En cours au Siège de l'ONU

CS/907

LE CONSEIL DE SECURITE ENTAME UN DEBAT SUR LES PROCEDURES ENGAGEES A LA SUITE DES ATTENTATS CONTRE LES VOLS PAN AM 103 EN 1988 ET UTA 772 EN 1989

20 mars 1998


Communiqué de Presse
CS/907


LE CONSEIL DE SECURITE ENTAME UN DEBAT SUR LES PROCEDURES ENGAGEES A LA SUITE DES ATTENTATS CONTRE LES VOLS PAN AM 103 EN 1988 ET UTA 772 EN 1989

19980320 Le Conseil de sécurité réuni ce matin sous la présidence du Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères de la Gambie, M. Sedat Jobe, a entamé un débat sur les procédures engagées à la suite des attentats perpétrés en 1988 contre un vol PAN AM 103 au-dessus de Lockerbie en Ecosse et contre le vol UTA 772 en 1989. Le Conseil a d'abord observé une minute de silence à la mémoire des victimes, en présence de membres de leurs familles.

Le débat a été ouvert par M. Omar Mustafa Muntasser, Secrétaire général du Comité populaire général pour les liaisons extérieures et la coopération internationale de la Jamahiriya arabe libyenne qui a réitéré que son pays n'a aucune objection à ce que ses deux ressortissants suspects dans l'affaire de Lockerbie comparaissent devant la juridiction d'un pays neutre.

Le Secrétaire d'Etat a affirmé que son pays a répondu pleinement aux résolutions du Conseil de sécurité en ce qui concerne "le prétendu terrorisme". Il a estimé que les sanctions imposées à la Libye "sont une punition collective contre tout un peuple et une violation de la Déclaration universelle des droits de l'homme".

Les représentant des pays suivants ont pris la parole: Etats-Unis, Costa Rica, Fédération de Russie, Chine, Portugal, Kenya, Bahreïn, Japon, Slovénie, Suède, Brésil, Gabon, France, Royaume-Uni en son nom propre et au nom de l'Union européenne et Mali.

La Ligue des Etats arabes, l'Organisation de l'unité africaine et l'Organisation de la Conférence islamique ont également pris la parole. Les représentants de ces organisations ont rappelé les trois propositions avancées par les conférences et sommets régionaux : soit un procès dans un pays tiers neutre; soit à la Cour internationale de Justice, avec des juges écossais, conformément au droit écossais; soit par un tribunal pénal établi au siège de la CIJ.

Plusieurs pays ont estimé que les décisions prises le 27 février par la CIJ justifiaient la levée des sanctions imposées par le Conseil de sécurité contre la Libye pour ne pas avoir livré les deux suspects. Plusieurs autres délégations ont relevé que les décisions de la CIJ avaient une portée purement procédurale sur la suite de l'instance.

(à suivre 1a)

- 1a - CS/907 20 mars 1998

Les décisions prises par la CIJ ne mettent nullement en cause la validité juridique des résolutions du Conseil de sécurité. La Libye doit remettre les deux suspects à une justice équitable", a déclaré le Représentant des Etats-Unies. Le représentant du Royaume-Uni a insisté sur l'indépendance du système juridique écossais. Tout en indiquant que la coopération judiciaire avec la Libye avait permis de réaliser des progrès pour rétablir la vérité dans l'affaire du vol UTA 772, le Représentant de la France a reconnu que celle du vol Pan Am 103 n'avait pas connu de tels développements. Il a estimé que les "décisions de la CIJ sont essentiellement de procédure et n'affectent pas les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.

De nombreuses délégations se sont d'autre part inquiétées des effets négatifs du régime de sanctions imposé en 1992 sur la situation humanitaire de la population libyenne.

Le débat se poursuivra cet après-midi à partir de 16H.

Déclarations

M. OMAR MUSTAFA MUNTASSER, Secrétaire général du Comité populaire général pour la liaison extérieure et la coopération internationale de la Jamahiriya arabe libyenne a souligné que le Conseil examine un point dont il est saisi depuis sept ans sous la pression du Royaume-Uni et des Etats-Unis dont les requêtes actuelles sont contraires au droit international et à la Convention de Montréal. Par exemple, l'exigence selon laquelle la Libye doit fournir des preuves de la culpabilité des deux suspects va dans le sens contraire du droit en général. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni sont les deux accusateurs et il leur revient de fournir les preuves de la culpabilité. Faut-il le rappeler, la Libye n'a jamais soupçonné les deux suspects d'avoir participé à l'accident de Lockerbie. En dépit de cela, la Libye a veillé à arrêter les deux suspects et a confié l'enquête à deux juges. Malgré ces efforts, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont transformé l'affaire en une question politique en saisissant le Conseil de sécurité.

Devant cette évolution dangereuse et le manque de coopération de ces deux pays, la Libye a saisi la Cour internationale de justice en 1992. Entre-temps, les Etats-Unis et le Royaume-Uni n'ont eu de cesse que de contraindre le Conseil de sécurité à imposer des sanctions contre la Libye. La Libye a toujours recherché une solution pacifique à ce différend et présenté la question devant des instances internationales telles que la Ligue des Etats arabes, l'Organisation de l'unité africaine ou le Mouvement des pays non alignés. Les efforts ont continuellement été rejetés voire méprisés par les Etats-Unis et le Royaume-Uni.

