DH/224

LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU QUATRIEME RAPPORT PERIODIQUE DE L'URUGUAY

27 mars 1998


Communiqué de Presse
DH/224


LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU QUATRIEME RAPPORT PERIODIQUE DE L'URUGUAY

19980327 Le Comité des droits de l'homme a entamé ce matin l'examen du quatrième rapport périodique de l'Uruguay qui contient des renseignements complémentaires et des précisions se rapportant aux questions posées lors de l'examen du troisième rapport périodique, ainsi que les faits nouveaux et les mesures adoptées ou envisagées pour donner suite aux suggestions du Comité en ce qui concerne l'application des droits énoncés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Lors de la présentation orale du rapport, M. Jorge Talice, Ambassadeur, Ministère des relations extérieures de l'Uruguay, a informé les membres du Comité de l'évolution qu'a connu son pays depuis la chute du régime dictatorial en 1985. Il a évoqué en particulier les réformes législatives et constitutionnelles qui ont eu lieu au cours des trois dernières années en vue de garantir le plein exercice des droits énoncés dans le Pacte ainsi que dans les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Ainsi dans la nouvelle Constitution de 1997, le système électoral a été significativement modifié. Le nouveau Code de procédure pénal qui devrait entrer en vigueur au mois de juillet prochain accordera notamment aux citoyens le droit de présenter un recours en habeas corpus devant une juridiction même en cas d'état d'urgence. En vertu de ce nouveau Code, les audience seront désormais publiques et les procédures judiciaires seront accélérées. M. Talice a également annoncé l'adoption de nouvelles lois comme celle sur la sécurité des citoyens qui reconnaît le délit de violence domestique. Par ailleurs, le représentant a affirmé que la loi d'amnistie n'empêchait pas l'élucidation des disparitions de personnes sous l'ancien régime dictatorial et que des progrès avaient été faits dans plusieurs cas.

Dans leurs observations, les experts ont soulevé à maintes reprises la question des personnes disparues. Il se sont inquiétés de l'existence de la loi sur l'amnistie qui, selon eux, permet l'impunité de violations sérieuses. Ils ont aussi noté avec préoccupation le taux élevé de personnes en détention préventive dans les prisons, estimé à près de 80% de la population carcérale.

Le Comité poursuivra l'examen du quatrième rapport périodique de l'Uruguay cet après-midi à 15 heures.

Documentation

Quatrième rapport périodique de l'Uruguay (CCPR/C/95/Add.9)

Le rapport souligne que la Constitution uruguayenne reconnaît l'égalité de tous en ce qui concerne la jouissance et l'exercice des droits constitutionnels garantis. En ce qui concerne le recours judiciaire en cas de violation des droits, le système de recours est fondé sur l'habeas corpus - protection contre les abus de pouvoir - et l'amparo - recours judiciaire permettant de demander la protection d'un tribunal pour l'obtention du respect d'un droit garanti par la Constitution et violé par le pouvoir judiciaire ou l'Etat. La réforme de la procédure pénale en cours vise à remplacer le système mixte (inquisitoire et accusatoire) par un modèle accusatoire classique comprenant deux phases, à savoir l'instruction préliminaire et l'audience d'accusation. En cas de plainte ou de requête de la personne lésée, une audience de qualification des faits est tenue en présence du représentant du ministère public, de l'auteur de la plainte avec l'assistance d'un avocat et de la personne mise en cause en présence de son défenseur. Cette étape est suivie de l'enquête préliminaire qui est organisée sur la base de la participation active des parties à la procédure jusqu'à la clôture de l'instruction. A l'issue de cette phase, le juge décide au cours d'une audience si des poursuites doivent être engagées; une demande du ministère public étant indispensable en ce sens. L'adoption des mesures d'instructions prévues dans l'acte d'accusation est suivie de la phase préparatoire susceptible d'aboutir au procès pénal.

Pour ce qui est du droits des hommes et des femmes de jouir des droits civils et politiques, il existe une égalité juridique absolue entre les hommes et les femmes et l'Etat a promulgué des lois spéciales destinées à réprimer l'inégalité de traitement ou de chances des femmes. En dépit de cette situation , l'égalité n'est pas encore complète comme l'indique les chiffres de l'emploi ou de la participation des femmes à la prise de décision. En matière de violence contre les femmes, l'Etat a formulé une double stratégie de prévention et de répression. Dans le premier domaine, les activités du commissariat spécialisé dans la protection de la femme et de la famille ont été complétées en 1992 par celles d'un bureau d'assistance technique aux victimes de violence familiale qui analyse, recherche, coordonne et oriente les actions concernant la violence familiale. Le bureau d'assistance et de traitement donne des conseils et accomplit des activités de suivi de cas individuels, il s'occupe d'une centaine de cas par mois. Par ailleurs, les fonctionnaires de police, les agents des centres d'information sur les droits de la famille et de la femme, les membres des services d'urgence et des avocats ont été les bénéficiaires d'un programme de formation exécuté par l'Institut nationale de la femme et de la famille.

