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CS/908

LE CONSEIL DE SECURITE TERMINE SON DEBAT SUR LES PROCEDURES ENGAGEES A LA SUITE DES ATTENTATS CONTRE LES VOLS PAN AM 103 EN 1988 ET UTA EN 1989

20 mars 1998


Communiqué de Presse
CS/908


LE CONSEIL DE SECURITE TERMINE SON DEBAT SUR LES PROCEDURES ENGAGEES A LA SUITE DES ATTENTATS CONTRE LES VOLS PAN AM 103 EN 1988 ET UTA EN 1989

19980320 Terminant, ce soir, le débat entamé ce matin, le Conseil de sécurité aura entendu cinquante-et-une interventions sur les procédures engagées à la suite des attentats contre les vols PAN AM 103 et UTA 772 en 1989. Le Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères de la Gambie, M. Sedat Jobe a présidé les deux séances.

Les interventions ont particulièrement porté sur l'affaire Lockerbie. En 1992, devant le refus du Gouvernement libyen de livrer à la justice britannique ou américaine deux de ses ressortissants soupçonnés d'avoir participé à l'attentat, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont saisi le Conseil de sécurité de la question. Agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité a adopté les résolutions 748 (1992) et 883 (1993) portant imposition de sanctions à l'encontre de la Jamahiriya arabe libyenne. Les sanctions prévues dans la résolution 748 (1992) concernaient divers aspects de l'embargo sur le trafic aérien, les livraisons d'armes et de matériel militaire, la réduction et la restriction des activités des missions diplomatiques et consulaires et les restrictions frappant des ressortissants libyens qui étaient des terroristes connus ou suspects. Dans la résolution 883 (1993), ces mesures ont été considérablement élargies pour inclure un gel de certains avoirs libyens à l'étranger, le renforcement de l'embargo sur le trafic aérien et l'interdiction de certains types de matériel utilisés dans les terminaux pétroliers et raffineries.

Pour sa part, le Gouvernement libyen a saisi en 1992, la Cour internationale de Justice pour lui demander un avis sur l'interprétation et l'application de la Convention de Montréal sur la suppression des actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile remettant en question la conformité au droit international de la requête du Royaume-Uni et des Etats-Unis. Entre-temps, les organisations régionales n'ont épargné aucun effort pour dénouer la crise. Ainsi l'année dernière, l'Organisation de l'unité africaine et la Ligue des Etats arabes ont conjointement demandé au Conseil de sécurité d'envisager les trois options suivantes : que les suspects soient jugés dans un pays tiers et neutre, choisi par le Conseil de sécurité;

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qu'ils soient jugés par des juges écossais à la Cour internationale de Justice; conformément au droit écossais ou qu'un tribunal pénal spécial soit établi au Siège de la CIJ pour juger les suspects. Le 27 février 1998 la Cour internationale de Justice a rendu un avis de nature procédurale et confirmé l'existence d'un différend juridique entre les parties. Elle a affirmé sa compétence pour connaître de ce différend et admis la recevabilité des demandes libyennes.

Cet après-midi, de nombreux intervenants ont fait valoir que le caractère juridique imprimé au différend par la Cour internationale de Justice rendent caduques les résolutions du Conseil de sécurité qui, en vertu de la Charte de la Nations Unies, ne peut se saisir que de questions d'ordre politique. Les intervenants ont encouragé le Conseil à confier le règlement du différend à la Cour et à lever ou à suspendre les sanctions jusqu'à ce que cette dernière rende une décision définitive sur le fond. Cet argument avait été rejeté par plusieurs délégations au cours de la séance de ce matin.

Les représentants des pays suivants ont pris la parole : Malte, Algérie, Indonésie, République arabe syrienne, Emirats arabes unis, Yémen, Jordanie, Egypte, Ghana, République démocratique populaire de Corée, Iraq, Mauritanie, Pakistan, Zimbabwe, Namibie, Maroc, Tunisie, Guinée-Bissau, Soudan, Nigéria, Inde, République unie de Tanzanie, Cuba, Oman, République islamique d'Iran, Malaisie, Colombie, Liban et République populaire démocratique Lao.

Débat :

M. GEORGE SALIBA (Malte) a remarqué que, en tant que pays voisin d'un pays frappé par des sanctions, Malte se doit de s'assurer que toute mesure préventive ou mise en application prise par le Conseil de sécurité ne contribue en aucune manière à exacerber les tensions et l'instabilité dans la région méditerranéenne. Il a souhaité un dénouement rapide de la crise libyenne qui permettrait à la Libye de se rallier à d'autres pays de la région dans leurs efforts visant la stabilité, la coopération et le développement dans la région méditerranéenne. Malte, en accord avec d'autres pays, considère que les effets collatéraux de l'application du régime des sanctions à l'encontre de la Libye compromettent l'approche politique et économique globale ainsi que les initiatives sociales lancées afin d'obtenir la sécurité et la stabilité en Méditerranée. M. Saliba a indiqué que les sanctions avaient eu un impact négatif continu sur les relations commerciales bilatérales et les opportunités d'investissement, ainsi que les échanges sociaux entre Malte et la Libye.

Le Gouvernement maltais est convaincu qu'un débat ouvert et sérieux doit être lancé en vue de trouver des mesures alternatives à l'application de sanctions. Les sanctions doivent être, selon lui, un outil de promotion de la paix et de la sécurité internationales et non pas un moyen de sanctionner de manière non-discriminatoire des populations entières. Le recours aux sanctions devrait se faire pour maximiser l'impact politique là où cela est nécessaire tout en minimisant les conséquences collatérales négatives. Lorsque les sanctions ont des effets négatifs sur la population en général, des actions en vue d'y remédier devraient être rapidement prises par les Nations Unies. A cet égard, M. Saliba a souhaité l'existence d'un organe de surveillance et de contrôle des effets des sanctions, ce qui permettrait d'éviter les développements désastreux et attirerait davantage l'attention sur les aspects humanitaires des sanctions. Cet organe aurait aussi pour charge d'évaluer l'efficacité des sanctions. Malte considère que le Conseil de sécurité ne devrait recourir aux sanctions qu'en dernier ressort, après avoir essayé toutes les voies diplomatiques au préalable.