La libye a répondu pleinement aux résolutions du Conseil en ce qui concerne le prétendu terrorisme. Elle souligne que la lutte contre l'occupation étrangère ne peut être considéré comme des actes terroristes. La Libye appuie la lutte pour la liberté et continuera à l'aider en ne voyant aucun lien entre ce type de lutte et le terrorisme. La Libye n'a cessé de condamner le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations et des lettres adressées au Secrétaire général et le Conseil de sécurité peuvent l'attester. La Libye a demandé la convocation d'une session extraordinaire afin d'examiner la question du terrorisme, elle a signé des accords bilatéraux et multilatéraux pour éradiquer le terrorisme international. Elle l'a dit clairement, elle ne permettra jamais que son territoire serve au terrorisme. La Libye n'a émis aucune objection à l'envoi d'une enquête de l'ONU pour réfuter ou confirmer ses affirmations. La Libye a toujours affirmé qu'elle ne connaissait pas les coupables de Lockerbie et a répondu aux requêtes du gouvernement britannique en ce qui concerne l'Armée républicaine irlandaise (IRA). A cet égard, chacun sait, a souligné le Secrétaire d'Etat, que l'IRA est connu de la Maison Blanche et du 10, Downing Street.

La Libye a, conformément aux requêtes du Conseil de sécurité, déclaré qu'elle ne voit aucune objection de voir comparaître les deux suspects devant la juridiction d'un pays neutre. Ce sont les deux suspects eux-mêmes qui refusent de comparaître devant une cour en Ecosse sur les conseils de leurs avocats qui ont d'ailleurs menacé l'Etat libyen de poursuite s'ils les rendaient contre leur gré à la justice écossaise. L'argument d'un environnement hostile à la sérénité nécessaire à un procès a été accepté dans le cas de Timothy Mc Veil qui a été jugé dans un autre Etat. Il faut rappeler à cet égard que les droits de l'homme n'ont aucune nationalité.

Les deux suspects n'étant encore que des suspects, il faut donc souligner que les sanctions imposées à la Libye constituent une violation de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cette punition collective contre tout un peuple est une violation flagrante de ces instruments internationaux. La Libye n'a jamais cessé d'honorer les résolutions du Conseil de sécurité, consciente qu'elles ont été adoptées pour éviter l'agression militaire. Le problème concerne la Libye, les Etats-Unis et le Royaume-Uni contrairement à ce que ces deux derniers prétendent. Sinon pourquoi s'obstinent-ils à faire obstacle aux recommandations du Conseil chaque fois qu'il essaye de trouver une solution pacifique. La Libye ne doute pas de la qualité du système judiciaire écossais et a même accepté qu'un procès ait lieu à la Cour internationale de justice par deux juges écossais conformément à la loi écossaise.

Après une longue attente, la Cour s'est prononcée le 27 février 1998. Selon elle, un différend existe bien entre les deux parties et les requêtes sont recevables, en dépit des résolutions du Conseil de sécurité. Partant, chaque membre des Nations Unies doit se conformer aux décisions de la Cour, conformément à la Charte des Nations Unies et l'arrêt de la Cour a une force contraignante entre les parties, conformément au statut de la Cour. Le Conseil a le droit de prendre des mesures nécessaires pour donner effet aux arrêts de la Cour. Depuis que la Cour a reconnu sa compétence, les sanctions prévues dans les résolutions du Conseil sont devenues caduques. Le Conseil doit donc s'abstenir de renouveler les sanctions, abroger les deux résolutions et reconnaître que l'implication de la Cour représente le seul moyen pacifique de régler le différend entre les parties. En attendant l'avis définitif de la Cour, le Conseil de sécurité doit suspendre les deux résolutions susmentionnés. La Libye qui est convaincue que les deux arrêts de la Cour ont ouvert la voie à un règlement final du conflit de Lockerbie, réaffirme fermement qu'elle n'est pas responsable de la destruction tragique de l'avion et des pertes horribles en vies humaines.

Si les Etats-Unis et le Royaume-Uni croient de bonne foi qu'ils détiennent des éléments de preuve, ils ont l'obligation de les présenter à la Cour. Aujourd'hui, la Libye demande l'application de l'arrêt de la Cour et espère que le droit sera rétabli et que la loi sera respectée. En 1970, une page était ouverte entre la Libye, les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Or c'est de manière unilatérale que ces pays ont rompu ces excellentes relations. La Libye lance un appel pour qu'ils tournent la page et qu'une ère nouvelle de prestations plutôt que d'accusations soit inaugurée. Qu'une ère nouvelle de coopération soit assurée.

M. WILLIAM RICHARDSON (Etats-Unis) a noté que le Ministre des affaires étrangères libyen a présenté une argumentation de poids. Toutefois, lorsque le vol 103 de la PAN AM a explosé en plein vol au-dessus de Lockerbie, plus de 270 personnes ont péri. Sa délégation a écouté la Libye se plaindre que les mécanismes et procédures en vigueur en matière humanitaire sont inadaptées. Ces allégations sont fallacieuses. Les arrêts rendus en février dernier par la CIJ ne mettent nullement en cause la validité juridique des résolutions du Conseil de sécurité. La Cour a dit qu'elle ne se prononçait pas sur le fond de l'affaire. La Libye doit enfin respecter la volonté de la communauté internationale et remettre les deux suspects à une justice équitable. Un rapport de 1996 montre que les estimations de mortalité infantile en Libye

sont nettement plus faibles que dans le passé. Les sanctions imposées à la Libye n'empêchent pas le pays d'exporter ou d'importer les médicaments et autres produits de première nécessité. Le Comité des sanctions a décidé récemment qu'il continuera à examiner les demandes d'autorisation des vols à des fins humanitaires, y compris les vols transportant les pèlerins à La Mecque. Ces vols ont permis à des milliers de Libyens de se rendre directement à Djeddah pour accomplir leur devoir religieux. La Libye n'a pas répondu et n'a pas mis à profit les efforts déployés par les Nations Unies. Le représentant a souligné que son pays accepte la participation d'observateurs internationaux à un procès équitable des deux suspects. Nous sommes ici aujourd'hui parce que des preuves ont été établies déterminant le rôle que les deux suspects ont joué dans l'attentat contre le vol 103 de la PAN AM. Ils doivent faire face à la justice.

