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SOC/110

COMMISSION DU DEVELOPPEMENT SOCIAL : LE BUDGET LIMITE DU PNUCID PROUVE QUE LA GUERRE CONTRE LA DROGUE N'A PAS ETE VERITABLEMENT DECLAREE

18 février 1998


Communiqué de Presse
SOC/110


COMMISSION DU DEVELOPPEMENT SOCIAL : LE BUDGET LIMITE DU PNUCID PROUVE QUE LA GUERRE CONTRE LA DROGUE N'A PAS ETE VERITABLEMENT DECLAREE

19980218 Le Directeur du Bureau pour le contrôle des drogues et la prévention du crime s'adresse à la Commission

La Commission du développement social a poursuivi ce matin son débat sur le "renforcement de la protection sociale, réduction de la vulnérabilité et amélioration des possibilités d'emploi pour les groupes ayant des besoins particuliers" et sur la "violence, criminalité et problèmes de drogues illicites et de l'abus de drogues en tant que facteur de désintégration sociale", dans le cadre du suivi du Sommet mondial pour le développement social (Copenhague, 1995). Elle a entendu un exposé de M. Arlacchi, Directeur exécutif du Bureau pour le contrôle des drogues et la prévention du crime, qui a été suivi d'un échange de vues avec les délégations. M. Arlacchi a dénoncé l'idée selon laquelle les investissements massifs en matière de lutte contre la drogue n'ont donné aucun résultat probant. Il a rappelé à cet égard, que le budget total du PNUCID ne s'élève qu'à 60 millions de dollars, ce qui montre que la guerre contre la drogue n'a jamais été véritablement déclarée. De nouvelles idées existent comme celle de la réduction simultanée de l'offre et de la demande. Mais il faut donner au PNUCID et aux Nations Unies les moyens de mettre en oeuvre leurs politiques et convaincre les donateurs que cette guerre peut être gagnée, a-t-il déclaré. Tant au cours de l'échange de vue, qu'au cours du débat, plusieurs délégations ont souligné le fardeau que représente l'abus de drogues pour la société, notamment en ce qui concerne les soins de santé et la réhabilitation des toxicomanes, et le lien évident entre la drogue, le crime et la violence. Elles ont dénoncé l'impact de l'abus de drogues sur le tissu social et, notamment sur la cohésion de la famille.

Les représentants des pays suivants ont fait une déclaration au cours du débat : Mexique, Malte, Afrique du Sud, Finlande, Inde, Norvège, Etats-Unis, Canada et Mongolie.

La Commission poursuivra ses travaux cet après-midi à 15 heures.

Débat

M. GUSTAVO ALBIN (Mexique) a déclaré que la production, le trafic et la consommation de drogues affectaient tous les pays indépendamment de leur niveau de développement, ce qui rend indispensable un renforcement de la coopération internationale. La pauvreté, le chômage, la marginalisation qui affectent tous les pays comptent parmi les principales causes du problème des drogues. Il appartient à la Commission d'examiner l'impact social de la toxicomanie et de recommander des mesures de lutte en vue d'éliminer ce fléau, a-t-il déclaré.

La santé et le bien-être des Mexicains, et en particulier des jeunes constitue une priorité du Gouvernement. Des actions tant de prévention que de lutte sont menées dans le cadre du Programme national pour le contrôle des drogues 1995-2000. L'objectif est d'éliminer la consommation, la production, le trafic et la commercialisation des drogues illicites. Le Gouvernement a ainsi entrepris une série d'actions de prévention, de réhabilitation, et de lutte contre les effets du trafic des stupéfiants, comme la violence. Tous les secteurs du Gouvernement fédéral, ainsi que les autorités et communautés locales participent à ces actions. Le Plan national comprend notamment des mesures de sensibilisation du public afin de promouvoir la participation civile et de créer une culture de refus de la drogue. Le Plan national associe la société en ce qui concerne la prévention et la réalisation de projets dans le domaine éducatif. Les actions ainsi entreprises visent à prévenir la demande dans les communautés, faciliter la réinsertion des toxicomanes dans la société, aider leur famille, promouvoir des alternatives de développement économique et social dans les zones à risques. Le rôle de la famille dans la prévention fait l'objet d'une analyse afin de concevoir des politiques en la matière, et réduire la délinquance liée à l'abus de drogues.

