En cours au Siège de l'ONU

FEM/999

LA FIN DE LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES VIENDRA DE LEUR ACCES A LA JUSTICE ET DE LEUR CONFIANCE RENFORCEE DANS LE SYSTEME JUDICIAIRE

5 mars 1998


Communiqué de Presse
FEM/999


LA FIN DE LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES VIENDRA DE LEUR ACCES A LA JUSTICE ET DE LEUR CONFIANCE RENFORCEE DANS LE SYSTEME JUDICIAIRE

19980305 La Commission de la condition de la femme tient une table ronde sur le thème de la violence contre les femmes

Dans le cadre de l'examen du suivi de la Conférence de Beijing, la Commission de la condition de la femme a organisé cet après-midi sa quatrième et dernière table ronde sur la réalisation des objectifs stratégiques et les mesures à prendre dans les domaines critiques. La table ronde portait aujourd'hui sur la violence contre les femmes. La Commission a d'abord entendu les exposés des expertes suivantes : Mme Barbara Prammer, Ministre fédéral des affaires féminines et de la protection du consommateur de l'Autriche; Mme Bonnie Campbell, Chef du Bureau de la violence contre les femmes du Ministère de la justice des Etats-Unis; Mme Lisbeth Guevara, Professeur de droit et membre de la Commission contre la violence domestique du Conseil national des femmes du Venezuela; et Mme Radhika Coomaraswamy, Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies.

Au cours du dialogue qui a suivi, les délégations ont souligné la nécessité de faire connaître leurs droits aux femmes et d'améliorer leur accès à la justice. A cet égard, certaines délégations ont attiré l'attention sur le manque de fiabilité qui, pour beaucoup de femmes, caractérise le système judiciaire. Elle ont notamment proposé la création d'un système de protection des témoins pour augmenter le recours des femmes à la justice et la formation des fonctionnaires chargés d'enregistrer leurs plaintes. Parmi les autres propositions, des délégations ont cité l'établissement de plans d'action nationaux; l'élaboration rapide du protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes comme instrument juridique contraignant et la création d'une banque de données et de statistiques ainsi que la mise en disposition des meilleures pratiques. Certaines délégations ont même souhaité des statistiques sur le coût économique de la violence à l'égard des femmes, arguant qu'il ne s'agit pas seulement d'un problème moral ou de santé mais d'un problème économique, par exemple en termes de soins ou d'assistance. A cet égard, une étude a été citée qui montre qu'au Chili et au Nicaragua, le coût de la violence infligée aux femmes représente 2% du Produit intérieur brut de ces deux pays.

(à suivre - 1a)

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La Commission a, par ailleurs, désigné M. Esmaeil Afshari (République islamique d'Iran) comme membre de son Groupe de travail sur les communications.

La Commission de la condition de la femme se réunira demain vendredi 6 mars à 10 heures pour poursuivre son débat général sur la réalisation des objectifs stratégiques et des mesures à prendre dans les domaines critiques; les femmes et les conflits armés, les droits fondamentaux de la femme, la petite fille, et la violence à l'égard des femmes.

Dialogue sur la réalisation des objectifs stratégiques et les mesures à prendre dans le domaine critique concernant la violence contre les femmes

Exposés

Mme BARBARA PRAMMER, Ministre fédéral des affaires féminines et de la protection des consommateurs de l'Autriche, a, en matière de violence à l'égard des femmes, dénoncé la loi du silence qui a longtemps prévalu et a été favorisée par la doctrine constitutionnelle traditionnelle. Aujourd'hui, il est admis que les victimes d'actes de violence méritent toute l'aide et le soutien possibles, soutien tant émotionnel que professionnel. La priorité doit donc être accordé aux programmes d'aide aux victimes. Ce n'est qu'une fois que tout sera mis en oeuvre pour prévenir la violence et fournir une assistance aux victimes que l'on pourra s'atteler à l'établissement d'un programme de sanctions pour punir les auteurs d'actes de violence. En Autriche, par exemple, les officiers de police bénéficient depuis 10 ans d'une formation pour faire face aux cas de violence familiale. Dans le cadre de la loi sur la protection face à la violence, des dispositions supplémentaires sont entrées en vigueur en mai 1997 et se sont révélées d'une efficacité remarquable. La coopération du Ministère de l'intérieur s'est avérée essentielle pour le succès de la mise en oeuvre des nouvelles dispositions.