M. FERNANDO BERROCAL SOTO (Costa Rica) a réaffirmé le respect par son pays de l'esprit et de la lettre de la Charte des Nations Unies. Sa délégation estime que l'imposition d'un régime des sanctions doit tenir compte de la situation humanitaire du pays auquel il s'applique. Il doit être accompagné par un dialogue entre les parties concernées en vue de trouver un règlement approprié aux problèmes. Les faits concernant chaque situation sont de toute évidence différents. Le Costa Rica respecte scrupuleusement les principes de la démocratie internationale. Il est crucial que la transparence soit garantie dans les travaux du Conseil du sécurité. Rappelant que les deux attentats aériens de Lockerbie et d'UTA ont causé la mort de plus de 400 personnes, M. Berrocal Soto a estimé que les suspects doivent être jugés. Il est indispensable de mettre fin au terrorisme. Sa délégation examine de manière approfondie les deux arrêts que la Cour internationale de justice vient de rendre, dans le cadre de la phase préliminaire , à la suite des requêtes présentées par la Libye. La Ligue des Etats arabes et l'OUA ont formulé plusieurs propositions sur la procédure à suivre. Le représentant a souligné qu'il importe de rendre une justice équitable.

M. SERGEY LAVROV (Fédération de Russie) a estimé que les récentes décisions rendues par la Cour internationale de justice sont encourageantes. Le déblocage rapide de l'affaire de Lockerbie contribuera largement aux efforts déployés par les Nations Unies en matière de terrorisme. Son gouvernement exprime sa profonde sympathie aux familles des victimes. Il n'oublie pas non plus la population civile qui souffre des conséquences négatives des sanctions imposées par le Conseil de sécurité. Le régime des sanctions devrait tenir compte des préjudices graves causés par les sanctions sur la santé de la population. Des exceptions aux sanctions pour raisons humanitaires doivent être établies par le Comité des sanctions. Les avions libyens destinés à assurer le transport de l'aide humanitaire ne sont plus en état de service et devraient donc être remplacés pour éviter toute catastrophe.

M. QIN HUASUN (Chine) a indiqué que sa délégation s'oppose au terrorisme sous toutes ses formes et estime que les terroristes devraient être traduits en justice. L'accident tragique survenu à Lockerbie a causé la mort de nombreux innocents et infligé des souffrances considérables à leurs familles, auxquelles le gouvernement chinois adresse sa profonde sympathie. La priorité est maintenant de régler l'affaire de manière prompte et adéquate, afin de satisfaire toutes les parties concernées, y compris les familles des victimes. La clé du règlement de l'affaire de Lockerbie réside dans l'accord entre les

parties concernées sur la procédure qui sera appliquée dans le procès des deux suspects. A cet égard, la délégation chinoise se félicite que la Ligue des Etats arabes et l'Organisation de l'unité africaine (OUA) aient proposé trois options concernant le procès. La Libye a accepté un procès par des juges écossais à La Haye, conformément au droit écossais. La Chine appuie ces propositions qui sont constructives et qui reflètent la souplesse de la partie concernée. M. Huasun a émis l'espoir que les autres parties feront preuve de souplesse en répondant à ces propositions et en cherchant à régler cette question par des négociations dès que possible.

La Chine ne se prononce pas en faveur de sanctions contre la Libye, qui ont causé des souffrances considérables à la population libyenne, en particulier aux femmes et aux enfants, ralenti le développement de la Libye et affecté en même temps celui d'autres pays. La délégation chinoise se déclare profondément préoccupée par les conséquences négatives des sanctions. Les faits ont montré que les sanctions, au lieu de régler les problèmes, n'ont contribué qu'à les aggraver. De l'avis de M. Huasun, il faudrait procéder à la levée des sanctions. Il s'est déclaré convaincu que les avis exprimés par la Ligue des Etats arabes et par l'OUA, ainsi que par d'autres Etats permettront au Conseil de sécurité de faire un jugement équitable et de prendre la décision appropriée au cours de ses prochaines délibérations sur la question de La Libye.

M. ANTONIO MONTEIRO (Portugal) a estimé que tout en se félicitant de l'intérêt que le gouvernement libyen montre à l'égard des droits de la défense des deux suspects, il rejette l'idée que la juridiction écossaises ne puisse offrir les garanties d'impartialité et de procès équitable. En outre, les autorités britanniques ont déjà indiqué qu'elles accepteront la participation d'observateurs internationaux au procès. A cet égard, le représentant a rappelé que les droits de la défense des suspects sont doublement garantis dans un procès en Ecosse, depuis qu'une décision rendue par une juridiction britannique a été soumise au contrôle de la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg, en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme. M. Monteiro a indiqué que sa délégation, après un examen approfondi des arrêts que vient de rendre la Cour internationale de

M. NJUGUNA M.MAHUGU (Kenya) a estimé que le débat d'aujourd'hui devrait permettre de trouver des moyens d'action de régler l'affaire Lockerbie en tenant compte du fait que les décisions prises vont affecter d'une part les vies des familles endeuillées et d'autre part, des personnes innocentes en Libye qui endurent le poids des sanctions. M. Mahugu a souhaité que l'on fasse un bilan de ce qui a réellement été obtenu depuis l'instauration du régime des sanctions par le Conseil de sécurité.

Le Kenya est convaincu que les familles des victimes doivent pouvoir dépasser cette tragédie en obtenant le jugement de ceux qui ont commis cet acte terroriste, mais considère aussi que le peuple libyen, qui n'est pas responsable de cet acte terroriste et de l'impasse actuelle, devrait être soulagé des souffrances qui découlent des sanctions. Le Kenya souhaite que, à la lumière de ce qui ressort du rapport de M. Petrowsky et d'autres études des Nations Unies, le Comité des sanctions sur la Libye, sous la Présidence de M. Türk, fasse une analyse de l'impact des sanctions et progresse sur la question.

