SG/SM/6497

INAUGURATION DE LA MAISON DES NATIONS UNIES À BEYROUTH : LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SOULIGNE LES LIENS DURABLES ET INDESTRUCTIBLES ENTRE L'ONU ET LE MOYEN-ORIENT

8 avril 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6497


INAUGURATION DE LA MAISON DES NATIONS UNIES À BEYROUTH : LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SOULIGNE LES LIENS DURABLES ET INDESTRUCTIBLES ENTRE L'ONU ET LE MOYEN-ORIENT

19980408 Les difficultés rencontrées dans le processus de paix ne doivent pas nous servir de prétexte, dit-il, pour renoncer à nos desseins

On trouvera ci-dessous le texte de l'allocution prononcée par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, lors de l'inauguration de la Maison des Nations Unies à Beyrouth qui a eu lieu le 20 mars 1998 :

Je suis très heureux de me trouver ici avec vous dans ce magnifique bâtiment. Tout d'abord, je souhaite remercier de tout coeur le Gouvernement libanais, au nom de l'Organisation des Nations Unies. Notre installation aurait été impossible sans votre bonne volonté, votre générosité et votre dévouement.

Comme je viens de l'indiquer, cet édifice n'est pas seulement, pour moi, fait de briques et de mortier. Beaucoup d'entre vous le savent : au Siège de l'Organisation, à New York, le bâtiment dans lequel nous travaillons est souvent pour nous notre "maison". Ce n'est pas une coïncidence. Le concept de maison abritant toutes les nations, unies par une structure et un engagement communs, nous aide à visualiser le principe même sur lequel se fonde l'Organisation des Nations Unies.

Cette maison de Beyrouth, qui rassemblera des fonctionnaires venant de nombreux organismes des Nations Unies, est le prolongement de cette vision. C'est un prolongement des principes sur lesquels j'ai décidé de fonder la revitalisation et la réforme de l'Organisation des Nations Unies l'an dernier.

Pour la Commission économique et sociale pour l'Asie occidentale (CESAO), il ne s'agit de rien moins que d'un retour au foyer; depuis sa création, il y a un quart de siècle, la Commission a déménagé six fois.

En fait, la vie de la Commission a été une véritable odyssée à travers le Moyen-Orient, à l'image des changements et des troubles de la région.

Aujourd'hui, 25 ans après sa création dans cette ville pour succéder au Bureau économique et social des Nations Unies à Beyrouth, la CESAO y revient pour de bon. Elle est de nouveau chez elle. Et je suis convaincu que cette maison sera son siège permanent comme elle est censée l'être.

Je ne prononce pas ces mots à la légère. Ce retour au foyer est pour moi le symbole de la paix, de la stabilité et de la coexistence pacifique des cultures qui règnent à nouveau au Liban.

C'est aussi pour moi le symbole de la reprise par cette ville unique de son ancien titre glorieux de centre économique, culturel et politique de la région. Et j'y vois un signal d'espoir nous annonçant que la paix et la stabilité pourront à nouveau régner un jour dans toute cette région du Moyen- Orient.

Comme toutes les vraies métropoles, Beyrouth a une âme que les destructions, les divisions ou les discordes qui l'ont accablée au cours des années n'ont pas su abattre.

Depuis mon arrivée ici, j'ai vu les travaux considérables que le peuple et le Gouvernement libanais ont effectués pour surmonter les ravages de la guerre civile. J'ai vu ce qu'un peuple diligent, doué et enthousiaste peut réaliser à force de volonté et d'ingéniosité.

J'ai été impressionné par la remise en état de votre infrastructure et par les progrès extraordinaires que vous avez accomplis dans la régénération de votre tissu social.

Au nom de l'Organisation des Nations Unies, j'affirme que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour continuer à vous aider dans ce parcours.

Aujourd'hui, tandis que j'approchais du grand fer à cheval que forme ce bâtiment, j'y ai vu aussi un symbole : la porte d'un brillant avenir pour toute la région, un avenir qui, je l'espère, pourra se bâtir avec l'aide de l'Organisation des Nations Unies.