La loi stipule aujourd'hui que c'est à l'auteur d'actes de violence de payer les conséquences de son comportement. Ainsi, on reconnaît aux victimes le droit de rester dans leur foyer alors qu'auparavant les femmes se trouvaient dans l'obligation de chercher un abri ailleurs. Cette reconnaissance a d'ailleurs permis d'accroître l'efficacité de l'aide fournie aux victimes. Les mesures et les plans du Gouvernement autrichien ont été élaborés en étroite collaboration avec le réseaux des abris destinés aux femmes. Beaucoup reste à faire, et le Gouvernement a adopté un plan, en septembre dernier, qui définit les tâches à accomplir à l'avenir. S'agissant de la traite des femmes, l'Autriche a pris des initiatives juridiques en coopération avec la Commission européenne Le Gouvernement prépare en ce moment un plan de protection des témoins pour permettre aux femmes de témoigner sans crainte de représailles. Tout ce travail s'effectue en collaboration avec les ONG, le Ministère de l'intérieur et le Ministère des affaires féminines. La violence à l'égard des femmes, a insisté le Ministre, doit être considérée comme un problème international. Dans ses recommandations, elle suggère que les plans d'action nationaux en la matière comprennent des mesures précises et un calendrier d'application. Elle propose également la constitution d'une base de données internationales pour aider à la prise de décisions et la création d'un instrument juridique contraignant pour lutter contre la violence à l'égard des femmes.

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Mme BONNIE CAMPBELL, Chef du Bureau de la violence à l'encontre des femmes au Ministère de la Justice des Etats-Unis, a expliqué qu'avec l'adoption de la loi fédérale contre la violence à l'encontre des femmes, c'était la première fois que cette question était traitée au niveau fédéral aux Etats-Unis. Mme Campbell qui est notamment chargée de contrôler l'application de cette loi, a déclaré qu'il fallait tenir compte du fait que les femmes victimes de violences sont véritablement des victimes. Si une victime de violence est obligée de vivre dans la rue car elle a peur de rentrer chez elle, on ne peut attendre qu'elle participe pleinement à la société en tant que citoyen. La violence contre les femmes est un phénomène mondial contre lequel il faut lutter tous ensemble. Il est, par ailleurs, très important de tenir compte de l'influence de ce phénomène sur les enfants et donc sur l'avenir de la société.

Parmi les objectifs visés par cette loi, Mme Campbell a mentionné la nécessité de réformer le système judiciaire, tout en veillant à ce que les lois soient effectivement appliquées. A cette fin, une campagne de sensibilisation a été lancée afin de faire prendre conscience au public que la violence contre les femmes constitue un délit grave. La loi prévoit, par ailleurs, que ce type d'affaire ne peut pas être classée. Si la victime refuse de porter plainte, c'est le Procureur général qui s'en charge, a-t-elle expliqué. Souvent, ce sont des jurés qui décident de l'innocence ou de la culpabilité des prévenus, il est donc important que l'opinion publique soit sensibilisée à ce problème. C'est pourquoi, il faut susciter à travers le monde entier une prise de conscience. Le Gouvernement fédéral va distribuer 2 milliards de dollars fédéraux aux Etats pour qu'ils puissent financer les procédures judiciaires et l'aide aux victimes. Une grande partie de ces fonds sera consacrée à la formation des policiers et à la création de centres d'accueil pour les victimes. Il a, en outre, été décidé que les officiers de police, les juges et toutes les personnes chargées de ces affaires soient des femmes. Les Etats-Unis ont consacré des millions de dollars à la recherche, la collecte de données et l'évaluation des instruments disponibles. Dans les campagnes de sensibilisation du public, il est important de faire valoir que la violence contre les femmes change complètement leur condition. La violence contre les femmes et la crainte de cette violence est, en effet, très inhibitrice, a-t-elle affirmé.

Mme LISBETH GUEVARA, Professeur de droit et membre de la Commission contre la violence domestique du Conseil national des femmes du Venezuela, a indiqué que le 19 février dernier, son pays a approuvé un plan national d'action pour 1998-2003 qui met l'accent sur l'importance de la prévention et de la sanction. Auparavant des mesures suivantes avaient été notamment prises : formation d'agents de sensibilisation à la violence à l'égard des femmes et des fonctionnaires chargés de recevoir les plaintes; renforcement de la policie judiciaire; et création d'une division spécialisée. Le nouveau plan

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d'action souligne lui la nécessité d'une coordination sectorielle et de la recherche des causes qualitatives et quantitatives de la violence qui permettra de définir plus précisément les stratégies d'action. Les actions menées jusqu'ici ont conduit à des progrès notables même si des obstacles subsistent et on peut citer parmi eux les insuffisances de la législation, le manque de formation des citoyens et la difficulté à accéder au système judiciaire.