M. Mahugu a évoqué les propositions récentes faites par certaines organisations, et notamment la Ligue des Etats arabes dont les options ont été soutenues par l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) et le Mouvement des pays non alignés, en vue d'un règlement du problème. M. Mahugu a évoqué les trois options proposées dans la Déclaration de Harare de 1997, à la suite de la troisième session ordinaire des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'OUA. Il a ensuite rappelé les décisions de la Cour internationale de Justice sur les requêtes de la Libye et les différences d'interprétation de ces décisions au sein du Conseil de sécurité. En tant que membre de l'OUA, et ayant participé aux délibérations ayant mené à la position de l'OUA sur la question, le Kenya est convaincu qu'elle présente des options valables en vue de résoudre l'impasse actuelle. Il a appelé les Etats directement concernés par ce différend à considérer sérieusement la proposition que l'OUA a avancé en collaboration avec d'autres organes régionaux.

M. JASSIM MOHAMMED BUALLAY (Bahreïn) a souligné que, depuis six ans, la Libye subit des sanctions imposées par le Conseil de sécurité au motif que deux de ses ressortissants sont soupçonnés d'être les responsables de l'incident de Lockerbie. Il est clair que les attentats terroristes représentent une affaire pénale sur laquelle seul un tribunal peut statuer. Pourtant, le Conseil de sécurité, arguant d'une menace à la paix et à la sécurité internationales s'est saisi de la question. Cette position n'a pas été partagée par la Libye qui a eu recours à un avis de la Cour internationale de Justice. Aujourd'hui, la CIJ vient de rendre un arrêt sur sa compétence par rapport à la Convention de Montréal. Cette décision replace l'affaire entre les mains de l'autorité qui est la mieux placée pour en connaître. L'arrêt de la Cour est de nature juridique alors que les résolutions du Conseil de sécurité sont elles de nature politique. On aurait pu s'attendre à ce que le Conseil de sécurité tienne compte de l'avis de la Cour qui précisément a qualifié l'affaire de juridique. L'arrêt de la Cour exige logiquement que le Conseil envisage la suspension des sanctions jusqu'à ce que la Cour statue sur le fond. Avant même l'arrêt, 21 lettres ont été adressées au Conseil de sécurité par les organisations régionales et internationales. Ces dernières proposent aujourd'hui de faire juger les deux suspects dans un pays nature désigné par le Conseil; de les faire juger par des juges écossais en vertu du droit écossais; ou d'établir un tribunal pénal spécial à la Haye afin de juger les deux suspects. Ces propositions aideront à faire la vérité sur l'affaire. Le Bahrain appelle le Conseil a réexaminer les sanctions imposées à la lumière des nouvelles donnes. Le Conseil doit agir en suspendant les sanctions jusqu'à ce qu'une décision définitive soit prise. Il est, par ailleurs, difficile d'approuver la procédure du Comité des sanctions qui examine les demandes au cas par cas en ce qui concerne le trafic aérien relatif aux pèlerinages à la Mecque ou aux déplacements des malades.

M. ISASHI OWADA (Japon), s'est félicité de la décision de tenir aujourd'hui ce débat. Le 21 décembre 1998, le vol 103 de la PAN AM a explosé en plein vol au-dessus de Lockerbie et peu de temps après cette tragédie, le vol 772 d'UTA subissait le même sort, causant au total plus de 400 victimes. Le gouvernement japonais a appelé le gouvernement libyen à la coopération, en particulier après l'adoption de la résolution 831 du Conseil de sécurité. Il est indispensable de traduire en justice les suspects afin de parvenir à un règlement équitable. Les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité ont invité tous les Etats Membres à coopérer en vue de l'arrestation des suspects des attentats perpétrés contre les vols 103 de la PAN AM et 772 d'UTA. Le

Japon souhaite que les autorités libyennes qui ont répondu aux demandes de coopération concernant le vol d'UTA, le Japon souhaite que la Libye en fera autant pour le vol 103 de la PAN AM. La délégation japonaise se félicite que le Comité des sanctions a décidé récemment de continuer à examiner les demandes d'autorisations de vols libyens à des fins humanitaires, en particulier pour assurer le pèlerinage à La Mecque. Concernant les arrêts que la CIJ vient de rendre, M. Owada a précisé que la Cour ne s'est pas prononcé sur les mérites de la requête de la Libye. Les arrêts ont une nature purement procédurale. Il a souhaité que la pleine coopération de la Libye permette la levée des sanctions.

M. DANILO TURK (Slovénie) a regretté que les auteurs du crime horrible de Lockerbie n'aient pas été traduits en justice. Il s'est félicité de ce que le Conseil ait exprimé sa détermination à éliminer le terrorisme international dont l'affaire de Lockerbie représente une des manifestations les plus effroyables. Le Conseil doit envoyer un message et montrer qu'il ne saurait relâcher ses efforts tant que le terrorisme ne sera pas éliminé et que les auteurs ne seront pas traduits en justice. Conscient des différentes interprétations données aux décisions de la Cour internationale de justice, le représentant a souligné que du point de vue du droit, ces décisions ne sauraient constituer une étape finale étant donné que seul compte l'arrêt sur le fond de l'affaire. Il faut se rappeler que selon la jurisprudence de la Cour, elle ne s'est jamais désaisie d'une affaire au motif de sa porté politique. Illustrant ses propos par plusieurs exemples, le représentant a souligné l'inexistence de conflits de compétence. La Cour avait agi conformément à la séparation des pouvoirs, lorsqu'en 1992, elle avait rejeté la requête de la Libye concernant les mesures provisoires. En imposant des sanctions, le Conseil a employé un instrument de politique qui fait de plus en plus l'objet de critiques. Il faut souligner la nécessité de doter les régimes de sanctions de mécanismes permettant de prévenir leur impact négatif sur les situations humanitaires. Le Comité des sanctions a déployé des efforts en ce sens, a affirmé le représentant.

