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LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME S'INQUIETE DE L'EXISTENCE AU ZIMBABWE D'UN SYSTEME JURIDIQUE A DEUX VOLETS COMPRENANT LA LEGISLATION NATIONALE ET LE DROIT COUTUMIER

25 mars 1998


Communiqué de Presse
DH/221


LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME S'INQUIETE DE L'EXISTENCE AU ZIMBABWE D'UN SYSTEME JURIDIQUE A DEUX VOLETS COMPRENANT LA LEGISLATION NATIONALE ET LE DROIT COUTUMIER

19980325 Le Comité des droits de l'homme a poursuivi cet après-midi l'examen du rapport initial du Zimbabwe sur les mesures prises pour donner effet aux droits énoncés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et sur les progrès accomplis dans les efforts déployés pour assurer la jouissance de ces droits ainsi que les facteurs qui affectent l'application du Pacte ou les difficultés qui entravent sa mise en oeuvre.

Dans ses réponses aux questions du Groupe de travail présession, M. Chigudu, Secrétaire permanent aux affaires intérieures du Zimbabwe, a précisé qu'en vertu de la Constitution du Zimbabwe, les conventions et pactes internationaux n'ont pas préséance sur la législation nationale. En conséquent, le Pacte ne peut pas être invoqué directement. Evoquant les mesures législatives adoptées récemment conformément aux recommandations formulées par le Comité, en particulier sur l'élimination de la discrimination et l'égalité des sexes, Mme Chatukuta, membre du Bureau du Procureur général du Zimbabwe, a porté à l'attention des membres du Comité l'enracinement profond des pratiques culturelles qui est parfois en contradiction avec la promotion des droits de l'homme.

Au cours du dialogue qui a suivi, les experts se sont montrés préoccupés par les inégalités qui subsistent entre les hommes et les femmes dans de nombreux domaines, et notamment dans le système juridique. Il se sont inquiétés du fait que le droit coutumier prévaut sur la législation nationale dans certains secteurs, et en particulier des pratiques traditionnelles discriminatoires à l'égard des femmes, notamment en ce qui concerne le mariage et l'accès à la terre. De nombreuses questions ont porté sur les brutalités policières, ainsi que sur la persistance des châtiments corporels.

La délégation du Zimbabwe était composée de M. Chigudu, Secrétaire permanent aux affaires intérieures; Mme F. Chatukuta, membre du bureau du Procureur général; Mme C. Nzenza, conseiller; et Mme E. Chibanda-Munyati, conseiller juridique, premier secrétaire.

Le Comité des droits de l'homme poursuivra ses travaux demain jeudi 26 mars à 10 heures. Il terminera dans la matinée l'examen du rapport initial du Zimbabwe. Les questions qui seront posées à l'Etat partie porteront notamment sur la peine de mort, l'indépendance de la magistrature, la liberté d'expression et les droits des personnes appartenant à des minorités.

RAPPORT INITIAL DU ZIMBABWE (CCRP/C/74/ADD.3)

Réponse de l'Etat partie aux questions déterminées par le groupe de travail présession

M. CHIGUDU, Secrétaire permanent aux affaires intérieures du Zimbabwe, s'exprimant sur le statut du Pacte a indiqué que la législation nationale ne permet pas d'invoquer le Pacte directement. La section I 1b) de la Constitution stipule que toute convention internationale est assujettie au Parlement et ne sera pas supérieure à la législation nationale.

En ce qui concerne la question relative aux troubles sociaux, M. CHIGUDU a expliqué qu'en raison des difficultés économiques et des effets du programme d'ajustement structurel, des émeutes ont eu lieu. Si les revendications ont peut-être un caractère légitime, le gouvernement ne peut pas accepter l'utilisation de moyens illégaux par la population comme le pillage et la destruction des maisons et commerces. Le gouvernement avait alors exercé son droit et ses obligations consistant à rétablir l'ordre. Il a mobilisé la police et l'armée ce qui est autorisé par la Loi sur le maintien de l'ordre. Une enquête est en cours pour déterminer s'il y a eu un recours excessif à la force.