Les informations fournies par le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID) montre une augmentation de la consommation de drogues dans le monde entier. Paradoxalement, on dispose de peu d'informations sur les effets sociaux de la consommation de drogues, a poursuivi le représentant. Il faut renforcer les actions gouvernementales et du système des Nations Unies avec pour objectif l'élaboration de programmes plus efficaces permettant d'obtenir de meilleurs résultats. A cet égard, il a souligné l'importance des travaux de la Commission dans le cadre de la préparation de la session extraordinaire de l'Assemblée générale qui sera consacrée à la lutte contre les stupéfiants.

M. ALFRED GRIXTI (Malte) a indiqué qu'au cours de cette année, la société maltaise pour la formation et l'emploi a adopté une déclaration conforme en tout point aux objectifs de l'intégration sociale discutés au sein de la Commission du développement social. Le chômage à Malte est estimé à 5%

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et les jeunes représentent 30% des chômeurs. La Corporation a donc tout mis en oeuvre pour régler cette question. Ainsi 16,5% des personnes qui ont suivi les 550 cours organisés par la Corporation étaient âgés de 16 à 25 ans. Il est heureux de constater que la participation des femmes à ces cours a atteint son plus haut niveau puisqu'elle est maintenant de 48,8%. En outre, 67,7% de ces femmes ont pris des cours d'informatique. Le représentant a également indiqué que son Gouvernement est sur le point d'adopter une loi sur l'égalité des chances et d'accès à toutes les sphères de la société en faveur des personnes handicapées. De son côté, le Parlement a prévu de mettre à jour une loi sur l'emploi pour mieux y intégrer les questions sexospécifiques, d'égalité et celles liées aux parents. Pour promouvoir les chances d'emploi des chômeurs de longue durée âgés de plus de 40 ans qui représentent 30% des chômeurs, le Gouvernement a prévu de prendre des mesures incitatives et de prendre à sa charge 25% du salaire proposé à ces personnes. Parallèlement, la société a notamment initié des cours de commerce et de littérature pour cette catégorie de chômeurs afin d'augmenter leur valeur sur le marché du travail.

Mme SNOWY MOLOSANKWE (Afrique du Sud) a souligné la nécessité de créer une société dans laquelle les vulnérabilités sont comprises, respectées et face auxquelles des actions sont entreprises par la société tout entière. A cet effet, l'Afrique du Sud fournit des services sociaux pour tous, a créé de l'emploi, élaboré des programmes de réduction de la pauvreté, favorisé l'accès à la terre, et fourni de l'eau et les installations sanitaires. Le Gouvernement sud-africain a chargé diverses institutions, comme la Cour constitutionnelle, la Commission des droits de l'homme, la Commission électorale et le Procureur général, de renforcer la démocratie et la culture des droits de l'homme. Des programmes ont été élaborés pour répondre aux besoins croissants des personnes âgées et en particulier des femmes âgées, qui vivent pour la plupart dans les zones rurales. A cet égard, la représentante a évoqué l'impact du Sida sur le bien-être de la population, et en particulier les femmes. On prévoit dans un futur proche que les personnes âgées, qui s'occupent des personnes très âgées, devront aussi s'occuper des orphelins du Sida, a-t-elle indiqué. Le Gouvernement s'efforce actuellement de développer des soins efficaces aux personnes âgées dans le cadre de la famille et des communautés, les estimant préférables à ceux offerts dans les institutions. L'Afrique du Sud a accueilli en octobre dernier la Troisième conférence mondiale de la Fédération internationale sur le vieillissement et travaille actuellement au suivi de cette conférence et à l'élaboration de plans d'actions dans le cadre de la préparation de l'Année internationale des personnes âgées en 1999. Par ailleurs, un Bureau pour la condition de la femme a été créé en 1997 en vue de promouvoir l'égalité entre les sexes. La Commission nationale des jeunes a, pour sa part, pris des mesures importantes en vue de définir une politique qui donnera à tous les jeunes un rôle dans la société. Un bureau chargé des problèmes des personnes handicapées a également été établi, tandis qu'une Commission pour la promotion et la protection des droits des communautés culturelles, religieuses et linguistiques est en train d'être mise en place.