Nous traversons une période extrêmement sensible de l'histoire du Moyen- Orient. Nous pouvons parfois, et peut-être à juste titre, nous laisser décourager par les difficultés que nous devons affronter sur la voie de la paix, de la stabilité et de la prospérité. Mais il ne faut pas oublier non plus que le processus de paix en cours, qui a été engagé à la Conférence de Madrid en 1991, représente toujours la meilleure chance de paix de la région.

Nous nous souvenons, bien qu'avec affliction, du prix qu'ont dû payer les Libanais — tant d'hommes, de femmes et d'enfants innocents — de cette déchirante guerre civile qui a ravagé le pays pendant bien trop longtemps; nous nous souvenons de la triste situation de millions de réfugiés, qui persiste encore à ce jour; nous nous souvenons de la tragédie de Cana il y a moins de deux ans. Ces événements sont difficiles à comprendre, plus difficiles encore à accepter et impossibles à oublier. Il ne faut pas qu'ils se reproduisent.

Il est vrai que le processus de paix s'est heurté à un certain nombre de

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difficultés imprévues. Mais nous ne devrions pas en faire un prétexte pour renoncer à nos desseins ni une raison de désespérer. Au contraire, nous devons redoubler d'efforts pour redonner toute sa force à l'élan vers la paix.

Comme nous l'avons vu au cours des dernières semaines écoulées, le succès de ces efforts dépend de la volonté des parties. Je voudrais saisir cette occasion pour vous faire part de la portée, des obligations et des promesses de l'accord que j'ai conclu avec le Gouvernement iraquien, car ce sont, après tout, les événements en Iraq qui m'ont contraint de repousser ma visite ici, qui était prévue à l'origine pour le mois dernier. Je suis allé à Bagdad, pleinement habilité par tous les membres du Conseil de sécurité, pour rechercher une solution pacifique à la crise et cette crise a été évitée, tout au moins pour l'instant.

Le mandat du Conseil de sécurité a été réaffirmé. L'accès des inspecteurs des Nations Unies a non seulement été rétabli mais aussi étendu à tous les sites, quels qu'ils soient. L'autorité du Président exécutif de la Commission spéciale a été reconnue et renforcée. C'est aux dirigeants iraquiens qu'il appartient désormais de faire en sorte que cette menace à la paix et à la sécurité internationales soit écartée à tout jamais.

C'est à eux qu'il appartient de donner effet aux engagements auxquels ils ont souscrit sur le papier. S'ils le font, la date où l'Iraq pourra devenir un membre à part entière de la famille des nations n'en sera que plus rapprochée. Entre-temps, l'élargissement du programme "Pétrole contre nourriture" devrait permettre d'alléger les souffrances du peuple iraquien.

L'accord intervenu à Bagdad n'est ni une "victoire" ni une "défaite" pour quiconque, individu, nation ou groupe de nations. Il est certain que l'Organisation des Nations Unies et la communauté internationale n'ont rien perdu, rien cédé ni concédé d'important. Mais en empêchant, tout au moins pour le moment, la reprise des hostilités militaires dans le Golfe, elle ont permis la victoire de la paix, de la raison et du règlement des conflits par la voie diplomatique.

Nous espérons voir davantage de conflits ainsi réglés par la voie diplomatique. Récemment, le Conseil de sécurité a voté la prorogation du mandat de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) dans le sud du Liban.

Le Conseil a une fois de plus réclamé l'application intégrale de ses résolutions. Hier, nous avons célébré le vingtième anniversaire de la résolution 425 (1978). Elle est restée lettre morte pendant trop longtemps : j'espère que le jour viendra bientôt où ses dispositions seront intégralement appliquées, et l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance politique du Liban strictement respectées.

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Ici même, dans le vieux quartier de Beyrouth, nous sommes entourés de souvenirs, souvenirs pénibles d'un passé difficile, mais également souvenirs rassurants d'une ancienne culture aux traditions très riches et très fortes. Le Moyen-Orient est le berceau de la civilisation et son histoire remonte à des millénaires.