Pour ce qui est de l'Etat d'urgence (article 4 du Pacte), M. CHIGUDU a précisé que l'Etat d'urgence ne peut être déclaré que si la sécurité de l'Etat est en danger conformément à l'article 4 du Pacte. L'Etat d'urgence n'a jamais été proclamé au Zimbabwe. S'agissant des demandes d'informations sur le recours judiciaire dont disposent les particuliers pendant l'Etat d'urgence, le représentant a annoncé qu'il fournirait une réponse détaillée en temps utile.

En ce qui concerne la question sur l'utilisation des armes par la police (article 6, 7 et 10), M. CHIGUDU a précisé que les sous-sections 6 et 7 de l'article 7 de la Loi à ce sujet autorise les forces de l'ordre à avoir recours à la force conformément au chapitre 12 article 2 de la Constitution.

Au sujet de la question 5 sur les exécutions extrajudiciaires, disparitions et torture (article 6,7 et 9) le Secrétaire permanent a évoqué l'article 15 de la Constitution qui interdit formellement les traitements inhumains. Toutes les exécutions ont lieu à l'issue d'un procès juste et légal. Il n'existe pas de cas de tortures et de disparitions au Zimbabwe.

En réponse à la question sur les punitions corporelles (article 7) le représentant de l'Etat partie a indiqué que son gouvernement et le peuple n'ont pas jugé utile d'amender la partie de la Constitution relative au châtiment corporel.

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S'agissant de la question relative à la garde à vue et détention préventive (article 9), il a précisé que la police n'est pas autorisée à garder une personne en détention préventive pendant plus de 48 heures. Ce sera ensuite à la Cour, dont les procédures sont compatibles avec l'article 9 du Pacte, de fixer la période de détention. Les règles applicables à la liberté sous caution dépendent de la nature du crime. Abordant le concept de procédure accélérée, il a précisé que celle-ci a permis d'avancer plus rapidement dans les affaires à instruire qui étaient en attente.

S'exprimant sur la question relative à la non discrimination et l'égalité des sexes (article 2 et 3 ), M. CHIGUDU a rappelé que le gouvernement a passé en revue le statut des femmes mariées sous le régime coutumier. Celles-ci désormais peuvent hériter du tiers des biens. Il a rappelé à nouveau la nomination de femmes à des postes à responsabilité.

Répondant à la question relative au droit coutumier et pratiques coutumières (article 3, 23, 24 et 26), le Secrétaire permanent a évoqué le projet de loi sur la prévention de la discrimination. Il a précisé que les pratiques coutumières ont subi un examen progressif pour évaluer leur incompatibilité avec le Pacte. La question de l'âge légal de la majorité a été ainsi examinée et il n'y a plus d'inégalité entre les hommes et les femmes à ce sujet. Pour ce qui est de la Lobola (prix de la mariée), il a fait état de l'enracinement profond de cette pratiques dans la culture du Zimbabwe. La Lobola contribue à resserrer les liens familiaux. En revanche, la mise en gage des petites filles n'existe plus. Un mariage précoce est une union où les conjoints ont entre 16 et 18 ans. Cette union est autorisée avec le consentement des parents ou de la Cour.

Au sujet de la question relative à la violence exercée contre les femmes et les enfants (article 6 et 7) M. CHIGUDU a indiqué qu'aucune loi n'a été adoptée en matière de lutte contre la violence domestique. Il existe néanmoins une loi protégeant les enfants. Le viol conjugal n'est pas un phénomène connu au Zimbabwe alors qu'en réalité nous savons que cela existe. Il a rappelé néanmoins le cadre culturel du pays qui fait que dans le cas de conjoints, la distinction entre les relations consentantes et le viol est une question délicate.

M. Chigudu a indiqué qu'il ne disposait pas d'informations sur les progrès réalisés par l'équipe spéciale chargée de la question du travail des enfants (article 24).