Evoquant les décisions prises récemment par la Cour internationale de Justice, le représentant a déclaré qu'elles permettront d'aborder l'affaire de Lockerbie et d'autres problèmes y étant relatifs, sous un nouvel angle, notamment en ce qui concerne ses fondements juridiques. Malte est dans l'attente de développements nouveau en espérant que les instruments politiques et juridiques ainsi que les dispositions de la Charte des Nations Unies conduiront à une solution juste et équitable dans ce triste épisode.

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M. ABDALLAH BAALI (Algérie) a déploré le fait que depuis de trop nombreuses années, le peuple libyen est soumis à un embargo d'une extrême sévérité et se trouve, en plus, condamné à un tragique isolement dont il ne comprend pas plus les raisons qu'il n'en entrevoit la fin. L'Algérie qui condamne de la manière la plus vigoureuse le terrorisme quelles qu'en soient les formes, les manifestations et les motivations, a constamment souligné la nécessité de poursuivre et de juger les organisateurs et les auteurs de l'horrible attentat de Lockerbie et d'établir toute la vérité sur ce crime qui ne doit pas rester impuni. Partant, il a souligné la satisfaction de l'Algérie de voir la Libye afficher sa disponibilité à permettre que ses ressortissants soupçonnés d'avoir organiser l'attentat soient jugés dans un pays tiers. Les propositions faites dans ce sens par la Libye nous ont paru s'inscrire dans une démarche de règlement juste, digne et honorable pour tous de ce contentieux qui n'a que trop duré, a-t-il déclaré.

Pour l'Algérie, ce qui compte en définitive, dans cette terrible tragédie, c'est que la vérité soit établie et que justice soit faite. Ce qui importe pour les familles des victimes et pour la communauté internationale, c'est que les présumés terroristes soient jugés et si leur culpabilité est établie, qu'ils reçoivent un châtiment exemplaire afin que ces lâches attentats ne se reproduisent plus. Ce qui importe également, c'est que cesse l'indicible souffrance du peuple libyen. Le représentant a déclaré que son pays se réjouissait de la décision prise par la Cour internationale de Justice et a souhaité que cette décision permette à l'affaire de sortir de l'impasse actuelle et conduise au jugement, dans des conditions d'équité, des auteurs présumés de l'attentat. Le dénouement tant attendu de ce drame devra ouvrir la voie à la levée des sanctions qui frappent si durement le peuple libyen, a-t-il déclaré. La fin de cette crise aura, en outre, pour effet de réduire la tension dans la région et de faciliter le retour de la normalité et de la stabilité dont le Maghreb a tant besoin. Enfin, il a souhaité que la décision de la Cour favorise au sein du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale un débat sain, sérieux et fécond sur le principe général même des sanctions qui, a-t-il estimé, a montré ses limites et qui n'a, en règle générale, pénalisé que les seules populations civiles, ainsi que sur les modalités et conditions de leur levée.

M. ARIZAL EFFENDI (Indonésie) a rappelé que les sanctions imposées à la Libye en 1992 et renforcées en 1993 ont eu des incidences négatives considérables sur la population libyenne. La situation en Libye, décrite de façon détaillée dans le rapport de la mission d'enquête en Libye, est très critique. La pauvreté et les maladies affectant la population civile libyenne ont atteint des niveaux sans précédent. Il incombe donc au Conseil de sécurité de réévaluer la situation humanitaire, d'atténuer les effets négatifs des sanctions et d'explorer les voies et moyens visant à régler cette crise de manière rapide et pacifique. Il est pertinent de noter que la Libye a depuis

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le début de la crise constamment cherché à s'acquitter de ses obligations en vertu des résolutions du Conseil de sécurité et des dispositions de la Charte des Nations Unies. Les mesures prises par la Libye ont été largement reconnues comme des contributions importantes à clarifier les questions compliquées et à encourager un règlement pacifique. La Libye a ainsi appuyé l'initiative prise par la Ligue des Etats arabes qui a été, à son tour, appuyée par l'OUA et le mouvement des pays non alignés.

La délégation indonésienne se dit convaincue que son acceptation par le Conseil de sécurité ne servirait pas seulement la cause de la justice mais également les intérêts des parties concernées. Il faudrait parvenir à régler ce différend sur la base des arrêts rendus par la Cour internationale de Justice, le mois dernier. L'Indonésie déplore l'indifférence dont ont fait preuve certains Etats Membres à l'égard des propositions de la Ligue des Etats arabes et de l'OUA en vue de régler la crise. Arguant du fait que les sanctions ont atteint leur objectif et qu'il faille les lever, M. Effendi a estimé que dans la situation actuelle, cet objectif a été accompli et que le maintien des sanctions ne contribuerait qu'à aggraver la situation en Libye, et pourrait être contre-productive. Aussi, a-t-il estimé que le temps est venu pour le Conseil de sécurité de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin aux sanctions.

M. ABOU HADID (République arabe syrienne) a déclaré que son pays se félicite de la décision de la Cour internationale de Justice concernant l'affaire de Lockerbie. Sa délégation avait émis l'espoir que le Conseil de sécurité ne se contenterait pas d'entendre des déclarations mais prendrait plutôt des mesures positives. Le représentant a regretté que le Conseil de sécurité s'était empressé, en 1991, d'imposer des sanctions à la Libye. La Ligue des Etats arabes et la Conférence islamique ont proposé trois formules pour tenter de régler l'affaire de Lockerbie qui oppose la Libye aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. La délégation syrienne estime qu'il est grand temps que le Conseil de sécurité et les parties concernées s'engagent à mettre fin aux souffrances de la population libyenne.

M. MOHAMMAD J. SAMHAN (Emirats arabes unis) s'est associé à tous ceux qui ont déploré l'attentat de Lockerbie en réaffirmant la condamnation la plus rigoureuse du terrorisme dans toutes ses formes et manifestations. Le représentant s'est déclaré extrêmement préoccupé de voir que la crise ne s'est toujours pas acheminée vers un règlement définitif et juste. Elle s'est, au contraire aggravée; la polémique continuant de faire rage sur la nature politique ou juridique de l'affaire. Il est regrettable que les résolutions du Conseil de sécurité aient imposé des sanctions à l'encontre de la Libye, dans une tentative de lier la Libye au terrorisme au seul motif que deux personnes présumées coupables résident dans ce pays. La Libye a accepté dès le départ les voies pacifiques du règlement de la crise et exprimé

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sa détermination à se joindre aux efforts internationaux. La Libye avait même accepté d'extrader les suspects afin de les livrer à une instance judiciaire neutre et impartiale. Elle a présenté des solutions positives et équilibrées qui ont été acceptées par l'OUA, la Conférence islamique ou le Mouvement des non alignés. Les autres Etats continuent pourtant d'opposer un refus à toute initiative novatrice. Le régime des sanctions a prouvé son échec en Libye et consiste, par ailleurs, un détournement de sa signification initiale puisqu'il punit un peuple innocent comme le rapport de la mission d'enquête du Secrétaire général l'a attesté. Les Emirats arabes unis, convaincus de la nécessité de renforcer le rôle de la Cour internationale de Justice, réaffirme l'importance d'entériner les décisions de la Cour et de leur imprimer un caractère obligatoire. Il faut adopter des mesures de suivi et réexaminer le régime des sanctions pour parvenir à leur suspension jusqu'à ce que la Cour rende une décision définitive. Le Conseil doit prendre des mesures urgentes pour permettre des vols humanitaires vers et en provenance de la Libye ainsi que l'acheminement de fournitures agricoles.

