LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME SOULEVE LA QUESTION DE L'INTEGRATION DU PACTE RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES AU DROIT INTERNE CHYPRIOTE
Communiqué de Presse
DH/219
LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME SOULEVE LA QUESTION DE L'INTEGRATION DU PACTE RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES AU DROIT INTERNE CHYPRIOTE
19980324 Réuni sous la présidence de Mme Christine Chanet (France), le Comité des droits de l'homme a achevé cet après-midi l'examen du troisième rapport périodique de Chypre. L'intégration des dispositions du Pacte dans le droit interne chypriote a occupé une grande partie des débats, certains experts s'inquiétant de la prédominance apparente des lois nationales sur le Pacte.L'application de l'article 17 du Pacte sur la protection de la vie privée a par ailleurs soulevé de nombreuses interrogations. Les experts ont plus particulièrement souhaité savoir si des amendements à l'article 15 du Code pénal chypriote ont été apportés dans le but de protéger la vie privée en particulier dans le cadre de relations entre adultes consentants du même sexe. Certains experts ont engagé Chypre à adopter une loi en la matière qui soit en conformité avec les dispositions juridiques de l'Union européenne.
Dans sa déclaration de clôture, la Présidente du Comité, toute en reconnaissant des progrès dans certains domaines, a déploré qu'un grand nombre de recommandations et préoccupations du Comité n'aient pas été suivi d'effets, notamment en ce qui concerne l'emprisonnement pour dettes, la question de la responsabilité pénale des mineurs et le droit de réunion.
La prochaine réunion du Comité aura lieu demain mercredi 25 mars à 10 heures. Le Comité examinera le rapport initial du Zimbabwe.
TROISIEME RAPPORT PERIODIQUE DE CHYPRE (CCPR/C/94/Add.1)
Réponses de la délégation de Chypre aux questions des experts
M. StAVRINAKIS, Commissaire aux lois de la République de Chypre, a indiqué qu'en ce qui concerne l'égalité entre les sexes, le Gouvernement chypriote est en train de prendre des mesures en vue d'éliminer toutes les dispositions ayant un caractère discriminatoire entre les hommes et les femmes, en particulier dans la loi sur l'immigration et en ce qui concerne les salaires. Dans le secteur public, cette nouvelle loi est déjà appliquée. Dans le secteur privé, la loi protège les droits des femmes. Les conventions collectives contiennent des dispositions stipulant l'égalité de salaires entre les hommes et les femmes. Une réglementation sera promulguée prochainement qui stipule les attributions et devoirs des inspecteurs en ce qui concerne l'application de la loi dans ce domaine, a-t-il précisé.
Mme LEDA KOURSOUMBA, Procureur de la République de Chypre, a déclaré qu'en ce qui concerne la discrimination à l'égard des citoyens chypriotes d'origine turque, il y avait effectivement eu des incidents en 1994, qui ont donné lieu à des plaintes. Des mesures de correction ont été prises et il n'y a pas eu d'autres incidents, a-t-elle affirmé. Cela est dû au recyclage des policiers et à leur formation. Il y a un bureau de zone à Limassol où il y a eu des plaintes dans le passé, mais pas au cours des deux dernières années.
Question
Mme CECILIA MEDINA QUIROGA, Experte du Chili, a demandé davantage d'information sur le problème de la violence domestique. La loi a-t-elle aidé à réduire ce type de violence, permet-elle de protéger les victimes ? Quelle est l'ampleur exacte du problème à Chypre ? Elle a aussi demandé quel est l'impact de la loi sur la famille, en particulier en ce qui concerne le mariage.