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S'agissant du droit à l'intégrité physique, en dépit de l'absence d'une qualification distincte de l'infraction de "torture" dans le droit pénal uruguayen, les actes de torture ont été réprimés et punis par les autorités judiciaires et administratives. En 1995, l'Uruguay a approuvé la Convention contre la torture et adhéré à la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture. Le pays a, par ailleurs, adopté des normes d'éthique médicale en ce qui concerne le libre consentement préalable à des expériences médicales ou scientifiques.

Concernant le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, divers projets de lois tendant à modifier les règles nationales en matière de détention provisoire sont actuellement examinés par le Parlement. Près de 80% des détenus incarcérés dans les établissements pénitentiaires du pays sont des "prévenus". La doctrine et la jurisprudence nationale ont considéré cette situation comme une grave violation des droits des justiciables. En 1995, la Cour suprême de justice a établi un projet de loi sur les mesures de substitution à la peine d'emprisonnement qui devraient être appliquées dans le système de justice pénale. Ces mesures peuvent être prises dans les cas de poursuites lorsqu'il sera possible d'estimer que si une condamnation est prononcée, elle prendra la forme d'une peine d'emprisonnement définitive. En cas de jugement définitif, les mesures de substitution pourront être prises en cas d'emprisonnement; d'infractions involontaires ou non intentionnelles et sous réserve que la condamnation ne soit pas supérieure à trois ans d'emprisonnement; d'infractions préméditées passibles d'une peine qui n'est pas supérieure à trois ans d'emprisonnement et, en cas de peine supérieure à cette période, le juge est habilité à ordonner une mesure de substitution. Le projet de code de procédure pénale consacre un chapitre à la "privation ou limitation de la liberté physique du prévenu". Lorsque la privation de la liberté du prévenu n'est pas ordonnée, le tribunal pourra notamment à titre de substitution l'obliger à ne pas changer de domicile sans aviser immédiatement le tribunal; à ne pas sortir du territoire nationale; à se présenter périodiquement devant l'autorité désignée ou encore à entreprendre des activités non rémunérées en faveur de la communauté. S'agissant de la détention provisoire, celle-ci reste interdite lorsqu'il s'agit de poursuites pour une contravention ou un délit sanctionné d'une peine moindre que la peine d'emprisonnement. La détention provisoire est obligatoire si l'on peut présumer que la peine sera une peine d'emprisonnement ou si le prévenu risque de cherche à se soustraire à des poursuites pénales.

A propos du traitement des détenus, le Comité des droits de l'homme avait signalé l'insuffisance de la formation des fonctionnaires de police. Le 12 juillet 1995, l'Uruguay a promulgué une loi relative à la sécurité des citoyens qui réglemente la formation des fonctionnaires chargés de l'application de la loi ou de la garde des détenus dans les centres pénitentiaires. Dans le cadre du système pénitencier, il faut signaler

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la création d'une commission chargée de conseiller le pouvoir exécutif sur l'amélioration du système pénitentiaire. Afin de trouver une solution provisoire à l'internement des jeunes de moins de 17 ans et en attendant que l'Institut national des mineurs puisse disposer des locaux à cette fin, les juges des mineurs peuvent les placer dans des établissements de haute sécurité mais séparés des détenus adultes. Les réformes introduites permettent d'accélérer les mesures prises pour rééduquer les mineurs en conflit avec la loi.

S'agissant de la liberté d'opinion, le Comité des droits de l'homme s'était inquiété de la formulation de certains dispositions internes qui réglementent la liberté d'expression. Il a notamment exprimé des doutes quant à la compatibilité de certaines dispositions avec l'article 19 du Pacte. La jurisprudence uruguayenne montre que la cour d'appel en matière pénale a eu à examiner en détail la portée du droit de réponse et les limites de ce droit au regard de la liberté d'expression. Ainsi, la cour d'appel a confirmé l'acquittement de deux journalistes qui avaient diffusé par écrit des informations contre un haut fonctionnaire des services de police. Dans cette affaire, le tribunal avait déclaré que l'opinion publique a le droit absolu de critiquer et de juger toutes les institutions même en attaquant leur autorité parce qu'en agissant ainsi elle ne fait qu'exercer le droit inaliénable de contrôler la manière dont ses représentants s'acquittent de leurs fonctions.

