SOC/104

COMMISSION DU DEVELOPPEMENT SOCIAL : LES DELEGATIONS DEMANDENT QUE LES TRAVAUX SOIENT ORIENTES VERS L'ACTION

11 février 1998


Communiqué de Presse
SOC/104


COMMISSION DU DEVELOPPEMENT SOCIAL : LES DELEGATIONS DEMANDENT QUE LES TRAVAUX SOIENT ORIENTES VERS L'ACTION

19980211 La Commission du développement social a poursuivi cet après-midi son débat général sur le thème prioritaire de la promotion de l'intégration sociale et de la participation de l'ensemble de la population, y compris les groupes et personnes désavantagés et vulnérables, dans le cadre du suivi du Sommet mondial pour le développement social (Copenhague 1995). Plusieurs délégations ont souligné l'importance d'orienter les travaux de la Commission vers l'action. Elles soulignent l'importance de la participation de la société civile pour lutter contre la pauvreté, l'exclusion et promouvoir la justice sociale.

La Commission a entendu les représentants du Canada, El Salvador et de la République de Corée; le représentant de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes s'est également exprimé; et les représentants des ONG suivantes : Fondation pour les droits de la famille (PRODEFA), Fédération internationale des centres sociaux et communautaires, Organisation contre la faim et pour l'élimination de la pauvreté (MANI TESE).

La Commission a, par ailleurs, décidé de confier les fonctions de Rapporteur à un de ses Vice-Présidents, M. Mathe Matthews Diseko (Afrique du Sud).

La Commission poursuivra son débat général demain jeudi 12 février à 10 heures. Elle devrait en outre entendre les exposés spéciaux des Philippines, du Pakistan et de l'Egypte.

Débat

M. RICARDO CASTANEDA CORNEJO (El Salvador) a déclaré que les politiques et programmes gouvernementaux sont menés dans le cadre de l'Alliance centraméricaine pour le développement durable. Ce cadre permet de mettre en oeuvre une stratégie conforme aux réalités de la région et d'intégrer les aspects politiques, économiques, culturels et environnementaux du développement durable. La stratégie adoptée ne considère pas la personne humaine comme un élément passif et seulement bénéficiaire des acquis sociaux mais l'acteur principal du développement. Dans ce contexte, des mécanismes sont créés pour donner aux citoyens la possibilité de contribuer aux progrès. En El Salvador, des mécanismes comme le Conseil national pour le développement durable encourage le dialogue et la participation de tous les acteurs de la société. Le Conseil est par exemple à l'origine de mécanismes favorisant l'accès des citoyens aux informations considérées comme fondamentales pour l'intégration des différentes couches sociales. L'éducation étant considérée comme le fondement de l'intégration, le Gouvernement a tout mis en oeuvre pour toucher toutes les couches de la société, y compris les plus marginalisées. La réalisation du développement durable avec la participation du citoyen sous-tend également toutes les politiques au niveau local. Grâce à ce principe, l'on constate que 75% des projets de développement local ont été développés par les organisations communautaires elles-mêmes alors que seulement 18% des projets émanent du gouvernement central et des institutions autonomes. 178 millions de dollars, soit 1,5% du produit intérieur brut (PIB) annuel a été investi dans les secteurs sociaux.

Revenant à la question de l'éducation, le représentant a attiré l'attention sur le programme "EDUCO-éducation avec la participation des communautés" qui constitue un premier effort tendant à fournir des services éducatifs de manière décentralisée. Ce programme a déjà profité à 168 928 enfants et est prévu qu'il touche en 1998, 600 000 enfants, dans 3500 écoles de 262 municipalités. Dans le domaine de la santé et de l'alimentation, le développement des programmes vise la diminution de la vulnérabilité à l'environnement et l'amélioration de la protection sociale. La priorité est accordée aux programmes de santé communautaires.

M. REMY BEAULIEU (Canada) a déclaré que la Commission avait un rôle essentiel à jouer dans le suivi des engagements pris lors du Sommet mondial pour le développement social en 1995. Pour relever ce défi, la Commission doit se centrer sur un programme de travail bien défini, orienté vers l'action et prospectif. Ceci est essentiel, car à certains moments, la Commission a semblé tellement préoccupée à négocier des textes agréés, réduits au plus simple dénominateur commun, que nos conclusions n'ont pas entièrement reflété les échanges de vues novateurs et prospectifs qui avaient eu lieu, a-t-il déclaré. La Commission s'est, en outre, penchée sur des questions qui,

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bien qu'importantes aux yeux de nombreux pays membres, avaient leur place ailleurs dans le système des Nations Unies. C'est pourquoi, la qualité de nos délibérations et de nos conclusions cette année pourrait constituer un élément déterminant des perspectives futures de la Commission du développement social, a souligné le représentant.

