En cours au Siège de l'ONU

DH/218

LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU TROISIEME RAPPORT PERIODIQUE DE CHYPRE

24 mars 1998


Communiqué de Presse
DH/218


LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU TROISIEME RAPPORT PERIODIQUE DE CHYPRE

19980324 Le Comité des droits de l'homme a entamé ce matin l'examen du troisième rapport périodique de Chypre qui contient des renseignements complémentaires et des précisions se rapportant aux questions posées lors de l'examen du deuxième rapport périodique, ainsi que des renseignements sur les faits nouveaux et les mesures adoptées ou envisagées pour donner suite aux suggestions du Comité en ce qui concerne l'application des droits énoncés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Dans sa déclaration liminaire, M. George Stavrinakis, le Commissaire aux lois de Chypre a indiqué, qu'outre les mesures mentionnées dans le rapport, le Gouvernement chypriote avait pris des mesures avancées en ce qui concerne l'abolition de la peine capitale, l'élimination de la discrimination fondée sur le texte dans les lois sur la nationalité, sur les étrangers et sur l'immigration, l'adoption d'une nouvelle loi sur les réunions et d'une loi pour les demandeurs d'asile. D'autres lois, comme la loi sur la protection des données personnelles, la nouvelle loi relative au mariage et la loi sur la création d'un tribunal de la famille, sont en cours de révision. Il a mentionné également la décision de créer un institut national pour les droits de l'homme.

M. Sotos Zackheos, Représentant permanent de Chypre auprès des Nations Unies, avait auparavant indiqué que les efforts du Gouvernement chypriote en vue d'appliquer les dispositions du Pacte étaient enrayés par la situation qui prévaut depuis 1974 à la suite de l'invasion et de l'occupation turque de 37% du territoire. Cette situation empêche le Gouvernement d'assurer la jouissance des droits énoncés dans le Pacte par tous les habitants de Chypre, en particulier les Chypriotes vivant dans la partie du territoire sous occupation militaire illégale.

Les experts dans leur ensemble ont également souligné l'incidence du contexte politique sur le respect des droits de l'homme à Chypre. Ils ont soulevé dans ce contexte la question des disparitions non élucidées, du traitement réservé aux Chypriotes turcs, les cas de brutalité de la part des forces de police ou encore les détentions prolongées. Les experts ont demandé

à l'Etat partie quelles mesures avait pris le Gouvernement pour former et sensibiliser les forces de police au respect des droits de l'homme sans distinction de race ou de religion. Par ailleurs, les experts ont demandé des précisions sur les progrès réalisés en ce qui concerne la violence à l'égard des femmes et la protection des enfants. Ils se sont, en particulier, étonnés du fait que l'âge de la responsabilité pénale est fixé à 7 ans. Un projet de loi prévoit toutefois de le porter à 10 ans.

Outre MM. Stavrinakis et Zackheos, la délégation chypriote comprenait également Mme Leda Koursoumba, Procureur de la République de Chypre.

En fin de séance, Mme Christine Chanet, Présidente du Comité des droits de l'homme a informé les membres du Comité que l'examen du quatrième rapport périodique de l'Equateur, qui était prévu le lundi 30 mars, était reporté à une date ultérieure.

Le Comité des droits de l'homme poursuivra l'examen du troisième rapport périodique de Chypre cet après-midi à partir de 15 heures.

- 3- DH/218 24 mars 1998

TROISIEME RAPPORT PERIODIQUE DE CHYPRE (CCPR/C/94/Add.1)