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Le Gouvernement s'efforce en outre de garantir que les personnes dont les droits ont été violés puissent bénéficier d'une réparation et d'une réhabilitation. Des fonds ont ainsi été dégagés en vue d'améliorer la qualité de vie des victimes de violations des droits de l'homme et de leur famille. Un Plan national contre la drogue a, par ailleurs, été mis en place. Ce plan qui fait partie des initiatives plus larges du Gouvernement en vue de la reconstruction et du développement, regroupe les départements gouvernementaux, les ONG et la société civile dans la lutte contre l'abus et le trafic de drogues. Dans le cadre de la lutte contre la criminalité, le Gouvernement a lancé une Stratégie nationale de prévention du crime dont les objectifs sont de renforcer le système de justice pénale, d'encourager et sensibiliser à l'aménagement du territoire comme facteur contribuant à la réduction et la prévention du crime, d'améliorer l'information du public et renforcer la responsabilité des citoyens dans la prévention du crime, et de s'attaquer aux syndicats du crime internationaux et régionaux. Enfin, face à l'augmentation rapide de l'épidémie du Sida, le Gouvernement sud-africain a mis en oeuvre divers programmes de prévention et d'information. L'Afrique du Sud connaît le plus taux le plus élevé d'infections parmi les jeunes femmes âgées de 15 à 25 ans, a-t-elle souligné.

M. REIJO VAARALA (Finlande) a déclaré que la cohésion de la société finlandaise est fondée sur quatres accords sociaux visant à assurer la protection sociale pour tous, l'emploi pour tous, l'intégration des différentes générations dans la société et l'égalité des sexes devant l'emploi. Aujourd'hui, en raison de la dépendance de la Finlande à l'économie mondiale et de la férocité de la concurrence commerciale, la notion traditionnelle du travail semble s'éroder pour céder la place à un marché du travail incertain. L'intégration des générations dans la société qui se faisait par l'octroi de pensions et l'éducation est remplacée par la responsabilité privée et l'assurance privée. L'égalité des sexes devant l'emploi se voit menacée par les changements du marché du travail. Il faut donc constater l'impossibilité de prévenir le risque d'exclusion sociale en protégeant seulement les anciennes structures. Il faut rechercher une nouvelle forme de structure sociale qui rééquilibre la vision de l'avenir dominée aujourd'hui par l'économie. Il est donc devenu nécessaire de créer des accords sociaux au niveau international, de trouver un équilibre entre le marché mondial et la cohésion nationale, de créer une nouvelle société fondée sur les droits des citoyens et le capital social des communautés, d'inclure dans les valeurs sociales le droit des personnes vulnérables à une répartition équitable de la prospérité économique, et de réintégrer les exclus dans la société.

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Mme ROHINI NAYYAR (Inde) a déclaré que l'analyse des groupes d'âges et des groupes sociaux de la vulnérabilité constituait un instrument précieux pour l'élaboration d'actions en faveur des personnes vulnérables. Beaucoup de défis aujourd'hui sont de nature mondiale et les problèmes mondiaux ne peuvent être appréhendés de manière efficace aux niveaux national et local seulement. La représentante a souligné une tendance dans les rapports et les déclarations devant la Commission à minimiser sinon ignorer les problèmes structurels plus larges dont les solutions exigent une approche globale. Selon elle, une composante clé pour réduire la vulnérabilité est la sécurité alimentaire. Dans le contexte indien, une stratégie planifiée est nécessaire pour que les pauvres ne soient victimes des aléas du marché, a-t-elle souligné. Pour les pauvres et les vulnérables, l'accès à l'alimentation est la chose la plus critique. C'est pourquoi, on a introduit en 1997 un prix cible pour les céréales qui sont vendues aux pauvres à la moitié de leur prix.

La représentante a mis en garde contre la tendance à exagérer le rôle des ONG lorsqu'il s'agit de combler les lacunes des gouvernements et nourrir des illusions sur ce que peut faire le secteur privé pour répondre aux besoins sociaux. Dans les zones les plus vulnérables de l'Inde, le rôle des ONG a été négligeable, a-t-elle affirmé. La représentante a appelé au renforcement des institutions démocratiques à tous les niveaux, mais surtout au niveau de base. En dépit du fait que les femmes continuent de représenter le gros des pauvres, les lois ont peu tenu compte des inégalités entre les sexes, a-t-elle déclaré, en soulignant que dans certaines parties du pays les femmes ont peu de moyens juridiques pour faire respecter leur droit à la terre. Des programmes ont été développés dans le cadre d'une stratégie globale d'éradication de la pauvreté, qui invite notamment les gouvernements des différents états indiens à allouer des fonds pour des programmes en faveur des personnes, et notamment des castes désavantagées. La représentante a souligné le fait que la famille reste l'institution principale qui s'occupe des personnes âgées. Face à l'augmentation du sida, un programme national de lutte contre cette épidémie a été lancé en 1992. Le problème de la toxicomanie jouit également d'une grande attention, en particulier en ce qui concerne la prévention.