Pour ce qui est du droit à l'égalité sans discrimination, la violence ou la menace du recours à la violence contre certaines personnes en raison de leur race, de leur religion, de leur couleur ou de leur origine est punie par la législation pénale, conformément à la Constitution. En ce qui concerne le droit des minorités, il n'existe aucune minorité ethnique au sens où l'entend la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, à savoir un groupe ethnique, religieux ou linguistique minoritaire et clairement identifiable comme tel, numériquement inférieur au reste de la population et qui possède des caractéristiques culturelles ou historiques, religieuses ou linguistiques différentes du reste de la population.

Les mesures prises par l'Uruguay en matière de protection et de respect des droits de l'enfant figurent dans le document qu'il a présenté au Comité des droits de l'enfant (CRC/C/3/Add.37).

Les informations de base concernant l'Uruguay figurent au document HRI/CORE/1/Add.9/Rev.1.

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Présentation du quatrième rapport périodique de l'Uruguay

M. JORGE TALICE, Ambassadeur, Ministère des relations extérieures de l'Uruguay, a fait état des efforts menés par les gouvernements successifs depuis 1985, année où un régime réellement démocratique caractérisé par la promotion de plus en plus grande des droits de l'homme a été mis en place. Depuis plus de 3 ans, un cadre constitutionnel et juridique permet le plein exercice des droits énoncés dans le Pacte et autres instruments internationaux. Le Représentant a précisé que depuis la présentation du troisième rapport périodique de son pays en 1993, l'Uruguay a poursuivi le processus de ratification de la Convention interaméricaine de lutte pour la prévention et la répression de la torture. M. Talice a également mentionné la ratification le 2 avril 1996 de la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes.

La nouvelle Constitution en vigueur depuis le 14 janvier 1997 n'a pas complètement remplacé la Constitution précédente. Toutefois, les dispositions relatives au processus électoral ont été modifiées pour le rendre plus transparent et pour renforcer les institutions démocratiques du pays. Ainsi, le nouvel article de la Constitution à ce sujet prévoit la séparation des élections régionales et des élections municipales, ce qui contribue au renforcement de la démocratie. Il prévoit également une procédure de sélection des candidats à la présidence par le biais d'élections internes aux partis politiques par les citoyens eux-mêmes. Chaque parti ne peut présenter qu'un seul candidat.

La réforme constitutionnelle apporte également des modifications pour ce qui est des indemnisations des personnes s'estimant lésées par un acte administratif. Cet amendement offre une plus grande souplesse pour les recours. Un nouveau texte de l'article 47 consacre le droit à un environnement sain. Un autre élément de réforme de la Constitution porte sur les états d'exception qui avaient été une source de préoccupation du Comité, celui-ci ayant fait remarquer que les dispositions relatives aux motifs permettant de proclamer l'état d'urgence étaient trop vagues.

S'exprimant sur le statut du Pacte, M. Talice a précisé qu'un traité en vigueur ratifié par le gouvernement de l'Uruguay s'applique directement au niveau interne sans qu'il soit nécessaire de modifier les lois. Tout traité ratifié par l'Uruguay peut être invoqué directement devant les tribunaux du pays, les traités internationaux ayant une valeur égale à la loi interne. Le représentant a assuré le Comité que tous les droits civils et politiques énoncés dans le Pacte sont pleinement protégés en Uruguay. Au paragraphes 46 et 45 du quatrième rapport périodique, il est mentionné que l'Uruguay a sanctionné un nouveau code de procédure pénale qui devrait entrer en vigueur en juillet prochain. Ce code permettra aux citoyens de présenter un recours en Habeas corpus malgré l'existence des états d'exception. Une fois qu'il

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sera adopté, la procédure judiciaire subira une profonde transformation. Ainsi, les audiences seront publiques, le système mixte (inquisitoire et accusatoire) sera remplacé par un système comprenant l'instruction préliminaire et l'audience d'accusation. M. Talice a fait remarquer le lenteur du processus d'instruction du système précédent. Le nouveau code de procédure pénale ne comprendra plus la nécessité pour le Procureur de demander au juge d'enclencher une procédure. Le rôle de la défense sera renforcé dans la mesure où son intervention sera assurée dès l'enclenchement d'une affaire.