Apportant des compléments d'informations sur les questions pré-citées, Mme CHATUKUTA, Bureau du Procureur général, a expliqué qu'il n'existe pas d'organe spécial chargé d'enquêter sur les plaintes pour violations des droits de l'homme. Ces plaintes sont traitées dans le droit interne. Elle a fait

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par ailleurs état d'enquête et de poursuites pour des détentions forcées et pour des violations des droits de l'homme. Elle a en outre précisé que la mise en liberté sous caution dépend de la nature du crime. Une demande de mise en liberté sous caution ne sera accordée que dans le cadre de délits moindres. Au sujet de la non discrimination et de l'égalité entre les sexes, elle a évoqué la toile de fond culturelle qui est un frein à la promotion de la femme. Les femmes passent dans de nombreux domaines au second plan. Les femmes ne sont pas économiquement autonomes, l'une des causes principales de cette situation étant leur analphabétisme. Des mesures ont néanmoins été prises, notamment la loi sur l'âge de la majorité. Les entraves culturelles n'ont pas disparu et les femmes elles-mêmes estiment qu'elles doivent assumer ce rôle secondaire. Les ONG jouent un rôle important dans la prise de conscience des droits des femmes. Les difficultés à légiférer sont dues notamment aux pratiques culturelles.

Questions des experts

M. PRAFULLACHANDRA NATWARLAL BHAGWATI, Expert de l'Inde, a demandé ce qui avait été fait pour appliquer les droits énoncés dans le Pacte. Quelles sont les fonctions du Conseil interministériel des droits de l'homme ? Peut-il recevoir des plaintes de citoyens concernant les droits de l'homme ? Peut-il enquêter ? Des réparations sont-elles prévues en cas de violations ? Si ces compétences n'existent pas, quel est le mécanisme constitutionnel pour enquêter en cas d'allégation de violation des droits de l'homme ? M. Bhagwati a demandé des précisions sur les troubles des années 80. Qu'a-t-il été fait, en particulier en matière de compensation ? Qu'est-il advenu des personnes arrêtées à tort ? Des mesures ont-elles été prises à l'encontre des responsables des violences ? Qu'a-t-on fait pour punir les forces de police coupables de détentions arbitraires ? S'agissant des femmes et du droit de succession, il a demandé si la veuve avait droit au tiers du patrimoine, comme le prévoit la loi, dans tous les cas ou dans certains cas seulement, et ce qui a été fait, notamment en matière d'assistance judiciaire, pour assurer que la veuve perçoive réellement un tiers de l'héritage. Par ailleurs, pourquoi y a-t-il un écart entre l'âge des filles et celui des garçons pouvant contracter un mariage. Il a également demandé des précisions sur certaines coutumes traditionnelles dans le cadre du mariage ? S'agissant des lois sur la tutelle, le Gouvernement envisage-t-il des mesures pour que la garde d'un nourrisson soit confiée à la mère ? Le Gouvernement compte-t-il prendre des mesures pour que les mariages coutumiers soient également monogames ? A-t-on sensibilisé la population aux droits de l'homme ? Il y a-t-il des programmes de formation de la police ? L'expert a aussi demandé si les mutilations génitales étaient encore pratiquées et si, dans l'affirmative, des mesures avaient été prises pour les éliminer. Il a demandé des précisions sur la législation en matière de viol. S'agissant de la loi sur la citoyenneté,

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il a demandé si en cas de mariage entre un citoyen du Zimbabwe et une étrangère, celle-ci acquérait automatiquement la nationalité du Zimbabwe et le droit de résidence. Qu'est-il prévu en ce qui concerne le viol au sein du mariage ? Un enfant né hors du Zimbabwe a-t-il la nationalité zimbabwéenne si seule sa mère est ressortissante de ce pays ?