M. HANS DAHLGREN (Suède) a réaffirmé que le terrorisme international constitue une menace non seulement aux vies humaines, mais également à la paix et à la sécurité internationales. Il a souligné qu'il ne faudrait jamais oublier les victimes de l'attentat perpétré contre le vol 103 de la PAN AM et contre le vol 772 d'UTA. Au nom de son gouvernement, M. Dahlgren a exprimé sa profonde sympathie à leurs familles, dont certaines sont ici présentes aujourd'hui. Parmi les victimes, figuraient trois ressortissants suédois. La Suède a donc un intérêt particulier à faire établir la vérité et la justice sur cette affaire. Une des victimes était au service des Nations Unies. Les sanctions imposées à la Libye demeurent en vigueur en tant que conséquence du refus continu par le gouvernement libyen de coopérer pleinement avec les efforts visant à établir la vérité et rendre la justice, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. En outre, la Libye ne s'est pas conformée aux exigences du Conseil de sécurité visant à remettre à la justice les deux suspects de l'affaire de Lockerbie. Dans ce contexte, la délégation suédoise note l'évaluation positive faite récemment par les experts juridiques indépendants désignés par le Secrétaire général sur les possibilités de garantir aux deux suspects un procès juste en Ecosse. Le Royaume-Uni a même assuré que des observateurs internationaux seraient admis au procès.

Le représentant a estimé que les conséquences négatives des sanctions sur la situation humanitaire devraient toujours être réduites au maximum. Dans le cas de la Libye, les sanctions visent à éviter toute incidence humanitaire sur la population libyenne. Le Comité des sanctions a récemment réitéré sa volonté de continuer à examiner les demandes d'autorisation pour les vols à des fins humanitaires, y compris pour le pèlerinage à la Mecque.

M. CESLO LUIZ NUNES AMORIN (Brésil) a déclaré qu'en saisissant le Conseil de sécurité, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ont montré leur foi dans les institutions multilatérales et confié à l'ONU la recherche d'une solution généralement acceptable. Le 27 février, la Cour internationale de Justice a décidé de sa compétence dans l'application de la Convention de Montréal. Il ne serait pas sage, à ce stade, de spéculer sur l'arrêt définitif que doit rendre la Cour. Cet arrêt constituera un élément important que le Conseil devra prendre en compte dans toutes ses décisions relatives à la Libye. La justice doit être rendue et la punition des coupables ainsi que le paiement de compensations aux victimes ou aux familles des victimes devraient mettre fin à l'affaire. Le représentant a en outre souhaité que le Conseil de sécurité suive la question de l'impact des sanctions sur les populations sur une base plus régulière. Il est important que l'Etat frappé par des sanctions puisse être en mesure de connaître précisément à quel moment ces dernières pourront être levées.

M. DENIS DANGUE REWAKA (Gabon) a indiqué que les enquêtes diligentées après l'explosion du Boeing 747 de la compagnie PAN AM survenue le 21 décembre 1988, ont conclu à l'origine terroriste de cet accident et ont conduit à l'identification de deux suspects qui seraient de nationalité libyenne. Le Gabon a fermement condamné cet acte odieux et a réaffirmé la nécessité de lutter contre toutes les formes de terrorisme. Le Conseil de sécurité, a rappelé le représentant, a été amené à prendre et à imposer des sanctions contre la Libye. Malgré la fermeté dont le Conseil a fait preuve, force est de reconnaître que les franges les plus vulnérables de la population libyenne ont été plus pénalisées que les responsables supposés de l'acte incriminé, ce que confirme, entre autres, le rapport de la mission d'enquête dépêchée en Libye par le Secrétaire général. Les familles des victimes attendent impatiemment que justice soit rendue et que réparation soit faite, a poursuivi le Représentant. Le statu quo ne sert ni leur légitimes attentes ni l'intérêt de la justice. Le moment est donc venu pour trouver une solution pacifique et définitive à cette crise. Les options présentées conjointement par l'OUA et la Ligue des Etats arabes, à savoir que les suspects soient jugés dans un pays tiers et neutre choisi par le Conseil de sécurité; que les suspects soient jugés par des juges écossais à la Cour internationale de justice à la Haye, conformément au droit écossais; que soit établi un Tribunal pénal spécial au siège de la Cour international de justice à la Haye pour juger les suspects.

M. ALAIN DEJAMMET (France) a affirmé que le débat de ce jour était utile parce que, après tant d'années, il conduit à se rappeler les faits qui sont à l'origine des décisions du Conseil, c'est-à-dire l'assassinat délibéré de 440 personnes choisies par hasard. M. Dejammet a déclaré que le terrorisme était une arme cruelle, et que la France, qui en a souvent été victime, le combattra sans répit.

M. Dejammet a rappelé que le Gouvernement français estime au total que la coopération judiciaire avec la Libye a permis de réaliser des progrès pour

rétablir la vérité dans l'affaire du vol UTA 772 mais que l'affaire du vol Pan-Am 103 n'a malheureusement pas connu de tels développements. Conformément aux résolutions, les suspects de cet attentat doivent comparaître devant un tribunal américain ou britannique compétent. Cette exigence n'a toujours pas été satisfaite, et la France, conformément à la lettre tripartite du 20 décembre 1991, attend de la Libye qu'elle satisfasse aux demandes qui lui ont été faites.

Le Gouvernement français a pris connaissance des deux décisions que la Cour internationale de Justice a rendues sur l'affaire de Lockerbie. M. Dejammet, rappelant que la Cour, constituant l'organe judiciaire principal des Nations Unies, il est normal qu'elle se soit prononcé sur les requêtes qui lui ont été soumises. La France constate néanmoins que ces décisions sont essentiellement de procédure et n'affectent pas les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.