Mme HILDE CAROLINE SUNDREHAGEN (Norvège) a indiqué que la création d'emplois constitue une composante essentielle des politiques et programmes visant à réaliser l'intégration sociale. La réduction de la vulnérabilité par l'augmentation des chances d'emplois requiert à la fois des réformes politiques et des programmes ciblés. Le Gouvernement norvégien a accordé la priorité aux programmes visant à améliorer l'emploi des jeunes, des chômeurs de longue durée, des immigrés et des réfugiés. En outre, en 1997, un forum national pour l'intégration des personnes dont l'handicap est lié au travail a été tenu avec pour objectif de trouver les voies et moyens de prévenir les risques du travail. Le Gouvernement norvégien s'est en outre engagé à participer à l'élimination du travail des enfants. L'élimination ou la

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réduction du travail des enfants représentent à la fois un objectif de la politique norvégienne d'aide au développement et une obligation découlant des conventions internationales. Le travail des enfants est une question des droits de l'homme mais aussi une question de développement. Partant, traiter de la question ne peut se faire par des décisions politiques ou des législations appropriées seules mais également par la lutte contre la pauvreté et la promotion du changement social.

A cet égard, la Norvège continuera à promouvoir le concept 20/20 et attend avec intérêt la conférence qui doit se tenir sur cette question, au cours de cette année, au Viet Nam. La Norvège souligne également que l'amélioration du secteur de la santé et de l'éducation peut bénéficier au développement économique et à la productivité. Les défis actuels exigent des Nations Unies qu'elles coordonnent efficacement les politiques et activités de leurs différents organes. Il faut, à cette fin, que le Conseil économique et social renforce sa politique et son rôle de coordonnateur, en améliorant en particulier ses relations de travail avec les institutions financières et l'Organisation internationale du commerce.

Déclaration du Directeur exécutif du Bureau pour le contrôle des drogues et la prévention du crime

M. PINO ARLACCHI, Directeur exécutif du Bureau pour le contrôle des drogues et la prévention du crime, a indiqué que le Bureau pour le contrôle des drogues et la prévention du crime était en train de peaufiner une stratégie afin de mieux remplir son mandat dans le cadre de la lutte contre ces deux fléaux. Il a souligné l'ampleur des réseaux criminels, bien financés, bien structurés et plus enclins qu'auparavant à utiliser la violence pour parvenir à leurs fins. Ces organisations constituent les principales forces de déstabilisation des gouvernements, par la corruption et la violence. Les pays en développement et en transition sont les plus vulnérables car leurs institutions encore faibles ne sont pas à même d'apporter une réponse adéquate. M. Arlacchi a estimé que la traite des êtres humains était l'un des problèmes les plus spectaculaires et les plus sous-estimés actuellement, qui touche plus de 200 millions personnes. Ce trafic représenterait une affaire de 6 milliards de dollars par an. Ce problème frappe autant les pays en développement que les pays riches. Le Centre a lancé une enquête majeure pour comprendre la nature de la traite, avec pour objectif de proposer des mesures pour démanteler les réseaux associés à ce trafic. Les terroristes ajustent sans cesse leurs modes d'opération et profitent des lacunes dans les systèmes juridiques et la coopération internationale pour organiser leurs trafics, menaçant ainsi les principes de la démocratie et faisant des gouvernements la proie d'intérêts privés. Ceci est facilité par la vaste disponibilité d'armes qui a contribué, en outre, à l'augmentation des crimes violents, en particulier dans les zones urbaines. Le crime transnational est devenu une force majeure dans la finance internationale, a encore souligné M. Arlacchi.