Déclarations des représentants de Chypre

M. SOTOS ZACKHEOS, Représentant permanent de Chypre auprès des Nations Unies, a déclaré que depuis son accession à l'indépendance en 1960, Chypre avait accordé la priorité à la promotion et la protection des droits de l'homme, comme le reflète le fait que Chypre a ratifié ou adhéré à tous les instruments internationaux pertinents, à l'exception du deuxième Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politique, qui devrait être ratifié prochainement. Cet attachement est également reflété dans les dispositions de la Constitution chypriote sur la protection et la promotion des droits de l'homme qui, à certains égards, va plus loin que la Convention européenne et les Conventions internationales. Le Gouvernement est attaché à la réalisation des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous les habitants de son territoire. Il a rappelé que le Comité contre la torture avait félicité Chypre, en novembre dernier, pour l'intégration de la Convention contre la torture dans sa législation interne et pour les efforts déployés par le Gouvernement pour donner effet aux dispositions de la Convention. Les efforts du Gouvernement chypriote sont toutefois affectés par la situation tragique qui prévaut depuis l'invasion en 1974 et l'occupation turque de 37% du territoire. Cette situation empêche le Gouvernement d'assurer la jouissance des droits énoncés dans le Pacte par tous les habitants de Chypre. En réalité, il est empêché, à cause de ce recours à la force, d'appliquer les dispositions du Pacte à tous les Chypriotes vivant dans la partie du territoire sous occupation militaire illégale. Le Gouvernement chypriote reste favorable à une solution pacifique au problème, sur la base des résolutions pertinentes des Nations Unies, a-t-il déclaré.

M. GEORGE STAVRINAKIS, Commissaire aux lois de Chypre, a assuré qu'il n'y aurait plus de retard dans la soumission des rapports et que le Gouvernement chypriote était déterminé à identifier toutes les dispositions légales ou autres qui vont à l'encontre des dispositions du Pacte et de les éliminer ou les amender. Des progrès ont été accomplis en ce qui concerne la législation dans le domaine des droits de l'homme, mais il reste des domaines dans lesquels il faut encore prendre des mesures pour réviser la législation et d'autres domaines dans lesquels ces mesures ont été prises mais n'ont pas encore été mises en oeuvre. Le Commissaire aux lois a indiqué qu'un document contenant des informations complémentaires avait été distribué aux membres du Comité. Se référant à ce document, il a indiqué que parmi les mesures déjà prises, figuraient l'abolition de la peine capitale, l'élimination de la discrimination fondée sur le sexe dans les lois sur la nationalité, sur les étrangers et sur l'immigration, l'adoption d'une nouvelle loi sur les réunions, la loi pour les demandeurs d'asile. Dans d'autres domaines, la loi a été modifiée. C'est le cas de la nouvelle loi pour les personnes souffrant

- 4- DH/218 24 mars 1998

de désordres mentaux. D'autres lois, comme la loi sur la protection des données personnelles, la nouvelle loi relative au mariage et la loi sur la création d'un tribunal de la famille, sont en cours de révision. Des mesures devraient être prises dans un futur proche en ce qui concerne la loi sur les étrangers et sur l'immigration. Enfin, il a mentionné la décision de créer un Institut national pour les droits de l'homme.

Réponses de l'Etat partie aux questions des experts déterminées par le groupe présession

S'agissant de l'article 3 relatif à l'égalité des sexes, M. Stavrinakis a indiqué, en ce qui concerne plus particulièrement les mauvais traitements infligés aux femmes et aux enfants par un membre de la famille, que l'objectif était de rendre la loi contre la violence domestique plus efficace. On envisage d'entendre le témoignage des victimes et de recourir, à cette fin, à des moyens électroniques, comme les caméras vidéo, ce qui éviterait à la partie plaignante de revivre l'épreuve qu'elle a subie dans un tribunal. D'autres amendements sont prévus à cette loi.

S'agissant de la torture, Mme Leda Koursoumba, Procureur de la République de Chypre, a indiqué que lors de l'examen du deuxième rapport périodique de Chypre, le Comité contre la torture avait rendu des commentaires favorables. Un projet de loi adopté en 1994 permet au Commissaire aux lois d'entendre les plaintes de particuliers. En 1995, il y a eu trois plaintes valides. L'une a donné lieu à des poursuites qui ont toutefois été abandonnées car la partie plaignante a décidé de ne pas continuer la procédure. Dans le second cas, un enquêteur a été nommé. A la suite de l'enquête, la partie plaignante a reçu un dédommagement. En 1996, deux plaintes ont été reçues. En 1997, il y a eu une plainte déclarée valide. Le Comité contre la torture a reconnu que les mesures prises sont appropriées.