La France observe que, depuis quelques années, un certain nombre d'Etats et d'organisations régionales ont pris l'initiative d'avancer des propositions destinées à sortir de l'impasse actuelle dans le dossier de Lockerbie. Elle estime que ces Etats et organisations ont agi de bonne foi, avec la volonté sincère que justice soit faite dans cette affaire. Elle note que le Gouvernement libyen a officiellement accepté certaines de ces propositions. M. Dejammet a déclaré que les Etats doivent appliquer pleinement et sans délai les résolutions du Conseil de sécurité et la Libye doit se conformer aux exigences formulées par le Conseil. Selon lui, pour sortir de l'impasse, toute proposition compatible avec les résolutions et acceptable par les Gouvernements les plus directement concernés mérite examen. D'ici là, le Gouvernement français entend être attentif aux conséquences humanitaires des sanctions en vigueur. Au Conseil de sécurité comme au Comité des sanctions, la France agit pour que le régime des exemptions soit appliqué avec générosité et efficacité et M. Dejammet a estimé que, à la lecture du rapport de M. Petrovsky et de la lettre adressée le 19 janvier par la Libye au Comité des sanctions, de nouvelles exemptions pourraient être examinées dans un esprit positif. M. Dejammet a noté enfin, que ce débat n'avait pas pour objectif de débattre du maintien ou non des sanctions, mais plutôt d'entendre la voix des Etats membres en vue de se rapprocher d'un dénouement juste et digne d'appui et d'intérêt.

M. JOHN WESTON (Royaume-Uni) a déclaré que le règlement de la question du respect des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité se trouve entre les mains de la Libye. Sa délégation exprime un grand respect pour l'Organisation de l'unité africaine (OUA) et pour la Ligue des Etats arabes. Elle comprend les pressions de solidarité régionale. Toutefois, le Royaume- Uni espère que ces organisations ne seront pas utilisées pour affaiblir la validité des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, et que leur influence pourra être exercée pour amener la Libye à reconnaître le droit international et la justice dans l'intérêt des familles. Comme l'a souligné le Président Mandela, il faut respecter les Nations Unies. En faisant une exception pour la Libye, on affaiblirait le rôle et l'autorité des Nations Unies.

M. Weston a rappelé que la Libye a formellement déclaré qu'elle n'émettait aucune réserve quant à la justice équitable des juridictions écossaises. La télévision et le cirque organisé par la presse ne sont pas

admis dans les cours et tribunaux écossais. Il existe des règles strictes en matière de publicité mensongère et d'outrage à la justice dans le système juridique écossais. Les experts juridiques indépendants désignés par le Secrétaire général pour effectuer une mission en Ecosse ont conclu clairement que le système juridique écossais était juste et indépendant. Contrairement à l'argumentation de la Libye, les droits de la défense seront garantis. Le Gouvernement britannique se déclare favorable à la présence d'observateurs internationaux, des Nations Unies, de l'OUA, de la Ligue des Etats arabes et bien entendu de la Libye à un procès en Ecosse. M. Weston a estimé que la voie la plus rapide et la plus équitable pour rendre la justice est celle d'une juridiction écossaise.

S'agissant des sanctions, M. Weston a rappelé que les sanctions imposées par les résolutions 748 et 883 du Conseil de sécurité ont été bien ciblées pour réduire leurs incidences sur la population libyenne. Les importations et exportations libyennes n'ont pas été affectées pour une très large part, y compris les médicaments et les fournitures humanitaires. La production de pétrole a atteint en moyenne, en 1997, 1,42 million de barils par jour, soit une augmentation de 20 000 barils par jour par rapport à 1996. La Libye a un des PNB les plus élevés sur le continent africain. La Libye n'utilise pas les mécanismes nécessaires pour répondre aux situations humanitaires d'urgence. Le Comité des sanctions a récemment décidé de continuer à examiner les demandes d'autorisation des vols libyens à des fins humanitaires.

Se référant aux arrêts que la CIJ vient de rendre à la suite des requêtes libyennes, M. Weston a souligné que ces décisions ne portent nullement sur les mérites des requêtes. Elles ne constituent qu'une étape de la procédure suivie par la Cour. Le Royaume-Uni argue devant la Cour que cette question est régie par les résolutions 731, 748 et 883 du Conseil de sécurité, qui obligent la Libye à remettre les suspects à la justice, soit devant une juridiction compétente des Etats-Unis, soit devant une juridiction compétente écossaise. Soulignant la nature contraignante des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, le Royaume-Uni présentera énergiquement son argumentation lorsque la CIJ examinera l'affaire au fond. Les résolutions ne sont nullement affectées par les arrêts rendus dans le cadre de la phase préliminaire et demeurent pleinement en vigueur.

M. SEDAT JOBE, Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères de la Gambie, a déclaré que, guidée par la règle de droit et l'esprit de compromis et de coopération, l'Organisation de l'unité africaine (OUA), en collaboration avec la Ligue des Etats arabes et le Mouvement des pays non alignés, a travaillé à différentes options pour trouver une solution acceptable pour tous à la question du procès des deux suspects dans l'affaire de Lockerbie. Pour l'OUA, le procès pourrait se tenir dans un pays tiers neutre que le Conseil aura à déterminer. Les deux suspects pourraient être jugés par des juges écossais à la Cour internationale de justice en vertu du droit écossais. Il conviendrait également d'établir un tribunal pénal spécial au Siège de la CIJ. Il est clair que si la Libye n'avait pas montré sa volonté de coopérer, l'OUA et les autres organisations internationales n'auraient pu proposer un train de mesures aussi pratique et constructif. Les arrêts rendus par la Cour le 27 février dernier apporte un nouvel élément et une nouvelle chance pour la justice écossaise de se montrer sous son meilleur jour conformément à la plus fine tradition du système judiciaire britannique.

