SG/SM/6470

TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE DU SECRETAIRE GENERAL M. KOFI ANNAN, TENUE AU SIEGE LE 24 FEVRIER 1998

24 février 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6470


TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE DU SECRETAIRE GENERAL M. KOFI ANNAN, TENUE AU SIEGE LE 24 FEVRIER 1998

19980224

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Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Je viens de finir d'informer le Conseil de sécurité et j'ai le plaisir de vous informer que j'ai senti que de façon générale, les membres du Conseil de sécurité approuvent l'accord que j'ai signé à Bagdad. De toute évidence, il y a encore des détails qui devront être mis au point et des explications doivent encore être apportées. Mais rien de tout cela ne présente — pour moi ou pour mon équipe — de difficultés. Je suis sûr qu'après les nouvelles explications, nous obtiendrons l'appui unanime et ferme du Conseil de sécurité.

Je crois que vous m'avez entendu ce matin remercier tous ceux qui ont contribué à ce résultat. J'ai été inspiré par certaines choses. Je me rappelle que la nuit précédant mon départ, un ami m'a appelé pour me saluer; il m'a également dit qu'il avait vu cette petite fille handicapée de 11 ans, Abby. Abby regardait la télévision et apparemment, elle m'a vu. Elle a dit : «Ils envoient ce gentil monsieur à Bagdad; je prierai pour lui tous les jours». Alors je la remercie ainsi que tous ceux qui ont prié pour moi alors que j'étais parti.

Mais ce qui est me paraît important, c'est que cet accord peut être opérationnel et devrait être opérationnel. Il existe une différence qualitative en ce qui concerne cet accord car il a quelque chose que les autres accords n'ont pas. D'abord, il faut nous rappeler que durant les années de présence de l'ONU à Bagdad, beaucoup d'accords ont été signés, mais aucun n'a été négocié avec Saddam Hussein et convenu directement avec lui. Celui-ci a été négocié avec le Président lui-même et la direction a entendu le message selon lequel il veut une coopération et que cela se fasse. Ce sont des gens très disciplinés, qui travaillent dur et je crois qu'avec cette direction, nous constaterons une différence qualitative dans leur attitude.

Du côté des Nations Unies et du personnel de la Commission spéciale des Nations Unies, il faut également traiter l'Iraq et les Iraquiens avec un certain respect et avec dignité, sans nous imposer et sans créer de tensions. Je pense qu'il y a d'autres dispositions et d'autres mesures à prendre pour faire en sorte que ces relations puissent se maintenir dans l'harmonie. Il nous faut un mécanisme pour régler les conflits avant qu'ils ne se transforment en dilemmes et nous conduisent presque au bord de la guerre.

Et je crois que nous avons tous des leçons à tirer. Mais ceci n'aurait pu se faire si tous les intéressés, y compris la direction iraquienne, n'avaient fait montre de ce que j'avais demandé : courage, sagesse et souplesse. Et je remercie tous les intéressés de nous donner une chance (inaudible).

Je ne veux pas dire que c'est une victoire pour moi, c'est une victoire pour l'ONU, pour l'Organisation. C'est eux qui ont décidé de m'envoyer en Iraq. Je crois que ce nouveau phénomène — à savoir, les gens du monde entier qui se réunissent pour se concentrer sur quelque chose afin d'obtenir des résultats — sera quelque chose que nous verrons plus souvent, que ce soit pour l'interdiction des mines terrestres ou pour le soutien populaire et général en vue d'un règlement pacifique.

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D'autres problèmes vont se présenter dans l'année et j'espère que les peuples du monde lutteront de notre côté. Nous devons réaffirmer la Déclaration universelle des droits de l'homme, nous devons faire comprendre au public que ces droits sont les droits de chacun d'entre nous. Ce ne sont pas des droits accordés par un gouvernement comme quelque chose que l'on peut enlever du jour au lendemain. Non, ceci est intrinsèque, c'est inhérent, et si on peut utiliser ce cinquantième anniversaire pour faire parvenir ce message, je crois que les peuples du monde, les gouvernements du monde et tous les dirigeants du monde, sauront se joindre à nous pour célébrer le cinquantième anniversaire des droits de l'homme. Et j'espère qu'ils seront tous présents.

En juin, nous avons la conférence contre les stupéfiants. Pino Arlacchi a fait un très bon travail en très peu de temps pour cela. Le monde doit travailler sur un front uni pour se joindre à la lutte contre les drogues qui tuent nos jeunes, lesquels sont notre avenir. La communauté internationale, une fois de plus, comme elle l'a déjà fait, doit pouvoir travailler sur un front uni, comme elle l'a fait pour la crise de l'Iraq.