S'agissant des articles 6 et 9 du Pacte sur le droit à la vie et à la sécurité, et notamment de l'usage d'armes par la police, Mme Koursoumba a évoqué une prise d'otage en 1974. Elle a expliqué que ce fut le seul cas où la police a utilisé des armes. Le Président de la Cour suprême a été chargé de l'enquête. Elle a conclu que la force utilisée n'était pas excessive et ne contrevenait pas aux Conventions internationales relatives aux droits de l'homme. La représentante de l'Etat partie a ajouté qu'il n'y a pas eu d'autres cas où la police a utilisé des armes pendant la période en cours d'examen.

S'agissant de l'article 11 du pacte relatif à l'emprisonnement pour non exécution d'une obligation contractuelle, M. Stavrinakis a fait état en ce qui concerne l'emprisonnement pour dettes d'un projet de loi sur les moyens économiques et financiers de la personne endettée. La Cour pourra, en vertu

- 5- DH/218 24 mars 1998

de cette loi, promulguer des ordonnances permettant de recouvrer la dette mais la Cour ne peut pas exiger de l'employeur du débiteur qu'il réduise une partie de son salaire en vue du versement au créancier. Lorsqu'il s'agit de personnes ayant une activité indépendante, la Cour peut ordonner que ce montant soit récupéré à la suite d'une procédure pénale. Si la Cour est certaine de l'incapacité du débiteur à régler ses dettes dans des délais raisonnables, elle peut déclarer la faillite du débiteur et elle prendra les mesures conformément à la loi sur les faillites.

Pour ce qui est de l'article 21 du Pacte sur le droit de réunion, le représentant a fait état d'un projet de loi. Il a précisé que l'ancienne loi déclarait illégale une assemblée de plus de cinq personnes. Le nouveau projet de loi prévoit que la convocation de 20 personnes ou plus sera considérée comme une réunion qui devra faire l'objet d'une notification aux autorités.

S'exprimant sur l'article 24 du Pacte relatif à la protection de l'enfant, le représentant a rappelé qu'en vertu de la loi actuelle, un enfant assume des responsabilités pénales à partir de l'âge de 7 ans. Un projet de loi est à l'étude pour que cet âge passe à 10 ans. S'agissant de la délinquance juvénile, le projet de loi fait passer l'âge de la majorité à 18 ans. Cet âge est actuellement fixé à 16 ans.

Observations et questions des experts à l'Etat partie

M. ORAM EL SHAFEI, Expert de l'Egypte, a noté qu'à cause des événements de 1974, le Gouvernement ne peut pas veiller à l'application du Pacte sur la totalité du territoire chypriote. Il s'agit là d'une situation regrettable d'autant que le Comité ne dispose pas des moyens nécessaires pour veiller à l'application du Pacte dans la partie de territoire occupé. L'expert a évoqué le sort des personnes disparues ainsi qu'une proposition concrète présentée par une ONG visant à établir un Comité chargé d'enquêter sur les disparitions. Il a souhaité savoir ce qu'en pense la délégation chypriote et où en étaient les efforts de réconciliation avec l'autre partie au conflit.

S'agissant de des articles 6 et 9 du Pacte relatifs au droit à la vie et à la sécurité, l'expert a demandé des précisions, notamment sur le recours à la force par les forces de police. Il a dit sa préoccupation quant à la nature prolongée des détentions à Chypre. Est-ce que les officiers de police reçoivent une éducation sur les droits énoncés dans le Pacte et notamment sur les procédures d'arrestation et de détention. Pour quelle raison le projet de loi à ce sujet n'a-t-il pas encore été présenté ?

M. NISUKE ANDO, Expert du Japon, a demandé à connaître les raisons du retard dans la mise en oeuvre du projet de loi sur l'emprisonnement pour dettes. S'agissant de l'article 21 sur le droit de réunion pacifique, l'expert a évoqué l'héritage colonial de la loi actuelle. Il a demandé

- 6- DH/218 24 mars 1998

des exemples de mise en application de cette loi. S'exprimant sur l'article 26 relatif à l'égalité devant la loi, M. Ando a souligné en ce qui concerne plus particulièrement la protection de l'enfant, que la responsabilité pénale est invoquée à partir de 10 ans mais que si la personne est responsable elle peut être rendue responsable plus tôt. Il a demandé des précisions à ce sujet. Il a également demandé des informations sur les abus commis par la police. Il a également fait remarquer que dans plusieurs cas les plaignants n'ont pas pour suivi les affaires les concernant. Cette situation est-elle due à des pressions exercées sur eux, a-t-il demandé.