Le représentant a évoqué par ailleurs l'adoption de nouveaux textes législatifs comme la Loi sur la sécurité des citoyens qui reconnaît le délit de violence domestique. La Loi régissant l'exil et l'immigration touche également à la jouissance des droits de l'homme. Des normes de promotion de l'égalité entre la femme et l'homme sur les lieux de travail ont fait l'objet d'un décret qui garantit l'égalité de traitement et de chance des deux sexes. Evoquant les disparitions pendant la dictature et les recours judiciaires et administratifs que les familles peuvent invoquer, il a reconnu que la Loi exclut la possibilité d'enquêter sur les violations des droits de l'homme commises dans le passé. Il a précisé que le gouvernement affronte cette situation avec l'aide de l'Eglise qui est très active dans ce domaine et des réparations importantes ont été versées aux familles des disparus. Cette question fait l'objet d'un grand débat public.

M. Talice a rappelé que la restauration d'un gouvernement démocratique a été accompagnée d'une réflexion sur la structure du pays. Le gouvernement a hérité d'une société très divisée. Avec l'adoption de ces nombreuses mesures, le processus de réconciliation a eu un effet multiplicateur important. Notre tache n'est pas terminée mais le pays n'a de cesse de se pencher sur les domaines essentiels au respect des droits de l'homme. Pour ce qui est de la liberté d'expression et de réunion, M. Talice a fait état du pluralisme qui prévaut maintenant dans le pays. L'Uruguay a choisi son propre chemin en privilégiant la paix et la démocratisation qui sont des valeurs essentielles. Les mesures adoptées n'ont pas contribué à créer un climat d'impunité. Le respect des mesures adoptées a montré que la démocratie est pleinement mise en oeuvre. De 1985 à ce jour, le Gouvernement et la société ont fait preuve de leur volonté de tourner la page sans oublier le passé. Le chemin parcouru jusqu'à ce jour semble être le bon.

Réponses de l'Uruguay aux questions écrites du Groupe de travail présession

M. JORGE TALICE, Ambassadeur, Ministère des relations extérieures de l'Uruguay, a déclaré que l'Uruguay fournirait des réponses écrites aux questions auxquelles la délégation ne pourrait pas répondre dans l'immédiat. S'agissant du droit à un recours utile (article 2 (3) du Pacte), et en particulier de la question des personnes disparues, il a indiqué que,

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conformément à la loi d'amnistie, le pouvoir exécutif a reçu des demandes émanant des tribunaux qui examinent les plaintes pour violation des droits de l'homme pendant la période militaire et a lancé des enquêtes administratives. Ces enquêtes n'ont toutefois pas vraiment permis d'éclaircir les faits sur lesquels elles portaient. Il y a eu des témoignages, notamment des membres des familles des victimes et de membres d'ONG. Mais on a pu seulement obtenir le témoignage des militaires cités à comparaître. D'autres personnes qui auraient pu fournir de plus amples éclaircissements n'ont pas comparu. A la suite du rétablissement de la démocratie, des mesures ont été prises en vue d'apporter des réparations à des faits du passé. Ainsi, en vertu d'une loi de pacification nationale adoptée en 1995, une amnistie a été décrétée en ce qui concerne les délits politiques commis à partir de janvier 1962 et le droit de tout Uruguayen à revenir dans le pays a été reconnu. Une loi sur le droit à la récupération des postes a également été adoptée, dont environ 18 000 personnes ont profité. Douze mille fonctionnaires ont ainsi pu récupérer leurs droits en vertu de cette loi. Le 24 décembre dernier, un décret a été adopté qui prévoit l'indemnisation du personnel militaire qui avait été démis de ses fonctions pour raisons politiques ou idéologiques. Il n'y a pas eu de loi particulière concernant les indemnisations pécuniaires relatives aux violations des droits de l'homme pendant la période militaire, car les poursuites au civil sont possibles. La loi relative à la responsabilité du Gouvernement a en effet pleinement répondu aux attentes des intéressés et le Gouvernement a versé des indemnisations à la suite de poursuites intentées par des personnes lésées.

