SG/SM/6475

L'ACCORD CONCLU A BAGDAD MET A L'EPREUVE, COMME JAMAIS AUPARAVANT, LA VOLONTE DES DIRIGEANTS IRAQUIENS, DE TENIR LEUR PAROLE, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL

2 mars 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6475
IK/244


L'ACCORD CONCLU A BAGDAD MET A L'EPREUVE, COMME JAMAIS AUPARAVANT, LA VOLONTE DES DIRIGEANTS IRAQUIENS, DE TENIR LEUR PAROLE, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL

19980302 Il sert aussi à inciter les nations à envisager le moment où le processus de désarmement en Iraq aura été mené à bien

Texte de la déclaration prononcée, ce soir, par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, devant le Conseil de sécurité :

Je tiens à remercier et féliciter les membres du Conseil de sécurité pour la décision que vous vous disposez à prendre sur l'accord que j'ai obtenu la semaine dernière du Gouvernement iraquien. S'il est respecté, honoré et appliqué, cet accord pourrait compter parmi les mesures les plus importantes que l'ONU a prises à ce jour face aux conséquences de l'invasion du Koweït par l'Iraq il y a de cela sept ans.

Permettez-moi de saisir cette occasion pour éclairer la communauté internationale tout entière au sujet de la nature de cet accord, des impératifs qu'il comporte et de la promesse dont il est porteur.

Je me suis rendu à Bagdad avec l'autorisation pleine et entière de tous les membres du Conseil de sécurité, en quête d'une solution pacifique à la crise. J'y suis allé pour m'acquitter de l'obligation que m'en fait la Charte des Nations Unies et de l'engagement que j'ai pris devant l'Assemblée générale au début de mon mandat — obligation et engagement moraux sacrés — d'agir à tout moment, où que ce soit, sans solliciter ni accepter d'instructions d'un gouvernement quel qu'il soit, chaque fois que la possibilité me serait offerte d'aider à atténuer l'acuité d'une menace pesant sur la paix et la sécurité internationales.

Personne ne peut mettre en doute ni contester le fait que le refus dans lequel l'Iraq a persisté d'honorer les obligations que les résolutions du Conseil de sécurité lui imposent touchant ses armes de destruction massive constituait une telle menace. Cette menace a maintenant été écartée.

Le mandat du Conseil de sécurité a été réaffirmé. L'accès intégral et sans restriction des inspecteurs à tous les sites a été rétabli. L'autorité du Président exécutif de la Commission spéciale des Nations Unies a été reconnue et renforcée. Que la menace qui pesait sur la paix et la sécurité internationales ait été définitivement écartée ou non, voilà ce dont les dirigeants iraquiens devront décider. Il va maintenant leur falloir s'acquitter dans la pratique des engagements qu'ils ont pris sur papier.

Je ne me fais guère d'illusions sur la valeur inhérente de cet accord ou de tout autre. Seuls comptent les engagements honorés. Cet accord et la résolution que le Conseil de sécurité se dispose à adopter aujourd'hui ne seront en fait que paroles vaines à moins que les deux parties ne les appliquent intégralement, équitablement et sans retard.

L'ONU se tient prête, pour sa part, à assurer l'application de ces textes. Nous continuerons de nous acquitter de l'obligation que nous avons contractée de longue date de respecter la souveraineté et la dignité de chacun des Membres de l'Organisation. Nous continuerons de nous attacher à améliorer sur tous les plans l'action en coopération et l'efficacité de chacun des organismes des Nations Unies.

Ceux-ci comprennent la Commission spéciale qui, je suis fier de le répéter devant vous, a déjà détruit plus d'armes de destruction massive en Iraq que la guerre du Golfe ne l'a fait autant qu'elle a duré, et à qui continue d'échoir aux termes de cet accord le contrôle opérationnel du processus d'inspection dans son intégralité.

Le Gouvernement iraquien, quant à lui, doit maintenant remplir sans atermoyer les obligations qui demeurent les siennes, comme il l'a réaffirmé au niveau le plus élevé la semaine dernière. Il s'est engagé de la sorte à accepter toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, à coopérer pleinement avec les équipes d'inspection de l'ONU et à leur donner accès immédiatement, inconditionnellement et sans restriction à tous les secteurs, installations, matériels, individus et moyens de transport.