M. ECKART KLEIN, Expert de l'Allemagne, a noté de nombreuses lacunes dans le rapport et notamment l'annonce de nombreux changements et de projets de loi sans que ces modifications n'aient été traduites dans la réalité. Ceci laisse à penser que peu de changements ont eu lieu. Pour ce qui est de l'article 24 sur la protection de l'enfant et notamment sur l'acquisition de la citoyenneté, M. Klein a relevé un projet de loi tout en manifestant sa préoccupation devant la lenteur du processus de finalisation de ce projet de loi. Mentionnant la Commission d'enquête indépendante qui a été chargée d'enquêter sur les plaintes pour mauvais traitements commis par la police, déposées au cours des deux dernières années, il a noté que l'enquête entamée n'avait pas été achevée lors de la rédaction du rapport. Il a également fait valoir la caractère ad hoc de cette Commission et il a demandé si cette institution a été remplacée de façon permanente par le bureau de l'Ombudsman. S'agissant de l'article 6 et 9 du Pacte, notamment de l'utilisation des armes par la police, M. M. Klein s'est étonné d'apprendre qu'une seule affaire a fait état de l'utilisation des armes par la police depuis 1974. C'est vraiment extraordinaire, s'est étonné le représentant.

Mme ELIZABETH EVATT, Experte de l'Australie, a exprimé ses regrets eu égard à la situation à Chypre qui ne permet pas au Gouvernement de mettre pleinement en oeuvre le Pacte. Elle s'est félicitée des parties du rapport qui montrent que Chypre a l'intention de tenir compte des recommandations précédentes du Comité même si ce rapport est plein de promesses encore non réalisées. Elle a souhaité savoir si les réformes relatives à l'égalité entre les sexes comprennent une loi dans le domaine de l'emploi ou de l'éducation. Pour ce qui est de l'article 8 relatif à l'esclavage, elle a noté que le Gouvernement chypriote est disposé à prendre des mesures contre les responsables de prostitution forcée et à examiner les lois dans ce domaine. Cet examen tiendra-t-il compte des besoins des femmes victimes de cette exploitation, notamment en ce qui concerne leur possibilité de présenter un recours devant les tribunaux. Cette examen portera-t-il aussi sur la situation des domestiques notamment en provenance d'Asie. Pour ce qui est de l'article 26 relatif à l'égalité devant la loi, au sujet de la protection des enfants, elle s'est félicitée du fait que la responsabilité pénale soit passée

- 7- DH/218 24 mars 1998

de 7 à 10 ans. Elle a par ailleurs estimé que l'âge du mariage était discriminatoire entre les hommes et le femmes et elle a souhaité savoir ce qui était prévu pour les enfants hors mariage pour ce qui est de leur nom et de l'acquisition de la citoyenneté.

M. THOMAS BUERGENTHAL, Expert des Etats-Unis, a abordé l'article 20 du Pacte sur l'interdiction de toute propagande en faveur de la guerre et de tout appel à la haine raciale. Il s'est demandé s'il y a eu des cas rapportés en vertu de cette loi et comment les plaintes ont été traitées. Pour ce qui est l'article 7 relatif à la torture, il a demandé si l'ombudsman a le pouvoir d'entamer des procédures pénales et comment le Procureur général peut de son propre chef entamer des procédures administratives. Existe-t-il des programme de formation et de sensibilisation aux dispositions de cet article du Pacte à l'intention des policiers ? Il a par ailleurs demandé s'il existait des recours judiciaires lors de l'imposition de l'état d'urgence.