Actuellement, le Parlement est en train d'examiner un loi qui met l'accent sur l'importance de l'éducation en matière de violence à l'égard des femmes. En effet, des lacunes subsistent dans le domaine pédagogique et de la sécurité judiciaire; les femmes doivent connaître leurs droits et pouvoir les exercers. Les efforts doivent donc tendre à promouvoir l'éducation juridique, les actions intersectorielles et les campagnes de sensibilisation sur les législations promulguées. Il faut aussi appuyer les initiatives de la société civile au moyen de ressources financières et techniques. L'accès à la justice est un élément important de la lutte contre la violence à l'égard des femmes, a insisté la représentante avant de conclure.

Mme RADHIKA COOMARASWAMY, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la violence à l'encontre des femmes, a estimé que quatre domaines nécessitaient une attention immédiate. Elle a souligné, en premier lieu, la nécessité d'une nouvelle convention ou d'un nouveau protocole à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, portant spécifiquement sur l'élimination de la violence à l'encontre des femmes. Il faut, par ailleurs, que les gouvernements formulent des plans d'actions nationaux pour lutter contre la violence à l'encontre des femmes de manière globale et multidisciplinaire. Il importe également de mettre en place des mécanismes pour la recherche de données et de statistiques sur les causes et les conséquences de la violence, ainsi que sur l'impact des programmes gouvernementaux dans ce domaine. Enfin, il faut mettre au point des stratégies de coopération internationales et régionales pour lutter contre la violence à l'encontre les femmes au-delà des frontières.

La violence à l'encontre des femmes va au-delà des concepts d'égalité, de paix et de développement qui soutendent la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, a-t-elle poursuivi, estimant que la violence touche gravement aux autres droits de l'homme. Elle touche l'intégrité physique de la personne, le droit à la vie, à ne pas subir la torture, la détention ou l'arrestation arbitraire, le viol, les mutilations sexuelles, ou l'exploitation sexuelle. Il est, en outre, nécessaire d'avoir une nouvelle convention ou un Protocole pour combler les lacunes du poste de Rapporteur spécial. Bien qu'il s'agisse d'un mécanisme ad hoc, le domaine à couvrir est vaste. Le Rapporteur spécial pourrait se concentrer sur certains thèmes, constituer un mécanisme de crise et effectuer des visites là où

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les violations des droits de l'homme sont sérieuses. Ce mécanisme pourrait fonctionner sur le modèle de la Convention contre la torture et du Rapporteur spécial contre la torture. S'agissant de la nécessité de plans d'actions nationaux de lutte contre la violence à l'encontre des femmes, elle a estimé que ceux-ci pourrait inclure des questions comme l'inceste et le viol, le harcèlement sexuel sur les lieux du travail, ou encore le trafic des femmes. Par ailleurs, Mme Coomaraswamy a estimé qu'il fallait former les officiers de police et restructurer les commissariats pour respecter le droit des victimes à la discrétion. Il faut sensibiliser le système judiciaire pour ce qui est des structures pénales et l'examen des femmes victimes de violences. A cet égard, elle a suggéré l'inclusion de tests d'ADN. Il est, en outre, essentiel de développer un partenariat entre la police et ONG sur le terrain qui serve de catalyseur pour que la lutte contre la violence soit menée comme il convient. Il faut aussi dégager les ressources adéquates pour l'application de ces plans. Elle a déploré, par ailleurs, la pauvreté des données et des statistiques, en particulier sur les conséquences de la violence. Enfin, elle a souligné l'importance de la coopération régionale et internationale, en particulier en ce qui concerne le trafic des femmes, et l'élaboration de mesures communes de lutte contre ce phénomène.