De toutes les régions du monde, c'est peut-être la plus compacte et la mieux définie, puisqu'elle se caractérise par une grande communauté de langue, de paysage, de culture, d'histoire, de coutumes et de valeurs.

Et pourtant, les pays qui s'y trouvent souffrent d'un manque de liens économiques et commerciaux entre eux. Or, l'avenir de la région dépendra dans une large mesure de sa capacité d'établir une coopération économique solide et véritable. Aucun pays ne peut aujourd'hui parvenir au développement dans l'isolement. La mondialisation est une réalité incontournable et l'une des clefs du succès sur notre globe est la coopération régionale. Ce n'est qu'en développant la coopération et le commerce intrarégionaux que le Moyen-Orient pourra occuper la place qui lui revient dans l'économie mondiale.

En tant qu'organisme impartial défendant des valeurs universelles, la CESAO est plus que quiconque qualifiée pour contribuer à relever les nouveaux défis régionaux et géoéconomiques. Sa position entre l'Europe et l'Afrique en fait un passage naturel entre les régions.

À la recherche de la coopération pour le plus grand bien des États Membres, la CESAO tend une main à la Commission économique pour l'Europe et l'autre à la Commission économique pour l'Afrique. Son activité porte sur les domaines prioritaires que sont l'eau, l'énergie et les transports; elle vise à contribuer à harmoniser les politiques et les législations, et, par la normalisation, à améliorer la qualité de la vie.

Les intérêts économiques peuvent et doivent jouer un rôle constructif dans la réalisation de la paix et du développement. Après cinq décennies perdues de guerres, de conflits et de destructions, nous nous trouvons enfin à l'aube d'une ère nouvelle; une ère de coopération, de reconstruction et de développement qui devrait profiter à tous les peuples du Moyen-Orient.

Et c'est là que Beyrouth a un rôle de pointe à jouer. Cette ville occupe une place toute particulière au centre et au coeur de la région; le peuple libanais ne le cède à personne quand il s'agit du monde des affaires et de l'esprit d'entreprise. Un simple coup d'oeil suffit pour vous en convaincre.

Je suis convaincu que votre talent saura inspirer la région et le monde et j'espère que l'Organisation des Nations Unies sera un partenaire efficace dans ce processus.

( suivre)

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Mais surtout, je veux aujourd'hui rendre hommage à l'oeuvre que le peuple et le Gouvernement libanais ont déjà accomplie par et pour eux-mêmes. Je souhaiterais le faire en rappelant le voyage à Beyrouth de l'un de mes prédécesseurs. C'était précisément il y a 40 ans. Alors que le Liban se trouvait au bord de la guerre civile en juin 1958, Dag Hammarskjöld est venu ici du Caire déjeuner avec le Premier Ministre Sami es-Sohl.

La fin du repas a été couronnée par un énorme gâteau dont le glaçage portait, autour de l'emblème national du Liban, cette inscription : "Que l'ONU sauve le Liban."

Hammarskjöld a répondu à haute voix pour que les représentants de la presse puissent entendre : "Excellence, je récuse cette inscription parce que c'est au Liban qu'il appartient de se sauver lui-même."

Le Liban a écouté son conseil et cette nation s'est sauvée elle-même. Elle a sauvé son peuple et elle sauve ses générations futures. Cette renaissance pratiquement miraculeuse qui se déroule devant nos yeux dès aujourd'hui est l'oeuvre de vos mains, de votre ténacité, de votre conviction et de votre courage.

Tous les hommes et les femmes qu'anime l'espoir sont, où qu'ils vivent, citoyens de Beyrouth. C'est donc, rempli d'espoir, que je m'écrie : "Ana Beiruti".

Je suis convaincu que cette maison sera un lien durable et indestructible entre l'Organisation des Nations Unies et la région. Et j'espère sincèrement qu'elle finira aussi par incarner l'esprit, le dessein commun et la synergie qui nous unissent. Je vous remercie.

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