En cours au Siège de l'ONU

CS/902

LE CONSEIL DE SECURITE DEMANDE A LA CROATIE DE DEMONTRER PAR SES ACTES SA VOLONTE DE S'ACQUITTER DE SES OBLIGATIONS EN SLAVONIE ORIENTALE

6 mars 1998


Communiqué de Presse
CS/902


LE CONSEIL DE SECURITE DEMANDE A LA CROATIE DE DEMONTRER PAR SES ACTES SA VOLONTE DE S'ACQUITTER DE SES OBLIGATIONS EN SLAVONIE ORIENTALE

19980306 Le Gouvernement croate est prié de créer rapidement les conditions nécessaires pour permettre aux Serbes locaux de demeurer dans la région

A l'issue de consultations sur la situation en Croatie, le Président du Conseil de sécurité, M. Momodou Lamin Sedat Jobe, Ministre des affaires étrangères de la Gambie, a fait la déclaration suivante, au nom des membres du Conseil :

Le Conseil de sécurité se déclare préoccupé par le fait que le Gouvernement croate ne s'acquitte pas des obligations qu'il a contractées aux termes de l'Accord fondamental concernant la région de la Slavonie orientale, de la Baranja et du Srem occidental (S/1995/951), de sa lettre du 13 janvier 1997 (S/1997/27, annexe) et de l'accord qu'il a conclu le 23 avril 1997 avec l'Administration transitoire des Nations Unies pour la Slavonie orientale, la Baranja et le Srem occidental (ATNUSO) et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) touchant le retour des réfugiés et des personnes déplacées. Le Conseil note que la situation d'ensemble sur le plan de la sécurité dans la région du Danube reste relativement stable, mais il s'inquiète en particulier de la multiplication des actes de harcèlement et d'intimidation dont la communauté serbe de la région fait l'objet et du fait que le Gouvernement croate n'assure pas l'application effective du processus de réconciliation nationale au niveau local. Cette situation préoccupante, s'ajoutant aux déclarations récentes des autorités croates, amène à douter de la volonté qu'aurait la République de Croatie de faire des Serbes de souche et des personnes appartenant à d'autres minorités des membres à part entière, en toute égalité, de la société croate.

Le Conseil, rappelant la déclaration de son Président en date du 13 février 1998 (S/PRST/1998/3) et ayant pris note de la lettre du Représentant permanent de la République de Croatie datée du 5 mars 1998 (S/1998/197), demande au Gouvernement croate de réaffirmer publiquement et de démontrer par ses actes sa volonté de s'acquitter pleinement des obligations qu'il a contractées aux termes de l'Accord fondamental et des autres accords, au moyen notamment de progrès à tous les niveaux en ce qui concerne la

- 2 - CS/902 6 mars 1998

réconciliation nationale. Il demande en particulier au Gouvernement croate de prendre rapidement des dispositions résolues en vue d'assurer la sécurité et le respect des droits de tous les citoyens croates ainsi que de redonner confiance à la communauté serbe dans toute la Croatie, notamment en finançant le Conseil conjoint des municipalités comme il s'est engagé à le faire. Ces dispositions pourraient comprendre des mesures visant à créer les conditions nécessaires pour permettre aux Serbes locaux de demeurer dans la région, à faciliter le retour des réfugiés et des personnes déplacées et à régler les questions d'ordre pratique et économique qui font obstacle aux retours. Le Conseil demande au Gouvernement croate d'établir des procédures clairement définies concernant la délivrance de documents d'identité aux réfugiés de Croatie, de mettre en place un plan équitable pour les retours dans les deux sens à l'échelon national, d'appliquer pleinement et équitablement sa loi d'amnistie, de promulguer rapidement des lois sur les droits de propriété et les droits des anciens locataires qui soient équitables et aient pour effet d'encourager les retours et de susciter une aide internationale accrue à la reconstruction, d'assurer l'adoption de pratiques équitables en matière d'emploi et l'égalité des chances sur le plan de l'activité économique, ainsi que de veiller à la primauté du droit sur une base non discriminatoire.

Le Conseil reconnaît que, depuis la fin du mandat de l'ATNUSO, le comportement de la police croate a été généralement satisfaisant et, dans ce contexte, félicite le groupe d'appui de la police civile pour son travail et lui exprime son soutien. Il note cependant que la population ne fait guère confiance à la police. Il demande au Gouvernement croate de prendre des mesures, notamment par une action d'information et une action préventive de la police, afin d'accroître la confiance accordée à la police grâce à un programme plus vaste de mesures visant à prévenir la criminalité fondée sur des motifs ethniques et à assurer la protection et l'égalité de traitement de tous les citoyens croates, quelle que soit leur appartenance ethnique.

Le Conseil souligne que, l'ATNUSO ayant achevé sa mission, la responsabilité de la pleine réintégration de la région du Danube incombe clairement au Gouvernement croate. L'Organisation des Nations Unies, agissant en étroite coopération avec l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), continuera de suivre la situation et de rappeler le Gouvernement croate à ses obligations.

Pour l'examen de cette déclaration, le Conseil de sécurité était saisi d'une lettre, en date du 3 mars 1998, adressée à son Président par laquelle le Représentant permanent de la Croatie auprès des Nations Unies transmet un exposé préparé par son gouvernement sur la situation en Slavonie orientale. Le Conseil était également saisi d'une lettre du Chargé d'affaires par intérim de la Mission permanente de la Yougoslavie auprès de l'Organisation des Nations Unies, en date du 26 février 1998, par laquelle ce dernier fait tenir au Président du Conseil le texte d'un Aide-mémoire publié le 25 février par le Ministère fédéral des affaires étrangères de la République fédérale de Yougoslavie.