Mme ELIZABETH EVATT, Experte de l'Australie, a noté que le Pacte ne peut être invoqué devant les tribunaux du Zimbabwe et a demandé si le Parlement pouvait supprimer certaines dispositions constitutionnelles. Il a relevé que dans certains cas la Cour suprême avait amendé des peines prononcées par des tribunaux et jugées trop cruelles. Il a demandé des précisions sur les émeutes récentes, se déclarant en particulier préoccupée par le recours à la force par la police et l'armée. A cet égard, elle a demandé quel était l'organisme à qui l'enquête avait été confiée. S'agissant de la garde à vue et de la détention préventive, elle a cité des sources d'information indépendantes, selon lesquelles si l'arrestation a lieu un jeudi après-midi, un policier peut émettre un ordre de détention qui étend la garde à vue au delà de 48 heures. Elle a demandé si la liberté sous caution n'était accordée qu'avec l'assentiment du Procureur général. Quelles sont, par ailleurs, les discriminations fondées sur le sexe qui sont encore autorisées ? Quelles sont les inégalités entre les sexes qui subsistent dans la législation ? En vertu de la loi, est-il un délit pour une femme de ne pas respecter certaines normes en matière d'habillement ? Peut-elle être arrêtée ? En est-il de même pour les hommes ? Est-il vrai que des femmes sont régulièrement accusées de prostitution alors que les hommes ne sont pas inquiétés à ce propos ? Les femmes ont-elles un accès égal à la propriété et à la gestion des terres ? Pour l'Experte, le Zimbabwe n'offre pas une protection suffisante aux femmes en ce qui concerne le viol conjugal. Elle a donc invité la délégation du Zimbabwe à examiner cette question. Elle a demandé si des mesures ont été prises pour réduire l'incidence du sida, en particulier chez les jeunes femmes et les enfants ?

M. ECKART KLEIN, Expert de l'Allemagne, a demandé s'il y avait une bonne raison pour que la législation nationale prévale sur le Pacte en ce qui concerne les châtiments corporels, alors que le Pacte est contraignant à ce propos. Ces dispositions ne sont-elles pas contraires au Pacte ? Il a demandé s'il n'y avait de possibilité d'améliorer la situation afin de rendre la législation nationale conforme au Pacte. Les victimes d'abus de la police ont-elles droit à une indemnisation ? Des mesures disciplinaires sont-elles prises à l'encontre des policiers reconnus coupables de brutalités ? A qui les victimes doivent-elles s'adresser ? Il a demandé des précisions sur la coexistence entre le droit coutumier et la législation nationale. Il a souligné qu'il restait encore fort à faire pour améliorer la condition de la femme.

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M. ORAM EL SHAFEI, Expert de l'Egypte, a déploré le fait que le rapport ne traite pas suffisamment de la situation factuelle dans le pays. Ainsi, le rapport ne précise pas que les médias sont sous le contrôle des autorités. S'agissant du statut du Pacte, il a demandé s'il y avait eu un projet de loi visant à intégrer le Pacte dans la législation nationale. Concernant les troubles sociaux, l'enquête en cours vise-t-elle les policiers qui ont eu recours à des armes à feu ? La délégation a-t-elle connaissance des résultats de cette enquête ? Les dispositions discriminatoires entre les hommes et les femmes concernant la nationalité sont-elles toujours en vigueur ?

Mme CECILIA MEDINA QUIROGA, Experte du Chili, a demandé des précisions sur le statut du Pacte. Est-il pertinent de citer le Pacte dans les décisions judiciaires s'il suffit d'un amendement du Parlement pour revenir sur une décision ? Le Zimbabwe respecte-t-il toutes les dispositions de l'article 14 du Pacte qui porte notamment sur l'égalité de tous devant les tribunaux et sur le droit à un procès équitable. Par ailleurs, le vagabondage est-il un crime pénal et quelles sont les peines infligées pour vagabondage ? S'agissant du droit à la réparation, l'Etat est-il responsable de l'indemnisation ou seul l'agent reconnu coupable doit-il s'acquitter de la réparation ? La discrimination est-elle autorisée dans certains cas ? Pour l'Experte, le sort réservé aux femmes est peu enviable et la protection accordée par la Constitution n'est pas suffisante. Elle a demandé des précisions sur les relations entre le droit coutumier et la législation nationale, ainsi que sur la pratique de la dot. Elle a souligné les nombreuses inégalités entre les hommes et les femmes dans de nombreux domaines, notamment en ce qui concerne le consentement au mariage.