M. MOHAMMED AbUL-HASAN (Koweït) a rappelé que le Conseil de sécurité a adopté trois résolutions en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies concernant l'affaire de Lockerbie. Le Gouvernement libyen a pris un certain nombre de mesures en application de ces résolutions. Les organisations régionales, notamment la Ligue des Etats arabes et l'Organisation de l'unité africaine ont proposé des solutions en vue d'atténuer les souffrances de la population civile libyenne, causées par l'application des sanctions imposées par le Conseil de sécurité. De l'avis de sa délégation, les arrêts rendus par la Cour internationale de Justice ne remettent pas en cause la validité des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Le Koweït réaffirme qu'il rejette le terrorisme sous toutes ses formes. Il appuie la mission des experts juridiques indépendants désignés par le Secrétaire général envoyée en Ecosse, ainsi que la mission d'enquête en Libye, conduite par M. Petrovsky. Le représentant a souhaité que le Conseil de sécurité examine les propositions formulées par les organisations régionales en vue de régler rapidement l'affaire de Lockerbie.

M. ABDALLA SALEH AL-ASHTAL (Yémen) s'est joint à tous ceux qui ont condamné les activités terroristes, notamment celles qui ont abouti à la destruction des avions de la PAN AM et de l'UTA en 1988. Il a appuyé les enquêtes visant à identifier les coupables et les traduire en justice à condition que cela soit mené conformément à la loi. Malheureusement, cela n'a pas été le cas jusqu'à présent puisque le Conseil de sécurité a imposé des sanctions à la Libye au seul motif que deux de ses ressortissants sont soupçonnés d'avoir participé à l'attentat de Lockerbie. La Libye a fait preuve de la souplesse nécessaire pour garantir le procès des personnes concernées. S'opposant à ce qu'elles soient forcément jugées aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, la Libye est aujourd'hui frappée de sanctions.

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Le 27 février dernier, la Cour internationale de Justice a rendu deux arrêts reconnaissant l'existence d'un différend et la nature juridique et non politique de l'affaire. Il est, par ailleurs, regrettable, a souligné le représentant, que le Conseil décide d'un embargo sans préciser le moment de sa levée. La décision de la Cour doit donc marquer un tournant dans la manière de procéder du Conseil. Le Yémen espère que le Conseil décidera de lever ou de suspendre l'embargo et de renvoyer la question à d'autres organes, conformément à la Convention de Montréal qui constitue le cadre de référence de cette affaire.

M. HASAN ABU-NIMAH (Jordanie) a déclaré que le regrettable incident de Lockerbie qui a causé un nombre considérables de morts, continue de préoccuper la communauté internationale. Sa délégation estime que les auteurs d'actes terroristes doivent être poursuivis et jugés. Toute mesure visant à régler l'affaire de Lockerbie doit être fondée sur la justice. M. Abu-Nimah a invité le Conseil de sécurité de respecter les décisions qui viennent d'être prises par la Cour internationale de Justice. De l'avis de sa délégation, les sanctions imposées par le Conseil de sécurité n'ont pas servi les objectifs pour lesquels elles ont été imposées. Elles n'ont fait que contribuer à augmenter les souffrances de la population civile. La délégation jordanienne se déclare toutefois convaincue que le Conseil de sécurité adoptera les mesures nécessaires pour mettre fin aux souffrances infligées à des populations innocentes.

M. NABIL A. ELARABY (Egypte) a estimé que la réunion d'aujourd'hui du Conseil de sécurité revêt un sens particulier compte tenu des décisions de la Cour internationale de Justice qui confirment l'existence d'un différend juridique entre la Libye, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ainsi que sa compétence pour ce qui est de connaître de ce différend. Les décisions de la plus haute instance juridique confirment ainsi l'avis des organisations régionales dont l'OUA depuis le commencement de cette crise. Une lecture légale de la décision de la Cour confirmerait que la Libye peut soumettre ce différend à la Cour nonobstant les résolutions du Conseil de sécurité. Si la Charte des Nations Unies donne au Conseil des pouvoirs étendus en matière de paix et de sécurité internationales, ces pouvoirs ne sauraient conduire à l'imposition de sanctions fondées uniquement sur des suspicions. Le représentant a souligné la nécessité de réexaminer pleinement le régime des sanctions, d'une façon générale, en ce qui concerne en particulier leur durée et le fait qu'il est prolongé automatiquement. L'Egypte reconnaît la nécessité d'un procès juste des suspects, conformément aux principes du droit, en particulier celui de la présomption d'innocence. Il apparaît aujourd'hui et cela est une bonne chose que seule la Cour est habilitée à connaître de ce différend en vertu de la Convention de Montréal. La Libye, pour sa part, a pris des mesures pratiques pour rompre toute relation avec des groupes soupçonnées d'activités terroristes et a formulé des propositions pour

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appliquer les résolutions du Conseil de sécurité. Il revient à ce dernier d'assumer ses responsabilités et d'examiner les options de compromis proposées par l'OUA qui ont été faites pour résoudre le différend de façon pacifique. Il est important que les Etats prennent en considération l'attitude positive de la famille des victimes elles-mêmes qui envisagent d'examiner les options pour que justice soit faite. Les Etats doivent également tenir compte des souffrances du peuple libyen et reconnaître que les décisions de la Cour sont une nouvelle incitation pour les parties à régler ce différend de manière pacifique.