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Le blanchiment de l'argent est l'une des questions les plus graves à l'ordre du jour de la communauté financière internationale, car il érode les marchés et a un effet négatif sur l'économie. C'est pourquoi, il faut intensifier les efforts pour priver les réseaux criminels de leur base financière, et donc criminaliser les délits liés au blanchiment de l'argent et confisquer cet argent. Cet effort sera appuyé par le Programme mondial contre le blanchiment de l'argent lancé par le PNUCID qui vise à aider les gouvernements à adopter une législation efficace contre ce phénomène et à renforcer les capacités de détection et d'application de la loi. Deux études ont, en outre, été lancées pour attirer l'attention de la session extraordinaire de l'Assemblée générale qui sera consacrée à la lutte contre les stupéfiants, sur des propositions visant à surmonter les obstacles à la coopération dans ce domaine.

M. Arlacchi a indiqué que le PNUCID accorde une grande priorité à l'assistance aux Etats Membres en ce qui concerne l'application des traités internationaux de lutte contre la drogue. La conséquence sociale la plus évidente de la drogue comprend les effets sur la famille, la santé et le crime. Une vie familiale stable, attentive, fournit une protection contre la consommation de drogue, en particulier pour les mineurs. L'abus de drogues est un fardeau pour la société, en matière de soins de santé notamment. Ainsi, près de 22% des personnes ayant contracté le Sida dans le monde sont des toxicomanes. Dans certains pays, la moitié des crimes est directement liée à la drogue. Le trafic de drogue entraîne aussi souvent des conflits entre les différents réseaux qui souhaitent accroître leur marché. Les trafiquants amassent des profits importants qui restent dans les pays consommateurs. La plupart des profits sont, en effet, réinvestis dans les pays industrialisés. Ainsi, on estime que plus de 90% de la valeur ajoutée de la cocaïne et de l'héroïne est générée au stade de la distribution.

Parmi les mesures adoptées pour relever ce défi, M. Arlacchi a cité les programmes visant à créer des alternatives économiques viables. Dans ce domaine, a-t-il souligné, l'ONU a joué un rôle très important. Ainsi, le PNUCID prépare actuellement une stratégie internationale pour éliminer les cultures illicites de pavot et de cocaïne dans les 10 prochaines années. Selon M. Arlacchi, les initiatives dans le domaine des activités de remplacement contribueront également à réduire la pauvreté. Il a expliqué que le PNUCID cherchait à faire participer les gouvernements, les communautés locales et les groupes cibles à ces initiatives afin d'assurer la viabilité des projets. L'engagement des communautés locales est indispensable à cet égard. En poursuivant ces objectifs dans le domaine du contrôle des drogues, le PNUCID cherche également à promouvoir les droits de l'homme, et notamment l'égalité entre les sexes. La coopération avec les autorités locales est en effet conditionnée au respect de ces principes. En ce qui concerne la prévention et la réduction de la demande, le PNUCID se concentre sur la mobilisation de la société civile, a indiqué M. Arlacchi. Pour aider

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les gouvernements à lutter contre le trafic des drogues, le PNUCID a envoyé des experts en Afrique, en Amérique latine et en Asie, qui apportent des conseils et une assistance technique en vue de l'élimination des cultures illicites dans le cadre de 72 projets en cours. Contrairement à la perception générale, la cocaïne et l'héroïne sont des produits qui répondent à la fluctuation des prix, a-t-il indiqué. M. Arlacchi a aussi mis l'accent sur le rôle du PNUCID pour stimuler les partenariats entre les gouvernements dans les régions touchées par le problème des drogues. Un cadre de coopération a été rédigé, notamment en Afrique et dans les Caraïbes.

Soulignant l'importance de la session extraordinaire de l'Assemblée générale qui sera consacrée à la drogue, M. Arlacchi a estimé qu'à cette occasion, la communauté internationale devra prouver sa volonté de mobiliser des ressources pour traduire ses engagements dans la réalité et devra aborder le problème des drogues dans un esprit de responsabilité collective et partagée. La Commission des stupéfiants, organe préparatoire, accomplit des progrès remarquables sur cette question, a-t-il expliqué, en précisant que le travail préparatoire devrait être finalisé lors de sa prochaine réunion à Vienne le mois prochain. Il faut protéger les générations futures. Ce qui est en jeu c'est la santé et la sécurité des individus et des sociétés entières, a conclu M. Arlacchi.