Dialogue

A la suite de l'exposé des experts, la représentant du Royaume-Uni, au nom de l'Union européenne, a appuyé l'idée de l'élaboration de plans d'action au niveau national et plaidé pour la sensibilisation de la justice et de la police judiciaire aux problèmes de la violence à l'égard des femmes. Elle a aussi jugé important de créer une base de données internationales sur les meilleures politiques en la matière. La représentante s'est toutefois interrogée sur la manière d'assurer la coopération entre institutions au niveau national comme au niveau des Nations Unies. Le représentant de l'Indonésie a dénoncé le manque de compréhension des causes sous-jacentes de la violence à l'égard des femmes ainsi que le caractère souvent fragmentaire des démarches adoptées. Il a souligné, à cet égard, le rôle que pourraient jouer les Nations Unies dans l'élaboration d'une base de données. La Commission de la condition de la femme pourrait exiger que tous les cas enregistrés par les polices nationales soient mis à la disposition des Nations Unies. En ce qui concerne les femmes migrantes, le représentant a proposé que la Commission appelle les Etats membres à devenir partie à la Convention sur les femmes migrantes de l'Organisation internationale du travail. La représentante de la Zambie est elle revenue sur la proposition d'une experte d'élaborer un instrument juridique contraignant. Doutant de l'utilité d'une autre convention, elle a demandé en quoi l'élaboration d'un Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes s'avérerait insuffisante.

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Sur le plan des concepts, la représentante a estimé le terme "violence domestique" minimise le phénomène puisqu'il lui ajoute une connotation d'intimité qui pourrait le rendre acceptable. La représentante de la Grèce a, quant à elle, estimé que les efforts d'éducation en matière de violence à l'égard des femmes doivent d'abord s'adresser à la famille et aux hommes.

Abondant dans ce sens, la représentante des Etats-Unis a estimé que pour aller au-delà de Beijing, il faut être clair et désigner les hommes comme auteurs des délits. Elle a souligné, à cet égard, le rôle positif que les hommes peuvent jouer dans la prévention. A propos du système judiciaire, elle s'est demandé comment les femmes magistrats, juges ou policiers pouvaient servir à favoriser la prise en compte du phénomène de la violence à l'égard des femmes. La représentante a également soulevé la question des tenants et aboutissants économiques de la violence à l'égard des femmes en préconisant la collecte de statistiques sur la question. Il faut des statistiques sur cette question.

Répondant à la série de questions des délégations, Mme CAMPBELL a convenu que les sociétés n'ont pas encore saisi le coût de la violence à l'égard des femmes. D'après une enquête entreprise dans les hôpitaux américains, il semblerait que le coût de cette violence pour le système de santé est énorme. Elle a également attiré l'attention sur le coût de la violence sur le lieu de travail. Nombre de pays ont aujourd'hui compris, a-t-elle dit, que la violence à l'égard des femmes n'est pas seulement un problème de santé ou moral mais également un problème économique. Intervenant sur ce point, Mme GUEVARA a indiqué que selon une étude de la Banque interaméricaine de développement entreprise au Chili et au Nicaragua, le coût de la violence à l'égard des femmes équivaut à 2% du produit intérieur brut de ces deux pays. Répondant à la Zambie sur l'élaboration d'un instrument juridique contraignant, Mme COOMARASWAMY a souligné l'avantage d'un protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de la discrimination qui couvre et la discrimination et la violence à l'égard des femmes. Mme PRAMMER a convenu que cela pourrait représenter la meilleur façon de procéder. Pour ce qui est du terme de "violence domestique", Mme Guevara a préconisé le terme de "violence intrafamiliale" pour montrer il s'agit d'un fléau social auquel il faut s'attaquer au même titre que les autres fléaux sociaux. Mme Prammer a elle souligné qu'en Autriche on affirme communément qu'un enfant sur deux et une femme sur cinq sont victimes de la violence au sein de la famille. C'est en le déclarant sans équivoque que l'on fera disparaître les tabous.