S'agissant de la question 2 sur l'égalité entre les sexes (article 3 du Pacte), M. GUSTAVO ALVAREZ, membre du Ministère des relations extérieures, il a signalé la soumission d'un nouveau rapport périodique au Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Parmi les mesures adoptées dans ce domaine, il a mentionné la création de l'Institut national de la femme et de la famille, de centres de documentation sur les droits de la femme et de la famille, et de commissariats pour la femme dans tout le pays, la mise en oeuvre d'un programme d'appui pour les femmes et les jeunes dans les zones rurales, d'un programme d'éducation en matière de sexualité, la création d'un service téléphonique à l'intention des femmes et de la famille, la mise en oeuvre d'un programme de recherche d'emploi pour les femmes et de plusieurs projets dans le domaine de la santé. Parmi les mesures législatives, il a cité la réforme de la sécurité sociale qui prévoit le même âge de retraite pour les hommes et les femmes, à savoir 60 ans, l'adoption d'une loi qui interdit toute discrimination à l'égard des femmes dans le monde du travail, la création récente d'une commission interministérielle chargée de campagnes d'éducation en faveur des femmes et de la coordination des projets dans ce domaine. Par ailleurs, le nouveau code de procédure prévoit que lorsqu'un condamné pour viol épouse sa victime, il y a extinction de la peine pour autant qu'il y ait plein consentement de la femme. Il a précisé que l'extinction de la peine s'appliquait à un certain nombre de délits.

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En ce qui concerne la violence domestique (article 3 du Pacte), M. JORGE TALICE, Ambassadeur, Ministère des relations extérieures de l'Uruguay, a estimé qu'il fallait faire une distinction entre les normes et les mesures pratiques adoptées par le Gouvernement pour lutter contre ce type de violence. Ce phénomène existe en Uruguay comme dans toute la région ce qui a suscité la promulgation de textes dans le cadre de l'Organisation des Etats américains, et notamment l'adoption de la Convention interaméricaine sur la violence domestique en janvier 1996. Ce texte s'inspire de la conférence de Vienne de 1993 et de la déclaration des Nations Unies sur la violence à l'égard des femmes de 1993. A la suite de la ratification de la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, des mesures ont été adoptées criminalisant la violence domestique. L'Uruguay a mis en place une stratégie visant à donner une réponse aussi complète et satisfaisante que possible aux demandes des victimes. Ainsi, les enfants et les personnes âgées et handicapées qui vivent sous le toit familial sont également couvertes par cette loi. Parmi les mesures concrètes qui ont été prises pour prévenir la violence domestique, il a mentionné la mise en place par l'Institut de la femme et de la famille d'un programme de prévention qui prévoit notamment la formation des fonctionnaires qui rencontrent les victimes, et la mise en place d'un système de prévention, d'assistance et de traitement, en collaboration avec la police. Un service téléphonique permanent a, en outre, été mis en place à Montévidéo en faveur des femmes victimes de sévices, ainsi que des services d'appui aux mineurs victimes ou témoins d'actes de violence.

Il a reconnu qu'en ce qui concerne l'interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 7), il y avait peut-être eu des cas isolés de mauvais traitements par des personnes chargées de faire respecter les lois. En 1996, il y a eu 9 plaintes, dont 8 ont donné lieu à des poursuites. Au sein du ministère de l'Intérieur, existe une unité d'enquête qui relève de l'autorité policière et est habilitée à recevoir les plaintes en la matière. Elle peut également prendre des initiatives pour dénoncer certaines irrégularités et recommander la traduction en justice des accusés. S'agissant des mesures prises, il y a mentionné un projet de loi au Parlement qui vise à incorporer le crime de la torture au Code pénal. Ce comportement n'est actuellement pas pénalisé mais le Code pénal comprend des dispositions relatives à certains actes connexes, avec comme circonstances aggravantes le fait que ce type d'acte ait été commis par des fonctionnaires ou des membres des forces de police.

S'agissant de la question relative à la détention préventive (article 9 du Pacte) et de la conformité des articles prévoyant la détention provisoire avec le Pacte, en vertu du nouveau Code de procédure pénale, toutes les personnes accusées de crime doivent être traitées avec respect et dignité et ne peuvent être traitées comme si elles étaient coupables avant d'être déclarées telles. Le Gouvernement estime que les dispositions du nouveau Code

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de procédure pénale sont tout à fait compatible avec le Pacte. En vertu du nouveau régime, il y aura une distinction entre trois catégories concernant la détention provisoire : les délits mineurs, les crimes de gravité intermédiaire pour lesquels il n'y a pas de peine d'emprisonnement prévue par la loi, mais éventuellement d'autres mesures que la privation de liberté, et les crimes graves. C'est seulement dans ce dernier cas que le juge devra imposer obligatoirement la privation de liberté. Il y a aussi détention provisoire lorsqu'il est dangereux de laisser l'accusé en liberté. Il a précisé, par ailleurs, que l'accusé était autorisé à communiquer avec un avocat, dès que celui-ci a été désigné. Toutefois, durant la période d'instruction, il pourrait être difficile d'obtenir des preuves s'il y a des conseils trop judicieux donnés par un avocat. C'est pourquoi durant cette période très brève, la communication avec un avocat est interdite. Il a indiqué qu'actuellement un grand nombre d'accusés étaient détenus sans verdict. Mais, a-t-il précisé, le Code pénal a prévu des mesures pour redresser cette mauvaise pratique.