Réponse
M. STAVRINAKIS a expliqué que la nouvelle loi sur la violence domestique n'avait pas encore donné tous les résultats escomptés. Des plaintes ont été déposées, les femmes ont été sensibilisées quant à leurs droits et parlent actuellement plus librement de cette question. Les plaintes sont déposées tant auprès de la police qu'auprès des conseillers pour la famille. La difficulté est toutefois de prononcer des inculpations. On espère qu'avec la promulgation de la loi, ceci sera facilité. L'une des dispositions de cette loi concerne les constatations d'un psychiatre dans le traitement des enfants pour certains problèmes psychologiques. Durant l'examen de l'enfant, le psychiatre peut constater que le problème résulte de la violence d'un membre
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de la famille ou de quelqu'un d'autre. On essaie alors d'obtenir une déclaration de l'enfant et d'en faire un élément de preuve recevable à partir duquel le tribunal pourra juger de la gravité de la situation. M. Stavrinakis a précisé, par ailleurs, qu'il était question d'une nouvelle loi sur le mariage et non sur la famille. Actuellement, il y a une loi qui régit le mariage des Chypriotes grecs et une loi sur le mariage entre ou avec des personnes d'une autre confession. La nouvelle loi portera sur le mariage de toutes les catégories de personnes et contiendra des dispositions sur l'âge, le consentement, le registre pour l'enregistrement des mariages, notamment.
Questions des experts
M. MAXWELL YALDEN, Expert du Canada, a souhaité obtenir des précisions sur les activités de l'ombudsman, le nombre de plaintes dont il a été saisi, et leur nature. Il a également souhaité plus de détails sur des cas de discrimination à l'encontre des Chypriotes turcs et les mesures prises par le Gouvernement pour y remédier.
Mme ELIZABETH EVATT, Expert de l'Australie, a évoqué la loi sur l'égalité entre les sexes et a demandé si cette loi prévoit l'interdiction de la discrimination entre les sexes dans le secteur privé et des réparations individuelles pour les femmes victimes de discrimination de la part d'employeurs du secteur tant privé que public. L'experte a par ailleurs évoqué les limitations à la liberté de circulation imposées aux chypriotes d'origine turque, et a souhaité savoir si le Gouvernement a pris des mesures spécifiques pour remédier à cette situation.
M. RAJSOOMER LALLAH, Expert de Maurice, a demandé des précisions sur la loi sur le mariage. Dans les différentes lois orthodoxe grecque, maronite et autres, y-a-t-il des clauses discriminatoires au détriment des femmes, notamment pour ce qui touche à la partie économique de la vie commune. De nombreux pays, a ajouté l'expert, disposent d'appareil législatif influencé par des croyances religieuses.
M. THOMAS BUERGENTHAL, Expert des Etats-Unis, a réitéré sa question relative au paragraphe 46 du rapport qui fait état d'amendement à la loi sur la discrimination raciale. Il a souhaité savoir si cette loi telle qu'amendée est appliquée.
M. ABDALLAH ZAKHIA, Expert du Liban, a demandé si les enfants responsables pénalement étaient traduits devant les mêmes tribunaux et enfermés dans les mêmes prisons que les adultes.
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Réponse de l'Etat Partie
Mme KOURSOUMBA a répondu au sujet des droits des minorités que les derniers incidents avec la population chypriote turque ont eu lieu en 1994. Nous sommes arrivés au stade où les cas de harcèlement ont été éliminés. Cette population une fois installée dans le Sud du pays bénéficie des mêmes prestations sociales que le reste de la population. Ils bénéficient d'une aide pour trouver un emploi ou un logement. Nous suivons nous-mêmes cette situation et prenons les mesures appropriées. Le Bureau de liaison des Nations Unies lui-même a fait état de l'absence de plaintes. En ce qui concerne l'ombudsman, elle a précisé que cette fonction a été créée par la Loi et ses pouvoirs lui confèrent le droit d'examiner toutes plaintes, pas seulement dans le cas de violations des droits de l'homme.
M. STAVRINAKIS, s'exprimant sur la parité entre les sexes, a expliqué qu'il y a égalité des droits entre les sexes pour ce qui est de l'héritage, la garde des enfants, les relations en matière de biens fonciers entre les conjoints. Il a expliqué, au sujet de la protection de l'enfant, que le tribunal pour enfants siège ailleurs à huis clos et suit une procédure différente des autres tribunaux.