La représentante de l'Australie a présenté les initiatives prises dans son pays pour lutter contre la violence à l'encontre des femmes à la suite d'un sommet sur la question en novembre dernier. Elle a demandé aux expertes quel était selon elles la meilleure façon de sensibiliser et d'éduquer les communautés à cette question. De même, la représentante de Maurice a

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interrogé les expertes sur la manière de sensibiliser le public au problème de la violence sans se limiter à la violence au foyer. La représentante des Pays-Bas, évoquant la Déclaration de La Haye sur les directives européennes pour des mesures efficaces de prévention et de lutte contre le trafic des femmes à des fins d'exploitation sexuelle, a demandé l'inclusion dans les conclusions agréées de certaines mesures pratiques figurant dans la Déclaration de La Haye. Elle a notamment suggéré la nomination de rapporteurs nationaux qui feraient rapport aux gouvernements sur l'ampleur, la prévention et la lutte contre le trafic des femmes; la promotion de campagnes d'information et de prévention dans les pays d'origine et de destination sur les conditions d'immigration; l'élaboration de programmes de formation de la police, du système judiciaire et de tous les acteurs concernés; l'octroi aux victimes de conseils juridiques et de toute assistance nécessaire; la protection des témoins; et l'appui aux ONG qui travaillent directement avec les victimes du trafic des femmes. En conclusion, elle a demandé que les plans d'action nationaux reflètent une démarche multidisciplinaire et coordonnée. La représentante de la République démocratique du Congo a, pour sa part, attiré l'attention sur la question du droit à la terre et à l'héritage qui est très importante pour les femmes africaines. Ce droit est souvent nié aux femmes en raison des barrières culturelles. Les préjugés sexuels sont souvent une question de stéréotypes de la part des hommes. Ce sont les femmes qui peuvent être le meilleur instrument de lutte contre la violence car ce sont elles qui font changer les mentalités, a-t-elle déclaré. Après avoir fait part des mesures prises dans son pays pour sensibiliser le public, soutenir les victimes de violences et former les agents de police, le représentant du Portugal a interrogé les expertes sur le rôle que l'ONU peut jouer en ce qui concerne le recensement des pratiques violentes, en soulignant que ce recensement serait utile aux pays. La représentante de l'Afrique du Sud a demandé s'il y a actuellement une recrudescence de la violence à l'encontre des femmes ou si l'on prend seulement conscience de phénomène aujourd'hui. S'il y a recrudescence de ces pratiques, il y a donc des moyens d'agir, a-t-elle souligné, en s'inquiétant de la banalisation et de l'apologie de la violence au cinéma. La représentante de l'organisation non gouvernementale "Femmes contre la violence" a demandé aux gouvernements de consacrer des ressources accrues à la lutte contre la violence à l'égard des femmes, de lutter contre la discrimination à l'égard des femmes dans les systèmes juridiques et de justice pénale, dans la police et d'améliorer l'accès aux services et à l'information, de reconnaître la violence comme un crime et de pénaliser la violence domestique, et enfin de faciliter l'adoption d'un protocole facultatif le plus ferme possible. Evoquant les problèmes spécifiques des femmes réfugiées, elle a estimé que les victimes de viols qui se sont enfuies de leur pays doivent être protégées dans les pays d'asile.

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Répondant aux observations et aux questions des délégations, Mme PRAMMER a affirmé qu'il n'y avait pas recrudescence de la violence à l'égard des femmes mais que le phénomène était sorti du tabou qui l'entourait de sorte que l'on a aujourd'hui la possibilité de lutter contre cette violence. L'Autriche est un des 17 pays dans le monde où le viol au sein du mariage est considéré comme un crime dans le code pénal. Les plans d'action nationaux doivent mobiliser tous les ministères intéressés, ainsi que les autorités publiques. La violence à l'égard des femmes et le trafic des femmes constitueront une priorité de la présidence autrichienne de l'Union européenne au deuxième semestre de 1998. Elle a indiqué qu'elle préparait actuellement, en collaboration avec une ONG, une conférence internationale sur la question du trafic des femmes qui discutera des mesures susceptibles de réduire le trafic des femmes dans les pays d'origine et de développer des stratégies de lutte contre ces crimes.

Mme GUEVARA a, elle aussi, estimé qu'il est essentiel d'agir au niveau multidisciplinaire. Il faut former les jeunes à l'égalité, la solidarité et la résolution pacifique des conflits. Il faut changer la structure patriarcale de la société pour parvenir à des société moins violentes. Par des plans multidisciplinaires, on peut s'attaquer au problème quant au fond, et en particulier à la violence domestique. Les victimes qui ne dénoncent pas les faits doivent être protégées. Tout instrument juridique doit mettre l'accent sur des mesures préventives et éduquer l'agresseur pour qu'il apprenne de nouvelles valeurs pacifiques. Elle s'est félicitée du fait que l'on donne de plus en plus souvent la possibilité aux ONG de représenter les victimes dans la procédure pénale. Malheureusement, cela ne s'accompagne pas d'une aide financière suffisante pour que les ONG puissent s'acquitter de cette tâche, a-t-elle déploré.