M. DAVID KRETZMER, Expert d'Israël, a rappelé qu'en vertu de la Constitution du Zimbabwe, le pays s'engage à respecter tous les droits énoncés dans le Pacte. La punition corporelle en vigueur dans le pays est pourtant contraire aux articles 7 et 9 du Pacte, a-t-il relevé. Notant dans le rapport qu'un médecin doit examiner un jeune pour déterminer s'il est apte à subir la peine, l'expert a dénoncé cette pratique qui selon lui semble entrer en contradiction avec l'éthique médicale. Est-ce que le corps médical à réagi, a demandé l'expert. Il s'est dit troublé par les réponses aux questions relatives à la violence à l'égard des femmes et notamment sur le viol. Même si le pays rencontre des difficultés à assurer les droits dans le cadre des pratiques traditionnelles, le Gouvernement ne peut pas invoquer ces pratiques comme une excuse à la non protection des femmes. S'agissant de la participation à la vie politique, il a demandé des informations sur le financement des partis politiques qui semble consacrer le monopole du parti aux pouvoirs.

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M. RAJSOOMER LALLAH, Expert de Maurice, a félicité le Zimbabwe pour son document bien rédigé même s'il comporte des lacunes. Il semble que ce document ne tienne pas compte d'une grande partie du travail accompli par le Comité, de ses recommandations et de la jurisprudence accomplie au cours des 20 dernières années. Il faut souligner que notre travail ne consiste pas à passer en revue la constitutionnalité du droit mais la "pactabilité" des droits et de la Constitution d'un Etat partie. L'expert a relevé qu'un nombre de droits de la section 11 du rapport n'ont pas été repris dans la Constitution comme l'aspect privé de la vie des particuliers. L'expert s'est interrogé sur l'existence d'un système à deux voies. En effet, le rapport souligne que la Constitution est la loi suprême. Le droit coutumier est également la loi mais s'il y a discrimination à l'égard des femmes, celui-ci n'a plus force de loi. Est-ce que cette dualité a été évoquée devant les tribunaux, a-t-il demandé.

M. MARTIN SHEININ, Expert de la Finlande, a fait remarquer le caractère complet du rapport même si celui-ci a été soumis tardivement et ne rend donc pas compte de la situation sur le terrain. D'après le rapport, la situation dans le pays évolue de façon positive, le système de protection des droits assurés par la Constitution étant complexe. Ce qui manque est la volonté du système judiciaire de faire appliquer les lois. Quel est le rapport entre le législatif et le pouvoir judiciaire qui de son côté a un rôle à jouer dans l'application du Pacte, a demandé l'expert. Il a noté des efforts en vue d'amender la Constitution pour que celle-ci prévale sur les dispositions judiciaires. Le statut du Pacte a souvent à voir avec le rôle du système judiciaire. Néanmoins, l'article 2 du Pacte précise que c'est au pouvoir législatif d'assurer l'application du Pacte. Existe-t-il des dispositions législatives à cette effet. Faisant référence à l'article 74 de la Constitution relatif aux châtiments corporels, l'expert a rappelé que ceux-ci sont une violation de l'article 7 du Pacte. Abordant l'utilisation des armes par les forces de police, notamment en cas de délits pénaux, l'expert a demandé s'il existait des dispositions limitant le recours aux armes à feu. S'interrogeant sur le sort des femmes et des enfants, il a rappelé l'obligation qui est faite au Zimbabwe de respecter les articles 6 et 7 notamment en ce qui concerne les mutilations génitales et le viol marital.