Réponse de la délégation de Chypre aux questions déterminées par le groupe présession
M. STAVRINAKIS, s'agissant de la statut des traités internationaux par rapport à la législation natioonale (article 2 du Pacte), a indiqué que le projet de loi à l'examen n'était pas devenu loi, mais que le Gouvernement s'était efforcé de trouver d'autres moyens de régir toutes les questions afférentes aux traités. Il a expliqué la procédure adoptée qui consiste à attacher la Convention ou le Pacte à la loi nationale, en annexe. Cette Convention ou ce Pacte ainsi annexé est ainsi ratifié. Le législateur précise les dispositions qui sont auto-exécutoires et celles qui ne le sont pas. Un projet de loi est en cours d'examen qui permettrait de redresser toutes les incertitudes associées à la nature d'un Pacte quant à savoir si les dispositions sont auto-exécutoire ou non, a-t-il déclaré. Les délits qui font l'objet de peines sont indiqués, de même les peines prévues.
M. Stavrinakis a indiqué que la loi sur la peine capitale avait été amendée et que cette peine n'était autorisée que dans un nombre de cas limité et seulement en temps de guerre. La peine de mort peut être imposée au regard du code militaire pénal mais la Cour militaire peut imposer une autre peine, y compris la détention à perpétuité. La peine capitale est prévue pour tout crime prémédité en cas de trahison, de piraterie et d'incitation à l'évasion. Elle constitue un héritage du droit britannique en ce qui concerne la piraterie et est donc désuète dans ce cas. S'agissant de la trahison,
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elle n'est pas appliquée car il n'y a pas de dispositions claires. Un projet de loi est d'ailleurs prévu pour abolir la peine de mort en cas de trahison, de piraterie et d'incitation à l'évasion. Par ailleurs, il est prévu un droit de réparation en faveur des personnes ayant subi des châtiments corporels. La disposition concernant les châtiments corporels sur les enfants n'a malheureusement pas été amendée mais on envisage de le faire, a-t-il précisé.
Mme KOURSOUMBA a affirmé qu'en ce qui concerne les conditions de détention et le traitement des prisonniers, tous les projets de lois étaient devenus lois en 1996 et avaient été légèrement amendés en 1997. Un Conseil des prisons a été créé en tant qu'organe indépendant nommé par le Conseil des ministres. Ce Conseil des prisons a des pouvoirs très vastes, y compris celui de recevoir des plaintes qu'il transmet aux ministres. Il enquête aussi sur la situation dans les prisons, sur les conditions de vie et de travail des prisonniers, sur leurs activités de formation et d'éducation et rend compte aux ministres. Il coopère avec les directeurs des prisons en ce qui concerne les questions relatives au bien-être des prisonniers et lui transmet ses observations et suggestions. Il veille à ce qu'il n'y ait pas d'abus de pouvoir en matière de traitement des prisonniers et s'il y a eu abus, il en réfère aux ministres. Le Conseil a également le droit d'enquêter auprès des prisonniers à qui il peut parler librement. Le Conseil et chacun de ses membres ont le droit et le devoir de visiter régulièrement les prisons pour entendre et enquêter sur les plaintes des prisonniers concernant leur traitement. Il a le devoir d'accorder une attention particulière aux cas de mauvais traitements et de punitions. Ses membres ont le droit d'inspecter les archives de la prison. Le Conseil a aussi le pouvoir de punir ou d'annuler toute punition imposée à un prisonnier et peut intervenir dans les cas où il estime que la sentence appliquée à un prisonnier est excessive.
M. STAVRINAKIS a ajouté que tout mauvais traitement, tout sévice constitue un délit. Il n'y a aucune justification pour les mauvais traitements. La loi comporte aussi des dispositions prévoyant que les sévices et les mauvais traitement infligés à une personne handicapée mentale constituent un délit. Il a affirmé qu'il existe un droit de réparation. L'Etat est directement responsable de tout mauvais traitement ou de tout délit civil de la part du Gouvernement ou d'un fonctionnaire à l'égard d'un citoyen. La question de l'erreur judiciaire a soulevé une vive controverse et on hésite d'ailleurs à envisager une réparation dans ce cas. Toutefois, dans les cas extrêmement rares d'erreurs judiciaires, le Gouvernement verse une indemnisation, même dans les cas où l'obligation juridique de le faire n'existe pas. Il a cependant ajouté n'avoir jamais rencontré de tels cas.