Pour ce qui est de la protection des jeunes délinquants (al.b du paragraphe 2 et paragraphe 3 des articles 10 et 24), M. GUSTAVO ALVAREZ a précisé qu'un projet de loi est à l'étude au Parlement qui vise à amender le Code de l'enfant et prévoit des changements importants pour ce qui est du traitement des jeunes délinquants. En fait, les dispositions de la Loi de 1967 seront remplacées par les dispositions pertinentes du Code de l'enfant. M. Alvarez a précisé que l'internement des jeunes dans les établissements de haute sécurité n'est pas prévue. Ceux-ci sont traités par l'Institut national sur les mineurs. Le Code de procédure pénale stipule que les mineurs sont exempts de responsabilité pénale. Le juge peut néanmoins obliger le jeune à rentrer dans son foyer, lui imposer des travaux d'intérêt collectif, remettre le délinquant à des tiers ou à un institut d'Etat. Il existe 4 centres d'internement pour mineurs dirigés par l'Institut national des mineurs. Leur traitement a été amélioré ces dernières années en raison de la coopération de l'Etat avec des organismes privés de défense des droits de l'homme. Ces jeunes subissent un régime de rééducation et ils suivent une formation professionnelle. La famille a le droit de visite.

M. JORGE TALICE, répondant à la question relative à la protection de l'enfant (article 24 ), a expliqué que le pouvoir exécutif a présenté un projet de loi sur l'enfant et l'adolescent qui est pertinent. Ce projet remplacera la législation caduque et apportera des solutions s'appuyant sur la doctrine moderne du pays en tenant compte des observations d'organes internationaux comme le Comité des droits de l'enfant. Le but est d'aboutir à un système qui soit en conformité avec la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies. Ce projet est très complexe. Ainsi, pour la première fois, les enfants font l'objet de droits et de devoirs, notamment le droit d'obtenir une protection de la famille et de l'Etat. Il existe également des garanties

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dans le cas de délits. Les adolescents âgés de 12 à 18 ans qui ont commis une infraction à la loi feront l'objet de procédures particulières et le Juge responsable des mineurs pourra décider de travaux communautaires, d'un régime de semi-liberté ou d'un régime de liberté assistée. Ce projet de code fixe également l'âge minimum du travail à 15 ans, conformément à la Convention relative aux droits de l'enfant. L'Etat a l'obligation de protéger l'enfant dans le cas d'abandon, de prostitution, de ségrégation, d'une exploitation économique ou encore de traitement cruels. Le nouveau code ne prévoit pas en revanche d'homogénéiser l'âge minimal du mariage pour les filles et les garçons. Pour ce qui est de la situation des enfants des rues, la Division sociale du Conseil de l'enfant, a mis en place un programme d'action préventive. Selon une étude en date de 1990, le nombre d'enfants des rues a été estimé à plus de 1000.