Dialogue entre M. Arlacchi et les délégations

Le représentant du Mexique a souligné combien la session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée aux drogues en juin prochain constitue une occasion unique pour la communauté internationale de fixer les priorités et de montrer sa détermination à honorer ses engagements en la matière. Il a voulu connaître les progrès réalisés par le PNUCID dans le processus préparatoire de cette session. Cette question a également été posée par le représentant de l'Autriche qui a, en outre, souhaité savoir s'il faut envisager une meilleure coopération entre le PNUCID et la Commission du développement social. Quelles sont, a-t-il aussi demandé, les études menées sur la question des jeunes et l'abus des drogues. La représentante de la Jamaïque est, elle, revenue sur la question du blanchiment d'argent de la drogue. Elle a souligné que cette question touche celle des relations privilégiées entre les banquiers et leurs clients donc celle du droit au respect de la vie privée. Comment faut-il concilier ces deux questions ? Elle a en outre voulu savoir comment on peut développer davantage les moyens licites de la production de drogue, qui seraient bénéfiques pour des petits pays comme la Jamaïque. Le représentant des Pays-Bas a voulu connaître les résultats des politiques tendant à réduire l'offre. Quelle est la raison qui sous-tend l'optimisme du PNUCID vis-à-vis de ces politiques et qu'en est-il de la durabilité des cultures alternatives ? Y-a-t-il des objectifs précis du PNUCID dans ce domaine ? En ce qui concerne la réduction de la demande, quel est le rôle du PNUCID ?

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Répondant sur l'état d'avancement des travaux de la session extraordinaire de l'Assemblée générale, M. Arlacchi a souligné que le caractère encourageant des résultats. Des documents ont déjà été transmis aux pays sur les mesures visant à contrer la production et l'abus des amphétamines et de leurs précurseurs; le contrôle et le suivi des ressources dans la production des drogues; la coopération judiciaire; le blanchiment d'argent; les mesures visant à éliminer la culture des drogues et son remplacement par des cultures alternatives; la demande des drogues. La Comité préparatoire s'est également penché sur une déclaration politique et à cet égard, les Etats-Unis, le Mexique et la Fédération de Russie ont proposé un document de travail. Le Président du Comité doit d'ailleurs préparer un projet de texte qui sera discuté au cours de ce mois. Pour ce qui est des propositions visant la réduction de l'offre, il faut garder à l'esprit que toute proposition novatrice doit s'accompagner d'un processus de réduction de la demande. Il faut proposer aux gouvernements le même calendrier que celui concernant la réduction de l'offre. Il faut mettre au point des plans nationaux de réduction de la toxicomanie et de la demande en fonction d'un calendrier précis. Un tel calendrier existe déjà dans différents plans nationaux et si un certain nombre de pays s'engagent à atteindre les objectifs fixés, les propositions visant la réduction de l'offre pourront se révéler efficaces. Une nouvelle ère est née qui est celle de la coopération dans le contrôle et la lutte contre la drogue. Les obstacles du passé sont réduits au minimum, ont voire disparu. Il n'existe plus de conflits entre les pays en développement et les pays développés quant aux stratégies. Le concept de la responsabilité partagée est aujourd'hui admis et le phénomène de la drogue est abordé dans l'optique de la demande et de l'offre. Pour ce qui est du niveau de participation à la session extraordinaire, de nombreux chefs d'Etat et de ministres ont déjà confirmé leur présence.

En ce qui concerne la culture de la jeunesse et l'abus des drogues, force est de souligner la nécessité d'une approche interdisciplinaire. Il faut essayer d'utiliser les résultats des analyses pour élaborer de nouvelles propositions dans le domaine de la réduction de la demande. Il faut savoir que le mandat du PNUCID et des Nations Unies découle des traités qui le limite à la réduction de l'offre. Il faut doter le PNUCID d'un mandat plus exhaustif pour l'habiliter à élaborer un ensemble de nouvelles mesures visant à la réduction de la demande. Le PNUCID pourrait par exemple travailler à la fourniture d'un niveau décent de services en matière de traitements et de réinsertion des toxicomanes. Il faut reconnaître que l'approche ne peut être unilatérale ni réduite à deux ou trois mots clés simples. Trente années d'expérience indiquent qu'aucune solution simple n'existe.

Pour ce qui est des travaux scientifiques visant à trouver une utilisation légale aux drogues, le problème est de savoir si les politiques doivent consister à éliminer les drogues ou à vivre avec elles. Tout dépend de l'objectif que la communauté internationale s'assigne. De l'avis du PNUCID, il faut éliminer les drogues et non coexister avec elles.