M. Stavrinakis a indiqué, par ailleurs, qu'en ce qui concerne le droit à la vie privée, il avait été envisagé d'amender la loi en vue de permettre à la police de détecter des infractions criminelles graves, en particulier des trafics. L'un des moyens les plus efficaces consiste à mettre sur écoute
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les conversations. Malheureusement, on ne peut pas autoriser la mise sur écoute même sous contrôle judiciaire strict. S'agissant de la diffusion d'informations concernant le Pacte, il a indiqué que Chypre diffuse les rapports préparés au titre de tous les instruments internationaux. Le département du personnel a été contacté afin d'inclure dans leur formation le respect de la personne.
Mme KOURSOUMBA, s'exprimant sur la diffusion d'informations sur le Pacte (article 2) a indiqué que les observations du Comité recevront une large publicité. Des cours de sensibilisation auprès du public sont organisés tandis que nous avons également fait bénéficier le corps policier de formation sur les droits de la personne. Nous organisons aussi des tables rondes, des débats et la presse est très active dans son traitement de la question. La semaine prochaine, a annoncé la représentante, je donnerai une conférence sur les droits de la personne dans un lycée sur initiative des enseignants.
M. STRAVINAKIS, au sujet du droit des immigrés (article 12 et 13), a indiqué que les immigrants ont les mêmes droits que les citoyens à l'exception des droits conférés par la loi sur le travail. Il a indiqué que la loi héritée du passé colonial allait être amendée. Le droit à la vie privée (article 17) est protégée de toute interférence. L'utilisation des enregistrements dans les tribunaux n'est pas permise.
Mme KOURSOUMBA a précisé au sujet du droit à la vie privée que certaines difficultés existent dans la mesure où le code pénal sanctionne les effractions dites "non naturelles". Une plainte émanant de la part d'un homosexuel a été déposée auprès de la Commission européenne des droits de l'homme qui a statué que l'existence de cette clause n'était pas admissible. Chypre a été jugée coupable et nous avons dû amender le code pénal. Le Gouvernement a élaboré un projet de loi qui n'a toujours pas été adopté.
Questions des experts
LORD COLVILLE, Expert du Royaume-Uni, a noté au sujet des droits des étrangers, que les femmes ne sont pas traitées comme les hommes dans le cadre des procédures d'immigration. Pourquoi n'est-il pas possible d'adopter une loi sur une question aussi simple, a-t-il demandé. Au sujet des éléments de recevabilité, l'expert a évoqué la proposition de loi à ce sujet. Il a précisé que tous les éléments de preuve ne peuvent pas être recevables, notamment dans le cas où la confession est obtenue à la suite d'intimidation. Pour ce qui est de la protection de la vie privée, il a engagé Chypre a adopter une loi qui lui permettra de s'aligner sur les dispositions juridiques de la communauté européenne.
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M. MAXWELL YALDEN, Expert du Canada, s'exprimant sur la question relative à la vie privée et à l'homosexualité, a rappelé que le Pacte traite de la vie privée dans le cadre de la famille. Il faut nous poser la question de savoir si l'homosexualité d'adultes consentants est illégale à Chypre.
M. DAVID KRETZMER, Expert d'Israël, a demandé des informations supplémentaires sur la liberté de circulation entre les deux zones tampons.