Questions des membres du Comité

M. PRADO VALLEJO, Expert de l'Equateur, a évoqué la responsabilité de l'Etat pour ce qui est des personnes disparues. Beaucoup de temps s'est écoulé depuis la chute du régime dictatorial et le Comité a déjà fait part de son opposition à la Loi, estimant que pour certains crimes il ne peut pas y avoir prescription. Même si des poursuites civiles peuvent avoir lieu, ce n'est pas suffisant. La Loi d'amnistie consacre le régime d'impunité et ne permet pas que les coupables soient châtiés. Pour ce qui est de l'interdiction de la torture, M. Prado Vallejo a relevé qu'aucune disposition législative n'a été introduite alors que l'Etat a signé les instruments internationaux pertinents. Pourquoi le Code pénal ne prévoit-il rien contre les actes de la torture qui semblent être la norme dans le cadre des enquêtes et que compte faire le Gouvernement pour mettre un terme à ces pratiques ? L'expert s'est inquiété des nombreux cas de détention au secret notant que cette pratique semble être constante. Il y a donc contradiction entre la Loi qui parle de pratique d'exception et la réalité. Il a relevé que sur les 54 agents de police poursuivis pour des délits commis dans l'exercice dans leurs fonctions, 49 d'entre eux ont conservé leur poste en toute impunité. Est-ce que les mesures annoncées par le Ministre de l'intérieur ont été appliquées et qu'en a été le résultat ? Il a évoqué par ailleurs un projet de loi visant à augmenter les peines sur la base de circonstances aggravantes et a demandé des explications à ce sujet. Soulignant que la détention provisoire devrait être une exception, il a relevé qu'en Uruguay cette pratique semble habituelle. Que devient donc la présomption d'innocence, a-t-il demandé. Le décret militaire prévoit qu'une personne peut être détenue à n'importe quel moment. Il semblerait que ce décret trouve son origine dans la dictature militaire et n'a plus lieu d'être. Va-t-il être annulé ?, a-t-il demandé à nouveau. Allez-vous former la police aux respects des droits de l'homme ?

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Mme CECILIA MEDINA QUIROGA, Experte du Chili, s'est réjouie des progrès importants réalisés dans les domaines législatifs et administratifs. Néanmoins, elle a remarqué que les enquêtes qui ont été menées sur les personnes disparues n'ont donné lieu à aucune mesure concrète. Quel est l'effet de ce Pacte en Uruguay, en particulier pour les familles des disparus, a-t-elle demandé. Pour ce qui est de l'égalité entre les sexes, elle s'est dite surprise de la proportion inchangée de femmes aux postes de ministre, d'ambassadeur ou de parlementaire. Elle a par ailleurs estimé que les réponses aux questions sur la torture n'étaient pas satisfaisantes. Pour ce qui est du nouveau Code de l'enfant, elle a souhaité une réponse sur la situation des mineurs non mariés. Pourquoi est-ce que les hommes mineurs n'ont pas l'obligation de reconnaître leurs enfants ? Le nouveau Code de procédure pénale contient par ailleurs des dispositions étonnantes, notamment celles sur les relations entre avocats et clients ou encore sur les audiences publiques alors que l'on ne parle pas de l'instruction préliminaire. Elle a également dit sa préoccupation quant à la restriction à la liberté des prévenus dans le cadre de la détention provisoire. Evoquant le nouveau Code de procédure pénale, Mme Medina Quiroga a par ailleurs soulevé la question de l'impartialité des juges. Ceci n'est pas conforme au Pacte. La suspension des droits politiques de la personne poursuivie est également une violation de l'article 25 du Pacte. En outre, elle a souhaité des précisions sur l'Habeas corpus. Est-ce que dans le cadre des états d'urgence le détenu peut faire un recours devant les tribunaux ?

LORD COLVILLE, Expert du Royaume-Uni, a demandé des précisions sur la longueur de la détention provisoire, estimant que ce système est incompatible avec la dignité du prévenu, la présomption d'innocence et le droit à un jugement sans retard. Il a demandé quelle était l'ampleur du problème et s'est étonné du nombre élevé de personnes en détention provisoire. Si quelqu'un est gardé en détention provisoire plus de trois ans, il est remis en liberté indépendamment du délit commis. Combien de prisonniers ont bénéficié de cette pratique ? Il a demandé des précisions sur les procédures transitoires dans l'attente de l'adoption du nouveau Code de procédure pénale.

M. ECKART KLEIN, Expert de l'Allemagne, s'est déclaré lui aussi préoccupé par les règles concernant la détention provisoire. Quelle est la peine d'emprisonnement minimale en vertu du Code pénal ? La privation de liberté n'est-elle pas parfois disproportionnée par rapport à la peine prononcée en définitive ? S'agissant des expériences médicales, il a demandé si de telles expériences étaient réalisées sur des personnes souffrant d'incapacités mentales. Il s'est étonné du fait que l'un des motifs du divorce puisse être "la seule volonté de la femme". Ne peut-il y avoir de demande de la part de l'homme ? Il a demandé des précisions sur les restrictions à la liberté de circuler librement (article 12 du Pacte), en particulier pour des raisons d'"intérêt général". Il a demandé, par ailleurs, quelles étaient les normes appliquées en ce qui concerne l'élargissement de la non éligibilité, ainsi que des précisions sur la question des minorités.