M. PRAFULLACHANDRA NATWARLAL BHAGWATI, Expert de l'Inde, a déploré le fait que le Gouvernement ne soit pas à même d'agir dans une partie du territoire de Chypre et a souhaité que les parties parviennent à une solution pacifique qui permette le respect des droits de l'homme de tous les habitants de Chypre. Il a demandé des précisions sur les activités du Comité des personnes disparues. Combien de cas ont fait l'objet d'enquête depuis 1974 lorsque les forces turques ont envahi une partie de Chypre ? Y a-t-il eu des enquêtes sur les assassinats de Chypriotes grecs et a-t-on déterminé des responsabilités ? Existe-t-il un mécanisme institutionnel pour enquêter sur les cas de torture et mauvais traitements par la police ? L'expert a également demandé des précisions sur le fonctionnement du système judiciaire et sur les pouvoirs de celui-ci. L'immunité judiciaire s'applique-t-elle aux juges de la Cour suprême ? Quelles sont les mesures prises pour faciliter l'accès des personnes nécessiteuses à la justice ? Les Cours militaires ont-elle compétence pour entendre des civils ? Où en est-on en ce qui concerne les tribunaux de la famille ? Les Chypriotes turcs sont-ils également concernés ? Combien de cas de violences au sein de la famille ont été recensés au titre de la nouvelle loi sur la violence domestique ? Y a-t-il un registre central concernant les personnes détenues et l'endroit où elles sont détenues ?

M. MAXWELL YALDEN, Expert du Canada, a demandé des précisions sur le rôle de l'ombudsman, notamment en ce qui concerne les droits de l'homme. Reçoit-il un grand nombre de plaintes ? Comment agit-il ensuite ? Contribue-t-il a un meilleur respect des droits de l'homme ? L'expert a également demandé des précisions sur la nouvelle institution, qui doit être créée prochainement, pour la protection des droits de l'homme et sa relation avec le bureau de l'ombudsman. Quel sera le partage des tâches ? Il a demandé des précisions sur l'indépendance de cette nouvelle institution.

- 8- DH/218 24 mars 1998

Comment un Comité peut-il agir en toute indépendance alors que son conseil d'administration est composé de fonctionnaire ? S'agissant de la non discrimination (articles 2, 25 et 26 du Pacte), il a demandé auprès de qui les plaintes pour discrimination raciale sont déposées. A qui peut se plaindre, par exemple, un Chypriote d'origine turque victime de discrimination ? L'expert a aussi demandé quelles sont les mesures prises pour former et sensibiliser la police aux questions liées à la discrimination, en particulier en ce qui concerne les Chypriotes turcs.

Mme CECILIA MEDINA QUIROGA, Experte du Chili, s'agissant de la violence à l'égard des femmes et des enfants, a demandé s'il y a eu des progrès dans ce domaine et comment la nouvelle loi a fonctionné. Quelle est la situation juridique des femmes ? Rappelant le fait qu'un enfant de 7 à 12 ans peut être tenu criminellement responsable pour autant qu'il soit prouvé qu'au moment des faits, il était capable de savoir qu'il ne devait pas agir ainsi, elle a demandé par quelle procédure on détermine qu'un enfant a agi en connaissance de cause ? Sept ans paraît un très jeune âge pour être tenu responsable de ses actes. Qu'est-ce qui arrive aux enfants entre 7 et 12 ans tenus criminellement responsables de leurs actes ? Elle a demandé, par ailleurs, des précisions sur les modalités d'application de la loi en cas d'incapacité de rembourser une dette civile (article 11 du Pacte). Cette loi comprend-elle des mesures d'emprisonnement ?

M. FAUSTO POCAR, Expert de l'Italie, s'agissant du droit de réunion (article 21 du Pacte), a demandé des précisions sur les interdictions à la tenue de réunion décidées par le Conseil des ministres pour éviter des troubles. Cette suspension du droit à la liberté de réunion pacifique est-elle couverte par les mêmes garanties qui couvrent l'état d'urgence ?

M. JULIO PRADO VALLEJO, Expert de l'Equateur, concernant le recours à la force (articles 6 et 9 du Pacte), a demandé ce qui a été fait pour que les personnes chargées d'appliquer la loi ne se livrent pas à des arrestations arbitraires, des tortures ou des traitements cruels. A cet égard, il a demandé quel était le résultat des séminaires organisés à l'intention des forces de police ? Il a demandé, par ailleurs, si les négociations entre la partie grecque et la partie turque avaient permis d'alléger les tensions entre les deux communautés ? Le Gouvernement a-t-il payé des indemnisations dans des cas de torture ? Dans combien de cas a-t-on payé des indemnisations à des victimes de torture perpétrées par les forces de police ? Quelles sont les mesures de réhabilitation qui ont été prises en faveur des victimes ?