M. JACK WILMOT (Ghana) a déclaré que le Ghana condamne le terrorisme international et considère que tous ceux responsables d'activités terroristes doivent être arrêtés et poursuivis conformément au droit international, aux conventions en vigueur et dans le cadre de la Charte des Nations Unies. Il a noté que c'est dans la recherche des responsables de la destruction des vols Pan Am 103 et UTA 772 que des problèmes relatifs à la compétence juridique des parties se sont posés. Il a souligné que l'Organisation de l'Unité africaine (OUA), la Ligue des Etats arabes, l'Organisation de la Conférence islamique (OCI) et le mouvement des non alignés ont proposé à plusieurs reprises des mécanismes permettant de déterminer la responsabilité de ces tragiques incidents de manière neutre soit par un organe juridique neutre ou pour un organe juridique de l'une des parties. M. Wilmot a rappelé les trois options proposées dans ce cadre par l'OUA au Conseil de sécurité le 25 septembre 1997 et demandé aux membres du Conseil d'étudier sérieusement cette proposition en vue de retenir l'une des trois alternatives proposées pour un règlement rapide du conflit.

M. Wilmot a évoqué les décisions prises par la Cour internationale de Justice, suite aux requêtes de la Libye, et a déclaré que le Ghana considérait que ces décisions affaiblissent le fondement des résolutions 748/92 et 883/93 du Conseil de sécurité qui imposent des sanctions à l'une des parties. Le Ghana souhaite que le Conseil de sécurité examine à nouveau les résolutions 731/92, 748/92 et 883/93 en vue de suspendre, voire de lever les sanctions imposées à l'une des parties en attendant le résultat des questions relatives au conflit ou l'établissement de la responsabilité, conformément à la proposition de compromis avancée par l'OUA, la Ligue des Etats arabes, l'OCI et le Mouvement des non alignés.

M. LI HYONG CHOL (République populaire et démocratique de Corée) a estimé que le jugement rendu le 27 février dernier par la Cour internationale de Justice devrait fournir l'opportunité de mettre pleinement en lumière le principe d'impartialité qui régit les activités des Nations Unies. La République populaire et démocratique de Corée s'est toujours opposée au terrorisme, sous quelque forme qu'il soit, mais également à toute action constituant une atteinte à la souveraineté des Etats Membres, leur imposant une pression injuste sous prétexte de lutter contre le terrorisme.

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L'imposition de sanctions a fait endurer à la population libyenne des souffrances incommensurables et a même eu de sérieux effets négatifs sur les pays voisins. La manière dont le Conseil de sécurité a considéré les choses depuis l'incident de Lockerbie laisse penser que "la force est reine" et jette le doute sur la responsabilité et la crédibilité du Conseil de sécurité, dont la mission première est de maintenir la paix et la sécurité internationale.

De l'avis de la République populaire et démocratique de Corée, les accusations selon lesquelles la Libye serait impliquée dans l'incident de Lockerbie ne sont que pures allégations et ont été fermement rejetées par la Libye elle-même. Comment alors pourrait-on adopter des résolution anti-libyennes" ? N'y a-t-il pas un moyen de régler le différend de manière pacifique ? M. Hyong Chol s'est déclaré convaincu qu'il faut avant tout régler le problème par le dialogue et la négociation, en s'appuyant sur les principes de justice et d'impartialité.

M. NIZAR HAMDOON (Iraq), parlant de l'existence et du recours au régime des sanctions, a estimé que d'un point de vue juridique, les sanctions se maintiennent même lorsque leur justification n'existe plus. D'un point de vue politique, elles sont utilisées pour les intérêts d'un seul Etat membre et d'un point moral, elles permettent de punir collectivement une population innocente. En ce qui concerne la Libye, les sanctions ont été imposées sur une simple suspicion selon laquelle des ressortissants libyens auraient été impliqués dans ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Lockerbie. La mission d'enquête de 1997 l'atteste, les sanctions ont entraîné des souffrances considérables pour le peuple libyen. Pendant ce temps, les Etats-Unis et le Royaume-Uni insistent sur le fait que la Libye doit leur livrer les suspects bien que la résolution pertinente ne contient aucune disposition dans ce sens. Les efforts déployés par la Libye pour dénouer la crise ont bénéficié de l'appui de nombre de pays dont des membres du Conseil de sécurité. Cela n'empêche pas les Etats-Unis et le Royaume-Uni de maintenir leur pression. Le représentant a soulevé l'examen par le Conseil de sécurité des régimes des sanctions en dénonçant la manière dont il se déroule, à savoir en réunions informelles. Il apparaît qu'aucun consensus n'a permis de modifier le régime des sanctions à l'encontre de la Libye. Il faut donc se demander pourquoi il faut un consensus alors que ce même consensus n'a pas été recherché lors de l'imposition des sanctions. La procédure actuelle donne à un Etat la possibilité de s'opposer au consensus et cette situation peut se prolonger indéfiniment selon la volonté dudit Etat. Si la communauté internationale reconnaît la nécessité de limiter les sanctions dans le temps, quelles sont alors les raisons de l'apparente paralysie du Conseil de sécurité ? Aujourd'hui les décisions de la Cour internationale de Justice lient la question à la Convention de Montréal. Elle peut, en conséquence, se prononcer à ce sujet, annihilant ainsi le maintien des mesures coercitives. Les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité n'ont pas annuler le rôle

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de la Cour qui demeure l'organe judiciaire des Nations Unies. Il est donc inadmissible de prendre des mesures au titre du chapitre VII en vue de bloquer les pouvoirs de la Cour internationale de Justice. L'Iraq demande au Conseil d'adopter une résolution visant à suspendre les sanctions imposées à la Libye au motif qu'elles représentent de graves dangers pour la paix et la sécurité internationales.

M. AHMED OULD SID'AHMED (Mauritanie) s'est félicité de la tenue aujourd'hui au sein du Conseil de sécurité d'un débat sur l'affaire de Lockerbie. Il a souhaité que le Conseil contribue à trouver une solution juste à cette affaire. Les sanctions imposées par les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité ont des conséquences négatives considérables sur la population innocente libyenne. La Mauritanie appuie les propositions présentées par la Ligue des Etats arabes et l'Organisation de l'unité africaine. Il a émis l'espoir que le Conseil les examinera et retiendra l'une d'elles afin de régler de manière équitable et rapide la crise qui oppose la Libye aux Etats-Unis et au Royaume-Uni dans l'intérêt de tous.