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S'agissant de la question du blanchiment d'argent, il faut reconnaître que toute législation de lutte contre ce phénomène dépend de la qualité de l'ensemble du système judiciaire. L'engagement des pays en la matière a introduit la criminalisation du blanchiment d'argent dans le code pénal et l'adoption de mesures pour maîtriser les flux financiers. Si cette question touche le respect de la vie privée, cela n'est pas dû à la législation tant il est vrai que toute législation peut avoir des conséquences négatives sur la vie privée si le système judiciaire lui-même ne garantit pas le respect des droits de l'homme et des principes de la démocratie.

Poursuivant, M. Arlacchi a souligné que l'action contre la production et la consommation de la drogue s'inspire de la Charte des Nations Unies et des dispositions des traités internationaux. Si de nombreux pays ont eu des lois sévères concernant la possession de stupéfiants, on assiste aujourd'hui à une situation qui tend à distinguer les toxicomanes et les trafiquants de drogues. Les pays évoluent et tendent de plus en plus à reconnaître aux toxicomanes un statut de victimes. Le problème est de convaincre l'opinion publique de l'efficacité de la lutte contre la drogue. L'optimisme est de mise et il se fonde sur l'expérience et la compétence acquises aux cours des années. Lorsque les pays investissent les ressources adéquates dans la lutte contre la toxicomanie, les résultats ne tardent pas à venir. On constate aujourd'hui dans la plupart des pays européens une stagnation des chiffres. De nouvelles idées existent comme la réduction simultanée de l'offre et de la demande. Les résultats des programmes d'éducation et de prévention peuvent prendre du temps mais il existe des compilations des meilleures pratiques que le PNUCID entend mettre en oeuvre sur deux continents et dans 25 pays. Il faut convaincre les pays donateurs qu'il importe d'investir davantage dans ce domaine et combattre l'idée selon laquelle des investissements massifs dans ce domaine n'ont donné que des résultats décevants. Le budget du PNUCID n'est que de 60 millions de dollars, ce qui montre que la guerre contre la drogue n'a jamais été vraiment déclarée. Il faut espérer que la session extraordinaire lancera effectivement cette guerre contre la drogue.

Suite du débat

Mme BETTY KING (Etats-Unis) a souligné le lien évident entre la violence, le crime et l'abus des drogues et l'impact négatif qui en résulte sur les sociétés. L'industrie illicite de la drogue pose l'une des menaces majeures à la stabilité et au bien-être social dans de nombreux pays, dont les Etats-Unis. Elle a mis l'accent sur les coûts humains importants qui en découlent, en particulier dans le domaine de la santé, avec l'épidémie du sida. Les jeunes sont les plus vulnérables à la drogue, avec pour conséquence une perte en potentiel humain. L'impact des drogues va au-delà de la toxicomanie. Il porte préjudice au tissu social en sapant la cohésion familiale et en affectant la vie des enfants et des jeunes. Les coûts

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financiers sont également énormes, en termes de perte de productivité, de soins médicaux, de réhabilitation des toxicomanes, de programmes sociaux. A cela s'ajoutent les coûts du crime dans le système judiciaire, l'application de la loi et les prisons. La toxicomanie entraîne également des comportements anti-sociaux et un non respect de la loi. En réalité, il y a un lien évident entre les drogues et le crime et la violence. Un nombre disproportionné de crimes sont commis par des individus sous l'influence de la drogue. La consommation de drogues ainsi que les marchés de la drogue peuvent, en outre, attirer d'autres crimes sérieux dans un quartier donné et se révéler dévastateurs pour les communautés. Selon une étude de l'Institut national américain de la justice en 1996, plus de 60% des hommes arrêtés pour crime étaient sous l'influence d'une drogue. Environ 60% des prisonniers fédéraux sont, en outre, incarcérés pour des crimes liés à la drogue.