M. RAJSOOMER LALLAH, Expert de Maurice, s'agissant des enquêtes concernant les cas de torture et de mauvais traitements, a demandé quel était le système appliqué, si la Commission d'enquête était un organe permanent ou s'il s'agissait d'organes ad hoc ? Il a aussi demandé des précisions

- 9- DH/218 24 mars 1998

concernant la formation des forces de police, ainsi qu'en ce qui concerne le droit à un procès équitable (article 14 du Pacte). Il a demandé si une personne qui s'est vu infliger une amende pour non remboursement d'une dette était emprisonnée en cas de non paiement de l'amende et pour combien de temps ? L'expert a déclaré que, dans ce cas, il lui serait difficile d'accepter les modifications proposées. Il a déploré la situation actuelle en ce qui concerne les personnes disparues, soulignant le chagrin des familles qui ignorent si un membre de leur famille est mort ou vivant. Les ordonnances ministérielles qui interdisent des réunions sont-elles susceptibles d'être soumises aux tribunaux ? Ceux-ci examinent-ils les modalités de ces interdictions ?

M. MARTINE SCHEININ, Expert de la Finlande, a demandé si toutes les plaintes concernant des cas de torture ou mauvais traitements étaient recevables, en particulier lorsqu'il n'y a que des soupçons. S'agissant du licenciement de trois policiers reconnus coupables d'actes de torture, il a demandé si ceux-ci avaient bénéficié d'un recours ou s'il s'agissait d'une décision finale.

Réponses de la délégation de Chypre

M. STAVRINAKIS a souligné que le rapport et son complément contenaient beaucoup de promesses. Malheureusement, le législateur avance lentement, à Chypre comme dans tous les pays. Mais un premier pas a été franchi, qui, dans certains cas, a permis de progresser réellement. Concernant l'emprisonnement pour dettes, il a précisé que le projet de loi avait été renvoyé au ministère approprié mais, a-t-il ajouté, peut être il y a-t-il d'autres priorités qui expliquent que cette loi n'a pas encore été adoptée. Il a assuré que tous les projets de lois mentionnés seraient adoptés. Chypre veillera à ce que les nouvelles mesures n'aillent pas à l'encontre des dispositions du Pacte, en particulier en ce qui concerne la loi relative aux réunions et celle concernant les personnes ayant contracté des dettes et ne les remboursant pas. Si, après enquête, il s'avère que le débiteur peut rembourser ses dettes, mais refuse de façon flagrante, la Cour peut ordonner que cette dette soit perçue sous forme d'amende. Si l'amende n'est pas payée, il peut y avoir une peine d'emprisonnement, mais ce n'est qu'en dernier recours, a-t-il déclaré, estimant que cette procédure constituait le seul recours pour le recouvrement des créances. Il est sûr que le Procureur général examinera toutes les questions soulevées par le Comité avant que le projet de loi ne soit adopté par le Conseil des ministres, a-t-il déclaré. S'agissant de l'âge de la responsabilité criminelle, il a déclaré, qu'à sa connaissance, il n'y avait jamais eu de poursuite contre un enfant de 7 ans. L'âge de la responsabilité pénale sera porté à 10 ans et peut être même 12 ans, a-t-il assuré.

- 10- DH/218 24 mars 1998

Mme LEA KOURSOUMA répondant à la question relative aux actes de brutalité par la police, a indiqué que l'importance des droits de l'homme avait été expliquée aux forces de police par le biais de cours de formation, de conférences données par le procureur général et d'autres responsables. Les policiers doivent ensuite passer un examen. Il est très rare de voir des policiers porter des armes à feu, a précisé la représentante. Il n'y a eu réellement qu'un seul cas où les policiers ont utilisé leurs armes à feu et cela avait entraîné un tollé général dans la presse. Le Conseil des Ministres avait alors nommé une Commission d'enquête indépendante qui n'avait pas conclu en un usage excessif de la force. La représentante a par ailleurs indiqué qu'il n'avait pas été envisagé de créer un Conseil permanent chargé de veiller au respect des droits de l'homme, le pays étant trop petit et les cas de violation des droits de l'homme étant trop peu nombreux. Il existe des recours pour le plaignant tel que la poursuite au civil pour dommages et intérêts.