Avec l'avènement de la mondialisation, nous avons aussi vu l'avènement d'une nouvelle manière de penser, d'une nouvelle philosophie, sur les principaux facteurs qui déterminent le développement durable. On reconnaît aujourd'hui que la participation et la justice sociale constituent un moyen essentiel pour renforcer le développement. Ceci fut certainement une leçon cruciale en ce qui concerne le développement du Canada, pays bilingue et multiculturel qui a appris à surmonter ses différences et sa diversité et à en faire une force. Ainsi, le Canada s'est engagé à promouvoir le développement des langues des communautés minoritaires du pays. Pendant plus de 25 ans, le Gouvernement a mis en place une Politique et un Programme de pluriculturalisme basé sur le concept de l'identité, la participation civique et la justice sociale. Pour atteindre ces objectifs, le Gouvernement appuye des activités en faveur du développement des communautés, l'éducation publique, le développement institutionnel et la recherche. Au Canada, le développement participatif constitue un élément important de la stratégie d'aide au développement. La participation n'est pas seulement un moyen de parvenir à un développement durable plus équitable, elle est également un objectif et un droit fondamental. Le représentant a notamment souligné l'importance de la participation de la société civile. Chaque individu a un rôle actif à jouer dans la création d'une société inclusive fondée sur le respect des droits de l'homme, a-t-il dit. Pour réduire la vulnérabilité, il faut améliorer l'accès à l'emploi et aux revenus et tenir compte des besoins essentiels des groupes vulnérables. Quelques mois après le Sommet de Copenhague, le Canada a adopté une nouvelle Politique pour la réduction de la vulnérabilité qui donne la priorité à la satisfaction des besoins essentiels de chacun.

Le représentant a appuyé l'approche proposée par le Secrétaire général consistant à procéder à une évaluation des projets et programmes de développement. Toutefois, a-t-il poursuivi, il faut se baser sur le travail et les études existants sur le sujet, ainsi que sur les ressources existantes des agences spécialisées de l'ONU. Une attention particulière devrait, en outre, être accordée à d'autres aspects des processus de développement comme les approches participatives. Le Canada appuye fermement l'inclusion des différents niveaux de gouvernement, du secteur privé et des organisations bénévoles pour assurer un suivi efficace au Sommet de Copenhague. Les efforts déployés par le Secrétariat et les agences spécialisées devraient également être combinés afin d'améliorer le travail de suivi des Nations Unies. Le Canada souhaite une révision en profondeur de cette coordination pendant la session spéciale du Conseil économique et social en mai. Le représentant a annoncé le lancement d'un site sur le développement social sur le réseau Internet le 12 février prochain.

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M. CHO CHANG BEOM (République de Corée) a déclaré que si l'éducation constitue le moyen le plus efficace d'atténuer les clivages sociaux, elle ne saurait suffire à une véritable intégration des personnes handicapées. Il faut offrir à ces dernières plus d'opportunités d'emplois et, dans ce contexte, il revient aux gouvernements de prendre les mesures appropriées pour inciter les employeurs à recruter des personnes issues des groupes vulnérables. L'accès à l'information représente également un moteur de l'intégration et de la participation sociales; les gouvernements devraient s'assurer que les personnes vulnérables puissent faire entendre leur voix. La prolifération de la corruption minant l'égalité des chances à tous les niveaux et les fondements moraux et éthiques d'une société, la lutte contre la corruption compte tenu de la mondialisation, mérite plus que les efforts nationaux compte tenu de la mondialisation.

En matière de politique de développement social, la République de Corée a étendu dès 1995, l'accès au système de pension pour inclure plus de 2 millions de pêcheurs et de fermiers. Ce système devrait bientôt bénéficier aux travailleurs indépendants des milieux urbains. En ce qui concerne les personnes âgées, le Gouvernement a décidé d'accorder une pension à celles qui entrent dans la catégorie des bas revenus. Pour ce qui est des handicapés, le gouvernement a augmenté de 40% le budget destiné aux programmes en leur faveur et a déployé des efforts similaires pour les femmes en lançant en 1995, un plan triennal visant à créer des crèches dans tout le pays.