Ces secteurs comprennent les huit sites appelés "sites présidentiels" où les membres de la Commission spéciale et de l'AIEA seront accompagnés des diplomates chevronnés que je vais nommer.

Le respect total de ces obligations par l'Iraq est le seul et unique objet de cet accord. C'est ce respect — rien de plus, rien de moins — qui permettra que le processus de désarmement imposé par l'ONU soit mené à bien et, partant, que la levée des sanctions conformément aux résolutions du Conseil de sécurité se fasse plus rapidement. Avec la résolution adoptée

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aujourd'hui par le Conseil, toutefois, le Gouvernement iraquien se rend parfaitement compte que, si la tentative ainsi faite pour assurer le respect de ses obligations par voie de négociation se heurte de nouveau à des dérobades ou à des tromperies, comme cela a été le cas précédemment, la diplomatie risque fort de ne pas recevoir une nouvelle chance. Aucune promesse de paix et aucune volonté de patience ne peuvent être illimitées.

Cet accord met à l'épreuve, comme jamais auparavant la volonté des dirigeants iraquiens de tenir leur parole. Mais il sert aussi à inciter les nations qui composent notre Organisation à se tourner vers l'avenir, à envisager le moment où le processus de désarmement en Iraq aura été mené à bien.

Nul parmi nous ne peut nier que les sanctions ont alourdi considérablement les souffrances du peuple iraquien; que l'élargissement du programme "pétrole contre vivres" réduira ces souffrances sans édulcorer le régime de désarmement; et qu'un jour, tôt ou tard — tôt, il faut l'espérer — , le processus de désarmement ayant été mené à bien intégralement, l'Iraq, pays pacifique, pourra rejoindre la communauté des nations.

L'Organisation des Nations Unies, fondée avant même la fin de la Deuxième Guerre mondiale il y a plus de 50 ans, doit, de ce fait, se souvenir que les antagonismes les plus virulents entre les nations ne durent pas éternellement. Il n'est donc pas trop tôt pour songer à réconcilier les peuples une fois que leurs gouvernements auront fait la paix.

L'Accord conclu à Bagdad n'a été ni une "victoire" ni une "défaite" pour quiconque — individu, nation ou groupe de nations. Il est certain que l'Organisation des Nations Unies et la communauté internationale n'ont rien perdu, n'ont rien abandonné et n'ont rien cédé pour l'essentiel. Toutefois, parce qu'il a empêché, au moins pour le moment, la reprise des hostilités militaires dans le Golfe, cet accord est une victoire pour la paix, pour la raison, pour la diplomatie comme moyen de règlement des différends.

Il a fait la preuve, cela dit, que, pour que la diplomatie réussisse, elle doit s'appuyer à la fois sur la force et sur l'équité.

L'Accord a aussi servi à rappeler au monde entier les raisons pour lesquelles notre Organisation a été créée au départ : éviter que des conflits n'éclatent lorsque la volonté de la communauté internationale peut être exécutée par la diplomatie; trouver des solutions internationales aux problèmes internationaux; obtenir d'une partie récalcitrante qu'elle respecte le droit international et les accords internationaux, sans détruire à jamais sa dignité et sa volonté de coopérer; obtenir, en l'occurrence, grâce à des inspections sur place et à des négociations, la certitude que les armes de destruction massive seront détruites — ce qu'aucun bombardement aérien ne saurait assurer.

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Si cet accord est pleinement appliqué et qu'il permet finalement l'avènement d'une ère nouvelle dans le Golfe, si cet effort de diplomatie, étayé par l'équité, la fermeté et la force, résiste à l'épreuve du temps, ce sera là pour l'Organisation des Nations Unies et pour la communauté internationale un précédent durable et combien précieux.

Si, en fin de compte, nous savons tirer de cette crise les enseignements qui s'imposent, les aspirations de l'humanité tout entière à une paix durable dans la justice pourraient alors être à notre portée. C'est la conscience de ces aspirations, émanant de gens de toutes confessions et de tous horizons, qui m'a soutenu pendant le voyage de recherche de la paix que j'ai fait à Bagdad. Je prends aujourd'hui l'engagement, devant le Conseil et devant le monde, de ne ménager aucun effort pour chercher et trouver une solution et d'accomplir mon devoir sans concession.

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