M. NISUKE ANDO, Expert du Japon, a reconnu que le rapport suit les instructions du Comité. Le rôle de cet organe n'est pas de critiquer ou de pointer un doigt accusateur sur un Etat partie mais de réfléchir ensemble sur les moyens de surmonter les difficultés qui se posent dans la protection des droits de l'homme. On remarque dans le rapport la réelle volonté politique d'appliquer le Pacte. Toutefois, on a évoqué un système à deux volets qui comprendrait les dispositions juridiques en vigueur et le droit coutumier. Opérez-vous une distinction entre ces deux concepts, a-t-il demandé. Parfois la législation s'en remet à la coutume pour réglementer certains aspects de

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la vie. Voulez-vous dire que parfois la législation nationale renvoie au droit coutumier pour régler certaines questions. L'expert a par ailleurs évoqué la pratique tendant à ce que le Parlement, selon le droit que lui confère la Constitution, s'efforce d'amender les lois lorsqu'un arrêt de la Cour suprême lui déplaît. Cela lui est possible avec une majorité des deux tiers. Ce type de procédure est un abus de procédure pour s'attaquer à l'essence même du droit et consacre la tyrannie de la majorité sur la minorité et porte atteinte au droit positif.

Réponses de la délégation du Zimbabwe aux questions des experts

M. CHIGUDU a remercié les experts pour leur attitude constructive en ce qui concerne l'examen du rapport de son pays. Il a souligné que le Zimbabwe n'était pas parvenu à appliquer toutes les dispositions du Pacte en raison des contraintes culturelles très lourdes qui continuent de peser sur la société zimbabwéenne. Il n'y aurait aucun intérêt à rédiger des dispositions législatives dont on sait qu'elles ne seront pas appliquées en raison de la tradition. C'est pourquoi, l'important est de sensibiliser la population à ces questions, a-t-il déclaré. Il a assuré que le Gouvernement faisait tout ce qui est en son pouvoir pour respecter toutes les exigences du Pacte. Concernant l'enquête sur les troubles récents, il a affirmé que dès qu'aura été identifié ce qui ne fonctionne pas bien, des remèdes seront apportés. Malheureusement, aucun mécanisme spécifique n'a été mis en place pour enquêter. Ainsi, c'est à la police qu'il revient de donner suite aux plaintes concernant les brutalités policières. Son rapport est ensuite transmis au ministère ad hoc. S'agissant du mariage coutumier et des questions d'héritage, M. Chigudu a indiqué que les lois coutumières commencent à perdre de leur importance à mesure que les gens prennent conscience de leurs droits. Il existe un dispositif selon lequel lorsqu'une femme mariée sous le régime coutumier perd son mari, une personne s'occupe de régler ses problèmes et peut faire valoir les droits de la femme auprès du tribunal. Il a toutefois mis l'accent sur les résistances au droit qui existent dans le pays, à chaque fois qu'une idée nouvelle est introduite, et a souligné les efforts d'éducation entrepris par son Gouvernement. S'agissant de la garde des enfants, des fiançailles précoces et de la dot, il a précisé que ces pratiques n'avaient pas de statut juridique. Il s'agit plutôt de pratiques sociales et culturelles. Il a affirmé que la pratique avait changé en ce qui concerne la garde des enfants. Il a mentionné des affaires dans lesquelles le tribunal a tenu compte des intérêts de l'enfant pour déterminer la garde. Mais effectivement autrefois, la garde était systématiquement confiée au père.