- 3 - CS/902 6 mars 1998

Documentation

Le Conseil de sécurité était saisi pour l'examen de cette question d'une lettre adressée à son Président par le Représentant permanent de la Croatie auprès des Nations Unies (S/1998/197) qui contient en annexe un exposé préparé par la Croatie sur la situation dans la région croate de la Slavonie orientale. Dans son exposé, le Représentant permanent indique que malgré quelques problèmes spécifiques, la réintégration dans la région a été, contre toute attente, une grande réussite que l'on doit à une coopération fructueuse entre la Croatie, les Nations Unies et la communauté internationale. Pourtant, les prévisions n'étaient guère optimistes.

Depuis qu'elle a assumé le 16 janvier l'autorité exécutive, la Croatie a poursuivi ses activités de réintégration, principalement dans le cadre du programme institué par le Conseil national de réconciliation, seul programme de ce type dans la région. La réunion publique du Conseil tenue le 26 février à Knin est un exemple des résultats et de l'évolution satisfaisants, ainsi que des plans pour l'avenir. La Croatie a par ailleurs entrepris de refondre la législation applicable au logement et à la propriété privée, de manière à accélérer les retours dans les deux sens. Ces modifications seront annoncées prochainement. Plus de 31 000 Serbes de souche sont rentrés jusqu'à présent, dont 12 000 de la région et 19 000 de la République fédérale de Yougoslavie et de Bosnie-Herzégovine. La Croatie est la seule partie de la région à enregistrer un nombre appréciable de retours de personne précédemment liées aux forces d'occupation et aux rebelles.

Les dirigeants croates, notamment le Président et le Premier Ministre, s'emploient à rassurer les Serbes de souche sur la place qui leur revient de droit dans la société croate. La réintégration connaîtra encore des hauts et des bas, mais globalement les résultats sont positifs. L'oeuvre du Conseil national de réconciliation témoigne de l'évolution en ce sens, de même, à présent que le travail de la police croate dans la région. Pendant la période où la communauté internationale a exercé l'autorité exécutive dans la région, ces deux dernières années, en prenant des mesures extrêmes pour la protection de la population locale, près de 40 000 personnes précédemment liées aux forces d'occupation et aux rebelles n'en ont pas moins quitté la région pour s'installer dans d'autres pays.

Lorsque la Croatie a repris l'autorité exécutive, il y a six semaines, la communauté internationale notait deux domaines de préoccupation d'une importance cruciale pour le succès continu de la réintégration : le redressement économique et l'activité de la police locale. Pour cette dernière, la réussite est acquise : quant au premier, c'est toujours une cause essentielle des problèmes de la région. La communauté internationale qui a consenti des investissements politiques énormes dans la région, y reste présente par l'intermédiaire du groupe d'appui de l'ONU, ainsi que des dispositifs régionaux de surveillance et de redressement, notamment ceux de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et du

- 4 - CS/902 6 mars 1998

Conseil de l'Europe. Toutefois, la surveillance ne permettra pas à elle seule de résoudre le principal problème de la région. C'est la reconstruction des logements et de l'appareil de production, c'est la création d'emplois, c'est le déminage, qui sont les clefs de l'avenir. Une conférence internationale pour la reconstruction et le développement doit se tenir pour cela en mai.

La Croatie accepte pleinement ses obligations à l'égard de la région. Elle demeure déterminée à réintégrer entièrement dans la société les Serbes de souche qui ont récemment accepté les droits et les responsabilités s'attachant à la qualité de ressortissant croate, et à protéger leur statut d'égalité en tant que ressortissants et leurs droits de minorité. La Croatie demeure également déterminée à poursuivre sa politique bien établie de coopération internationale à cet égard.

Aide-mémoire publié le 25 février 1998 par le Ministère fédéral des affaires étrangères de la république fédérale de Yougoslavie (S/1998/161).

Depuis l'expiration du mandat de l'ATNUSO, le 15 janvier 1998, des événement préoccupants continuent de se produire dans la région de la Slavonie orientale, de la Baranja et du Srem occidental, entraînant un exode plus massif que jamais des Serbes et compromettant les résultats de la mission des Nations Unies. Le gouvernement de Croatie ne s'est pas montré disposé à respecter pleinement l'Accord fondamental (Accord d'Erdut), qui garantit aux Serbes la jouissance de leurs droits, ni les engagements qu'il a pris dans sa déclaration d'intention du 13 janvier 1997. Les Serbes continuent de faire l'objet de diverses formes de discrimination, de pressions, d'intimidations, de campagnes médiatiques hostiles, de licenciements sans préavis et se voient dénier leurs droits en matière de propriété, d'éducation, d'identité culturelle et d'autres droits encore. Cette situation, source d'inégalités et d'incertitudes, conduit de plus en plus de Serbes à quitter la région. Au cours des 40 derniers jours seulement, 5 000 Serbes sont partis en République fédérale de Yougoslavie, en Republika Srpska, en Norvège, au Royaume-Uni ou au Canada. L'exode forcé des Serbes se poursuit à un rythme soutenu et pourrait bientôt prendre la forme d'un nettoyage ethnique, remettant en cause le caractère pluriethnique de la région.

L'Aide-mémoire indique que même si le décret du 2 janvier 1998 sur la locations d'appartements a été abrogé, la loi qui empêche les Serbes de se réinstaller dans les appartements qu'ils louaient avant 1991 reste en vigueur. Ce n'est pas le seul cas où une décision discriminatoire conduisant à l'exode de Serbes a été adoptée, puis abrogée ou amendée seulement après qu'elle a eu produit ses méfaits. Par ailleurs, la Croatie n'a pas encore déterminé le statut du Conseil conjoint des municipalités en dépit des dispositions explicites de l'Accord d'Erdut.

* *** *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.