M. AHMAD KAMAL (Pakistan) a évoqué les deux décisions prises le 27 février 1997 par la Cour internationale de Justice dans les deux affaires que lui a soumises la Libye, ainsi que le contexte du conflit entre la Libye d'un côté et la France, la Grande-Bretagne et les Etats Unis de l'autre. Ce conflit touche aujourd'hui toute la communauté internationale en raison des sanctions imposées à l'encontre de l'une des parties sous la pression des trois autres. M. Kamal a fait remarquer que l'on pouvait se demander si toutes les options prévues à l'Article 33 de la Charte des Nations Unies avaient été épuisées avant l'imposition des sanctions à la Libye. Il a exposé son interprétation des articles 7 et 92 de la Charte des Nations Unies relatifs aux rôles et aux fonctions de la Cour internationale de Justice, ainsi que de l'article 7 de la Convention de Montréal de 1991 pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile. Selon M. Kamal, on peut extrapoler les deux décisions de la Cour auxquelles la Convention de Montréal de 1991 fournit un cadre juridique pour soutenir que la Cour internationale de Justice a un rôle effectif à jouer puisque les parties ont un différend quant à la question de savoir si la Convention de Montréal s'applique ou non dans ce cas et si les résolutions pertinentes du Conseil demeurent applicables.

M. Kamal a exhorté les membres du Conseil à examiner les implications des décisions de la Cour de manière objective et globale et à se demander si les sanctions prises à l'encontre de l'un des Etats parties à la Convention de Montréal de 1991 étaient toujours nécessaires, voire même si le Conseil de sécurité pouvait encore rester saisi de cette question qui est maintenant sub judice de la Cour internationale de Justice. M. Kamal a évoqué en outre les dispositions de l'Assemblée générale en matière de sanctions, les conditions de leur imposition et de leur levée ainsi que l'objectif de minimiser leurs effets sur les populations civiles.

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M. M.T. MAPURANGA (Zimbabwe) a estimé que le Conseil de sécurité se réunit aujourd'hui à la suite de décisions de la Cour internationale de Justice, décision qui constitue un tournant dans le différend entre la Libye, les Etats-Unis et le Royaume-Uni et qui ouvre la voie à une solution juste et pacifique de la crise. Les décisions de la CIJ viennent de mettre fin à la crise concernant la juridiction habilitée à connaître de l'affaire Lockerbie tout en présentant une base solide de la levée des sanctions imposées à la Libye. Le représentant a rappelé l'appel lancé par l'Organisation de l'unité africaine (OUA) au Conseil de sécurité pour qu'il examine ses trois options de compromis. Ces options préconisent de tenir le procès des suspects dans un pays tiers et neutre que le Conseil devra désigner; de faire juger les suspects par des juges écossais à la Cour internationale de Justice et en vertu de la loi écossaise; et d'établir un tribunal spécial au Siège de la Cour à la Haye. Le Gouvernement de la Libye, a estimé le représentant, a fait preuve de souplesse et s'est montré bien disposé à l'égard des trois options. Il est temps de donner à la Cour la chance d'exercer sa juridiction et d'apporter une solution définitive à la crise.

M. MARTIN ANDJABA (Namibie) a rappelé que sous la présidence de M. Mugabe, Président du Zimbabwe, l'Organisation de l'unité africaine a examiné entre autres l'incident aérien de Lockerbie. Il a déclaré que les souffrances causées par cette tragédie aux familles des victimes ne sauraient être oubliées. Sa délégation condamne énergiquement toute forme de terrorisme et estime que les auteurs d'actes terroristes doivent être poursuivis et traduits en justice. La délégation du Zimbabwe estime qu'il incombe aux Nations Unies d'entendre la voix de l'Afrique afin d'éviter toute crise. Le représentant a rappelé que le Sommet ministériel de l'OUA a recommandé de régler rapidement cette affaire et de mettre fin aux souffrances infligées à la population civile libyenne, en levant les sanctions.

M. AHMED SNOUSSI (Maroc) a déclaré que la volonté manifeste de coopération avec la communauté internationale dont la Libye a fait preuve ne s'est accompagnée malheureusement d'aucun assouplissement du régime de sanctions imposées au peuple libyen, qui a déjà payé un très lourd tribut. Les pays du Maghreb ont aussi souffert des conséquences des sanctions qui frappent la Libye, a observé le représentant. De l'avis du Maroc, les récentes décisions de la Cour internationale de Justice permettront au Conseil de sécurité de mieux appréhender les dimensions réelles de ce conflit où un peuple tout entier continue de souffrir et d'être puni injustement. En outre, ces décisions doivent être considérées comme un succès de l'Organisation et de tous ses organes, car elles consolident, à un moment très opportun, la crédibilité commune des Etats Membres et leur aptitude à demeurer objectifs et impartiaux. La communauté internationale doit se donner une chance de trouver une solution équitable, juridiquement respectable à un conflit où le peuple libyen a été injustement puni, a-t-il ajouté. En attendant, cette même communauté dans sa majorité trouvera tout à fait logique, sage et juste que les sanctions soient suspendues si elles ne sont pas supprimées.

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M. ALI HACHANI (Tunisie) a souligné que c'est la première fois que le Conseil de sécurité organise une telle réunion depuis le début de la crise. La réunion intervient après des faits nouveaux importants : les décisions de la Cour internationale de Justice. Après le prononcé de ces décisions, on peut considérer que la crise est entrée dans une phase nouvelle porteuse d'espoir. La position de la Cour est conforme à l'interprétation des faits faites par plusieurs groupes d'Etats et à leur détermination de trouver un règlement pacifique qui respecte la dignité de chacun, y compris celle des familles des victimes. Les décisions de la Cour imposent une certaine réflexion quant à la manière de traiter de cette question à l'avenir.

M. JOAO SOARES DA GAMA (Guinée-Bissau) a rappelé que son pays s'est toujours déclaré préoccupé par les conséquences des mesures coercitives sur le plan humanitaire. Sa délégation félicite les autorités libyennes pour l'attitude sereine et coopérative dont elles ont fait preuve afin de garantir les droits des familles des victimes et afin de permettre que la justice soit rendue conformément aux normes universellement acceptées. La Guinée-Bissau est d'avis que les sanctions imposées à la Libye doivent être réexaminées à la lumière des arrêts que la Cour internationale de Justice vient de rendre, à la suite des requêtes de la Libye. A cet égard, M. Da Gama a invité le Conseil de sécurité à examiner avec diligence et impartialité les propositions conjointes présentées par l'Organisation de l'unité africaine et la Ligue des Etats arabes, qui prévoient des mécanismes permettant d'assurer un procès équitable des suspects, tout en garantissant les droits des familles des victimes.