La Lobola est effectivement une pratique culturelle, a-t-il expliqué. Un homme ne pouvait auparavant choisir une femme sans en payer le prix. Aujourd'hui, pour se marier il faut pouvoir présenter un certificat. S'agissant de la mutilation génitale, il a déclaré qu'à sa connaissance cela ne faisait pas partie de la culture du Zimbabwe. Par ailleurs,

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culturellement, quelqu'un qui est marié ne peut être considéré comme violant son conjoint. Toutefois, on peut considérer aujourd'hui l'éventualité du viol conjugal. Une fois que le problème sera posé en ces termes, on prendra des dispositions pour régler la situation, a-t-il assuré. S'agissant de l'inégalité des femmes dans le mariage, il a déclaré que c'était effectivement le cas dans le passé. Lorsqu'une femme se mariait, elle appartenait à l'homme et était assujettie à ses lois. Mais cela a changé. Aujourd'hui, la loi vise les époux. Lorsqu'une femme ou un homme se marie avec un étranger, certaines procédures doivent être suivies en ce qui concerne le changement de nationalité.

Mme C. NZENZA, Conseiller, a précisé que le Comité interministériel des droits de l'homme était composé de représentants de différents ministères et avait trois fonctions : voir quels instruments relatifs aux droits de l'homme n'avaient pas encore été ratifiés et faire des recommandations à cet effet, faire des recommandations en cas de ratification en vue d'une insertion dans la législation nationale, et faire en sorte que le Zimbabwe respecte ses obligations internationales. Elle a expliqué que le Comité avait notamment exercé des pressions sur le Gouvernement pour qu'il présente ce premier rapport périodique. Le Comité interministériel contrôle également le respect par le Gouvernement des instruments relatifs aux droits de l'homme. Il convient aussi d'organiser des colloques sur le Pacte ou d'autres instruments internationaux. De tels colloques ont d'ailleurs été organisés à l'attention des forces de police. Ce Comité n'a toutefois pas de pouvoir en ce qui concerne l'examen de plaintes. Il s'agit d'un organe administratif. Mme Nzenza a indiqué qu'elle ferait part au Comité des préoccupations du Comité des droits de l'homme quant à la création d'une instance habilitée à recevoir des plaintes pour violation des droits de l'homme. Il incombe au Gouvernement à veiller à ce que les droits de l'homme ne soient pas violés par les dissidents ou par les forces gouvernementales. Des incidents peuvent être portés à l'attention du Gouvernement. Auparavant selon la loi régissant la succession, au moment où mourait le chef de famille, celle-ci s'adressait à la Cour des magistrats ou la Cour de la communauté qui traitait l'affaire. Un héritier était nommé, auprès de qui les parents et autres enfants pouvaient réclamer un soutien. Mais l'héritier héritait de tout le patrimoine. Aujourd'hui, on nomme un héritier qui hérite au nom de la famille. C'est ensuite que se fait la répartition, l'épouse recevant le tiers, les autres membres de la famille se partageant le reste. Mme Nzenza a reconnu que la situation se complique en cas de polygamie. Elle a encore précisé que le patrimoine ne pouvait être réparti tant que la procédure adéquate n'avait pas été suivie. S'agissant des écarts d'âge concernant le mariage, elle a affirmé qu'il s'agissait d'un héritage de l'indépendance. Le Comité interministériel sur les droits de l'homme se penche actuellement sur ce problème. Au Zimbabwe, les mariages ne sont pas arrangés. La lobola est un témoignage de gratitude et de reconnaissance de la part du mari. Il ne s'agit pas de

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la valeur de la marchandise, a-t-elle souligné, expliquant qu'elle aimerait beaucoup que son futur mari verse la lobola si elle devait se marier. Elle a encore expliqué qu'en cas de viol, la victime qui souhaite régler l'affaire à l'amiable peut demander une somme en échange du retrait de sa plainte. Le Gouvernement est impuissant dans ce cas.

Sur ce point, Mme CHATUKUTA a évoqué le cas des femmes célibataires enceintes qui risquent d'être montrées du doigt. Dans ce type de cas, des négociations ont lieu entre les deux familles qui s'accordent sur un montant en échange du retrait de la plainte.

M. MEDINA QUIROGA, Experte du Chili, a estimé que ses questions relatives à l'article 9 n'ont pas fait l'objet de réponses satisfaisantes. Elle a demandé en outre si les mutilations génitales avaient lieu et si des dispositions étaient prévues dans le cas du viol.

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