Je vais entendre quelques questions mais je suis très fatigué et si vous me le permettez, je ne resterai pas très longtemps.

Question : Au nom de l'Association des correspondants de presse, nous sommes très heureux de votre visite et nous nous associons à votre personnel pour vous souhaiter une bienvenue très méritée. (inaudible)

Le Secrétaire général : Et j'ai eu le plaisir de voir un grand nombre d'entre vous à Bagdad. (inaudible)

Question : Vous avez, à plusieurs reprises, parlé du lien entre la diplomatie et les préparatifs en vue d'un recours à la force, si besoin est. Vous venez de dire qu'il ne fallait pas s'imposer par la force. À cet égard, je me demande si vous estimez qu'il faudrait réduire la présence militaire dans la région avant cela ou très prochainement, en tout cas? (inaudible)

Le Secrétaire général : Vous voulez me faire naviguer dans des eaux dangereuses, mais je vais essayer de m'expliquer. J'ai dit que la diplomatie peut être efficace mais il est aussi utile d'avoir une présence militaire dans la région et, comme je l'ai dit, si vous n'utilisez pas cette force, tant mieux, vous faites montre de votre force mais vous ne l'utilisez pas. Donc, la diplomatie, c'est bien, mais il faut qu'elle soit étayée par la force et à ce moment-là, on peut vraiment faire beaucoup de choses.

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Question : Vous avez dit que vos pourparlers avec Saddam Hussein avaient été durs et vous avez parlé de problèmes en ce qui concerne les délais pour les inspections. Au moment où vous avez compris que vous aviez un accord, que sentiez-vous au fond de vous-même? Ensuite, vous avez établi un rapport avec Saddam Hussein, comment pouvez-vous le décrire et quel est le rapport que vous souhaiteriez avoir avec Saddam Hussein à l'avenir?

Le Secrétaire général : Lorsque j'ai compris que nous arrivions quelque part, bien sûr, j'étais ravi et joyeux pour le peuple iraquien et pour les peuples de la région. J'étais heureux que leur dirigeant ait saisi l'occasion et ait vraiment voulu faire ce qu'il fallait pour protéger son peuple, la région, et pour se faire des amis même et sortir de l'isolement. Mais bien sûr, dans les négociations, on ne fait pas montre de tous ces sentiments, alors j'ai essayé d'être impassible.

Mais je puis vous dire que nous avons eu un bon rapport humain. Il m'a dit : «Je sais que vous êtes courageux, je sais que nous pouvons avoir confiance en vous», et ses ministres nous l'ont répété le lendemain matin. Et je crois que si nous nous organisons de façon à éliminer les obstacles et les conflits qui pourraient se présenter, plutôt que de les laisser s'accumuler et s'exacerber, alors, tout ira bien à l'avenir.

Question : Qu'est-ce qui vous fait croire que cette fois, Saddam Hussein va tenir parole? Vous l'avez rencontré, vous avez établi un rapport avec lui.

Le Secrétaire général : Comme je venais de dire, nous avons conclu beaucoup d'accords avec les Iraquiens mais c'est la première fois que l'accord était négocié par le Président lui-même. C'est un peuple très discipliné, travailleur. À partir du moment où ils savent que le Président lui-même est engagé, ils vont s'y mettre, ils vont collaborer. Mais nous aussi, nous devons assumer notre devoir. Nous devons nous comporter comme il faut.

Question : L'accord dit que les sanctions sont un problème très important pour l'Iraq, mais les États-Unis ne semblent pas vouloir lever les sanctions. Alors, quelles seraient les conditions pour que les sanctions puissent être enfin levées?

Le Secrétaire général : Les conditions établies dans les résolutions du Conseil de sécurité, c'est très simple.

Question : S'agit-il des résolutions sur les armes de destruction massive ou de toutes les résolutions? (inaudible)

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Le Secrétaire général : Il s'agit des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.

Question : Vous avez suggéré que vous espériez que l'on pouvait éliminer les conflits et vous avez parlé de dignité; suggérez-vous que par le passé, on n'avait pas respecté la dignité? Ensuite, en ce qui concerne M. Butler, est-il toujours à la tête de la Commission spéciale, y a-t-il eu des changements? Vous avez dit que Saddam avait confiance en vous, est-ce que vous avez confiance en lui?

Le Secrétaire général : J'aimerais commencer par dire, en ce qui concerne la Commission spéciale, que M. Butler est toujours le Directeur de la Commission spéciale. J'ai fait savoir aux autorités iraquiennes qu'il en était ainsi, elles le savent donc. À moins que ses propres plans aient changé, M. Butler devrait arriver le mois prochain à Bagdad et Tariq Aziz m'a dit : «Je l'attends, nous travaillerons avec lui, soyez rassurés». Donc, pas de problème de ce côté-là, M. Butler reste en place.