Mme CECILIA MEDINA QUIROGA, Experte du Chili, s'est déclarée "médusée" par le statut du Pacte à Chypre. La loi de ratification du Pacte n'a pas suivi la filiale classique. Selon l'article 169 de la Constitution chypriote, les traités prévalent sur le droit interne. Dans la réalité, le Pacte ne prévaut toutefois pas car on ne sait pas quelles sont les dispositions exécutoires et celles qui ne le sont pas. S'agissant de la torture, le rapport dit que certaines dispositions du Pacte sont contenues dans une loi de 1992, mais le Pacte et la Convention ont une primauté. Quelle est en réalité la situation en ce qui concerne les dispositions du Pacte puisqu'aucune d'entre elles n'a force exécutoire. Evoquant le rapport supplémentaire de Chypre distribué aux membres du Comité ce matin, elle a demandé si le projet de loi sur les objecteurs de conscience était susceptible d'être amendé car, a-t-elle estimé, il reste discriminatoire quant à l'octroi du statut d'objecteur de conscience et à la durée du service civil.
M. ECKART KLEIN, Expert d'Allemagne, appuyant la question de Mme Medina Quiroga sur les traités a demandé si seul le législateur pouvait décider de la force exécutoire de certaines dispositions du Pacte ? Ceci signifierait que le législateur peut donc choisir certaines dispositions et en laisser d'autres de côté. S'agissant des questions relatives à l'expulsion et la déportation d'étrangers, il a déploré le fait qu'il ne soit pas fait mention du cas d'un étranger qui doit être expulsé. Il ne semble y avoir aucune possibilité d'examen d'un tel cas par une instance compétente. Si c'est le Conseil des ministres qui doit approuver l'expulsion, quelle est l'instance d'examen de cette décision, a-t-il demandé.
Mme ELIZABETH EVATT, Experte de l'Australie, a demandé si la nouvelle interprétation de l'emprisonnement à vie, qui par le passé représentait une peine de 20 ans, réduisait la possibilité de mise en liberté ? Cela veut-il dire qu'une personne condamnée à vie ne pourra pas être remise en liberté ? S'agissant de la prise en charge des personnes souffrant de maladies infectieuses ou contagieuses et notamment de leurs conditions carcérales, elle a demandé si cette loi s'appliquait aussi aux personnes atteintes du sida. Elle a demandé des précisions concernant l'objection de conscience. Citant des rapports récents, elle a affirmé que 18 membres des témoins de Jéhovah avaient été incarcérés pour des périodes assez longues dans le cadre de l'objection de conscience. S'agissant des licences d'exploitation
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dans le domaine de la radio, de la télévision et du cinéma (paragraphe 235 à 239 du rapport), elle a demandé si Chypre comptait mettre en place une instance indépendante plutôt que de laisser au Conseil ministériel le soin de concéder ces licences. Elle a aussi demandé si le système de censure du cinéma était véritablement tel que décrit ou s'il s'agissait d'un système d'archivage.
M. MARTIN SCHEININ, Expert de la Finlande, a demandé des précisions sur les dispositions du code pénal régissant les délits d'homosexualité. Concernant les objecteurs de conscience, il a demandé si la peine de prison constituait une solution de rechange remplaçant le devoir d'accomplir le service national. Que se passe-t-il en prison ? Les objecteurs de conscience sont-ils séparés des autres prisonniers ou doivent-ils purger leur peine de la même manière que les prisonniers condamnés pour un crime violent. Il a également demandé si, selon la nouvelle interprétation, les prisonniers condamnés à perpétuité pouvaient bénéficier d'une grâce présidentielle. L'emprisonnement à vie sera-t-il réel ou s'agira-t-il, comme dans le passé, d'une peine de 20 ans de prison.