M. ELFATIH MOHAMED AHMED ERWA (Soudan) s'est dit convaincu que le règlement des conflits par des moyens pacifiques doit demeurer un principe fondamental régissant les relations entre pays de la communauté internationale. Il a donc estimé qu'il est du devoir du Conseil de sécurité d'encourager les parties à l'affaire Lockerbie dans ce sens, au lieu de recourir aux régimes des sanctions ou de se servir du concept de droit dans des buts hégémoniques. Le Soudan appuie toutes les initiatives en vue de trouver une solution pacifique à la crise actuelle, en particulier l'initiative conjointe de l'OUA et de la Ligue des Etats arabes présentant trois options pour faire justice. Compte tenu aujourd'hui des décisions de la Cour internationale de Justice, le Soudan invite le Conseil à prêter assistance à la CIJ en lui laissant le soin de trouver une solution juridique donc pacifique à la crise. La décision de la Cour relative à sa compétence prouve si besoin en était que le différend est bel et bien de nature juridique. Le temps est venu pour la communauté internationale de rechercher un règlement définitif à la question d'autant que le maintien des sanctions perpètrent les souffrances des familles des victimes, de la Libye et des Etats voisins. Le Conseil doit lever ou suspendre les sanctions jusqu'à ce que la Cour se prononce sur le fond.

- 12- CS/908 20 mars 1998

M. IBRAHIM GAMBARI (Nigéria) a déclaré que son pays est profondément préoccupé par l'affaire de Lockerbie qui oppose la Libye aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Le Nigéria a saisi toute occasion pour contribuer au processus de règlement pacifique de cette affaire, en vertu de la Charte des Nations Unies et des principes du droit international, ainsi que dans le respect de la souveraineté et de l'intégrité de tous les Etats Membres. La délégation nigériane est d'avis que le Gouvernement libyen a faire preuve d'une souplesse suffisante pour répondre aux exigences des Etats-Unis et du Royaume-Uni en vue de trouver une solution équitable. La Libye a été appuyée par l'OUA et la Ligue des Etats arabes. En conséquence, le Nigéria invite les deux membres permanents du Conseil concernés à faire preuve de souplesse raisonnable en vue de régler l'affaire en vertu du chapitre VI de la Charte des Nations Unies. Il ne faudrait pas toutefois perdre de vue le fait que les familles des victimes souhaitent que la justice soit rendue dès que possible. M. Gambari a regretté que les Etats-Unis et le Royaume-Uni aient rejeté des propositions présentées par la Libye en vue de juger les deux suspects en un lieu neutre et impartial, il a contribué à retarder le jugement de ces suspects. Le Nigéria condamne fermement toutes les formes de terrorisme. La Libye a pour sa part adopté une politique analogue et a offert sa pleine coopération aux efforts déployés sur le plan régional et sur le plan international pour lutter contre ce crime affreux. La délégation nigériane estime que dans la mesure où la Cour internationale de Justice s'est déclarée compétente, elle devrait être autorisée à le faire sans retard. En outre, le Nigéria se joint aux autres appels en faveur de la levée des sanctions imposées à la Libye qui ont des conséquences dévastatrices sur la population civile.

M. KAMALESH SHARMA (Inde) a rappelé que son pays a été à plusieurs occasions la cible d'attaques terroristes de même nature que l'incident aérien de Lockerbie. L'Inde fait sienne la réaction des pays dont les ressortissants ont été victimes de cet incident. De nombreuses familles indiennes ont été frappées par la disparition tragique d'êtres chers, victimes d'explosions aériennes. La Convention sur la suppression des attentats terroristes n'est pas encore entrée en vigueur mais tous les Etats Membres des Nations Unies ont participé à son élaboration et depuis l'adoption par consensus de la résolution qui invitait à sa ratification, on suppose que les Etats Membres adhèrent à ses dispositions. Cette Convention ainsi que la Convention de Montréal de 1971, relative à la suppression des actes illicites contre la sécurité de l'aviation civile stipulent que chaque Etat partie prendra les mesures nécessaires pour établir sa compétence sur les infractions définies par ces Conventions lorsque ces actes ont été commis sur son territoire, à bord d'un aéronef immatriculé en vertu de sa législation ou si l'infraction a été commise par un ressortissant de cet Etat. Dans l'affaire de Lockerbie, il existe de toute évidence un conflit de juridiction. La délégation indienne regrette que les décisions prises par le Conseil de sécurité aient divisé profondément la communauté internationale et que les suspects attendent encore d'être jugés.

- 13- CS/908 20 mars 1998

Concernant les sanctions imposées à la Libye, M. Sharma a noté avec regret que six sans après leur adoption, elles demeurent en vigueur. Il a estimé qu'il est dans l'intérêt de tous de permettre au processus judiciaire de suivre son cours et de juger les auteurs du crime dès que possible. Tout retard dans le déroulement de la justice ne contribuera qu'à maintenir de manière indéfinie les effets des sanctions sur la population civile innocente. La décision récente de la Cour internationale de Justice a écarté la raison pour laquelle les sanctions ont été imposées,a dit M. Sharma qui s'est déclaré convaincu qu'elles seront levées.

M. DAUDI N. MWAKAWAGO (République-Unie de Tanzanie) a joint sa voix aux pays qui appelle à la suspension des sanctions imposées à la Libye. Il a déclaré que les victimes de l'attentat terroriste de Lockerbie en 1988 méritaient justice et a déploré le fait que peu de progrès aient été réalisés depuis près de 10 ans. Cette situation malheureuse est encore aggravée par l'effet négatif des résolutions à l'examen sur la population civile innocente de Libye. Il ne faudrait pas que la recherche de la justice fasse de nouvelles victimes. La Libye a le mérite d'avoir accepté les propositions soutenues par l'OUA et la Ligue des Etats arabes, a indiqué le représentant.