Mme COOMARASWAMY a, à son tour, défendu la participation de tous les intervenants dans l'élaboration de plans de lutte contre la violence à l'égard des femmes. Il faut faire valoir les droits des femmes victimes, a-t-elle dit, en soulignant les besoins de celles-ci après la crise. Tous les groupes qui s'occupent des femmes, de leur émancipation économique, des problèmes de santé des femmes, doivent aussi participer à ce processus. S'agissant de la prévention, elle a estimé qu'il était essentiel de comprendre pourquoi la violence est si fréquente et de prévoir des actions de formation à l'égard des divers secteurs de la société. Il faut promouvoir les recherches sur les conséquences, en particulier les conséquences financières de la violence, a-t-elle dit.

Mme CAMPBELL a estimé qu'il est important que la victime se sente protégée et ait confiance dans le système judiciaire. A cette fin, les forces de police américaines travaillent de plus en plus avec les organisations de femmes. Souvent les femmes ne veulent pas déposer plainte. En fait,

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on constate que les femmes ne renoncent pas à porter plainte davantage que tout autre victime qui va être soumise à plus de violence si elle porte plainte. C'est pourquoi, le Gouvernement américain a mis en oeuvre un plan de protection des victimes. Il faut faire appel à tous les instruments disponibles pour pouvoir sanctionner les auteurs de crimes car c'est sur eux qu'il faut faire porter tout l'effort, a-t-elle conclu.

Reprenant la série de questions, la représentante des Philippines a constaté avec satisfaction que la violence est en train de devenir une question d'ordre public. Elle est revenue sur la question de l'impuissance des victimes qui explique pourquoi la violence n'est pas sanctionnée, en mettant l'accent en particulier sur la situation des femmes migrantes. Elle a proposé, à cet égard, que les recommandations du Rapporteur spécial sur la violence à l'égard des femmes s'applique aux femmes migrantes. Elle a aussi soulevé la question de la coopération régionale et internationale en la matière. La représentante du Danemark a indiqué qu'ayant adopté une démarche intersectorielle en matière de lutte contre la violence à l'égard des femmes, le Danemark a mis sur pied des mécanismes de réhabilitation impliquant toute la famille et pas seulement l'auteur du délit. Intervenant également sur la nécessité d'une approche intersectorielle, la représentante de la Norvège a indiqué que son Gouvernement envisage d'élargir son plan d'action national de façon à lutter contre la violence au sein de la famille. Dans ce cadre, il faut mettre l'accent sur le comportement agressif des hommes sur les femmes, étudier le cas de ces hommes et rejeter tout argument de déterminisme génétique selon lequel les hommes ont un potentiel de violence inné. Le représentant du Swaziland a attiré l'attention sur le fait que la pratique de la mutilation génitale, pratiquée par des femmes sur des filles, constitue bel et bien un acte de violence à l'égard des filles. Dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes, il faut condamner la violence et ne pas chercher à montrer du doigt une certaine partie de la population. La représentant de l'Allemagne a fait part des cours obligatoires dispensés par son pays aux auteurs des délits qui ont donné des résultats satisfaisants. Elle a souhaité en savoir plus sur ce type de programmes nés aux Etats-Unis.

Pour sa part, la représentante du Mexique est revenue sur la question de la base de données en soulignant qu'il faut analyser la violence en fonction de chaque pays et chaque groupe tout en garantissant la coopération interne, régionale et internationale.

Mme GUEVARA a insisté sur la nécessité, dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes, de s'attacher à l'homme et à cette idée de déterminisme biologique puisqu'il s'agit de facteurs psychologiques supplémentaires permettant de cerner la question. Il faut donc offrir aux hommes un traitement et les impliquer davantage dans la lutte contre cette violence. Mme PRAMMER, estimant que la violence est liée au désir de contrôler et

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à l'impuissance de le faire s'est dite convaincue que c'est dans la prévention que l'on doit intégrer les hommes. Ensuite, ce n'est que lorsque les femmes auront tout l'appui requis qu'il sera moralement acceptable de mettre de l'argent et de l'énergie pour réintégrer des coupables. A propos des travailleurs migrantes, Mme COOMARASWAMY a souligné que l'incorporation de dispositions particulières dans les législations des pays d'accueil constituera déjà un grand pas. Pour sa part, Mme CAMPBELL a répondu à l'Allemagne sur l'expérience américaine en matière de réhabilitation des auteurs de délits en mettant en avant le caractère mitigé des résultats. Elle a fait part de sa conviction que seul un système impliquant des conséquences civiles et pénales peut avoir une force de dissuasion.