Réponse de l'Etat partie
M. STRAVRINAKIS a indiqué que le projet de loi sur les droits des étrangers n'a pas été présenté au Parlement pour des raisons politiques et certaines inquiétudes manifestées par ses membres. Ce projet de loi a été présenté au Conseil des ministres le mois dernier seulement. Le représentant a assuré les experts que ce projet deviendra loi. Pour ce qui est de la nouvelle loi sur les éléments de preuve, il a précisé que celle-ci comporte des dispositions d'exclusion comme le fait d'obtenir des aveux par la force. S'agissant du projet de loi sur la violence domestique, il a expliqué que celui-ci considère les actes portant atteinte à l'intégrité de la famille comme des délits plus graves que dans le passé. Il faut traiter ces délits comme des délits pénaux. Le recours au tribunal civil peut être utile dans le cas de l'imposition d'ordres de restriction d'un des parents. Par ailleurs, il a annoncé la promulgation d'une loi abolissant de manière expresse la peine capitale. Pour ce qui est des dispositions exécutoires de la Convention, il a été dit que si la loi reconnaît leur caractère exécutoire immédiat, le Tribunal a la possibilité de les mettre en oeuvre sans la promulgation au préalable d'une loi interne. Au sujet des conditions de détention des objecteurs de conscience, il a été décidé d'imposer des restrictions à la durée de détention. Si cette personne continue d'objecter, la période de détention sera considérée comme faisant partie du service national. Au sujet de l'expulsion des étrangers, il a indiqué que les pouvoirs en la matière ont été délégués au Ministère de l'intérieur. L'autorité de contrôle ferait partie d'une des dispositions à ajouter à la nouvelle loi sur les étrangers.
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Mme KOURSOUMBA a rappelé que la loi sur les éléments de preuve stipule que toute confession obtenue en violation des droits de l'homme n'est pas recevable. Elle a assuré que ces principes seront repris dans la nouvelle loi. Chypre revoit actuellement toutes les questions jugées prioritaires par l'Union européenne. Elle a pris bonne note de la proposition des experts visant à amender les dispositions du Code pénal sur l'homosexualité qui associe l'acte contre nature à la sodomie. Le nouveau code pénal ferait état des actes commis contre un mineur, sur les lieux publics ou encore du harcèlement sexuel.
M. STAVRINAKIS a précisé que la réduction d'une peine de prison ne pouvait se faire que par grâce présidentielle. S'agissant de l'octroi de licences d'exploitation de radio et de télévision, il a mentionné l'adoption d'une nouvelle loi sur la radio et la télévision qui crée une nouvelle autorité chargée d'accorder les licences. Cette nouvelle autorité exerce en outre un contrôle disciplinaire sur les membres des médias. S'agissant de la liberté de circulation, il a affirmé que Chypre n'exerce aucune restriction à ce droit sur tout son territoire, y compris vers les zones sous occupation turque. C'est l'administration du nord de l'île qui impose ces restrictions, a-t-il affirmé.
M. THOMAS BUERGENTHAL, Expert des Etats-Unis, s'est demandé si la primauté du Pacte sur les lois nationales valait uniquement pour les dispositions auto-exécutoires du Pacte.
M. STAVRINAKIS a répondu que les dispositions du Pacte prévalent sur les dispositions du droit interne. En ce sens, le Pacte est supérieur. Une disposition qui a force exécutoire automatique entre en vigueur immédiatement sans que le Gouvernement n'ait à prendre aucune autre mesure.
Mme CECILIA MEDINA QUIROGA, Experte du Chili, a demandé s'il y a des dispositions du Pacte qui aient été déclarées par la Cour suprême comme ayant valeur exécutoire immédiate et quelles sont les conséquences d'une telle décision. Dans le cas contraire, s'il y a des disparités au détriment des droits de l'homme entre le Pacte et la législation nationale, cela semblerait indiquer que le Pacte ne l'emporte pas.
M. RAJSOOMER LALLAH, Expert de Maurice, a demandé des précisions concernant l'interdiction de réunions par le Conseil des ministres. Il y a-t-il eu un cas où un arrêté ministériel a été pris pour interdire une réunion ? Il y a-t-il un recours possible devant un tribunal ?
M. PRAFULLACHANDRA NATWARLAL BHAGWATI, Expert de l'Inde, a demandé comment une disposition pouvait avoir force exécutoire immédiate sans être intégrée à la loi interne ?
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M. FAUSTO POCAR, Expert de l'Italie, s'est demandé comment la supériorité des dispositions du Pacte peut être assurée.