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M. NISUKE ANDO, Expert du Japon, a demandé des éclaircissement sur les enquêtes concernant les personnes disparues. Citant ses propres sources d'information, il a indiqué que sur 165 cas toujours en suspens, on avait estimé dans 27 cas seulement qu'il n'y avait pas de preuve de disparition. Quand une ONG souhaite procéder à sa propre enquête, il arrive que le Gouvernement l'en empêche, a-t-il déclaré, soulignant qu'il ne suffit pas d'indemniser les victimes. Il a également demandé des précisions sur l'indépendance de la magistrature. Concernant les droits politiques, il a demandé les raisons qui restreignent la participation des militaires au pouvoir. Il a également demandé des précisions sur le statut des enfants nés hors mariage.

M. THOMAS BUERGENTHAL, Expert des Etats-Unis, a estimé qu'il s'agissait d'un excellent rapport, bien complété par la présentation orale de la délégation. Pendant longtemps l'Uruguay a été un exemple de régime démocratique ayant une conscience sociale. De façon générale, les réponses fournies sont impressionnantes. Il a toutefois déploré la loi d'amnistie qui paraît contraire à la tradition du pays de faire enquête, a-t-il dit, malgré les bonnes intentions du Gouvernement, l'expérience montre que s'il n'y a pas d'enquête sur les violations des droits de l'homme et l'on renforce l'impression que l'impunité règne. S'agissant des cas de mauvais traitements de détenus par des policiers, il a demandé s'il était prévu de mettre sur pied un organe indépendant d'enquête. Il a lui aussi demandé des précisions sur la détention provisoire. Par ailleurs, il y a-t-il une disposition précise dans la loi sur la violence domestique qui criminalise le viol domestique ? M. Buergenthal a déploré le fait que la torture ne soit pas inscrite dans le Code pénal.

M. OMRAN EL SHAFEI, Expert de l'Egypte, a demandé des éclaircissements sur les motifs de déclaration de l'état d'exception, en particulier s'il y a eu des modifications de la législation y afférente. S'agissant de la détention provisoire, il a demandé dans quelle mesure les options visant à remédier à la situation ont été mises en oeuvre et ont permis d'alléger le fardeau reposant sur le système carcéral. Le rapport reconnaît que dans certains domaines, la pleine égalité entre les hommes et les femmes n'a pas encore été atteinte. Des mesures ont-elles été prises pour améliorer la situation ?

Mme ELIZABETH EVATT, Experte de l'Australie, a demandé des précisions concernant l'égalité entre les sexes. Il y a-t-il des poursuites ou des mesures disciplinaires engagées en cas de discrimination fondée sur le sexe ? Il y a-t-il indemnisation de la victime ? S'agissant de la question du viol conjugal, elle s'est déclarée préoccupée en ce qui concerne le libre consentement, en particulier en raison de l'âge très précoce du mariage. Elle s'est demandée comment la situation pouvait se poursuivre si le viol à l'intérieur du mariage était reconnu. S'agissant de la détention provisoire,

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elle s'est étonnée du fait que pour certaines infractions, le juge n'ait aucun pouvoir discrétionnaire et que l'on ne tienne pas compte des circonstances de l'accusé. Il semble que la règle générale demeure la détention alors que selon le Pacte, ce ne peut être le cas. Elle a demandé confirmation de l'interdiction d'embaucher un enfant de moins de 15 ans même avec permis. Elle a demandé des précisions sur les dispositions législatives relatives aux enfants nés hors mariage ou nés de parents mineurs d'âge. S'agissant des personnes disparues, elle a souligné le fait qu'il appartient au gouvernement de protéger tous ses citoyens et a mis l'accent sur la nécessité d'avoir des enquêtes indépendantes et impartiales.

M. FAUSTO POCAR, Expert de l'Italie, a lui aussi demandé des précisions sur l'incidence de la loi d'amnistie. Heureusement, l'effet négatif de l'impunité n'a pas sapé l'ordre démocratique du pays, a-t-il souligné. S'agissant des personnes disparues, il a mis l'accent sur le fait que l'Etat est tenu d'agir, tout en soulignant que celui-ci peut adopter des dispositions en vue de l'amnistie. La réparation due aux victimes peut être accordée sans châtiment et indépendamment d'une instruction approfondie. L'enquête doit être autonome et elle n'est pas nécessairement liée à l'indemnisation ou à la réparation. La famille d'un disparu a le droit de savoir où se trouve cette personne et comment les choses se sont produites. S'il n'y a pas d'enquête, on nie la reconnaissance de la personne au regard du droit, ce qui constitue une violation des dispositions du Pacte, a-t-il affirmé.

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