Evoquant l'institution de l'ombudsman, elle a précisé que cet organe est ad hoc. En 1994, des pouvoirs supplémentaires lui ont été conférés telle que la possibilité d'enquêter sur les violations des droits de l'homme par les forces de police. Par ailleurs, il existe un registre officiel des détenus. Le policier qui ne respecte l'obligation qui lui est faite de remplir entièrement le registre s'expose à des poursuites. Mme Koursouma a précisé que les interrogations de suspects sont désormais filmées ce qui constitue une mesure de dissuasion contre les mauvais traitements.

Répondant à la question sur le harcèlement des chypriotes turques, elle a convenu de l'existence de plaintes il y a quatre ans. Elle a néanmoins fait état de l'amélioration de la situation, le respect des droits de l'homme valant pour toute personne, indépendamment de son origine, race ou religion. C'est ce que nous nous attachons à expliquer aux forces de police. Depuis, je n'ai pas eu connaissances de nouvelles plaintes de la part d'une minorité, a souligné la représentante.

Pour ce qui est de la sensibilisation du public aux droits de l'homme, elle a fait valoir l'importante contribution des institutions privées.

M. SOTOS ZACKEOS, évoquant la question des personnes disparues, a fait état de la conclusion en juillet dernier d'un accord humanitaire entre les parties à la suite de l'impasse dans laquelle se trouve le Commission d'enquête indépendante qui n'a commencé de fonctionner qu'en 1994. La question des personnes disparues est de nature humanitaire et elle ne peut pas être politisée. Cet accord réitère la nécessité d'informer les familles du lieu où se trouvent les membres de leur familles. Elle couvre les personnes décédées. Il a été décidé que d'autres échanges d'information auront lieu.

- 11- DH/218 24 mars 1998

Malheureusement, depuis 24 ans, nous avons connu nombre de déceptions et la situation actuelle n'est pas brillante en raison du durcissement de la position du Gouvernement turc et malgré les efforts considérables consentis par le Secrétaire général des Nations Unies. Nous avons assuré le Secrétaire général de notre bonne volonté visant à conclure un accord global touchant tous les aspects du problème des disparitions en veillant au respect des droits de l'homme de tous les Chypriotes.

M. STAVINAKIS, s'exprimant sur l'acquisition de la citoyenneté, a fait état du projet de loi présenté au Parlement qui attend sa promulgation. Il a évoqué le nouveau code de la famille qui sera également promulgué prochainement. Néanmoins, celui-ci ne sera pas valable pour les Chypriotes turques qui ont leur propre code. S'agissant du Comité national pour les droits de l'homme en cours d'élaboration, il a précisé que cet organe sera composé d'administrateurs. Il sera indépendant dans la mesure où il ne sera contrôlé par aucun ministère ni par le Conseil des ministres. Il sera doté d'un Comité consultatif qui sera composé des membres du secteur privé. Une des compétences de ce Comité sera l'audition de plaintes concernant les allégations de violations des droits de l'homme.

En ce qui concerne l'assistance juridique, le représentant a fait état de la soumission prochaine au Conseil des ministres de deux projets de loi notamment sur une assistance juridique au civil pour le défenseur et une assistance juridique en cas de violation des droits de l'homme. La violence dans la famille ne sera pas tolérée mais il existe des difficultés liées au manque de témoignages. Le projet de loi en cours d'examen vise à abolir la rigidité des éléments de preuve exigés dans la loi actuelle. Pour ce qui est de la fusion de la Cour suprême et de la Cour constitutionnelle, il a expliqué la nécessité d'une telle fusion. La Cour unique actuelle est compétente dans tous les domaines où les deux autres Cours étaient compétentes auparavant.

* *** *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.