue les plus importants enjeux sur la scène internationale, ce qui constitue l'aspect le plus facile du problème. La question est de savoir comment nous allons y faire face.

Dans l'esprit de cette visite à l'University of the West Indies, je voudrais souligner le pouvoir libérateur inhérent à l'éducation et à la connaissance.

Sans éducation, nous ne pouvons voir, au-delà de nous-mêmes et de notre milieu restreint, la réalité de l'interdépendance mondiale. Sans éducation, nous ne pouvons voir comment des peuples d'autres races et religions partagent les mêmes rêves, les mêmes espoirs. Sans éducation, nous ne pouvons reconnaître le caractère universel des buts et les aspirations de l'être humain.

L'éducation non seulement enrichit une culture, mais c'est aussi la première condition de la liberté, de la démocratie et du développement durable. C'est pourquoi l'Organisation des Nations Unies s'attache à promouvoir l'éducation universelle. Comme l'indique de façon mémorable la Charte de l'UNESCO, "les guerres prenant naissance dans l'esprit des hommes, c'est dans l'esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix".

Le monde universitaire et celui des Nations Unies sont plus proches que l'on ne penserait à première vue. Ces deux entités incarnent des idéaux et des préceptes universels tels que le pluralisme et la tolérance. Notre personnel comprend des théoriciens et des praticiens. Nous sommes partisans de la raison, toujours engagés dans la lutte contre les forces irraisonnées. Nous sommes le moteur de la coopération et de l'évolution progressive.

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En m'accordant aujourd'hui la qualité de membre de votre communauté universitaire, vous avez généreusement reconnu ces liens. Vous avez rapproché davantage nos deux mondes. Je me réjouis à la perspective de renforcer ce partenariat et de relever avec vous l'un des grands défis de notre époque, qui consiste à faire bénéficier des fruits de l'éducation et de la connaissance toutes les parties et tous les peuples du monde.

Je sais que je peux compter sur vous pour jouer le rôle qui est le vôtre : vous qui vivrez pour l'essentiel au XXIe siècle; vous qui serez les acteurs qui façonneront le monde de demain; vous qui serez les dirigeants — ambassadeurs auprès de l'Organisation des Nations Unies, voire Secrétaire général — qui déciderez du cours des événements sur la scène internationale.

Chacun de vous a une contribution à apporter; ne vous laissez donc pas convaincre du contraire. Déjà, vous construisez la Jamaïque de l'avenir, en appliquant la devise de votre pays, "Issu de plusieurs ethnies, un seul pays". Je vous engage également à devenir membre de la société mondiale. Aidez-nous à construire et à protéger les fragiles édifices de la paix. Permettez-moi d'aller plus loin dans le sens de la devise de la Jamaïque : issue de plusieurs pays, une seule Organisation des Nations Unies.

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