La Tanzanie se félicite de la décision récente de la Cour internationale de Justice et appelle les parties à continuer à appuyer l'engagement de la Cour sur cette question. La Tanzanie appelle, en outre, instamment les autres parties à examiner ces options ainsi que la nouvelle situation découlant de la décision de la Cour. Les craintes de la Libye quant à l'impartialité d'un tribunal américain ou britannique ne doivent pas être prises à la légère. Le représentant a estimé qu'il fallait tenir compte d'un élément fondamental lorsque l'on considère la levée éventuelle des sanctions. Trois des membres permanents du Conseil sont, en effet, parties au différend. Pourtant, a-t-il poursuivi, nous devons faire confiance à leur capacité à examiner l'affaire à la lumière de leurs obligations internationales. L'incident de Lockerbie nous interpelle tous. Cet acte lâche fut un affront, non seulement à l'égard de la sécurité de l'aviation, mais aussi à l'égard de notre combat contre le terrorisme international. On ne peut justifier plus longtemps les sanctions imposées à la Libye. La légitimité du Conseil et l'efficacité des sanctions pourraient être remises en question si la majorité des Etats membres avaient le sentiment que le Conseil agit de manière injuste. Pour l'OUA et le Mouvement des pays non alignés, la poursuite des sanctions ne peut se justifier à la lumière des propositions de compromis qui ont été présentées en vue d'une solution. C'est pourquoi, une concession du Conseil dans cette affaire ne l'affaiblirait pas mais, au contraire, renforcerait à la fois sa légitimité et le respect pour le droit international, a-t-il conclu.

- 14- CS/908 20 mars 1998

M. BRUNO RODRIGUEZ PARRILLA (Cuba) s'est félicité des deux décisions rendues par la Cour internationale de Justice, le 27 février dernier, car elles replacent le différend en cours dans sa véritable dimension. Selon la délégation cubaine, il est évident que la préférence est donnée à l'intérêt que quelques membres permanents du Conseil de sécurité trouvent dans le maintien des sanctions contre la Libye. C'est pourquoi, le Conseil de sécurité s'obstine à ne pas entendre les propositions de solution du Gouvernement libyen, ni à reconnaître les efforts déployés par différentes organisations régionales, gouvernements, personnalités internationales ou groupes d'Etats. La levée des sanctions contre la Libye a été empêchée par des décisions et des conditions unilatérales posées par certains Etats, qui se sont arrogés le droit d'interdire à d'autres Etats souverains de juger leurs propres ressortissants. De l'avis de Cuba, cet état de fait justifie la mise en oeuvre d'une profonde réforme de l'organe principal des Nations Unies.

Pour la délégation cubaine, les sanctions contre la Libye doivent être levées. L'affaire de l'accident de l'avion de la Pan Am doit être résolue afin de répondre aux inquiétudes et au souci légitime de justice de l'ensemble de la communauté internationale. Mais l'on ne saurait accepter la politique des deux poids, deux mesures et des principes moraux à géométrie variable mis en avant par un certain nombre de pays, qui insistent pour que la résolution de l'incident susmentionné soit le reflet de leurs intérêts politiques, a déclaré le représentant. Le Gouvernement cubain a lui-même été victime et témoin du manque de cohérence des décisions et résolutions du Conseil de sécurité, a-t-il ajouté, évoquant le détournement en 1976 d'un avion commercial de la compagnie nationale. M. Rodriguez Parrilla a estimé que le rôle des Nations Unies et du Conseil de sécurité n'est pas de servir d'instrument aux puissants pour qu'ils puissent satisfaire leurs choix politiques, mais de garantir que la justice et l'équité s'appliquent à tous les Etats souverains, sur un pied d'égalité.

M. SALIM BIN MOHAMMED AL-KHUSSAIBY (Oman) a condamné fermement toutes les formes de terrorisme et s'est associé pleinement aux efforts de la communauté internationale visant à éliminer ce fléau. La Ligue des Etats arabes a exprimé sa ferme volonté de coopérer avec le Secrétaire général et le Conseil de sécurité pour trouver une solution pacifique à la crise découlant de l'affaire Lockerbie. Des groupes régionaux comme l'OUA, la Conférence islamique et le Mouvement des pays non alignés ont manifesté la même préoccupation pour remédier à la crise. L'attention que reçoit cette question témoigne de la préoccupation de la communauté internationale quant à la gravité de cette crise. Oman attire l'attention de la communauté internationale sur l'initiative de l'OUA et la Ligue des Etats arabes. Il estime que la justice doit être rendue aux familles des victimes et regrette que depuis les sept dernières années, plusieurs initiatives aient été lancées en vain. Le peuple libyen, les familles des victimes et les pays voisins

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continuent de souffrir. Conformément aux propositions de l'OUA et de la Ligue des Etats arabes et compte tenu des souffrances des groupes de personnes susmentionnés, Oman estime qu'il est temps que le Conseil de sécurité suspende le régime des sanctions, en particulier depuis le prononcé des décisions de la Cour internationale de Justice. Oman demande instamment à toutes les parties de faire preuve de souplesse et de justice pour parvenir à une solution pacifique de la crise.

M. HADI NEJAD-HOSSEINIAN (République islamique d'Iran) s'est félicité des décisions de la Cour internationale de Justice le 27 février dernier, concernant la question de l'interprétation et de l'application de la Convention de Montréal, à la suite de l'incident aérien de Lockerbie opposant d'une part la Libye aux Etats-Unis et d'autre part, la Libye au Royaume-Uni. L'Iran émet l'espoir que ces décisions permettront d'aboutir à un règlement pacifique acceptable pour toutes les parties concernées et de lever les sanctions imposées à la population libyenne par les résolutions 748 (1992) et 883 (1993) du Conseil de sécurité. De l'avis de la délégation iranienne, les décisions de la CIJ constituent une étape importante dans le renforcement du rôle de cet organe judiciaire international et dans celui du droit au niveau international.

Les vues exprimées par l'Organisation de l'unité africaine (OUA), la Ligue des Etats arabes, le Mouvement des pays non alignés et l'Organisation de la Conférence islamique sont réaffirmées au cours de ce débat sur le différend qui oppose la Libye aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Ces organisations ont constamment adopté des résolutions appelant les pays occidentaux concernés à répondre de manière positive aux initiatives prises par la Libye en vue de parvenir à un règlement sur la base du droit international et par le dialogue et la coopération. A cet égard, le représentant a cité la résolution adoptée par le Sommet islamique tenu à Téhéran, en décembre 1997 aux termes de laquelle les participants ont appuyé les efforts déployés par la Ligue des Etats arabes et par l'Organisation de l'unité africaine en vue de convaincre le Conseil de sécurité d'accepter l'une des trois propositions qu'elles ont présentées conjointement au Conseil de sécurité.