M. STAVRINAKIS a expliqué que par le passé, il y a eu des cas où un citoyen invoquait telle ou telle disposition d'une Convention devant un tribunal. La défense estimait qu'il ne pouvait invoquer la Convention car ses dispositions n'avaient pas été reconnues comme ayant valeur exécutoire. La situation sera plus claire s'il est indiqué que telles dispositions ont valeur exécutoire, a-t-il déclaré. Il a estimé qu'à première vue toutes les dispositions du Pacte avaient valeur exécutoire et pouvaient être invoquées sans que l'Etat mette en place une législation spécifique. Les conventions internationales font partie du droit interne dès leur ratification.
M. ECKART KLEIN, Expert de l'Allemagne, a demandé des précisions sur les dispositions du projet de loi sur les traités internationaux.
M. NISUKE ANDO, Expert du Japon, a estimé que si le pouvoir législatif décide que telle ou telle disposition du Pacte est exécutoire, cela veut dire que les autres ne le sont pas. Le législatif impose donc ses vues aux tribunaux. Il peut aussi y avoir un conflit entre ce que le Comité des droits de l'homme estime exécutoire et ce que le pouvoir législatif chypriote estime exécutoire. Il a demandé des précisions concernant cette question.
M. STAVRINAKIS a déclaré que si la Chambre des représentants décide que telle disposition a force exécutoire, les tribunaux doivent suivre cette décision et la mettre en oeuvre. Si le législatif déclare qu'une disposition n'est pas auto-exécutoire, il doit alors créer, dans le cadre du processus de ratification, un mécanisme en vue de l'application de cette disposition au niveau national. Certaines dispositions du Pacte requièrent l'adoption de mesures au niveau national pour leur mise en oeuvre. Il faut donc d'abord adopter ces mesures, a expliqué M. Stavrinakis. Dans ce cas, il incombe au citoyen de saisir le tribunal mais il risque de s'entendre répondre que cette disposition n'est pas exécutoire et ne peut donc être invoquée directement.
Observations des experts
LORD COLVILLE, Expert du Royaume-Uni, a félicité la délégation pour les informations concrètes et pratiques fournies ce matin. Il a souhaité qu'au moment de l'examen du quatrième rapport, l'Etat partie précise les progrès réalisés notamment dans le domaine du droit des minorités. Il a souhaité que le prochain rapport contienne des informations pratiques sur l'institut international des droits de l'homme.
M. ZAKHIA, Expert du Liban, a souhaité que les recommandations du Comité soient communiquées à la Chambre des représentants. Il a attiré l'attention sur la nécessité d'accorder plus de pouvoirs aux institutions privées de lutte contre les violations des droits de l'homme.
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Déclarations de clôture
Mme CHRISTINE CHANET, Présidente du Comité, a regretté que le rapport complémentaire de Chypre ne soit parvenu que ce matin mais elle a reconnu la situation particulière du pays qui fait que celui-ci ne peut assurer l'application du Pacte sur une partie du territoire. Elle a noté une évaluation positive et une réelle volonté politique de lutter contre les mauvais traitements et les conditions de détention. Néanmoins, elle a déploré qu'un grand nombre de recommandations et préoccupations du Comité soit resté lettre morte. Il y a un grand nombre de mesures annoncées mais très peu de réalisations. L'emprisonnement pour dette, la question de la responsabilité pénale des mineurs, l'autorisation préalable pour l'exercice des articles 21 et 22 relatifs respectivement au droit de réunion et au droit d'association sont toujours à l'état d'ébauche. Il reste également un certain nombre de discriminations à l'égard des femmes, des homosexuels et des Chypriotes d'origine turque. Il faut également apporter des éclaircissement quant à la question de savoir quels sont les droits du Pacte qui peuvent être invoqués directement devant les tribunaux chypriotes.
M. SOTOS ZACKHEOS, Expert de Chypre, a pris note de la déception dont ont fait part les experts notamment pour ce qui est de l'harmonisation de la législation chypriote avec la lettre et l'esprit du Pacte. Ces promesses n'étaient pas de vaines paroles mais le fait que certaines ne se sont pas concrétisées est dû à la lenteur du processus de promulgation de lois nouvelles. Il a assuré les experts que son Gouvernement ne ménagera pas ses efforts pour que les projets de loi évoqués soient adoptés.
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