Question : Doit-il faire rapport par le biais de cette nouvelle commission? (inaudible)

Le Secrétaire général : Je suis très fatigué, j'ai même oublié votre première question.

Est-ce que je peux avoir confiance en lui? Je peux faire du travail avec Saddam Hussein. Il est sérieux, il a entendu nos engagements. Je ne veux pas être aussi pessimiste que certains d'entre vous à cet égard. Je crois donc qu'il était sérieux lorsqu'il s'est engagé. Il comprend ce que cela veut dire pour son peuple. Il comprend que s'il veut voir la lumière au bout du tunnel, l'Iraq doit coopérer et travailler avec la Commission spéciale, laquelle devrait répondre en nature, afin que le processus de désarmement s'accélère et que les résolutions soient mises en oeuvre. Je crois qu'il est sérieux.

Question : En dépit du fait que...? (dans le texte anglais)

Le Secrétaire général : Cela n'entre pas dans le cadre de cette conversation, s'il vous plaît. (dans le texte anglais)

Question : Vous avez un accord maintenant, quand voulez-vous qu'il soit mis en oeuvre?

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Le Secrétaire général : En fait, il s'agit de l'approuver. J'espère que cela sera fait aussi rapidement que possible. Cet après-midi, mon conseiller juridique qui m'a accompagné, va travailler pour cela avec nos autres collègues.

Question : Que pouvez-vous nous dire de la personnalité de Saddam Hussein? Que vous a-t-il demandé en ce qui concerne la levée des sanctions?

Le Secrétaire général : Il est très calme, il ne lève jamais la voix. Il est tout à fait au courant de ce qui se passe. Il sait qu'à l'extérieur de son pays, il est isolé et il fait preuve d'une grande détermination, c'est ce qui m'a beaucoup frappé pendant les négociations. Et c'est d'ailleurs ce qui a permis la réalisation de l'accord.

Il m'a dit que les sanctions faisaient beaucoup de mal à son peuple ...

Question (interprétation de l'anglais): Qu'en est-il des sanctions? Qu'est-ce qu'il vous a demandé à ce sujet?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais): Que les sanctions faisaient du mal à son peuple, et que de leur côté ils ont beaucoup fait. Ils ont, à leur avis, satisfait toutes les conditions, et ils ne savent pas ce qui leur reste encore à prouver. Mais ils voudraient que les sanctions soient levées. Leur peuple souffre, et il espère que la communauté internationale comprendra cela. Et en fait vous avez vu le dernier paragraphe de l'accord, selon lequel je dois attirer l'attention du Conseil sur cette question, ce que j'ai fait.

Question (interprétation de l'anglais): S'agissant précisément de ce que vous venez d'évoquer, le paragraphe 7 — et réellement précédé par le chiffre 6 — premièrement, comment comptez-vous attirer l'attention du Conseil de sécurité sur la question des sanctions? Deuxièmement, au paragraphe 6, vous parlez du paragraphe 22 de la résolution 687 (1991), qui est interprété par certains comme signifiant que l'embargo sur le pétrole sera levé lorsque l'Iraq se conformera aux exigences de l'UNSCOM. Maintenant vous avez été un peu flou à ce sujet en répondant à la question de mon confrère, lorsque vous avez dit, «toutes les résolutions». Pourriez-vous être clair à ce sujet?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais): Laissons les choses être floues pour le moment, et tout deviendra clair, sous peu au fil du temps.

Question (interprétation de l'anglais): Je voulais avoir une clarification sur votre position.

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Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais): Non, j'ai déjà dit clairement que l'Iraq devra scrupuleusement s'acquitter de ses responsabilités avant que les sanctions puissent être levées. Et il le comprend parfaitement. Mais il m'a demandé de faire comprendre au Conseil que son peuple souffre, qu'il souffre depuis très longtemps déjà, et il se demande pour combien de temps encore. Et j'en ai parlé ce matin avec le Conseil.

Question (interprétation de l'anglais): En l'absence d'une résolution du Conseil de sécurité assortie de menaces sur les conséquences d'une violation de cet accord, les États-Unis semblent prêts à faire ce jugement unilatéralement et à entreprendre une action militaire dans le Golfe unilatéralement s'il leur semble que l'accord est violé. Cette situation vous satisfait-elle, ou préféreriez-vous que le Conseil de sécurité examine la question?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais): Je tiens à être clair là-dessus. Mesdames et messieurs, j'ai fait mon travail. Je compte sur le Conseil pour s'acquitter de son devoir, et laisser à César ce qui est à César. Je vous remercie.

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