L'appel en faveur d'un procès sur une terre neutre ne vise qu'à assurer une plus grande impartialité et une plus grande neutralité et ne diminue en rien la foi en la justice écossaise. La Gambie craint qu'en insistant trop lourdement sur le déroulement du procès en Ecosse l'on ne contribue en rien à débloquer la situation. La chose la plus importante est qu'il n'y ait pas de compromis sur l'obligation de juger les suspects. Venant à la question des sanctions, le représentant a souligné que les aspects humanitaires et religieux constituent généralement des cas d'exceptions. Dans ce contexte, la Gambie croit fermement que des questions aussi urgentes que l'évacuation des malades ou le remplacement d'avions à usage médical ne devraient pas rencontrer de difficulté au Conseil de sécurité.

M. HUSSEIN HASSOUNA, Ligue des Etats arabes, a rappelé que depuis sa création, la Ligue aide ses Etats membres à sauvegarder leur souveraineté. Elle contribue également au règlement pacifique des différends. La Ligue déploie des efforts considérables en vue de trouver une solution appropriée à la crise à l'ordre du jour du Conseil. En mars 1992, la Ligue a constitué un Comité ministériel pour examiner cette question. Trois solutions ont été proposées, à savoir un procès soit dans un pays tiers et neutre, soit à la CIJ, soit encore devant une cour pénale ad hoc établie au Siège de la CIJ, à La Haye. Le représentant a déclaré que les objectifs des organisations régionales sont un règlement équitable pour toutes les parties concernées et dans l'intérêt des familles des victimes. Le Conseil de sécurité a pris note d'un rapport sur la situation humanitaire résultant de l'application des sanctions imposées par le Conseil de sécurité. Les conséquences négatives des sanctions affectent d'autres pays de la région et menacent leur stabilité. La décision du Conseil de sécurité de maintenir les sanctions à l'encontre de la Libye a été prise le 6 mars 1998, en dépit des arrêts que la Cour internationale de justice a rendus en février 1998. La Cour a reconnu que le différend qui oppose la Libye au Royaume-Uni et aux Etats-Unis est un différend en vertu de la Convention de Montréal sur la répression des actes illicites perpétrés contre des aéronefs. La Ligue des Etats arabes invite le Conseil de sécurité à suspendre l'application de ses résolutions 748 et 883. Le représentant a émis l'espoir que le Conseil de sécurité explorera tous les moyens visant à trouver un règlement juste et acceptable du problème fondé sur le droit des différends internationaux.

M. AMADOU KEBE, Organisation de l'unité africaine (OUA), a rappelé que lors de la Conférence des Chefs d'Etats et de Gouvernement de l'OUA qui s'est tenue en juin dernier, l'Organisation avait soutenu l'initiative présentée par la Ligue des Etats arabes, le Mouvement des Pays Non Alignés et l'Organisation de la Conférence Islamique préconisant la tenue d'un procès des deux suspects libyens par des juges écossais et selon la loi écossaise au siège de la Cour internationale de justice. L'OUA, qui a constamment été et continue d'être ferme dans sa condamnation du terrorisme et de tous les actes de terrorisme, est convaincue qu'un règlement rapide et juste de ce différend, conformément au droit international, permettra d'aboutir à la justice. La logique constamment observée par l'OUA sur cette question trouve son fondement dans le principe du règlement pacifique des différends. Le représentant a plaidé en faveur du règlement rapide du conflit et de la levée des sanctions imposées contre le peuple libyen.

Il a expliqué que les trois options que l'OUA et la Ligue des Etats arabes soumettent au Conseil de sécurité, bénéficient du soutien du Groupe des

Etats non alignés et témoignent de la disponibilité et de l'ouverture de la Jamahiriya arabe libyenne pour la recherche d'un règlement pacifique à ce différend. Il appartiendra donc au Conseil de choisir une des trois options suivantes, à savoir la tenue d'un procès des deux suspects dans un pays tiers et neutre à désigner par le Conseil de sécurité; faire juger les deux suspects au siège de la Cour internationale de justice (CIJ) à la Haye selon la loi écossaise et par des juges écossais; mettre sur pied un Tribunal Pénal Spécial pour juger les deux suspects à la Haye au siège de la CIJ. La Jamahiriya arabe libyenne a accepté de bonne foi les trois options même si actuellement certains Etats Membres insistent sur leur droit souverain à juger leurs ressortissants qui sont accusés de crimes commis sur le territoire d'un autre Etat. Nous attendons que le Conseil s'attache en priorité à établir la vérité ce qui rendrait justice aux familles des victimes du vol 103 de la Pan Am et aux victimes libyennes des sanctions décrétées par le Conseil. La communauté internationale doit veiller à ce que justice soit rendue aux familles des victimes et au peuple libyen, et le Conseil doit veiller à ce qu'il en soit ainsi.

M. MAHAMADOU ABOU, (Organisation de la Conférence Islamique (OCI)) a noté que le différend qui oppose certains pays et la Jamahiriya arabe Libyenne demeure une préoccupation constante pour l'OCI qui demeure convaincue de la nécessité de parvenir rapidement à un règlement qui permette une levée immédiate de l'embargo imposé à la Libye. l'OCI est préoccupée par les souffrances et les préjudices matériels et humains subis par le peuple libyen et les peuples voisins à cause des sanctions découlant de l'application des résolutions 748/92 et 883/93 du Conseil de sécurité. M. Abou a souligné que le peuple libyen est atteint dans sa dignité et ressent l'injustice de cette punition collective, d'autant plus qu'aucune juridiction n'a encore établit sa culpabilité sous quelque forme que ce soit. Par conséquent, la présomption d'innocence, règle d'or de toute justice, semblait ignorée dans ce cas. Il a noté que la Libye a fait montre d'une flexibilité remarquable et d'un désir de coopération sincère, notamment en avançant à maintes reprises des propositions honorables pour régler la question. Le rejet de ces propositions est à son avis dommageable pour la paix et la sécurité internationale.