M. HASMY AGAM (Malaisie) a déclaré que, comme sa délégation le comprend, la Libye ne refuse pas de se conformer au droit international. Elle souhaite simplement s'assurer que les intérêts de ses deux ressortissants, accusés d'avoir été à l'origine de l'incident aérien de Lockerbie, soient garantis et que son droit à la souveraineté et à la dignité soient respectés. La Libye a pris une série de mesures concrètes pour régler le différend, compatibles avec ses obligations en vertu du droit international, en particulier la Convention de Montréal de 1971 relative à la suppression des actes illicites contre la sécurité de l'aviation civile. Malheureusement, ces efforts sont rejetés par les Etats-Unis et par le Royaume-Uni. De l'avis de la délégation malaisienne,

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les propositions faites par la Libye sont raisonnables, constructives et pragmatiques. La Malaisie se félicite des efforts déployés par l'Organisation de l'unité africaine et par la Ligue des Etats arabes visant à trouver un règlement à ce différend. Elle appuie leurs propositions concernant le jugement des suspects, ainsi que l'appel en faveur du réexamen par le Conseil de sécurité du régime des sanctions imposé à la Libye. M. Agam a donc invité le Conseil de sécurité à examiner de manière approfondie le rapport de la mission d'enquête en Libye conduite par M. Petrovsky pour évaluer l'impact des sanctions sur la population libyenne qui ne devrait pas être privée de la pleine jouissance des fruits du développement économique en raison du différend juridique et politique auquel son pays est partie et dont il n'est pas responsable. Les décisions prises par la Cour internationale de Justice devraient ouvrir la voie pour examiner l'affaire au fond afin de régler par des moyens pacifiques.

M. ALVARO FORERO (Colombie) a souligné que la position des Etats membres du Mouvement des pays non-alignés a été reconfirmée lors de la dernière réunion des Ministres des affaires étrangères, telle que stipulée dans le paragraphe 163 du document final du 11ème Sommet de Carthagène. Les Etats Membres ont déploré que les trois pays occidentaux concernés ne tiennent pas compte des appels des organisations régionales et internationales et de leurs efforts afin de parvenir à un règlement pacifique fondé sur le droit international. Ils ont aussi affirmé que les mesures imposées à la Libye ne sont désormais plus justifiables et ont appelé le Conseil de sécurité à reconsidérer l'embargo aérien et les autres mesures prises à l'encontre de la Libye en vue de leur levée. Le Mouvement des pays non alignés soutient la proposition soumise conjointement par l'Organisation de l'unité africaine et la Ligue des Etats arabes. Ils appuyent un recours aux sanctions seulement quand il existe un risque réel pour la paix et la sécurité internationales, uniquement après que toutes les tentatives de solutions pacifiques de règlement aient été épuisées et uniquement dans la mesure où les sanctions n'ont pas de conséquences inhumaines sur la population civile.

Selon la délégation colombienne, dans les circonstances actuelles, il est pertinent de réfléchir à nouveau à la question des sanctions et notamment à leur durée, leurs effets et la levée. Leur objectif ne devrait en aucune façon être de sanctionner les populations civiles et elles ne devraient pas durer indéfiniment. Des sanctions sans limite dans le temps tendent à créer des situations d'urgence humanitaires, situations qui sont incompatibles avec la Charte des Nations Unies. La délégation colombienne a noté avec intérêt les jugements rendus par la Cour internationale de Justice relatifs à la question de l'applicabilité de la Convention de Montréal de 1991 dans l'incident de Lockerbie, et en particulier l'analyse de l'incidence des résolutions 748 et 883 du Conseil de sécurité par rapport à cette Convention.

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M. SAMIR MOUBARAK (Liban) a rappelé la souffrance de son peuple qui continue d'être victime du terrorisme d'Etat auquel se livre Israël. Cette situation explique la fermeté avec laquelle le Liban condamne le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations. Le représentant a souligné que le différend qui oppose la Libye au Royaume-Uni et aux Etats-Unis n'est pas de nature purement juridique - le pays a accepté le principe d'un procès - mais porte sur des aspects de procédure qui auraient pu être réglés rapidement si un esprit de coopération avait animé les parties concernées. Le Gouvernement libyen a, lui, exprimé sa volonté de collaborer dans le cadre des normes juridiques établies en insistant sur l'application de la Convention de Montréal. La Libye a eu recours à la Cour internationale de Justice en montrant ainsi sa disposition à s'en remettre à l'organe judiciaire suprême. Pour ce qui est du régime des sanctions, le représentant a estimé qu'il devrait constituer une mesure de dernier ressort. Il a noté, au cours du débat, la volonté de la communauté internationale de faire des sanctions une mesure d'exception. Dans le cas de la Libye, le problème est un différend concernant la juridiction habilitée à juger les deux suspects. Le Liban attire l'attention sur le fait que les différentes organisations régionales intéressées ont souligné la nécessité de faire preuve de retenue pour permettre à la justice de suivre son cours et de réexaminer le régime des sanctions contre la Libye puisque ce pays n'a jamais été condamné. Il a appelé à tirer profit de la nouvelle donne pour permettre à la Cour de remplir son devoir qui est de rendre justice.

M. ALOUNKEO KITTIKHOUN (République démocratique populaire lao) a invité les parties concernées par l'affaire de Lockerbie de tenir compte des récents développements, notamment les "arrêts" de la Cour internationale de Justice du 27 février 1998. Sa délégation entend respecter toute l'argumentation avancée par les parties concernées. Toutefois, il serait important de prendre conscience des souffrances considérables infligées à la population libyenne par le régime des sanctions, du voeu exprimé par les familles des victimes de la tragédie de Lockerbie de voir la justice rendue et de la nécessité de trouver une solution juste et acceptable par tous le plus rapidement possible. M. Kittikhoun a lancé un appel aux parties concernées pour qu'elles engagent un dialogue sincère et direct afin de régler cette question dans les meilleurs délais possibles. Partant de sa politique de paix, d'indépendance, d'amitié et de coopération avec tous les pays du monde, la République populaire démocratique du Lao croit au dialogue et a une aspiration ardente de voir les conflits internationaux, si complexes soient-ils, se résoudre par la voie de la négociation. Aussi, a-t-il émis l'espoir que les parties concernées pourront parvenir rapidement à une solution équitable qui contribuerait à réduire les tensions dans la région et à promouvoir la paix et la sécurité internationales.

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