La République de Corée traverse actuellement une période difficile de restructuration économique visant à surmonter une crise financière sans précédent. En dépit de ces difficultés, le gouvernement met tout en oeuvre pour renforcer sa politique sociale et son système d'allocation chômage aux groupes vulnérables, les ressources financières allouées à cet effet en 1998 devant augmentées de 10% par rapport à 1997. Depuis les dernières élections, la République de Corée vit, pour la première fois, avec l'arrivée au pouvoir d'un parti d'opposition, l'expérience de l'alternance politique. Cet événement contribuera à éliminer la plupart des divisions régionales qui caractérisent le passé coréen et à promouvoir une plus grande unité sociale. Une Commission tripartite représentant le gouvernement, le monde du travail et le monde des affaires a en outre été créée pour tenter de surmonter ensemble la crise économique.

M. JOHN DURSTON, Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (ECLAC), a souligné l'importance du "capital social" dans la promotion de la participation et le renforcement des capacités. Le capital social --c'est-à-dire les institutions formelles et informelles au sein desquelles les communautés et les groupes discutent, prennent des décisions et agissent collectivement sur les questions politiques et économiques d'intérêt commun-- constitue une condition élémentaire pour le renforcement des

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capacités et la protection du droit à la participation. Ces institutions sont un "capital" dans le sens où elles constituent des ressources précieuses appartenant à tous les membres du groupe social, qui servent à renforcer le pouvoir de participation à la société civile et à améliorer leur production économique, a expliqué le représentant. Il a indiqué que la Division du développement social de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes, utilisait ce concept en tant qu'instrument permettant de comprendre comment la participation des bénéficiaires dans les programmes sociaux contribue à rationaliser les politiques sociale et à les rendre plus efficaces. Le retrait de l'Etat de certains services pour des raisons d'efficacité ne signifie pas que le vide doit nécessairement être rempli exclusivement par des entreprises privées tournées vers le profit. Les organisations et les institutions des bénéficiaires potentiels peuvent en effet assumer elles-mêmes de nombreuses fonctions, pour autant qu'elles reçoivent les ressources publiques adéquates.

Très peu de groupes sont totalement exclus de la participation en Amérique latine aujourd'hui, mais un grand nombre n'exerce seulement qu'une participation de "faible intensité" et de "faible qualité", a affirmé le représentant. Toutefois, le fait que le manque de participation caractérise des groupes et des secteurs spécifiques et facilement identifiables, permet de cibler les mesures de promotion. Les activités des institutions doivent être intensifiées et le réseau d'institutions sociales doit être renforcé au niveau micro-régional afin de réaliser la synergie nécessaire pour changer les processus de prise de décisions dans le domaine social. En réalité, étant donné que la plupart des groupes exclus ont des formes traditionnelles de capital social fondées sur la famille et la communauté, il s'agit plus souvent de reconstruire que de construire le capital social, a expliqué le représentant. Il a ensuite cité trois exemples de création de capital social en Amérique latine qui ont facilité une plus grande participation des secteurs exclus et amélioré le bien-être en général : l'exercice budgétaire municipal participatif, dans les grandes zones urbaines, qui permet au public de débattre des budgets, depuis les propositions budgétaires jusqu'à leur approbation et l'évaluation des résultats; la participation communautaire dans la gestion des écoles, qui inclut les enseignants, les parents et même les élèves du secondaire dans les décisions concernant la nomination des directeurs d'école et les projets généraux d'éducation; et le contrôle par la communauté des services extérieurs dans les programmes de lutte contre la pauvreté. Dans tous ces cas, la construction et la reconstruction du capital social a été un élément essentiel dans le renforcement des capacités. Si les programmes et les projets en faveur des exclus accordent une attention adéquate au renforcement du capital social des pauvres, le niveau et la qualité de leur participation dans les domaines politique et économique pourra se développer de manière telle à être durable dans le futur, a-t-il déclaré.