M. Abou a souligné que la communauté internationale est totalement mobilisée derrière la Libye comme en témoignent notamment la motion finale sur cette question adoptée par la Conférence ministérielle des pays non alignés de New Delhi, la Déclaration du 33ème Sommet de l'OUA à Hararé, la résolution de la 108ème session du Conseil des ministres de la Ligue des Etats arabes du Caire et les résolutions pertinentes et déclarations de l'OCI. Cette mobilisation de la communauté internationale est renforcée, selon lui, par la décision récente prise par la Cour internationale de Justice. Cette décision exprime, selon M. Abou, le sentiment de la communauté internationale que cette affaire peut et doit trouver une solution raisonnable devant les instances appropriées et loin de toute surenchère, une solution conforme au droit international et respectant la souveraineté et la dignité de la Libye. Aujourd'hui, a déclaré M. Abou, la situation nouvelle créée par la décision de la Cour et les positions exprimées par les différents fora internationaux font que la seule action qui soit digne d'être prise pour rester en accord avec l'esprit des arrêts de la Cour internationale de Justice, est la suspension de l'embargo aérien.

M. JOHN WESTON (Royaume-Uni), au nom de l'Union européenne, a regretté profondément que plus de neuf ans après l'attentat de Lockerbie qui a causé la mort de 270 personnes et six ans et demi après le dépôt des plaintes, les suspects n'aient toujours pas été traduits devant les tribunaux. L'Union européenne appelle le gouvernement libyen à se conformer pleinement aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, en particulier pour assurer la comparution des deux suspects dans l'attentat contre le vol 103 de la PAN AM devant une juridiction compétente britannique ou américaine, comme le prévoit la résolution 883 du Conseil de sécurité. Se félicitant du rapport établi par les experts juridiques indépendants désignés par le Secrétaire général, M. Weston a estimé que leurs conclusions montrent clairement que le système judiciaire écossais est juste et indépendant, que dans ce cas particulier les deux suspects bénéficieront d'un jugement équitable en Ecosse et que leurs droits seront pleinement garantis. L'Union européenne se félicite également de la proposition formulée par le Royaume-Uni visant à assurer la participation d'observateurs internationaux au procès. Elle se félicite en outre de la décision du Comité des sanctions de poursuivre l'examen des demandes d'exemption à des fins humanitaires qui seront présentées par la Libye.

Concernant les arrêts rendus récemment par la Cour internationale de justice, l'Union européenne note que ces décisions n'ont qu'un caractère procédural, et que la Cour se penchera sur une argumentation plus complète quant au fond avant de rendre un arrêt définitif. La Cour ne s'est pas prononcée sur les mérites de la requête de la Libye concernant l'application de la Convention de Montréal. Ces décisions n'affectent pas non plus les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, qui demeurent en vigueur. La Libye est tenue de respecter ces résolutions, ainsi que la Charte des Nations Unies. S'agissant de l'attentat perpétré contre le vol 772 d'UTA, qui avait causé la mort de 170 personnes, l'Union européenne note que la coopération avec les autorités judiciaires françaises a finalement satisfait la plupart des demandes françaises. Cette coopération a permis au juge d'instruction de réaliser des progrès considérables en lui donnant la possibilité de délivrer deux mandats d'arrêt supplémentaires contre les suspects, et de clore le dossier de l'enquête. Elle a ouvert la voie au procès par contumace des six suspects, comme l'autorise le droit français. L'Union européenne note qu'en dépit de la déclaration faite par la Libye qu'elle n'appuie plus le terrorisme et qu'elle a pris des mesures visant à le combattre, le non respect des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité continue de constituer un obstacle grave au développement de ses relations avec la communauté internationale. Lorsque la Libye s'acquittera de ses obligations en vertu des résolutions 731, 748 et 883 du Conseil de sécurité, les sanctions seront levées, a déclaré M. Weston.

M. MOCTAR OUANE (Mali), Président du Groupe des Etats d'Afrique, a souligné que l'OUA a déployé d'importants efforts visant à promouvoir une solution pacifique et durable à la crise. A cet égard, les Conférences des ministres Affaires étrangères et les Sommets de l'OUA ont adopté des résolutions pour exprimer leur appréciation des efforts et des initiatives positives de la Libye en vue de régler la crise dans le respect de sa souveraineté et de la légalité internationale. Ces instances ont également souligné leur appréciation positive de l'attitude constante de la Libye pour résoudre le différend par des moyens pacifiques. Les résolutions de l'OUA ont en outre invité le Conseil à réviser ses résolutions dans le sens de la levée

des sanctions imposées à la Libye. Elles ont également invité toutes les parties à entamer des négociations en vue de parvenir à une solution négociée du différend, conformément à l'article 33 de la Charte qui invite à la solution des différends par voie de négociation, de médiation, de règlement judiciaire conformément aux règles du droit international.

Faisant état des propositions contenues dans la Déclaration d'Harare du 4 juin 1997 faite par les Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'OUA, le représentant a rappelé que le 27 février 1998, la Cour internationale de justice a rendu deux jugements au sujet du différend opposant la Libye aux Etats-Unis et au Royaume-Uni et susceptibles, selon lui, de frayer le chemin au règlement définitif de l'affaire Lockerbie sur des bases juridiques certaines. Les jugements de la Cour, a-t-il estimé, ont confirmé la juste position africaine invitant à la solution du conflit par les voies pacifiques et juridiques fondée sur le droit international et la Charte des Nations Unies. Au regard des jugements de la Cour, le Groupe des Etats d'Afrique estime qu'il n'y a plus de raison pour le Conseil de sécurité de maintenir les sanctions imposées au peuple libyen. Donnant son interprétation de l' arrêt de la Cour, le représentant a indiqué que le Groupe des Etats d'Afrique invite le Conseil de sécurité à répondre favorablement aux demandes libyennes. Dans le même ordre d'idées, le Groupe estime qu'il faut suspendre l'application des résolutions du Conseil de sécurité relatives aux sanctions imposées à la Libye, y compris l'embargo aérien, la représentation diplomatique réduite et le gel des avoirs en attendant que la Cour tranche la question de fond.

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