Relançant les commentaires, la représentante de la France a insisté sur le fait que toutes les formes de violence à l'encontre des femmes devaient être dénoncées et combattues, y compris l'exclusion de l'éducation sportive et l'absence des femmes dans les compétitions sportives. La plus grande vigilance doit s'exercer à l'égard des formulations utilisées, a-t-il dit. Ainsi, l'expression "prostitution forcée" est inacceptable car elle laisse entendre qu'il existerait une prostitution non forcée qui serait acceptable. Cette formulation évite aussi de s'interroger sur toutes les causes de la prostitution. La représentante a souligné l'effet bénéfique des procès concernant les mutilations génitales qui ont permis d'ouvrir un débat sur cette question. Elle a demandé aux expertes si, au-delà des violences, il ne faudrait pas aussi insister sur le fait que les femmes sont également à l'origine des luttes contre la violence dans les conflits armés comme dans les conflits civils. Le représentant de l'Espagne a souligné l'importance de l'éducation et de l'information des personnes directement impliquées dans les violences à l'égard des femmes et des responsables dans les différents domaines concernés. Il a demandé ce qu'il conviendrait de faire pour renforcer la complémentarité des efforts nationaux de lutte contre la violence et le travail de la Commission de la prévention de la femme. Pour sa part, la représentante de la Nouvelle-Zélande s'est demandée si les coûts directs de la violence domestique ne devraient pas inciter les pays à prendre des mesures. Elle a aussi demandé quels sont les facteurs critiques qui permettraient de pousser au changement culturel. La représentante du Canada a appuyé la mise au point de directives pour la collecte de données et d'informations sur la violence à l'égard des femmes et a demandé aux expertes quel type de directives devraient être mises au point, selon elles, à cet effet. Soulignant la nécessité de soutenir les efforts des ONG et de la société civile dans la participation à la lutte contre la violence, elle a invité la Commission à appuyer l'adoption de stratégies modèles de lutte contre ce phénomène. De son côté, la représentante d'Israël a demandé si le système d'équipes interministérielles, tel qu'il existe en Israël, existe aussi dans d'autres pays et quels sont les résultats obtenus. Elle a également demandé si une législation appropriée visant à protéger les victimes de violences

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ne constituait pas une question de première urgence. La représentante de la Thaïlande a demandé s'il existait une compilation de documents sur les lois, les règles et les règlements dans les différents pays en ce qui concerne la lutte contre la violence à l'égard des femmes. Les représentantes de la Slovaquie et de l'Italie ont fait part des mesures prises par leurs pays respectifs pour protéger les femmes contre la violence à leur égard.

Tirant les conclusions des observations entendues au cours du débat, Mme CAMPBELL a estimé qu'il fallait faire tout ce qui est possible pour soutenir et réintégrer les victimes de violences et mettre en place des dispositifs juridiques qui rendent les auteurs de violences à l'égard des femmes responsables de leurs actes. La violence à l'égard des femmes n'est jamais acceptable, a-t-elle dit.

Mme COOMARASWAMY s'est félicitée du large appui à l'adoption d'un protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Il est encourageant de constater que de nombreux pays ont élaboré des programmes d'action et accordent beaucoup d'importance à la recherche et la collecte d'information sur ce phénomène, et en particulier à la question des coûts.

Pour Mme GUEVARA, il faut que les autorités gouvernementales travaillent de façon coordonnée et que l'on dispose d'instruments juridiques qui permettent de réagir rapidement.

Estimant qu'il ne suffit pas de prendre des mesures au niveau national, Mme PRAMMER a indiqué que l'Autriche avait élaboré un projet de convention sur la traite des femmes qui sera présenté lors de la prochaine réunion de la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale en avril prochain à Vienne. Il faut consacrer davantage de ressources à la lutte contre la violence à l'égard des femmes, faire comprendre que cette violence est inacceptable, rassurer les victimes et garantir aux femmes leur émancipation sociale et économique, en tant que moyen de réduire la violence.

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