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Mme SANTA OLALLA, Fondation pour les droits de la famille (PRODEFA), a regretté que depuis la Conférence internationale sur les droits de la famille tenue dans le cadre de l'Assemblée générale en 1994, aucune des propositions avancées n'ait été traduite en actions concrètes ou en plan d'action. Elle a attiré l'attention de la Commission sur un livre publié par son organisation, en collaboration, avec le Ministère du travail et des affaires sociales de l'Espagne intitulé : "La Famille et les droits de l'homme" qui est une compilation de certains extraits des instruments internationaux de l'ONU sur la famille de 1948 à 1996.

Mme LUBIN, représentante de la Fédération internationale des centres sociaux et communautaires, a expliqué que cette organisation à but non lucratif fonctionnait avec des organisations de service social opérant aux niveaux local, national et international. La Fédération participe donc à des mécanismes qui permettent d'alléger la pauvreté. Elle a déploré le fait qu'aucune disposition n'ait été prise pour que les gouvernements tiennent compte des observations des organisations non gouvernementales dans les diverses étapes du suivi du Sommet de Copenhague. Elle a souhaité que les gouvernements incluent les observations des ONG dans leurs prochains rapports sur le suivi du Sommet social.

La représentante a préconisé la mise en place de mécanismes permettant aux particuliers et aux familles de faire connaître leurs points de vues. Ces mécanismes ne doivent pas seulement être mis en place par les gouvernements, mais ils peuvent aussi faire l'objet d'un partenariat tripartite, a-t-elle suggéré, en souhaitant que de tels mécanismes soient trouvés et développés à tous les niveaux. La représentante a appuyé l'appel à une évaluation des projets de développement social, tout en déplorant le fait que des indicateurs sociaux n'aient pas été développés.

Mme MARINA PONTI, MANI TESE - Organisation contre la faim et pour l'élimination de la pauvreté, a dénoncé le fossé grandissant entre l'optimisme des milieux économiques et la réalité quotidienne des populations. Il existe aujourd'hui un groupe de spéculateurs qui gagnent des millions de dollars en achetant et en vendant des marchandises qui ne seront jamais livrées. Les marchés mondiaux des capitaux, des biens et des services se confondent de plus en plus alors que les nouvelles technologies remplacent le travail de l'homme à une vitesse alarmante. La croissance économique ne se mesure plus qu'à l'aune de l'argent laissant des millions de travailleurs sans emploi. La pauvreté et l'exclusion sociales peuvent être évitées. Elle sont le fruit de facteurs connus de tous dont les effets peuvent être examinés par des forums internationaux comme l'Assemblée générale et ses organes subsidiaires. La question est de savoir pourquoi les gouvernements n'interviennent pas pour contrôler les conséquences néfastes de la libéralisation des marchés financiers. Dans cette période de "réforme", pourquoi l'ONU n'inscrit pas cette question essentielle à l'ordre du segment de haut niveau du Conseil économique et social.

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Mme VIRGINIA THOMAS, parlant au nom des ONG du Caucus des femmes, a invité la Commission et les Nations Unies à se pencher sur la situation de la population en Iraq. Elle a affirmé qu'il n'y avait aujourd'hui pas de groupe plus vulnérable que les enfants et les femmes d'Iraq. Depuis la guerre du Golfe, près d'un million d'Iraquiens sont morts à cause des sanctions imposées au pays. La représentante a demandé que l'on suspende la ruée vers la guerre pour que les médecins puissent se rendre sur place, apporter des soins, évaluer la situation et en faire part à la communauté internationale.

Documentation

Au titre des points examinés par la Commission, le Secrétaire général a reçu une Déclaration présentée par 33 organisations non gouvernementales dotées du statut consultatif auprès du Conseil économique et social et distribuée sous la cote E/CN.5/1998/NGO/9, ainsi qu'une série d'exposés présentés par les ONG suivantes, également dotée du statut consultatif général ou spécial auprès du Conseil économique et social : Fédération internationale de la vieillesse (E/CN.5/1998/NGO/1); American Association of Retired Persons (AARP) (E/CN.5/1998/NGO/2); Fédération internationale des centres sociaux et communautaires (E/CN.5/1998/NGO/3); "New Humanity" (E/CN.5/1998/NGO/4); World Information Transfer, Inc. (E/CN.5/1998/NGO/5); Fondation pour les droits de la famille (PRODEFA) (E/CN.5/1988/NGO/6/Rev.1); Mouvement international ATD Quart Monde (E/CN.5/1998/NGO/7); Communauté internationale bahaïe (E/CN.5/1998/NGO/8); Information Habitat : Where Information Lives (E/CN.5/1998/NGO/10).

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