Les Etats-Unis sont pleinement engagés à lutter contre le problème de la drogue, et à accorder des ressources financières nationales et internationales pour répondre à la menace que constituent les drogues pour les sociétés, ainsi qu'à travailler avec les partenaires internationaux pour mettre fin au trafic de drogues. La stratégie nationale de contrôle des drogues a pour objectifs d'éduquer la jeunesse dans le refus des drogues illicites, de l'alcool et du tabac, de renforcer la sécurité des citoyens en réduisant le crime et la violence liés à la drogue, réduire les coûts de la toxicomanie dans les secteurs de la santé et social, protéger les frontières aériennes, terrestres et maritimes de la menace des drogues, et éliminer les sources d'approvisionnement étrangères et domestiques. Les coûts de la toxicomanie, du crime et de la violence sont trop élevés. C'est pourquoi il faut faire tout ce qui est en notre pouvoir pour contrer leur impact sur nos sociétés, nos communautés et, en particulier, notre jeunesse. La session extraordinaire de l'Assemblée générale qui sera consacrée à la lutte contre la drogue offrira à cet égard une occasion de renouveler nos engagements en vue de renverser la tendance et de renforcer la coopération internationale dans ce domaine, a-t-elle déclaré.

Mme LOUISE GALLARNEAU (Canada) a déclaré que le gouvernement du Canada se préoccupe au plus haut niveau de la situation des familles à faible revenu avec enfants, et a décidé, avec les gouvernements provinciaux, de faire de la lutte contre la pauvreté chez les enfants sa première priorité. La Stratégie emploi jeunesse du Canada, lancée en février 1997, étend les programmes qui donnent aux jeunes une expérience de travail concrète et ouvre l'accès à l'information pour les aider à prendre des décisions pour leur instruction, leur formation et leur carrière. Concernant les personnes handicapées qui se voient refuser la possibilité de participer pleinement à la vie économique et sociale, le Canada est décidé à résoudre les problèmes qui se posent à elles. Il a ainsi lancé en mai 1997 un fonds de participation, qui assurera un financement de 90 millions de dollars sur trois ans à l'appui d'approches innovatrices d'intégration en milieu de travail des personnes handicapées.

- 12- SOC/110 18 fvrier 1998

Pour répondre aux problèmes que rencontrent ses populations autochtones, le gouvernement canadien a lancé le 7 janvier un plan d'action pour les questions autochtones. Ce plan, qui constitue un renouvellement de la relation avec ces populations, est fondé sur la reconnaissance des erreurs et des injustices du passé, l'amorce de la réconciliation, et l'élaboration d'un plan commun pour l'avenir. L'objectif est de travailler en étroite collaboration avec les autochtones et d'autres partenaires, sur plusieurs questions visant à offrir les outils nécessaires à l'acquisition des moyens et la capacité d'effectuer un changement social. Soucieux de la place et du rôle social des femmes, le Canada, a dit Mme Gallarneau, a produit un plan fédéral pour l'égalité des sexes qui comprend un nouveau régime assurance-emploi. Ce régime avantage les femmes de plusieurs façons, en faisant notamment que les prestations d'emploi actives aident les femmes à trouver du travail, et que les deux tiers des prestations du Supplément au revenu familial leur soient versés.

Mme OCHIR ENKHTSETSEG (Mongolie) a souligné que les réformes économiques entreprises depuis sept ans dans son pays ont conduit à une hausse du chômage, une détérioration des services sociaux, un accroissement sans précédent de la pauvreté, un déclin des services de santé et d'éducation et à une augmentation de la criminalité. C'est la raison pour laquelle, le Gouvernement a lancé dès 1994, un programmen national multisectoriel de six ans visant la mobilisation de ressources nationales et extérieures pour réduire la pauvreté de 10% d'ici l'an 2000. Parallèlement un fonds a été établi pour octroyer des ressources aux gouvernements locaux et leur permettre ainsi de financer des projets de lutte contre la pauvreté. Ces projets visent à réduire les taux d'abandons scolaires; améliorer les services communautaires; créer des emplois publics et des emplois productifs; aider les personnes handicapées; encourager la culture de légumes dans les milieux ruraux; créer des écoles maternelles; et en collaboration avec le PNUD, octroyer des crédits aux personnes vulnérables. Un autre fonds, le fonds pour le développement des femmes, a été établi pour éliminer les barrières à leur pleine participation à la société. La création de deux fonds pour la création d'emplois productifs et l'assistance sociale est à l'étude en ce moment par le Gouvernement, en collaboration avec la Banque asiatique de développement. Parallèlement à toutes ces mesures, des programmes en faveur des jeunes et des personnes handicapées sont à l'étude et une réunion d'examen des questions de la jeunesse est prévue en mars 1998 pour examiner un projet de programme pour la jeunesse d'ici l'an 2005 ainsi qu'une loi sur les jeunes.

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